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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 8 février 1990, n° 87-020346

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Joha Essenzen Certriebsgesellschaft (GmbH), Mohr (ès qual.)

Défendeur :

Paco Rabanne Parfums (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnefont

Conseillers :

MM. Gouge, Audouard

Avoués :

Me Valdelievre, SCP Fanet

Avocats :

Mes Delgrange, Cohen.

T. com. Paris, 8e ch., du 3 juin 1987

3 juin 1987

LA COUR,

M. Teufert et la société Paco Rabanne Parfums (PRP) sont en rapports d'affaires depuis 1969 pour la distribution exclusive en Allemagne des parfums PRP Le 22 juillet 1977 ils ont passé un contrat de distribution exclusive qui faisait suite au contrat du 15 avril 1969 renouvelé le 23 avril 1974. Selon ce contrat dont le terme était le 31 décembre 1982, la durée pouvait faire l'objet d'une prorogation " automatique " pour cinq ans après fixation d'un chiffre d'affaires minimum pour les cinq années à venir. Les parties pouvaient y mettre fin en cas de non-respect de certaines clauses, avec un préavis de six mois avant l'expiration de la période en cours. PRP se réservait d'autre part la faculté de résilier dans les trois mois suivant l'expiration de l'année pendant laquelle le chiffre d'affaires (achats) aurait été inférieur à l'objectif stipulé (un million de DM d'achats pour 1978, un million huit vent mille DM pour 1982), la dénonciation devenant effective trois mois après la notification. Le concessionnaire s'engageait dès réception de la lettre de dénonciation à cesser toute activité sauf accord écrit, à mettre le stock à la disposition de PRP qui avait le droit de l'acheter ou le faire acheter selon certaines modalités. Le concessionnaire s'engageait à respecter la politique de vente de PRP et à n'approvisionner que des détaillants de premier ordre dont le nombre devait être étudié avec PRP et dont la liste devait être fournie à PRP. La vente aux grossistes était interdite. Un état mensuel détaillé des ventes devait être adressé à PRP Le concession aire s'obligeait à fournir tous renseignements permettant de contrôler que la politique de vente était rigoureusement suivie. Le budget de publicité, compris dans la marge du concessionnaire était fixé à 15 % minimum du montant net du chiffre d'affaires de gros. PRP fournissait, à titre gratuit, dans la limite de 10 % des achats facturés, le matériel publicitaire de vitrine et de démonstration. Le concessionnaire devait adresser à PRP des états, avec ventilation des dépenses publicitaires et des copies des supports utilisés.

Par un avenant du 22 juillet 1977 l'article 4-1 de ce contrat a été considéré comme nul par les parties en application de l'article 85 du Traité de Rome. Un second avenant du 2 décembre 1981 a renouvelé le contrat par anticipation pour la période du 1er novembre 1981 au 31 décembre 1986 et substitué la société WP Teufert GmbH à M. Teufert.

Le montant minimum des ventes en gros a été fixé à 6 600 000 DM pour 1982, 7 300 000 DM pour 1983, 7 950 000 DM pour 1984, 8 500 000 DM pour 1985, 9 100 000 DM pour 1986. Il a été indiqué que le contrat était soumis exclusivement au droit français, et que le Tribunal de Commerce de Paris était seul compétent. Les autres clauses du contrat de 1977, demeuraient inchangées. La dénomination sociale de WP Teufert GmbH est devenue Joha Essenzen en cours de procédure.

PRP a résilié le contrat, le 18 janvier 1985, et elle a attrait Teufert GmbH et M. Teufert devant le Tribunal de Commerce de Paris afin d'obtenir le paiement de diverses sommes et indemnités. Par son jugement du 3 juin 1987 qui a exposé les faits, moyens et prétentions des parties antérieurs, la 8e Chambre de ce Tribunal s'est déclarée incompétente en ce qui concerne M. Teufert, elle a donné à PRP les actes requis et elle a condamné WP Teufert GmbH à payer à PRP :

- 276 737 DM et 83 pfennigs ou leur contre-valeur en F français au jour du paiement et les intérêts de cette somme au taux légal à compter des échéances non respectées et ce contre remise des lettres de change acceptées,

- la somme de 2 435 152,39 F avec intérêts légaux à compter du 28 février 1986,

- la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- les dépens sauf ceux afférents à M. Teufert.

