CA Paris, 15e ch. B, 29 mars 1990, n° 88-16770
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Distribution Chardonnet (SA), André Chardonnet (SA)
Défendeur :
Auto Delta (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gourlet
Conseillers :
Mme Favre, M. Schumacher
Avoués :
SCP Roblin Chaix de Lavarenne, Fisselier Chiloux Boulay
Avocats :
Mes Benayoun, Bourgeon.
Depuis 1982, la société à responsabilité limitée Auto Delta à Migne-Auxances (Vienne) était titulaire de contrats de concession exclusive de vente dans une zone de trente cantons de la région de Poitiers (Vienne), conclu d'une part avec la société Distribution Chardonnet pour les véhicules de marques Lancia et Autobianchi et d'autre part, avec la société André Chardonnet pour les véhicules de marques Polski et Zastava.
Les derniers contrats de concession ont été conclu le 16 avril 1986 pour une durée indéterminée à compter du 1er janvier 1986, chaque partie pouvant y mettre fin à n'importe quel moment, sans indemnité d'aucune sorte à quelque titre que ce soit, sous préavis de douze mois.
Toutefois, les contrats prévoyaient qu'en cas de manquements graves, le concédant pouvait résilier les conventions de plein droit, à tout moment, par lettre recommandée adressée au concessionnaire et sans être tenu à aucune indemnité ou dédommagement à quelque titre ou pour quelque cause que ce soit.
Etait considéré comme manquement grave l'absence ou la disparition totale ou partielle des cautions ou garanties prescrites par les contrats ou des cautions ou garanties constituées au profit de sociétés ayant financé l'achat de produits contractuels ou de véhicules d'occasion.
Chaque année, la société Auto Delta avait l'obligation d'adresser aux concédants la justification des cautionnements par elle souscrits en garantie de ses obligations.
Par lettres du 2 décembre 1986, la société Distribution Chardonnet et la société André Chardonnet rappelaient à la société Auto Delta que sa caution bancaire arrivait à échéance le 31 décembre 1986 et qu'il convenait de la renouveler pour les mois suivants.
Par lettres du 4 décembre 1986, les sociétés concédantes mettaient fin aux contrat au 15 décembre 1987 et précisaient que jusqu'à cette date les parties continueraient à assumer leurs obligations contractuelles.
Par lettres du 26 février 1987, les sociétés Distribution Chardonnet et André Chardonnet faisaient connaître à la société Auto Delta que, faute que par elle d'avoir fourni le renouvellement du cautionnement, elles n'invoquaient pas les dispositions des contrats prévoyant la résiliation de plein droit des conventions, mais qu'elles se contentaient de nommer " dès à présent un second concessionnaire à Poitiers. Le 3 mars 1987, un contrat de concession de vente était conclu entre la société Distribution Chardonnet et les Etablissements Cartron à Buxerolles, canton de Poitiers (Vienne).
Après une vaine protestation élevée par lettre du 3 mars 1987, la société Auto Delta a, le 23 novembre 1987, assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société Distribution Chardonnet et la société André Chardonnet en vue d'obtenir, en raison de la désignation abusive d'un second concessionnaire sur le territoire concédé, la résiliation des contrats à leurs torts et différentes sommes à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 13 juin 1988, le tribunal a, avec exécution provisoire :
- constaté que les contrats de concession avaient été résiliés aux torts réciproques des parties,
- condamné la société Auto Delta à payer à la société Distribution Chardonnet la somme de 158 335,54 F HT, montant d'une facture du 15 octobre 1987,
- dit qu'il sera procédé à la compensation de cette somme à due concurrence avec les dommages-intérêts auxquels les sociétés André Chardonnet et Distribution Chardonnet seront solidairement condamnées,
- condamné la société Distribution Chardonnet à titre de complément de dommages-intérêts à payer à la société Auto Delta la somme de 160 000 F HT contre livraison du stock de pièces détachées d'origine selon l'inventaire produit aux débats par la société Auto Delta,
- avant dire droit sur le montant des dommages-intérêts, nommé un expert en vue de déterminer le préjudice de la société Auto Delta.
