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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 14 novembre 1990, n° 89-237

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Baral (SA)

Défendeur :

Austin Rover France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chavanac

Conseillers :

M. Chardon, Mme Briottet

Avoués :

Mes Narrat, Peytavi, Régnier, Sevestre

Avocats :

Mes Dufour, Landon.

T. com. Paris, 12e ch., du 17 mai 1988

17 mai 1988

Par jugement du 17 mai 1988, le Tribunal de commerce de Paris a constaté " la résiliation " du contrat de concession passé le 20 décembre 1984 entre la SA Baral et la SA Austin Rover et déclaré cette dernière redevable de dommages-intérêts évalués à 100 000 F.

La SA Baral a interjeté appel.

Elle soutient que la stipulation contractuelle de durée est nulle comme contrevenant aux dispositions du droit communautaire et que cette nullité s'étend à l'acte en son entier, dont la clause de respect des quotas, laquelle, prétendue inexécutée, sert de fondement à la résiliation opposée par la SA Austin Rover :

- subsidiairement, elle objecte que les quotas requis revêtent un caractère excessif, justiciable de sanction, ce en application aussi bien des règles relatives à la concurrence que de celles du droit civil résultant, notamment, de l'article 1151 du code civil.

- L'appelante persiste à réclamer à titre de dommages-intérêts le montant de deux années de charges fixes, globalement chiffré à 5 000 000 F, et sollicite 40 000 F de remboursement de frais de justice.

L'intimée, pour sa part, forme appel incident. Elle estime que le jugement manque de cohérence alors qu'après avoir admis qu'elle s'était régulièrement prévalue du jeu de la clause de résiliation, il la déclarait cependant redevable de dommages-intérêts sans caractériser à son encontre la moindre faute ; la société Austin Rover relève encore que les dispositions communautaires alléguées, de même que les règles relatives à la concurrence, ne sont entrées en vigueur que postérieurement à la rupture du contrat et réitère qu'aucun excès n'est établi ; enfin, se plaignant d'une procédure injuste, elle sollicite 20 000 F de remboursement de frais de justice.

Sur quoi, LA COUR,

Considérant qu'il est de fait que le contrat de concession stipule,

a) en son article V, que sa durée est déterminée, prenant effet le 1er janvier 1985 pour se terminer le 31 décembre de la même année, de plein droit sans aucune possibilité de tacite reconduction, celle des parties n'ayant pas l'intention de conclure un nouveau contrat devant en avertir l'autre avant le 30 septembre 1985,

b) en son article IX § 5, que, sous réserve de délais ou d'arrêt de production, imputables au concédant, le concessionnaire s'engageait " à avoir atteint au 30 juin 1985 au mois 75 % des objectifs par marque du 1er quadrimestre et 37,5 % des objectifs par marque du 2e quadrimestre ", étant précisé que " si le concessionnaire n'obtenait pas ces résultats partiels minimaux, le concédant pourra le mettre en demeure de rattraper son retard sous deux mois, et si le nombre de véhicules vendus par le concessionnaire au 31 août 1985 n'atteignait pas 75 % des objectifs de marque, le concédant pourrait, par simple lettre recommandée AR, et sans autre formalité judiciaire, résilier le contrat par anticipation ";

Que la correspondance échangée en cours d'exécution montre que le 28 juin 1985 la SA Austin Rover a mis en demeure la SA Baral de rattraper le retard pris, notant que 37 véhicules neufs seulement avaient été vendus contre 59 projetés, soit un quota de 62,7 % des objectifs, et l'enjoignant d'atteindre le 31 août suivant celui de 75 %, tandis que, le 18 septembre 1985, par une nouvelle lettre en la même forme, la SA Austin Rover lui annonçait que les résultats atteints restaient insuffisants, plafonnant au quota de 50 % contre celui de 75 %, et qu'en vertu de l'article 18 § 5 du contrat, dont elle rappelait l'énoncé, elle lui signifiait la rupture de leurs relations ; que lesdits résultats avancés n'ont été l'objet d'aucune contestation de la SA Baral qui n'a réagi qu'un an plus tard en protestant simplement d'une rupture brutale;

Considérant qu'il est de droit que la clause de résiliation insérée dans un contrat fait la loi des parties et que son application s'impose dès lorsque la matérialité de l'infraction est vérifiée ; qu'il reste que cette clause doit se rattacher à un contrat valable et sa mise en jeu être exempte de mauvaise foi ;

Qu'il apparaît, en l'espèce, que ledit contrat, au jour de son établissement comme à celui de sa résiliation anticipée, respectivement les 20 décembre 1984 et 18 septembre 1985, échappait aux clauses de nullité édictées par le règlement de la communauté européenne " 123-85 ", entré en vigueur au mois d'octobre, et, a fortiori à l'ordonnance relative à la concurrence en date du 1er décembre 1986 ; qu'également ne s'avérait pas le moindre comportement dolosif de la part de la SA Austin Rover ; que l'erreur commune invoquée par les premiers juges sur une analyse de l'achalandage, partant des objectifs à atteindre, estimée par eux nécessairement aléatoire, attesterait au contraire d'un comportement involontaire, exclusif de toute notion de dol ;

Considérant enfin que la clause de résiliation ne constitue pas une clause pénale à elle seule ; que les dispositions de l'article 1152 y afférentes, qui répriment l'excès et autorisent une modération, sont par suite inopérantes ;

Qu'il suit qu'aucun agissement répréhensible ne peut être reproché à la SA Austin Rover qui ne saurait devoir une quelconque indemnité;

Considérant qu'il est inéquitable d'allouer à la SA Austin Rover 10 000 F de remboursement de frais de justice ;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause de résiliation au profit de la SA Austin Rover ; L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau : Déboute la SA Baral de ses demandes de dommages-intérêts et remboursement de frais ; Condamne la SA Baral à payer à la SA Austin Rover la somme de dix mille francs (10 000 F) ; Condamne la même aux entiers dépens d'instance et d'appel ; Admet Mes Régnier et Sevestre- Régnier, avoués associés, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.