PRP était condamnée à payer à M. Teufert la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les dépens le concernant.

PRP était déboutée pour le surplus et WP Teufert GmbH était déboutée de ses prétentions reconventionnelles.

Joha Essenzen (nouvelle dénomination de WP Teufert) a relevé appel par déclaration du 20 octobre 1987 et saisi la cour, le 21 décembre 1987. Une demande incidente de communication de pièces formée par Joha Essenzen a été rejetée le 9 juin 1988 par le Conseiller de la mise en état.

PRP a banalement conclu à l'irrecevabilité ou au mal fondé de l'appel.

Joha Essenzen a alors conclu à la recevabilité de son appel, à la nullité des clauses imposant des minima et autorisant la reprise du stock, subsidiairement à la non application de la clause de reprise du stock avant l'expiration d'un préavis de trois mois, plus subsidiairement au bien fondé d'une exception d'inexécution tenant au non respect de ses engagements par PRP et au caractère fautif de la rupture, à l'existence d'une " machination " pour le rachat du stock, à l'absence de préjudice pour PRP, à l'infirmation du jugement, subsidiairement à la compensation entre les créances respectives des parties, à l'existence de fautes commises par PRP en ce qui concerne le marché parallèle, les livraisons, la gamme des produits, l'exécution de bonne foi, au caractère abusif de la rupture, accompagnée de manœuvres destinées à annihiler l'effet du préavis, au paiement d'une indemnité de 3 000 000 de DM ou leur contre-valeur en F français, d'une somme de 100 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

A titre subsidiaire Joha Essenzen sollicite une mesure d'instruction sur les fautes de PRP, l'évolution du marché depuis 1976, les chiffres d'affaires depuis la résiliation, les marges de Teufert, les marges perdues, l'incidence du marché parallèle.

Le gérant de Joha Essenzen étant décédé sans être remplacé les parties ont argumenté sur la recevabilité de cette société à poursuivre la procédure.

Le liquidateur amiable de Joha Essenzen, M. Mohr est alors intervenu et il a repris pour l'essentiel les écritures antérieures de la société en ajoutant des développements sur la mesure d'instruction et le caractère " léonin " des clauses relatives à la résiliation. Des écritures rectificatives ont été signifiées.

PRP renonçant à opposer l'irrecevabilité a conclu au débouté, à la confirmation du jugement en tant qu'il lui a alloué certaines sommes et, par voie d'appel incident, au paiement d'une indemnité de 3 000 000 de F, d'une somme supplémentaire de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et des dépens.

Sur ce, LA COUR, qui pour un plus ample exposé se réfère au jugement et aux écritures d'appel.

1 - Sur la validité des minima de ventes et des clauses de résiliation :

Considérant que Joha Essenzen allègue qu'elle est recevable à invoquer, par voie d'exception, la nullité des clauses fixant les minima et la résiliation ; qu'elle invoque leur caractère " léonin ", le fait qu'elles aient été imposées sous la menace d'une résiliation du contrat à son terme (vice de violence) et à l'aide d'une tromperie par l'annonce du lancement de nouveaux produits et la promesse de lutter contre les marchés parallèles (vice de dol) ; qu'il ne faut pas exclure pour autant que l'appelante ait invoqué implicitement une erreur sur la substance même de la convention ;

Considérant que PRP, qui n'oppose pas devant la cour, la prescription, répond qu'on chercherait en vain une démonstration de l'existence d'un vice de consentement ; que les attestations produites ne peuvent être retenues en raison de la personne de leurs auteurs et qu'une convention onéreuse pour une partie n'est pas pour autant léonine ;