Prétentions des parties :
Les sociétés Distribution Chardonnet et André Chardonnet, qui ont relevé appel de cette décision, soutiennent :
1. que la société André Chardonnet n'a pas placé de nouveau concessionnaire pendant le délai de préavis et qu'elle doit donc être mise hors de cause,
2. que la société Distribution Chardonnet n'a commis aucune faute en désignant un second concessionnaire sur le territoire concédé à la société Auto Delta puisque celle-ci avait omis d'adresser en temps voulu la caution bancaire qui lui avait été réclamée ; que c'est par un " artifice évident " que la société Auto Delta a produit une caution à effet rétroactif du 1er janvier 1987,
3. subsidiairement, que l'implantation en cours de préavis d'un second concessionnaire n'a causé aucun préjudice à la société Auto Delta tant en ce qui concerne la vente des véhicules neufs que celle des véhicules d'occasion et que, pour la reprise dus stock des pièces détachées, il y a lieu d'appliquer strictement les conditions contractuelles.
Elles demandent donc à la Cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Auto Delta à payer à la société Distribution Chardonnet la somme de 158 335,54 F,
- de le réformer pour le surplus,
- de mettre hors de cause la société André Chardonnet et de lui allouer une somme de 8 000 F en application de l'article 700 du NCPC ainsi qu'une somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts,
- de débouter la société Auto Delta de ses demandes et, au cas où la résiliation serait imputable à la société Distribution Chardonnet, de rejeter la demande de dommages-intérêts de la société Auto Delta en l'absence de tout préjudice, et de lui accorder, outre une somme de 8 000 F en application de l'article 700 du NCPC, une indemnité de 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
La société Auto Delta, intimée, fait valoir de son côté :
1. que si la société André Chardonnet n'a pas formalisé de contrat avec les Etablissements Cartron, elle ne peut nier avoir conclu des accords commerciaux avec cette dernière pour la vente de véhicules Zastava ou Polski puisque des voitures de ces marques ont été vendues au cours de l'année 1987 ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise,
2. que le retard mis par elle à justifier du renouvellement de la caution bancaire trouve sa cause dans le décalage du mécanisme de sa délivrance comme les sociétés appelantes avaient pu le constater les années précédentes sans protester ; que celles-ci ont en réalité saisi ce prétexte pour justifier l'instauration des relations commerciales noués avec le garage Cartron ; que les contrats de concession prévoyaient un préavis de résiliation de douze mois conformément aux dispositions de l'article 5.2.2. du règlement de la C.E.E. n° 123-85 et que les dérogations à ce préavis stipulées par les contrats devaient être interprétées restrictivement ; que la désignation d'un second concessionnaire ne pouvait être faite dans le cas d'espèce et que les sociétés appelantes ont donc fautivement remis en cause l'élément d'exclusivité territoriale qui avait été la cause impulsive et déterminante de ses obligations ;
3. que le rapport d'expertise, qui a évalué son préjudice n'est pas sérieusement discuté et qu'il doit être " homologué " ;
4. que les sociétés André Chardonnet et Distribution Chardonnet doivent également l'indemniser de la perte de la valeur du fonds de commerce estimé à 800 000 F,
5. que les sociétés appelantes doivent être condamnées solidairement à son égard au paiement des dommages-intérêts, sinon au prorata des ventes qu'elles ont réalisées au profit des Etablissements Cartron,
6. que le jugement contient dans son dispositif une erreur matérielle en ce qui concerne sa condamnation au paiement d'une facture, le montant de celle-ci étant de 118 805,76 F et non de 158 335,54 F.
