CA Grenoble, ch. des urgences, 4 octobre 1990, n° 90-2227
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
VAG France (SA)
Défendeur :
Garage Berta (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Berger
Conseillers :
Mme Palisse, M. Balmain
Avoués :
SCP Perret, Pougnand, SCP Manhes, de Tourcroy
Avocats :
Mes Tomasi, Rostaing.
Les faits et la procédure
Par contrat du 10 décembre 1985 conclu pour une durée indéterminée à compter du 1er janvier 1986 la SA VAG France confiait au Garage Berta à Gap en qualité de concessionnaire, la vente de ses voitures de marque Volkswagen et Audi pour les départements des Hautes Alpes et des Alpes de Hautes Provence.
Le Garage Berta était victime de difficulté financières qui conduisaient la SA VAG France le 3 mars 1988 à réclamer à son concessionnaire le paiement du solde débiteur de son compte s'élevant à 874.833,46 F.
Le 28 avril 1988 la SA VAG France notifiait au Garage Berta la résiliation du contrat de concessionnaire.
Entre-temps, le 31 mars 1988 le Garage Berta déclarait la cessation de son paiement au Greffe du Tribunal de Commerce de Gap.
Par jugement du 6 mai 1988, cette juridiction prononçait le redressement judiciaire du Garage Berta.
Le 2 décembre 1988, un autre jugement homologuait le plan de redressement et acceptait la continuation de l'entreprise. Auparavant le juge commissaire mettait en demeure la SA VAG France de continuer le contrat. La société s'exécutait jusqu'en novembre 1988.
Par assignation du 12 décembre 1988, le Garage Berta saisissait le juge des référés. Par ordonnance du 16 janvier 1989 celui-ci ordonnait à VAG France de reprendre le contrat.
Cependant sur appel de la SA VAG France, la Cour déclarait le juge des référés incompétent, compte tenu de la contestation sérieuse tenant notamment à la clause contractuelle de résiliation du contrat.
Le Garage Berta assignait la SA VAG France, au fond, devant le Tribunal de Commerce de Gap, le 5 mars 1990.
Par jugement du 20 avril 1990, le tribunal :
- ordonnait à la SA VAG France de continuer le contrat,
- condamnait la SA VAG France à payer au Garage Berta 152.157,75 F au titre des primes de quota 1988,
- condamnait la SA VAG France à payer au Garage Berta 25.000 F à titre de dommages-intérêts,
- ordonnait l'exécution de son jugement et accordait 5.000 F au Garage Berta en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Les prétentions des parties en appel et la motivation de la Cour :
- Sur la résiliation du contrat de concession :
La SA VAG France se réfère à l'article XVII - B-10 du contrat qui stipule que le contrat est résilié de plein droit avec effet immédiat et sans préavis notamment en cas de cession de paiement du concessionnaire ou mise en règlement judiciaire, liquidation des biens, faillite.
En conséquence, soutient la SA VAG France, l'état de fait que constitue la cessation du paiement (qui ne correspond pas avec la déclaration de cessation des paiements) est suffisant pour légitimer la résiliation du contrat.
Cependant les dispositions du contrat alléguées par la SA VAG France se heurtent aux dispositions de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 concernant le redressement et la liquidation judiciaire des entreprises. En effet cet article tient pour non avenue toute disposition contractuelle résultant du seul fait de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
Ayant été tenue au courant de la déclaration de cessation de paiement déposée par le Garage Berta, la SA VAG France n'a dénoncé le contrat de concession le 28 avril que dans le but évident qui constitue une fraude à la loi, qu'on ne puisse lui opposer les dispositions de l'article 37 du la loi du 25 janvier 1985. La SA VAG France ne pouvait ignorer que la déclaration de cessation des paiements entraînait inéluctablement et à bref délai au moins un jugement ordonnant le redressement judiciaire du Garage Berta.
En toute hypothèse d'autre part, la cessation des paiements est un état de fait qui n'a de conséquence juridique que dans la mesure où elle est judiciairement établie. Enfin la déclaration de cessation des paiements fait partie nécessairement de la procédure de redressement judiciaire et fait donc obstacle en l'espèce, à la résiliation du contrat de concession passé entre la SA VAG France et le Garage Berta.