Considérant qu'il convient d'observer avant toute autre discussion, que le contrat de 1977 n'a pas vraiment innové en ce qui concerne la sanction du non respect des minima, PRP étant, dans cette hypothèse, autorisée à résilier sans préavis et à racheter le stock par la convention du 15 avril 1969 que M. Teufert a exécutée sans contester sa validité ;

Considérant que l'attestation de M. Teufert, un temps gérant et toujours seul porteur de parts de la société du même nom, poursuivi personnellement en Allemagne par PRP, ne peut être retenue comme preuve des allégations de sa société, l'auteur de l'attestation étant trop intéressé à la solution du litige pour que celle-ci constitue une relation impartiale ; que si le cas de Mme Bommelaer, ancienne secrétaire de M. Teufert n'est pas identique, PRP allègue sans être contredite que l'époux de celle-ci a été son employé et qu'elle a dû le licencier ; qu'ainsi l'impartialité de cette attestante est contestable ; que de plus Mme Bommelaer ne fait état d'aucune promesse concernant soit le lancement de nouvelles lignes de produits soit une intervention " plus efficace " contre le marché parallèle ;

Considérant que si M. Teufert s'était ému en 1980-1981 de rumeurs concernant une rupture de son contrat, le nouveau directeur général de PRP, M. Leyssene, l'a immédiatement informé de ce que ces rumeurs étaient " dénuées de tout fondement " ajoutant que " rien dans la situation des rapports entre PRP et vous-même ne saurait corroborer " (cette rumeur) ; qu'à l'époque M. Teufert exécutait sans difficulté ses obligations minimum d'achats ;

Considérant qu'en raison de ce qui précède il n'est pas démontré que PRP ait fait violence sur M. Teufert pour l'amener à conclure puis à renouveler, par anticipation, le contrat de 1977 et à accepter, par la crainte de voir sa fortune exposée à un mal considérable et présent, des engagements que Joha Essenzen estime excessifs et " unilatéraux " ; que le simple fait pour PRP, en tant que concédant, d'être en position de force économique n'est pas en soi illégitime ; qu'aucune manœuvre positive, ou même aucune réticence ayant pour objet de surprendre le consentement de M. Teufert n'est prouvée ; qu'il ne faut pas confondre d'éventuelles espérances quant à la mise sur le marché, à une date indéterminée, de produits nouveaux encore à créer, avec l'objet même du contrat que M. Teufert connaissait bien puisqu'il était déjà, sur le même marché, le concessionnaire exclusif de PRP depuis le 15 avril 1969 ; qu'il en est de même du marché parallèle dont l'existence n'a pu lui échapper et au sujet duquel aucune promesse particulière n'a été faite ; qu'ainsi M. Teufert, homme d'affaire expérimenté, n'a pu commettre aucune erreur sur les conditions substantielles de son engagement ;

Considérant sur le caractère " léonin " des clauses que cette référence à l'article 1844-1 du Code civil qui considère comme non écrites les clauses des contrats de société qui attribuent au même associé tous les profits ou toutes les pertes ne peut être transposée en l'espèce alors que les clauses comportant des minima ont une contrepartie qui est le droit exclusif de vendre les parfums PRP en Allemagne, que l'article II-1 alinéa 2 prévoit une résiliation possible par les deux parties pour non respect de certains termes du contrat, six mois avant l'expiration de la période en cours, de manière à empêcher la tacite reconduction, et qu'enfin le droit pour le concédant de résilier après mise en demeure en cas d'inexécution est encore une contrepartie de l'exclusivité concédée ;

2 - Sur l'ambiguïté des clauses relatives à la résiliation et ses suites ;

Considérant que Joha Essenzen fait valoir qu'il y a contradiction entre l'article II-2 du contrat qui prévoit que la dénonciation devient " effective trois mois après (la) notification de la résiliation et l'article III-1 selon lequel " dès réception de la lettre recommandée le concessionnaire s'engage à cesser immédiatement son activité sauf accord écrit de PRP. Le concessionnaire mettra à la disposition de PRP le stock de produits .... en sa possession et procédera à un inventaire qui sera vérifié par PRP " ; que dès lors il conviendrait en recherchant la commune intention des parties et en interprétant les clauses les unes par les autres et selon ce qui est d'usage de retenir un préavis d'au moins trois mois pendant lequel le concessionnaire était fondé à refuser de restituer avant l'expiration de celui-ci et à vendre son stock ;