La société Auto Delta demande donc à la Cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Distribution Chardonnet à lui payer la somme de 160 000 F HT contre livraison du stock de pièces détachées d'origine (disposition qui a été exécutée) et en ce qu'il a ordonné une expertise,
- de réformer le jugement pour le surplus,
- de constater la résiliation aux torts exclusifs des sociétés Distribution Chardonnet et André Chardonnet des contrats de concession, en tout cas de dire que ces sociétés lui ont causé un préjudice en agissant en fraude de ses droits exclusifs concédés jusqu'au 4 décembre 1987,
- de condamner solidairement lesdites sociétés à lui payer la somme de 697 678 F à titre de dommages-intérêts et celle de 800 000 F en réparation de la perte du fonds de commerce, subsidiairement de condamner la société Distribution Chardonnet au paiement de 95 % de ces sommes et la société André Chardonnet au paiement de 5 % de ces indemnités, outre intérêts légaux à compter du 23 novembre 1987, date de l'exploit introductif d'instance, à titre de dommages-intérêts, en tout état de cause à compter du 13 juin 1988, date du jugement déféré,
- de lui donner acte de ce qu'elle se reconnaît débitrice de la somme de 118 805,76 F à l'égard de la société Distribution Chardonnet,
- d'ordonner la compensation des créances réciproques,
- de condamner les sociétés Distribution Chardonnet et André Chardonnet à lui payer la somme de 50 000 F en application de l'article 700 du NCPC.
Cela étant exposé, LA COUR,
1° Sur la demande de mise hors de cause de la société André Chardonnet,
Considérant que malgré l'absence d'un contrat régulier de concession de vente conclu entre elle et la société Cartron, la société André Chardonnet ne peut sérieusement contester avoir conclu avec cette dernière des accords commerciaux pendant la période de préavis ouverte par sa lettre du 4 décembre 1986 notifiant à la société Auto Delta la résiliation du contrat de concession ;
Qu'en effet, par une seconde lettre du 26 février 1987, elle a fait part à cette dernière de son intention de " nommer dès à présent un second concessionnaire à Poitiers " ;
Qu'en outre, dans une circulaire diffusée le 1er décembre 1987, elle a signalé que les Etablissements Cartron figuraient au 101e rang des concessionnaires du réseau pour les retraits des modèles PSO/YUGO des marque Polski et Zastava effectués entre le 1er septembre 1987 et le 30 novembre 1987 ;
Qu'enfin, l'expert désigné par le jugement critiqué a constaté que les Etablissements Cartron avaient vendu 3 véhicules des modèles importés par la société André Chardonnet au cours de l'exercice 1987 ;
Considérant qu'il apparaît ainsi que les Etablissements Cartron ont été autorisés par la société André Chardonnet à prospecter la clientèle du secteur concédé à la société Auto Delta jusqu'au 4 décembre 1987 et à vendre avant cette date des modèles des véhicules Polski ou Zastava ;
Considérant que les premiers juges ont donc justement rejeté la demande de mise hors de cause présentée par la société André Chardonnet ;
2° Sur la faute commise par les sociétés Distribution Chardonnet et André Chardonnet,
Considérant que les sociétés Distribution Chardonnet et André Chardonnet ont par lettres du 4 décembre 1986, en termes identiques, résilié dans les conditions contractuelles les concessions qu'elles avaient consenties à la société Auto Delta, ouvrant à celle-ci un préavis de douze mois jusqu'au 14 décembre 1987 ;
Considérant que par contrat du 3 mars 1987, la société Distribution Chardonnet a accordé aux Etablissements Cartron la concession de vente des véhicules Lancia et Autobianchi ; que la société André Chardonnet a, en fait, consenti à la même entreprise la concession de vente des véhicules Polski et Zastava ; que la zone d'action des Etablissements Cartron comprenait le territoire qui avait été attribué à la société Auto Delta ;
Considérant que pour justifier cette dérogation à la clause d'exclusivité dont bénéficiait cette dernière, les sociétés appelantes ont, dans leur lettre du 26 février 1987, invoqué le défaut de renouvellement de la caution bancaire et ont prétendu renoncer à l'application stricte du contrat qui leur permettrait de résilier immédiatement les conventions ;