La Cour confirme le jugement en l'absence de résiliation du contrat litigieux et sur l'obligation de continuer son exécution par la SA VAG France.
- Sur les primes de quota pour l'année 1988 :
Dès lors que le contrat n'est pas résilié, c'est à bon droit que le Garage Berta demande son application en ce qui concerne les primes de quota pour l'année 1988.
Le Garage Berta fait état d'un " relevé des factures réglées en 1988 " pour un montant de 3.106.408,07 F portant sur la vente de 33 véhicules.
La SA VAG France soutient que seuls, 31 véhicules ont été vendus en 1988, les deux véhicules restant étant des véhicules confiés en location et pris en compte au début de la location. Effectivement la SA VAG France verse aux débats, deux listes des véhicules pris en compte pour l'exercice 1986 et 1987 : y figurent les deux véhicules litigieux.
En conséquence la Cour ne retient que la somme globale de 2.999.745,44 F pour la vente de 31 véhicules en 1988 soit :
- 1 Golf Pick-Up : 56.209,95 F,
- 14 Type II : 1.188.220,65 F,
- 16 LT : 1.755.314,84 F,
Ainsi le calcul de la prime donne-t-elle le résultat suivant :
- 1 Golf Pick-Up : 56.209,95 F x 2,3218 % = 1.302,00 F
- 14 Type II : 1.188.220,65 F x 2,3218 % = 27.588,10 F
- 16 LT : 13755.314,84 F x 2,3764 % = 41.713,30 F
SOIT : 70.606,40 F
S'y ajoute 18,6 % de TVA : 13.132,80 F
soit donc au total : 83.739,20 F
C'est cette somme que retient la Cour au titre de la prime de volume à laquelle s'ajoute la même somme pour la prime de Mix lorsque l'objectif annuel de vente a été atteint, ce qui a été le cas pour le Garage Berta en 1988 puisque cet objectif était fixé à 18 véhicules.
En conséquence le total des primes dues par la SA VAG France au Garage Berta pour l'année 1988 est de 167.478,40 F.
- Sur la demande de dommages et intérêts :
Le Garage Berta sollicite 400.000 F. Il fait valoir que la SA VAG France ne lui a livré des véhicules que pendant huit mois en 1988.
- que courant 1989 la SA VAG France a exigé un paiement avant sortie de chaque véhicule par chèque certifié au lieu du paiement par traites à 60 jours,
- que la SA VAG France a exigé de la banque, le Crédit Agricole une garantie de règlement,
- qu'en 1988 la marge bénéficiaire globale uniquement sur les châssis a été de 450.000 F environ alors qu'en 1989 la marge bénéficiaire ne s'est élevée qu'à 250.000 F environ,
- que depuis février 1990, la SA VAG France a suspendu l'exécution du contrat,
L'ensemble de ces considérations n'apparaissent pas suffisantes pour motiver de dommages et intérêts à hauteur de 400.000 F, la Cour n'ayant pas d'élément permettant de mettre uniquement à la charge de la SA VAG France d'une part les modifications des relations économique existant entre celle-ci et le Garage Berta et d'autre part la baisse des revenus de ce dernier notamment pour 1988 et 1989.
La Cour possède des éléments suffisants pour fixer à 50.000 F le montant des dommages intérêts sollicités par le Garage Berta compte tenu des agissements de la SA VAG France.
- Sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
Le Garage Berta n'y fait pas référence expressément devant la Cour mais demande la confirmation du jugement, ce qui implique la confirmation des dispositions concernant l'application de cet article. La Cour croit devoir effectivement confirmer le jugement sur ce point.
Par ces motifs, LA COUR : Statuant par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi. Déboute partiellement la SA VAG France de son appel. Confirme le jugement du Tribunal de Commerce de Gap sur la poursuite du contrat de concession entre la SA VAG France et le Garage Berta et sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Condamne la SA VAG France à payer au Garage Berta : - 167.478,40 F au titre des primes de quota 1988, - 50.000 F à titre de dommages-intérêts. Condamne la SA VAG France aux dépens d'appel. Dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.