Considérant que PRP répond que le tribunal aurait à juste titre estimé que les clauses étaient parfaitement claires et obligeaient à arrêter toute activité nouvelle, à n'exécuter que les engagements antérieurs et à céder le stock résiduel ;

Considérant, ceci étant exposé, qu'il est bien certain qu'il existe une apparente contradiction entre les deux clauses précitées ; que l'interprétation doit se faire selon la commune intention des parties mais sans s'arrêter au sens littéral et en cas d'ambiguïté, en entendant chaque clause de manière à lui donner un sens, le sens qui convient le plus à la matière du contrat, les clauses devant de plus s'interpréter les unes par les autres et en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier ;

Considérant que les parties ayant à la fois stipulé un préavis de trois mois à compter de la notification de la résiliation et un arrêt de l'activité du concessionnaire à compter de cette notification leur commune intention était à la fois que le concessionnaire, qui ne pouvait connaître à l'avance la décision du concédant, devait continuer à exécuter, pendant trois mois ses engagements antérieurs mais qu'il n'était plus en droit, à compter de la notification, de contracter de nouveaux engagements ; que la reprise du stock portait sur le stock résiduel, après exécution des engagements en cours à la date de la notification ; qu'une telle interprétation qui restitue son sens à chacune des clauses est celle qui convient le mieux à un contrat à exécution successive emportant des livraisons échelonnées à de nombreux détaillants et qui ne peut donc prendre fin brutalement à la date d'une notification, observation étant faite que cette notification ne mettait pas fin à l'interdiction stipulée à l'article IV-5 de vendre à un grossiste et que le concessionnaire ne pouvait invoquer ces clauses pour vendre le stock en sa possession, après la notification à un acquéreur qui n'était autre qu'un grossiste ;

3 - Sur l'exception d'inexécution :

Considérant que Joha Essenzen allègue, se basant sur l'article 1184 du Code civil, que PRP ne serait pas fondée à invoquer le non-respect par le concessionnaire des minima contractuels et le refus de restituer le stock car elle aurait empêché Teufert de réaliser le chiffre d'affaires exigé en s'abstenant de lutter sérieusement contre le commerce parallèle, en omettant de lui confier les nouveaux produits de la gamme, en privant le concessionnaire de toute liberté (fermeture de dépôts, refus d'ouverture, contrôle des prix et des budgets de publicité), en livrant des quantités inférieures aux commandes, des produits défectueux et d'une manière tardive) en s'abstenant après notification de la résiliation de répondre aux demandes de continuer les livraisons ;

Considérant que PRP répond que Teufert disposait d'un stock anormalement élevé, qu'elle avait accepté l'ouverture de nouveaux points de vente, que la nouvelle ligne de produits a été lancée après la résiliation, que les " télex " de Teufert n'appelaient pas de réponse, qu'il n'y avait pas à exécuter des commandes après résiliation, qu'elle a exercé avec mesure son pouvoir de contrôle, que Teufert a fait preuve de carence dans sa défense contre le marché parallèle et que PRP a dû lui venir en aide en Allemagne même ;

a) Sur le marché parallèle :

Considérant que ce marché est un fait en Allemagne, pays à monnaie forte, où les prix des parfums sont élevés ; que cette pratique affecte le marché d'après les tableaux mis aux débats pour environ 2,70 % à l'époque où le contrat était en vigueur ; que le pourcentage de 25 % avancé par Joha Essenzen et qui serait propre à PRP ne repose sur aucune base concrète, " l'évaluation " de M. Rau n'étant qu'une simple opinion ;

Considérant que la publicité des commerçants allemands du marché parallèle ne doit pas faire illusion alors que PRP ne figure pas pour ses parfums dans tous ces documents et que la pratique de prix d'appel est fréquemment une technique de vente utilisée par les commerçants vendant au rabais (discounters en franglais) ;