Considérant que les premiers juges ont estimé que la société Auto Delta ne justifiait pas de raisons valables pour ses retards à exécuter une obligation contractuelle et que, dès 1983, la fourniture des cautions semblait avoir posé problème ;
Mais considérant que pendant les deux premières années de collaboration, les sociétés Chardonnet n'avaient pas exigé de caution bancaire et qu'elles n'ont réclamé cette garantie que par lettre du 28 décembre 1983 ;
Considérant que la première caution bancaire a été constituée le 5 octobre 1984 pour la période du 4 octobre 1984 au 4 octobre 1985 ; que la deuxième caution a été accordée le 9 janvier 1986 pour la période du 1er janvier 1986 au 1er janvier 1987 et que la troisième caution a été consentie le 23 février 1987 pour la période du 1er janvier 1987 au 1er janvier 1988 ;
Considérant que la société Auto Delta a commis une négligence en omettant de répondre à la lettre du 2 décembre 1986 par laquelle les sociétés Chardonnet lui réclamaient la justification de la caution bancaire et en adressant cette pièce au début du mois de mars 1987 seulement ;
Considérant qu'il y a lieu de relever toutefois, que la lettre du 2 décembre 1986 ne présentait aucun caractère de mise en demeure, que les sociétés Chardonnet n'avaient aucune raison de douter du renouvellement de la garantie et que de son côté, la société Auto Delta avait pu penser que, comme les années précédentes, il était admis que les cautions pouvaient être renouvelées avec un certain retard et avec effet rétroactif ;
Considérant ensuite que la société Auto Delta n'a pas réellement manqué à son obligation contractuelle puisqu'elle n'a pas réellement manqué à son obligation contractuelle puisqu'elle avait obtenu le renouvellement de la garantie pour l'année 1987 alors que l'article 7-2 des contrats considère comme infraction grave " l'absence ou la disparition totale ou partielle des cautions " et non le seul défaut de justification de la caution bancaire ;
Considérant d'ailleurs que les sociétés appelantes n'ont pas estimé pouvoir appliquer la clause de résiliation immédiate des contrats et on déclaré " se contenter " de nommer un second concessionnaire dans la zone d'exclusivité ;
Mais considérant que le motif tiré du retard apporté par la société Auto Delta au renouvellement de la caution bancaire pour désigner un autre concessionnaire constituait en réalité, un faux prétexte de la part des sociétés Chardonnet pour justifier les relations commerciales entretenues avec les Etablissements Cartron ;
Qu'en effet, d'une part, il apparaît que la désignation de ceux-ci avait été arrêtée bien avant le 3 mars 1987, date de la signature du contrat de concession, une telle décision exigeant plusieurs mois d'études et de pourparlers ;
Que d'autre part, dès le mois de mars 1987, la publicité faite dans la presse pour la marque Lancia ne mentionnait plus la société Auto Delta comme concessionnaire de cette marque pour le département de la Vienne (ex : " L'express " (sport), numéro du mois de mars 1987) ; que les Etablissements Cartron se présentaient dans la presse régionale (" la Nouvelle République du Centre Ouest " du 19 mars 1987 et du 26 mars 1987) comme le concessionnaire exclusif des véhicules Lancia et Autobianchi ;
Qu'enfin, il résulte des pièces produites au cours de l'expertise que la société Distribution Chardonnet a satisfait des commandes des Etablissements Cartron formulées dès le 16 janvier 1987 et que la société André Chardonnet a pris en compte des commandes adressées par ces dernières depuis le 19 janvier 1987 ;
Considérant, en outre, que la décision de nommer un second concessionnaire, qui est équivalente à un retrait de l'exclusivité, ne relevait en l'espèce d'aucun des cas prévus par les contrats et ne pouvait se rattacher ni à l'article 7.2, visé dans la lettre du 23 février 1987, qui prévoit la faculté du concédant de choisir la résiliation du contrat ou le retrait d'exclusivité lorsque le pourcentage d'immatriculation de véhicules réalisé est insuffisant, ni à l'article 1-3, non invoqué par les sociétés appelantes, qui autorise le concédant à nommer dans une zone un autre concessionnaire en cas de remplacement du concessionnaire désigné ou sur la base de " raisons objectives " ;
Considérant ainsi qu'en désignant un second concessionnaire dans la zone d'exclusivité consentie à la société Auto Delta jusqu'au 14 décembre 1987, la société Distribution Chardonnet et la société André Chardonnet ont commis une faute contractuelle ayant entraîné pour la société Auto Delta un préjudice certain dont elles doivent supporter la réparation;
