CA Bordeaux, 1re ch., 13 juin 1988, n° 5109-87
BORDEAUX
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ricard (Sté)
Défendeur :
Chapuzet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bouscharain (faisant fonction)
Conseillers :
M. Braud, Mme Ellies Thoumieux
Avocats :
Mes Perrin, Salviat.
Vu le contredit formé par la Société Ricard contre le jugement rendu le 27 octobre 1987 par le Tribunal d'Instance de Périgueux,
Vu le mémoire complémentaire au contredit déposé pour la Société Ricard, le 9 novembre 1987, ensemble les conclusions déposées le 27 mai 1988 pour cette société,
Vu les conclusions déposées le 18 avril 1988 pour M. André Chapuzet,
Vu les convocations adressées aux parties.
Ne parvenant pas à obtenir paiement de marchandises par elle livrées au débit de boissons " Café Tabac Chapuzet " à Biras, les 9 août et 9 septembre 1983, la Société Ricard, se fondant sur les dispositions de l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 a, par acte du 9 janvier 1987, assigné M. André Chapuzet, pris en qualité de bailleur du fonds de commerce en cause, en paiement de la somme de 3.649,69 F, des intérêts de cette somme depuis le 22 octobre 1986, de la somme de 1.000 F pour résistance abusive et de celle de 1.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par le jugement attaqué, le Tribunal d'Instance de Périgueux, accueillant l'exception d'incompétence soulevée par M. Chapuzet, s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Commerce de Périgueux.
La Société Ricard a formé contredit à cette décision, dans des conditions de recevabilité qui ne suscitent aucune critique.
Elle fait valoir qu'ayant contracté avec le gérant du fonds de commerce, il n'y a pas eu d'actes de commerce entre elle-même et M. Chapuzet, bailleur du fonds. Elle ajoute que M. Chapuzet n'a pas la qualité de commerçant tant par référence aux dispositions de l'article 41 du décret du 23 mars 1967 que par référence à celles de l'article 3 du décret du 14 mars 1986. Elle estime que la juridiction civile est compétente.
Elle prie en outre la Cour d'évoquer le fond du litige et de condamner M. Chapuzet à lui payer la somme de 3.649,69 F et ses intérêts à compter de la mise en demeure, une indemnité de 1.000 F outre 2.500 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M. Chapuzet objecte que le litige est relatif au règlement de marchandises achetées en vue de leur revente de manière habituelle, opération caractérisant l'acte de commerce. Il ajoute que le paiement avait été fait par lettres de change qui sont des actes de commerce par nature. Il sollicite le débouté de la Société Ricard.
Sur quoi,
Attendu que selon l'article 631 du Code de commerce, les Tribunaux de Commerce connaissent des contestations relatives aux actes de commerce entre toutes personnes; que, selon l'article 632 du même Code, est réputé acte de commerce tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre;
Attendu que l'article 8 de la loi n° 56-277 du 20 mars 1956 rend sous certaines conditions le loueur du fonds de commerce responsable solidaire avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci à l'occasion de l'exploitation du fonds; que la mise en jeu de cette solidarité, qui est imposé au bailleur par l'effet de la loi, n'intervient qu'autant qu'un litige existe dans le recouvrement d'une dette contractée par le locataire-gérant à l'occasion de l'exploitation du fonds ; que la compétence doit donc être déterminée au regard de la nature civile ou commerciale de la créance à propos de laquelle la contestation est élevée;
Attendu en l'espècequ'il est constant que la créance dont le montant est recouvré par la Société Ricard résulte de la livraison de spiritueuxfaite par elle à M. Dru, débitant de boissons, locataire-gérant du fonds de commerce appartenant à M. Chapuzet, spiritueux dont il n'est pas contesté que M. Dru les achetait en vue de leur revente; que la créance prétendue, à la supposer fondée, résulte d'un achat de biens meubles en vue de leur revente, donc d'un acte de commerce; que l'examen de la contestation relative à un acte de commerce, entre toutes personnes, ressortit à la compétence du Tribunal de Commerce;
Attendu en conséquence que c'est à bon droit que le premier juge s'est estimé incompétent au profit du Tribunal de Commerce de Périgueux ; que la Société Ricard sera déboutée du contredit et en supportera les frais.
Par ces motifs : LA COUR, Déboute la Société Ricard du contredit par elle formé contre le jugement rendu le 27 octobre 1987 par le Tribunal d'Instance de Périgueux, La condamne aux frais afférents au contredit.