Considérant que PRP prouve qu'elle a adopté depuis 1978 une technique de marquage des emballages avec un code par client ce qui facilite l'identification des fuites lorsque les fraudeurs commettent l'imprudence de ne pas effacer le code ; que PRP produit des preuves des remboursements opérés au profit de Teufert en 1982 et 1984 pour des achats de parfums chez des revendeurs du marché parallèle dans l'espoir vain en l'espèce d'identifier les sources d'approvisionnement ; que d'autre part PRP démontre qu'elle a pris partiellement en charge les honoraires de l'avocat de Teufert en Allemagne et que son propre avocat a porté aide et assistance à celui du concessionnaire dès le début de l'année 1984 avec un certain succès au cours de la même année ;

Qu'en outre PRP a tenu compte des observations de Teufert sur le rôle éventuel des boutiques hors taxes françaises dans l'approvisionnement du marché parallèle puisqu'un tableau montre que la valeur relative du chiffre d'affaires avec ces magasins est passée de 30,49 % en 1980 à 22,74 % en 1984 ; qu'enfin il est prouvé par la correspondance que PRP a fait de multiples recommandations à Teufert au sujet de ce même marché parallèle ;

Considérant qu'il en résulte que les accusations de complicité, laxisme ou insuffisance dans la participation à la lutte contre le marché parallèle ne sont pas fondées ;

b) l'absence d'une nouvelle gamme de produits à distribuer :

Considérant en premier lieu que Teufert a distribué le produit Métal à partir de 1979 ; que c'était alors un produit nouveau ; que si le souci de Teufert d'avoir toujours des produits nouveaux à présenter à la clientèle est compréhensible car ainsi que le révèle l'étude de la Sipsa " European Forescasts " la vente de produits nouveaux est une solution de facilité qui ne nécessite pas une grande compétence commerciale, il ne peut être fait grief à PRP de n'avoir renouvelé qu'ultérieurement sa ligne de parfums, qui dépendait de décisions sur la politique générale de vente qui ne se limitaient pas au territoire allemand ;

c) ingérence dans les affaires du concessionnaires :

- pour la fixation des prix :

Considérant que si à compter de l'avenant du 31 octobre 1980 PRP n'avait plus à donner son accord sur les prix de vente des produits, en tant que responsable d'une politique générale de vente, rien ne pouvait l'empêcher de donner un avis sur la détermination de ces prix de vente ; que c'est précisément ce que PRP a fait en présentant des observations (télex du 18 avril 1983) ou en incitant Teufert à modérer l'augmentation grâce à une remise qui lui était consentie (télex du 28 avril 1983 et lettre du 5 mai) ; qu'une telle intervention qui laissait Teufert libre de conseiller à sa guise les détaillants était légitime car PRP était consciente du fait qu'une politique de prix élevés constituait un encouragement au commerce parallèle ;

- ouverture ou fermeture de " comptes " : (lieux de distribution du détail) :

Considérant que selon le contrat le concessionnaire s'engageait à respecter la politique de vente de PRP ; que seuls les magasins de premier ordre déjà dépositaires de marques françaises de parfums de prestige devaient être approvisionnés ; que leur nombre devait être étudié avec PRP ; que Teufert devait fournir à PRP la lise complète des détaillants et leur adresse ; que c'est en application de ces dispositions que pour relever le niveau qualitatif de la distribution, PRP a demandé, en 1983, 150 fermetures et en a obtenu 65 en contrepartie de l'abaissement exceptionnel du minimum contractuel des ventes ; que dès lors qu'en 1984 Teufert demandait à ouvrir 150 à 200 comptes supplémentaires, PRP était fondée à intervenir pour préserver les critères qualitatifs, base de la distribution sélective, et à demander une description détaillée des points de vente, une analyse du réseau et de sa capacité d'accueillir de nouveaux dépositaires, une étude sur les chiffres d'affaires de ces points de vente ; que Teufert ne pouvait se plaindre d'un refus d'admettre les grands magasins dans le réseau alors que six d'entre eux figuraient dans la liste des détaillants agréés ; que la tournée de visites du responsable de PRP en Allemagne a permis de constater que sur 16 commerçants proposés seulement quatre pouvaient être retenus ; que ce grief n'est donc pas fondé ;