3° Sur le préjudice subi par la société Auto Delta,
Considérant que le rapport de l'expertise ordonnée par le jugement déféré a été déposé ; que l'affaire est en état de recevoir une solution définitive et qu'il y a lieu, en application de l'article 568 du NCPC d'évoquer les points du litige non jugés ;
Considérant que, suivant les dispositions de l'article 1149 du code civil, les sociétés appelantes ont l'obligation de réparer le préjudice subi par la société Auto Delta tant en raison de la perte d'activité imposée à celle-ci que du manque à gagner qui en a été la conséquence ;
Considérant que la société Auto Delta réclame des dommages-intérêts pour les préjudices suivants :
- perte sur les ventes de véhicules neufs,
- perte sur les ventes de véhicules d'occasion,
- perte sur les travaux d'atelier,
- perte sur la vente de pièces détachées,
- perte des primes de quota sur les ventes de véhicules,
- perte des primes de quota sur les ventes de pièces détachées,
qu'elle demande en outre une indemnisation pour la perte de son fonds de commerce et pour la reprise du stock de pièces détachées ;
a) préjudice lié à la perte de marge sur les ventes de véhicules neufs,
Considérant que les sociétés appelantes contestent l'existence d'un préjudice subi par la société Auto Delta en raison de la désignation d'un second concessionnaire et prétendent que la chute des ventes des véhicules neufs par elle constatée serait due au licenciement de son seul vendeur et de la baisse générale en France et spécialement dans la région Poitou-Charentes, des ventes des véhicules des marques Lancia et Autobianchi au deuxième quadrimestre de l'année 1987 ; qu'elles font valoir également que la comparaison des ventes effectuées par la société Auto Delta pendant les dix premiers mois de l'année 1986 et les dix premiers mois de l'année 1987 ne fait apparaître aucune baisse sensible pour les marques Lancia-Autobianchi mais une chute plus marquée par les marques Zastava et Pso Polski ;
Mais considérant que la société Auto Delta, qui ne conteste pas avoir licencié un vendeur, justifie en avoir employé un autre du 3 novembre 1986 au 30 septembre 1987, établissant ainsi qu'elle n'était pas dépourvue de vendeur qualifié pendant la période considérée ;
Que, par ailleurs, il résulte des documents versés aux débats par les sociétés Chardonnet que le taux des immatriculations des véhicules des marques importées par elles a été pratiquement stable d'avril 1987 à fin août 1987 dans la région Poitou-Charentes alors que la chute des ventes réalisées par la société Auto Delta entre les premier quadrimestre et le deuxième quadrimestre de 1987 a atteint 50 % ;
Considérant que l'expert a constaté qu'au cours de la période allant du 1er janvier 1987 au 15 décembre 1987, les Etablissements Cartron avaient vendu 63 véhicules neufs dont 60 des marques Autobianchi et Lancia et 3 des marques FSO (Polski) et Zastava ;
Que, selon lui, le préjudice subi par la société Auto Delta représente la perte de marge sur la vente de ces 63 véhicules ; que compte tenu d'un taux de marge corrigé de 10,65 % et du prix de vente moyen du véhicule fixé à 61 000 F hors taxes, il a évalué à 409 280 F le préjudice au titre des ventes de véhicules neufs subi par la société Auto Delta ;
Considérant que cette estimation, qui repose sur une analyse sérieuse, n'est pas contestée par les parties et sera retenue par la Cour ;
b) préjudice lié à la perte de marge sur les ventes de véhicules d'occasion,
Considérant que les sociétés Distribution Chardonnet et André Chardonnet soutiennent que la société Auto Delta n'aurait subi aucun préjudice en ce qui concerne les ventes de véhicules d'occasion, la marge en ce domaine étant nulle voire négative ;
Mais considérant que l'expert a fait ressortir que la vente des véhicules d'occasion était en dépendance étroite de la vente des véhicules neufs et a émis l'avis après une étude comparative, qu'aux 63 véhicules neufs vendus par les Etablissements Cartron correspondait une vente de 52 véhicules d'occasion ; que compte tenu d'une marge brute moyenne par véhicule de 3 125 F et après déduction de charges variables de 92 900 F, il a fixé le préjudice pour cette activité à la somme de 69 600 F ; que cette estimation sera également retenue ;
