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Décisions

CA Dijon, 1re ch. sect. 1, 10 octobre 1990, n° 367-1989

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Allombert, Nanterre (ès qual.), Borkowski, Bullot, Coquet, Esthétique Triniol (EURL), Esthe-Vie (Sté), Fallard, Gottvalles, Guinot, Jouberton, Nosjean, Poidevin, Thomas, Vincent

Défendeur :

Plasmovital (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ruyssen

Conseillers :

MM. Littner, Gaget

Avoués :

Me Gerbay, SCP Avril-Hannsen

Avocats :

Mes Dorey, Ambielh.

T. com. Dijon, du 2 mars 1989

2 mars 1989

Exposé de l'affaire

Mme Allombert, Mme Borkowski, Mme Bullot, Mme Coquet, l'EURL Esthétique Triniol, la Société Esthe Vie, Mme Fallard, Mme Gottvalles, Mme Guinot, Mme Jouberton, Mme Nosjean, Mme Poidevin, Mme Thomas et M. Vincent ont fait appel d'un jugement rendu le 2 mars 1989 par le tribunal de commerce de Dijon ;

- qui les a déboutées de leur action tendant notamment à la nullité des contrats de franchise conclus par eux avec la Société Plasmovital ;

- qui leur interdit de concurrencer pendant un an la Société Plasmovital, en les autorisant toutefois à conserver leur activité propre d'esthéticien ;

- qui les a condamnés à retirer de leurs magasins tout ce qui pouvait rappeler la marque Plasmovital ;

- qui les a condamnés à verser diverses sommes à la Société Plasmovital pour factures ou redevances impayées, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive en réparation de préjudice, et au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Les appelants, à l'exception de Mme Coquet et de la Société Esthe Vie qui ne concluent pas, reprochent à leur adversaire :

- d'avoir diffusé une marque dépourvue de toute notoriété ;

- de ne leur avoir fourni aucun produit original, mais des produits provenant des laboratoires Colin et Jyta, qui ont seulement bénéficié d'un emballage Plasmovital à partir de fin 1986 ;

- de n'avoir pas répercuté sur eux les remises de prix que permettait le regroupement des commandes auprès des laboratoires ;

- de n'avoir mis à leur disposition ni méthode ni savoir-faire originaux ;

- de ne leur avoir donné aucune formation valable, sinon par quelques stages à leur frais ;

- d'avoir négligé l'assistance technique et commercial (étude de marché et d'implantation, étude financière, plan-type d'aménagement de magasin, plan-type d'amortissement des produits, plan de gestion, publicité).

Estimant que les éléments constitutifs du contrat de franchise ne sont pas réunis, ils demandent à la Cour :

- de prononcer la nullité des conventions passées avec Plasmovital ;

- de condamner la Société Plasmovital à leur rembourser les droits d'entrée et à leur verser à chacun les sommes de 10 000 F à titre de dommages-intérêts et de 5 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- de débouter la Société Plasmovital de ses demandes.

La Société Plasmovital conclut pour sa part à la confirmation du jugement, sauf à ce que la Cour condamne chacun des appelants au paiement d'une somme de 3.000 F pour frais irrépétibles. En résumé, elle réplique :

- que sa marque existait avant le premier contrat litigieux ;

- que la " notoriété " de la marque n'est pas un élément du contrat de franchise, ses dirigeants disposant d'ailleurs d'une expérience solide et donc d'un savoir-faire en matière de vente de produits cosmétiques, de soins de beauté et de méthodes amincissantes ;

- que ses méthodes présentaient effectivement le caractère de spécificité et de nouveauté requis, notamment par l'association de divers procédés et l'utilisation de certaines techniques totalement originales ;

- qu'elle a fourni aux franchisés des informations permanentes sur les techniques de soins, de " fidélisation " de la clientèle, de gestion, d'actions de promotion, ainsi qu'en matière juridique ;

- qu'elle a réalisé une importante publicité ;

- qu'elle a organisé de nombreux stages de formation pour les franchisés, en prenant en charge certains frais.

En fin de procédure, est intervenu Me Nanterne en qualité d'administrateur judiciaire de Mme Allombert, déclarant reprendre à son compte les conclusions des appelants.