- contrôle des budgets de publicité :

Considérant que le contrat, fort logiquement, traite en détail des dépenses publicitaires lesquelles sont capitales pour vendre dans un secteur très concurrentiel des produits de luxe ; qu'à cette fin, dans la marge de Teufert 15 % au minimum des sommes concernées sont affectés au budget de publicité ; que du matériel publicitaire de vitrine et de démonstration lui est gratuitement attribué dans la limite de 10 % du montant de ses achats, avec faculté d'acquérir au prix de revient tout matériel complémentaire ;

Que Teufert s'engage à soumettre préalablement à PRP tout matériel publicitaire que lui-même aurait créé.

Que Teufert est tenu d'adresser chaque année à PRP un état ventilé des dépenses publicitaires ;

Que de plus PRP détermine la politique générale de vente ; qu'il s'ensuit que tout contrôle de PRP sur les budgets de publicité et leur emploi est légitime ;

Qu'en incitant, pour l'année 1983 et 1984, Teufert à aller au-delà du minimum de 15 % et en l'y aidant par sa propre contribution d'un montant égal à celui qu'il demandait à Teufert de consacrer au budget publicitaire, PRP, loin de commettre une faute s'est comportée en partenaire avisé ; que PRP n'outrepassait pas ses pouvoirs en critiquant la réduction par Teufert de 930 000 à 632 532 DM de la part du budget affecté à la " publicité média " dans le même temps où Teufert se plaignait de la concurrence du marché parallèle ;

- critiques concernant les livraisons :

Considérant qu'à supposer que les livraisons non exécutées aient fait perdre à Teufert 400 000 DM de chiffre d'affaires en 1984 sa performance, en rajoutant cette somme, n'aurait atteint que 5 832 352,18 DM alors que le minimum contractuel était, pour cette même année, de 7 950 000 DM ; qu'en outre PRP relève à juste titre que dans les 400 000 DM figurait pour 275 000 DM un article promotionnel (référence 2154) spécialement fabriqué depuis le début de l'année 1984 pour le marché allemand et qui n'avait pas été pris en compte en 1981 lors de la fixation des obligations qualitatives (lettre du 16 octobre 1984) ; qu'une commande de 78 000 DM environ, incluse dans les 400 000 DM était livrable en 1985 donc sans influence sur les chiffres de 1984 ;

Que le surplus était représenté par des échantillons non vendus sans influence par définition sur la performance quantitative de 1984 ;

Considérant qu'en vain Teufert se plaint de retards dans les livraisons alors que l'analyse de ses stocks au 31 décembre 1984, effectuée par PRP, révèle que pour les lignes Métal, Calandre et Pour Homme elle disposait, au rythme de ses ventes de décembre 1984, de 8 à 38 mois de stock ;

Considérant que les défectuosités qualitatives relevées par Teufert sont très limitées en nombre et portent, pour l'une, sur une erreur de livraison (télex du 5 mai 1983), et pour les autres, sur des produits défraîchis par suite d'une trop lente rotation de stock ;

Considérant en conséquence que les griefs de Teufert étaient inexistants ou insuffisants en toute hypothèse pour justifier l'exception d'inexécution opposée par le concessionnaire ;

4 - Sur la " préméditation de la brusque rupture " :

Considérant que Joha Essenzen allègue que PRP avait décidé depuis longtemps de se séparer de Teufert et avait pris, dès juin 1984, des " contacts " avec Germaine Monteil afin de trouver un remplaçant ; que d'ailleurs c'est Germaine Monteil qui a remplacé Teufert ; que PRP, sans contester avoir rencontré ce concurrent " dans un souci d'information " soutient que le document invoqué aurait été fabriqué de toutes pièces par Teufert afin d'y trouver une justification de ses propres fautes ;