c) préjudice lié aux travaux d'ateliers,
Considérant que l'expert a estimé qu'il n'y avait aucune indemnité à prévoir en l'absence de préjudice, les travaux d'atelier s'étant révélés déficitaires ; que la société Auto Delta ne présente aucune critique sur cette conclusion de l'expert ;
d) préjudice lié à la vente de pièces détachées,
Considérant que l'expert a calculé que la quote-part des ventes de pièces détachées par rapport aux ventes de véhicules neufs était de 18,65 % et qu'en appliquant un taux de marge brute fixé à 20,61 %, le préjudice subi par la société Auto Delta était après déduction des charges variables, de 123 884 F ;
Que cette évaluation sur laquelle les parties ne présentent aucune critique sera adoptée par la Cour ;
e) préjudice résultant de la perte des primes de quota ou d'objectifs sur les ventes de véhicules,
Considérant que des primes étaient attribuées au concessionnaire par quadrimestre lorsqu'il avait réalisé le quota déterminé de vente pour l'année en cours ;
Considérant que l'expert a calculé les primes qui auraient été perçues par la société Auto Delta si elle avait réalisé les ventes effectuées par les Etablissement Cartron et a fixé son manque à gagner à la somme de 65 470 F qui doit être retenue en l'absence de contestation des parties ;
f) préjudice résultant de la perte des primes de quota sur les ventes de pièces détachées,
Considérant que des primes de quota sur les ventes de pièces détachées étaient appréciées par marque chaque quadrimestre par tiers indépendants ;
Considérant que les parties ne discutent pas l'évaluation du préjudice fixée par l'expert à la somme de 29 444 F ;
Considérant en définitive, que les préjudices retenus par l'expert sont les suivants :
- vente de véhicules neufs : 409 280 F
- vente de véhicules d'occasion : 69 600 F
- vente de pièces détachées : 123 884 F
- primes de quota sur véhicules neufs : 65 470 F
- primes de quota sur pièces détachées : 29 444 F
= 697 678 F
Considérant que doit être déduite de cette somme celle de 55 366 F représentant l'économie de charges salariales réalisées par la société Auto Delta jusqu'au 31 décembre 1987 à la suite du licenciement d'un vendeur le 31 mai 1987 et d'un autre vendeur le 30 septembre 1987 ; que le préjudice total de la société Auto Delta est donc de 642 312 F ;
Considérant qu'il résulte du fait des délais d'expertise et de procédure que la société Auto Delta a été privée pendant plusieurs années de l'indemnité à laquelle elle pouvait prétendre et qu'elle a ainsi subi un préjudice commercial distinct du retard de paiement ; qu'il convient de dire qu'en réparation de ce préjudice, cette somme de 642 312 F portera à titre compensatoire intérêts au taux légal à compter de l'assignation (23 novembre 1987).
Considérant que les sociétés Distribution Chardonnet et André Chardonnet ont agi de concert en procédant aux mêmes dates et de la même manière à l'égard de la société Auto Delta ; que les fautes par elles commises ont concouru à la réalisation des dommages subis par cette société et qu'elles doivent donc être condamnées in solidum au paiement des dommages-intérêts qui lui seront alloués ;
g) perte du fonds de commerce,
Considérant que la société Auto Delta prétend qu'en l'affaiblissement avant l'expiration du préavis contractuel, les sociétés Distribution Chardonnet et André Chardonnet l'ont mise dans l'impossibilité d'organiser sa reconversion ; qu'elle estime son préjudice résultant de la perte de son fonds de commerce à la somme de 800 000 F ;
Mais considérant que la résiliation des contrats a été notifiée par lettres du 4 décembre 1986 pour le 15 décembre 1987 ; que la société Auto Delta a donc disposé d'un délai suffisant pour organiser sa reconversion ; qu'elle ne précise pas en quoi cette conversion a été entravée et en rapporte pas la preuve, dont elle a la charge, du lien de causalité directe entre la nomination d'un second concessionnaire et la perte de valeur de son fonds de commerce ;
Considérant que la demande de dommages-intérêts présentée par la société Auto Delta n'est donc pas fondée, étant relevé par ailleurs que suivant les contrats de concession, leur résiliation ne pouvait donner lieu à aucune indemnité pour quelque cause que ce soit ;
h) reprise du stock de pièces détachées,