Discussion

Attendu que les contrats litigieux, passés entre le 6 octobre 1985 et le 2 novembre 1987, indiquent en préambule que la Société Plasmovital a réalisé la synthèse de différents procédés de soins esthétiques et psychosomatiques pour aboutir à des méthodes originales et qu'il a mis au point des méthodes commerciales dynamiques ; qu'ils font obligation au franchiseur d'une part d'aider les franchisés dans leur organisation commerciale, administrative et technique, ainsi que dans leur action sur le marché et la décoration de leurs locaux, d'autre part d'assurer leur formation et leur recyclage ; qu'en contrepartie, ils interdisent notamment aux franchisés de vendre, d'appliquer ou d'utiliser des produits, méthodes ou appareils, autres que ceux agréés par le franchiseur ;

Attendu que l'intimé démontre avoir déposé la marque Plasmovital le 4 mars 1985 avant le premier contrat en cause ; qu'il importe peu que, par précaution, un contrat du 17 mai 1985 passé avec une dame Ferreux, qui n'est pas partie en appel, ait été assorti d'un avenant précisant que l'enregistrement de la marque n'était pas encore confirmé par l'Institut national de la propriété industrielle et que le franchiseur se réservait le droit d'en changer le cas échéant ;

Attendu que, contrairement à ce que prétendent les appelants, la notoriété de la marque n'est pas, en soi, un élément constitutif de la franchise; que la substance de ce type de contrat consiste dans la transmission d'un savoir-faire résultant de l'expérience acquise par le franchiseur ; qu'en l'espèce, les dirigeants de la Société Plasmovital établissent qu'ils exploitaient en 1985 à Dijon un commerce de parfumerie et de soins esthétiques en progression importante et constante depuis sa création en 1981 ;

Attendu que les franchisés reprochent à tort à la Société Plasmovital de leur avoir fourni des produits qu'elle ne fabriquait pas elle-même ; qu'à juste titre, le franchiseur fait observer que ses contrats portaient sur un savoir-faire et non sur la fourniture de produits originaux ;

Attendu qu'est également sans valeur le grief adressé au franchiseur de n'avoir pas répercuté sur ses franchisés les baisses de prix que permettait le regroupement des commandes ; qu'au demeurant, pour combattre cet argument, la Société Plasmovital verse aux débats divers documents par lesquels un certain nombre de franchisés restés à l'écart du présent litige attestent n'avoir pas souffert de la politique des prix pratiquée par leur partenaire ;

Attendu qu'en ce qui concerne son savoir-faire, la Société Plasmovital démontre par les documents qu'elle produit ou affirme dans ses conclusions sans être précisément contredite ;

- qu'elle a exploité à partir de 1983 les méthodes psychosomatiques d'un sieur Marcel Rouet, en matière de relaxation et de reconditionnement psychophagique ;

- qu'elle a obtenu le 10 juin 1986 l'exclusivité de l'exploitation de ces méthodes ;

- qu'elle associait le laser-helium-néon et les infra-rouges avec physiotope, appareil inconnu en France, destiné à favoriser la circulation sanguine ;

- qu'elle bénéficiait de l'exclusivité de la technique du " plasmolitfting " ;

- qu'elle mettait en œuvre des méthodes originales et spécifiques en matière de soins capillaires (lettre de M. Coatmeur du 18 août 1986) ;

Attendu que ce savoir-faire est décrit dans trois " bibles " versées aux débats, l'une de 76 pages consacrée aux méthodes de bio-régulation, la deuxième de 67 pages concernant les soins capillaires, la troisième de 85 pages relative aux soins du visage et du corps et aux cures marines ; que rien ne permet de penser que ces documents n'étaient pas été mis à la disposition des franchisés ;

Attendu que, de ce qui précède, il résulte que la Société Plasmovital a rempli ses obligations en matière de transmission de savoir-faire, même s'il est vrai, comme le soulignent les appelants, que certaines méthodes ou certains conseils relevaient du simple bon sens ou consistaient à reproduire les notices d'utilisation établies par les fabricants des produits fournis ; que l'originalité, en matière de franchise, peut consister dans la conjonction de divers éléments connus séparément si le franchisé se voit proposer des procédés qu'il ne pourrait découvrir lui-même qu'au prix de recherches longues et coûteuses ; que tel est le cas en l'espèce, alors surtout que les critiques des franchisés ne portent que sur quelques points de détail ou sur quelques techniques parmi celles qui leur étaient offertes;

Attendu qu'en ce qui concerne la formation, la Société Plasmovital établit encore qu'elle a respecté ses obligations ; qu'elle produit diverses pièces relatives à des stages :

- " d'expansion biologique ", de trois jours, en septembre, octobre, novembre et décembre 1986 ;

- " Collin ", de trois jours, en mai, juin et juillet 1986 ;