Considérant, ceci étant exposé, qu'à juste titre PRP fait valoir que le document est des plus suspects ; qu'en effet, à la différence des autres notes internes de PRP mises aux débats, il n'est pas dactylographié sur papier à en-tête ; que sur ce document entièrement en langue française la signature que PRP dit être décalquée est suivie d'une mention en langue allemande dactylographiée avec les mêmes caractères alors que PRP n'a pas pour habitude de compléter les nombreux documents figurant dans les dossiers par des mentions dans d'autres langues ;

Considérant qu'en toute hypothèse PRP ayant déjà averti Teufert le 11 janvier 1984 en raison des insuffisances des résultats pour 1983, il ne peut lui être reproché à faute d'avoir recherché, en cours de contrat, un éventuel remplaçant dans l'hypothèse où le concessionnaire Teufert persisterait à ne pas exécuter complètement ses engagements ;

5 - Sur la mesure d'information demandée par l'appelante :

Considérant que PRP n'est pas plus fondée à faire grief à Teufert de ses mauvais résultats par comparaison avec de bons résultats obtenus après son remplacement par Germaine Monteil que Joha Essenzen à demander de connaître en détail les résultats de Germaine Monteil pour les années suivantes ;

Considérant en effet qu'on ne peut comparer que ce qui est comparable ; que cette comparaison n'est pas possible en l'espèce puisque Teufert et Germaine Monteil n'ont pas exploité simultanément le même produit sur le marché allemand ; que la situation de ce marché avait évolué depuis 1984 ; qu'en outre de nouveaux produits de PRP étaient apparus ; que dès lors toute mesure d'information est inutile et aboutirait uniquement à des frais frustratoires ;

6 - Sur le bien fondé de la résiliation :

Considérant que Teufert n'ayant pas atteint, pour 1984 (et aussi pour 1983) les résultats prévus au contrat en dépit de l'avertissement qu'il avait reçu, début 1984, de PRP, alors que le pourcentage d'augmentation exigé (10,6 % de 1982 à 1983 et 8,90 % de 1983 à 1984) n'était pas déraisonnable, PRP qui avait exécuté de bonne foi ses propres engagements ainsi qu'il a été montré plus haut, était fondée à résilier le contrat et à racheter le stock disponible de Teufert ;que cette résiliation, déjà prévisible en 1983, n'est pas une " brusque rupture " fautive et n'est que la conséquence de l'inexécution d'engagements contractuels librement acceptés par Teufert ;

Considérant que Joha Essenzen ne saurait invoquer, pour soutenir que la rupture fut inattendue, les termes de la lettre reçue de M. Hebert le 25 juin 1984 alors que le directeur des exportations chez PRP, à la veille de quitter son emploi, a écrit à tous les agents de PRP dans le monde, strictement dans les mêmes termes, en les remerciant pour leur efficace coopération ainsi qu'en font foi quelques unes de ces lettres mises aux débats par PRP ; que la circulaire de PRP de mars 1985 n'est pas plus concluante à cet égard, la formule élégante employée " nous tenons ici à remercier M. Teufert pour le développement continu et réussi des parfums Paco Rabanne en Allemagne " n'ayant pour objet que de rassurer la clientèle et de laisser le soin aux Tribunaux d'arbitrer un litige qui ne gagnait rien à être porté sur la place publique ;

Considérant que la lettre de résiliation autorisait Teufert à exécuter les contrats en cours et même à prendre exceptionnellement de nouveaux engagements, avec l'accord écrit de PRP ; qu'il y avait donc aménagement du préavis, conformément aux stipulations contractuelles ; que la lettre de résiliation était suffisamment claire et précise pour indiquer à Teufert ce que le concessionnaire pouvait faire pendant le préavis de trois mois et ce qu'il devait faire ; qu'en vain Joha Essenzen fait grief à PRP de n'avoir pas répondu aux télex de Teufert alors que les réponses aux questions posées se trouvaient déjà dans la lettre de résiliation et dans le contrat ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les premiers juges ont à bon droit décidé que la demande d'indemnité présentée par Teufert ne pouvait prospérer ;