Considérant que la société Distribution Chardonnet soutient que la reprise du stock de pièces détachées consécutive à la résiliation de la concession ne peut être faite qu'aux conditions contractuellement prévues ;
Que suivant l'article 8 de la convention, la reprise ne peut pas dépasser en valeur le montant des achats hors taxes effectués par le concessionnaire au concédant pendant les six mois précédant la date d'expiration du contrat de concession ; que la même clause stipule que le prix d'achat par le concédant est celui du tarif client en vigueur à la date d'expiration du contrat de concession, diminué de 60 % , le coût du transport jusqu'aux magasins du concédant étant à la charge du concessionnaire ;
Mais considérant que par sa faute, la société Distribution Chardonnet a rendu impossible pour la société Auto Delta la poursuite de l'écoulement de son stock de pièces détachées au cours de l'année 1987 ; que dès lors les premiers juges ont justement condamné la société Distribution Chardonnet, en complément d'indemnisation, à reprendre le stock des pièces détachées d'origine énumérées dans l'inventaire produit par les société Auto Delta suivant le prix d'achat consenti au concessionnaire ; que la valeur du stock est ainsi de 158 335,54 F hors taxes arrondie à la somme de 160 000 F hors taxes par le jugement déféré ;
Considérant qu'il y a lieu de donner acte à la société Distribution Chardonnet de ce qu'elle a exécuté la décision entreprise sur ce point ;
3° Sur la créance de la société Distribution Chardonnet à l'égard de la société Auto delta,
Considérant que le jugement entrepris a constaté que la société Auto Delta restait devoir à la société Distribution Chardonnet la somme de 118 805,76 F, montant de la facture n° 156 919 du 15 octobre 1987 ;
Que la société Auto Delta se reconnaît débitrice de cette somme ;
Que toutefois, le dispositif du jugement contient une erreur matérielle en ce qu'il a condamné la société Auto Delta à payer la somme de 158 335,54 F hors taxes ; qu'en application de l'article 462 du NCPC, cette erreur doit être réparée ;
4° Sur les autres demandes,
Considérant que les sociétés Distribution Chardonnet et André Chardonnet, qui succombent entièrement, sont mal fondées en leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive ou en application de l'article 700 du NCPC ;
Considérant, en revanche, qu'il est équitable sur le fondement de ce dernier texte d'allouer à la société Auto Delta une somme de 8 000 F ;
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a : - rejeté la demande de mise hors de cause présentée par la société André Chardonnet, - condamné la société Auto Delta à payer à la société Distribution Chardonnet le montant de la facture n° 156 919 du 15 octobre 1987, mais rectifiant l'erreur matérielle contenue dans le dispositif du jugement, condamne la société Auto Delta à payer à la société Distribution Chardonnet la somme de cent dix hit mille huit cent cinq France soixante seize centimes (118 805,76 F) et non de 158 335,54 F ; dit que la présente rectification sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement, - condamné la société Distribution Chardonnet à payer à la société Auto Delta la somme de 160 00 F hors taxes contre livraison du stock de pièces détachées d'origine selon l'inventaire produit aux débats par la société Auto Delta ; - ordonné une expertise, Réformant le jugement pour le surplus et évoquant les points du litige non encore jugés, - Constate que la société Distribution Chardonnet a payé la somme de 160 000 F qu'elle avait été condamnée à payer à la société Auto Delta par le jugement, - Condamne in solidum les sociétés Distribution Chardonnet et André Chardonnet à payer à la société Auto Delta la somme de six cent quarante deux mille trois cent douze francs (642 312 F) avec intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 1987, - Dit que la compensation s'opérera entre cette dette et celle de la société Auto Delta de 118 805,76 F ; - Condamne in solidum les sociétés Distribution Chardonnet et André Chardonnet à payer à la société Auto Delta la somme de huit mille (8 000 F) francs en application de l'article 700 du NCPC, - Rejette toutes autres demandes des parties ; - Condamne in solidum les sociétés appelantes aux dépens de première instance et d'appel, y compris le coût de l'expertise ; admet la SCP d'avoués Roblin Chaix de Lavarene au bénéfice de l'article 699 du NCPC.