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Décisions

Cass. com., 9 octobre 1990, n° 88-19.706

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

De Dietrich (SA)

Défendeur :

Seiesa (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defontaine

Rapporteur :

M. Leclercq

Avocat général :

M. Curti

Avocats :

Me Choucroy, SCP Célice, Blancpain.

TGI Strasbourg, ch. com., du 19 sept. 19…

19 septembre 1985

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 9 septembre 1988), qu'à partir de 1971, par contrat à durée déterminée se renouvelant annuellement par tacite reconduction, la société De Dietrich a confié à la société Seiesa la représentation exclusive de ses produits sur le territoire espagnol ; que la société De Dietrich a mis fin aux relations contractuelles au 31 décembre 1982, terme du contrat en cours à l'époque ; que la société Seiesa l'a assignée pour obtenir notamment d'être indemnisée du préjudice causé par cette rupture ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société De Dietrich fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la société Seiesa au motif, selon le pourvoi, que, les parties s'étant expressément soumises au décret du 23 décembre 1958 relatif aux agents commerciaux, il devait en être fait application bien que la société Seiesa ne se soit pas fait immatriculer sur le registre prévu à cet effet, alors que la loi choisie par les parties ne peut avoir pour effet de déroger aux lois qui intéressent l'ordre public ; que l'application du décret du 23 décembre 1958 postule le respect de dispositions d'ordre public dont celle de l'immatriculation de l'agent commercial sur le registre des agents commerciaux ; qu'ainsi dans la mesure où le statut des agents commerciaux était légalement inapplicable, les parties ne pouvaient légalement en choisir l'application sous peine de déroger à une loi d'ordre public ; que l'arrêt a donc violé les articles 6 et 1134 du Code civil ;

Mais attendu que la Cour d'appel a, à bon droit, retenu que la société Seiesa pouvait, dans ses relations avec son mandant, bénéficier des dispositions du décret du 23 décembre 1958, conformément aux stipulations contractuelles s'y référant expressément, sans que puisse lui être opposé le défaut d'immatriculation au greffe de la juridiction commerciale dans le ressort de laquelle elle est domiciliée, cette condition ne pouvant être appliquée à un agent ayant son siège et son activité à l'étranger ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société De Dietrich fait encore grief à l'arrêt de s'être prononcé comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'un contrat d'agent commercial conclu pour une période d'un an, renouvelable d'année en année par tacite reconduction sauf dénonciation adressée par l'une des parties à l'autre, par lettre recommandée trois mois avant la fin de la période annuelle en cours, même s'il n'est poursuivi pendant plus de dix ans, conserve toujours le caractère de contrat à durée déterminée dont le refus de renouvellement, quels qu'en soient les motifs, n'ouvre pas droit à indemnité ; et que l'arrêt qui constate que ce type de contrat, existant en l'espèce, lui conférait le caractère d'un contrat à durée déterminée, tout en admettant que la lettre de résiliation avec préavis supérieur à trois mois avait été novée en refus de renouvellement, devait donc en déduire que l'agent commercial n'avait aucun droit à indemnité, quels que soient les motifs de la résiliation ; que l'arrêt a donc violé les articles 1134 du Code civil et 1 et suivants du décret du 23 décembre 1958 ; et alors, d'autre part, que le prétendu abus de résiliation qui repose sur la motivation des premiers juges déclarant ne pas posséder "en l'état des éléments de preuve permettant de retenir le grief d'informations inexactes de l'agent relatives à la part De Dietrich sur le marché espagnol", est entaché d'un défaut de base légale, dans la mesure où l'arrêt ne s'est pas concrètement expliqué sur les documents de preuve versés aux débats d'appel par la société De Dietrich et visés dans ses conclusions, qui établissaient une tromperie de la société Sieisa sur la prospection systématique de la clientèle espagnole ; que l'arrêt a donc violé les articles 1134, 1147 et au besoin 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu qu'en mettant fin à ses relations avec la société Seiesa, la société De Dietrich avait abusé du droit qui était le sien de ne pas renouveler à son expiration le contrat à durée déterminée liant les parties, la Cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre cette société dans le détail de son argumentation, n'a pas, en ordonnant réparation du préjudice causé à la société Seiesa, méconnu la règle selon laquelle le non renouvellement par le mandant d'un contrat d'agent commercial à durée déterminée venu à expiration, n'ouvre pas droit à l'indemnité de résiliation prévue par l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le troisième moyen : - Vu l'article 455 du nouveau code de procédure civile ; - Attendu que, pour fixer à la somme arrêtée par le tribunal l'indemnité allouée à la société Seiesa, l'arrêt énonce que le préjudice causé à celle-ci par la résiliation litigieuse a été équitablement appréciée par les premiers juges, qui ont pris comme base de calcul l'équivalent de deux années de commissions ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi sans répondre aux conclusions de la société De Dietrich faisant valoir que le bénéfice retenu par les premiers juges incluait des éléments autres que le montant des commissions pour la période considérée de deux années et que la somme allouée correspondait en fait à six années de commissions, la Cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Par ces motifs, casse et annule, mais seulement en ce qu'il a fixé à 19 500 000 pesetas l'indemnité allouée à la société Seiesa, l'arrêt rendu le 9 septembre 1988, entre les parties, par la Cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Metz.