- de recyclage le 27 janvier 1986 (avec participation d'un médecin spécialiste de chirurgie plastique et reconstructrice), le 22 septembre 1986 (plasmolifting, nouvelles méthodes et nouveaux produits concernant les soins des cheveux, centre anti-stress), le 5 janvier 1987 (soins capillaires, organisation commerciale du réseau de vente), le 16 mars 1987 (pose de prothèses capillaires) ; qu'elle apporte la preuve par des factures que les frais de ces stages étaient au moins en partie à sa charge ;

Attendu que les reproches faits par les appelants au franchiseur au sujet de l'assistance due au cours d'exécution de contrat ne sont pas davantage fondés ; qu'il résulte au contraire de l'abondante documentation produite par la Société Plasmovital que ses franchisés ont reçu :

- une note d'information relative aux formalités à accomplir avant l'ouverture d'une boutique ;

- de très nombreuses instructions en matière de publicité, de réception de marchandises, d'établissement et de règlement de factures, de démarchage de clientèle, de tarifs, d'emploi du personnel, de stock, de commandes, de délais de livraisons etc... ;

- des modèles de fiches de contrôle, de prospectus et d'encarts publicitaires, de cartes de fidélité, de contrats de soins esthétiques, de contrats d'assurance, d'invitation pour des réunions d'inauguration ou d'information, d'entretiens téléphoniques avec des clients potentiels, etc.. ;

Attendu que, s'agissant en particulier de publicité, la Société Plasmovital fait valoir qu'elle lui a consacré une somme globale de 267 861 F entre décembre 1985 et novembre 1987 ; qu'elle établit avoir également réglé plusieurs factures pour le compte de franchisés et avoir envoyé un nombre important de notes de services à ses partenaires à ce sujet ; qu'en vain, les appelants insistent sur le fait que leur adversaire a dû retirer des annonces et un journal publicitaires qui n'étaient pas conformes à la réglementation ; qu'il s'agit là de la part du franchiseur, d'erreurs ponctuelles, réparées par la suite, qui ne sauraient remettre en cause la validité des contrats ;

Attendu qu'en définitive, les éléments constitutifs de la franchise se trouvant réunis, la décision des premiers juges doit être confirmée en ce qu'elle a débouté les franchisés de leur action en nullité ; qu'il en va de même pour l'interdiction de concurrence et le retrait de la marque Plasmovital, ainsi que pour les condamnations pour factures et redevances impayées, les sommes réclamées ne faisant l'objet d'aucune contestation ;

Attendu que la Société Plasmovital verse aux débats des mises en demeure et des constats d'huissier de justice qui montrent que certains appelants (Mesdames Bullot, Gottvallès, Allombert, Borkowski, Guinot et Jean) ont continué à utiliser la marque Plasmovital après la résiliation de leurs contrats ; que, dans ces cas de concurrence fautive, et sous réserve de ce qui sera dit ci-après au sujet de Mme Allombert, les dommages-intérêts alloués par le tribunal sont justifiés ; qu'à l'inverse, aucune faute n'est prouvée à l'encontre des autres franchisés appelants ;

Attendu que la procédure engagée par les franchisés ne relève pas de l'abus de droit ; qu'il y a lieu à réformation sur ce point ;

Attendu que les appelants, qui succombent, ne peuvent prétendre ni à des dommages-intérêts ni au bénéfice de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; qu'en revanche, exception faite de Mme Allombert, l'équité commande de mettre à la charge de chaque appelant une somme de 1 000 F pour les frais irrépétibles, que la Société Plasmovital a dû exposer en appel, ces sommes s'ajoutant à celles allouées en première instance ;

Attendu qu'en ce qui concerne Mme Allombert, qui se trouve sous le coup d'une procédure collective, et dans la mesure où la Société Plasmovital ne justifie pas de la déclaration de sa créance, il y a lieu à suspension de l'instance par application de l'article 48 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Décision

Par ces motifs, LA COUR : - confirme le jugement attaqué sauf en ce qu'il a alloué des dommages-intérêts pour procédure abusive, en ce qu'il a condamné Mme Allombert et en ce qu'il a condamné Mme Coquet, Esthétique Triniol, Esthe Vie, Mme Fallard, Mme Jouberton, Mme Poidevin, Mme Thomas, et M. Vincent à des dommages-intérêts " en réparation du préjudice causé " ; ajoutant, - déclare suspendue l'instance en cours concernant Mme Allombert ; - condamne chacun des appelants, à l'exception de Mme Allombert, à payer à la Société Plasmovital une somme de 1 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - les condamne de même aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.