7 - Sur le paiement des traites impayées :

Considérant qu'il s'agit de traites impayées correspondant à des marchandises livrées, marchandises qui au surplus font partie du stock revendu globalement par Teufert ; qu'à juste titre le Tribunal a donc blâmé le refus par le tiré accepteur de payer cette dette de 276 737,83 DM étant précisé que le problème d'une compensation judiciaire ne se pose pas dès lors que la demande d'indemnité présentée par Joha Essenzen n'est pas fondée ;

8 - Sur le refus de dresser inventaire et de restituer le stock disponible :

Considérant que par une abondante correspondance mise aux débats PRP démontre que Teufert a, pour tous moyens, empêché tout inventaire par le concédant contrairement aux dispositions contractuelles alors que, dans le même temps (télex du 19 février 1985) le concessionnaire négociait avec le grossiste britannique Commart afin de lui céder tout son stock ; qu'à tort Joha Essenzen reproche à PRP d'avoir elle-même négocié en secret avec Commart pour racheter le stock alors qu'il s'agissait pour le titulaire de la marque d'éviter le préjudice considérable qui eut résulté de la mise brutale et inopinée sur le marché d'une quantité considérable d'articles ; que dès lors que Teufert refusait de lui céder son stock malgré les dispositions contractuelles PRP n'avait pas d'autre moyen à sa disposition pour limiter son préjudice ;

9 - Sur les circulaires de Teufert :

Considérant que ces circulaires contenaient des assertions inexactes : rupture du contrat sans préavis par PRP, impossibilité de livrer alors que Teufert avait un stock considérable ; que Teufert déclarait rompre sans préavis les contrats de dépositaire agréé alors que lui-même bénéficiait d'un préavis de trois mois et qu'il pouvait exécuter les contrats en cours ; que par les échanges de correspondance PRP montre que les circulaires ont occasionné un trouble certain dans le milieu de la parfumerie en Allemagne ; que le trouble a encore été aggravé par une déclaration de Teufert au périodique Markt Intern ;

10 - Sur la vente du stock :

Considérant que cette vente et le prix de vente ainsi que le prix de rachat sont acquis aux débats ; que le fait par Teufert d'avoir antidaté ses factures et stipulé que les produits seraient " décodés " confirme la mauvaise foi de celui-ci ; qu'à tort Joha Essenzen soutient que Teufert désirait faire revendre par Commart en Afrique du Sud afin de ne pas nuire à PRP alors que celle-ci démontre par la production d'un contrat de concession exclusive avec African Sales Cy, valable jusqu'au 30 avril 1986, qu'elle avait aussi des intérêts dans ce pays ;

11 - Sur le préjudice de PRP :

Considérant que contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal le préjudice de PRP n'est pas réparé par la seule allocation des intérêts sur la différence qu'elle a dû payer à l'intermédiaire ; qu'en effet PRP a subi un important trouble commercial tenant aux démarches à accomplir pour récupérer le stock, à la privation de ce stock qui a dû être contrôlé et " recodé ", à la nécessité de rétablir un climat de confiance avec les détaillants allemands ; que la cour a des éléments pour évaluer ce préjudice, qui est une suite immédiate et directe de fautes commises par Teufert postérieurement à la résiliation à la somme de 400 000 F ;

Considérant que les premiers juges ont fait une bonne appréciation de ce que l'équité commandait d'allouer à PRP au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il est équitable d'allouer à PRP une nouvelle somme pour les frais non taxables exposés devant la Cour ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement du 3 juin 1987 dans les dispositions soumises à la cour, sauf en tant que le Tribunal a refusé toute indemnité à la société Paco Rabanne Parfums ; Réformant sur ce point, statuant à nouveau et ajoutant au jugement ; Condamne la société Joha Essenzen Vertriebsgesellschaft représentée par son liquidateur amiable M. Mohr à payer à l'intimée : - une indemnité de 400 000 F, - une somme supplémentaire de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; - les dépens d'appel. Admet la SCP Fanet, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs autres demandes.