CA Grenoble, 1re ch. civ., 28 janvier 1991, n° 88-1299
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Teval Oy (Sté)
Défendeur :
Sodifrance (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fabre
Conseillers :
Mme Brenot, M. Baumet
Avoués :
SCP Borel, Calas, SCP Perret, Pougnaud
Avocats :
Mes Lang, Léopold.
Les faits et la procédure :
La société de droit finlandais Teval Oy qui fabrique des plafonds chauffants et désire distribuer ses produits en France va se rende au salon Batimat à Paris en novembre 1983 et y rencontrer la société française Sodifrance.
Pendant l'année 1984, la société Sodifrance va débuter la distribution en France des produits Teval Oy.
Par jugement du 8 février 1985, la société Sodifrance était déclarée en règlement judiciaire et Maître Bermond désigné en qualité de syndic. Se plaignant du non respect par la société Teval Oy des conventions intervenues du fait de son refus de livraison après le jugement de règlement judiciaire. La société Sodifrance assistée de Maître Bermond l'a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Bourgoin Jallieu statuant en matière commerciale.
Par jugement du 29 janvier 1988, ce tribunal a :
- dit que la SARL Sodifrance bénéficiait au jour du prononcé du règlement judiciaire d'un accord de distribution exclusif du produit " ceiling heating " fabriqués par la société Teval Oy.
- dit que la société Teval Oy a transgressé cet accord en commercialisant ce produit directement ou par d'autres intermédiaires après le prononcé du règlement judiciaire alors que le syndic avait manifesté son intention de poursuivre le contrat.
- ordonné, avant dire droit sur la fixation du préjudice, une expertise qu'il a confiée à M. Richerme avec mission de rechercher le chiffre d'affaires réalisé par la société Teval Oy en 1985, 1986 et 1987 à l'exportation vers la France du produit " ceiling heating ", de dresser la liste des importateurs et de dire si des accords de distribution ont été passés avec un ou des concurrents de la société Sodifrance.
- a fixé à 10 000 F la provision à consigner au greffe par Maître Bermond.
- a dit que la société Teval Oy devra verser à la SARL Sodifrance une indemnité provisionnelle de 50 000 F.
Par déclaration du 13 avril 1988, la société Teval Oy a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Les moyens des parties :
La société Teval Oy expose à l'appui de son appel que si un accord de distribution exclusive a bien été envisagé, les parties ne sont pas parvenues à un accord sur ce contrat que les documents précontractuels ne peuvent établir les droits des parties, que des propres écritures de Sodifrance. Les relations contractuelles ont cessé fin 1984 début 1985 soit avant le jugement prononçant le règlement judiciaire, que les marchandises livrées à la Sodifrance dans le cadre du prétendu contrat d'exclusivité invoqué n'ont pas été réglées et qu'enfin la fin des relations commerciales n'a causé à Sodifrance aucun préjudice et qu'en tout état de cause le prétendu contrat ne peut faire l'objet de la location-gérance consentie à Sertim.
La société Teval Oy conclut à la réformation du jugement, au débouté de Maître Bermond en ès qualité de syndic au règlement judiciaire de payer la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de celle de 15 000 F an application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Maître Bermond ès qualité de syndic du règlement judiciaire de la société Sodifrance réplique qu'un accord verbal définitif était intervenu entre les parties faisant de la société Sodifrance l'importateur des plafonds chauffants de Teval Oy pour la France et que la rédaction d'un contrat écrit ne constituait qu'une exigence supplémentaire de Teval Oy en cours d'exécution des conventions qui n'avait pour but que de les clarifier et les préciser, que les accords ont été rompus à la seule initiative de la société Teval Oy qui a refusé de livrer les commandes passées à partir de fin 1984 et qui a confié à la société Sertim la distribution de ses produits en France.
Maître Bermond ès qualité conclut à la confirmation du jugement et demande que la provision à valoir sur le préjudice de Sodifrance soit porté à 500 000 F, il sollicite en outre la somme de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Motifs de la décision :
En application de l'article 109 du code de commerce tous les modes de preuve sont admis en matière commerciale.
Ainsi que l'a justement analysé le premier juge par des moyens que la Cour adopte l'examen des correspondances échangées entre la société Teval Oy et la société Sodifrance démontre que la société finlandaise s'est engagée à concéder à la SARL Sodifrance l'exclusivité de la vente sur le territoire français de son produit " ceiling heating " plafond chauffants. Le fait qu'un contrat définissant avec précision les modalités d'exécution de l'accord n'ait pas été signé ne saurait remettre en cause la volonté clairement explicitée des deux parties de se lier par un contrat de distribution exclusive.
Contrairement à ce qu'affirme la société Teval Oy les relations contractuelles n'ont pas cessé entre les parties fin 1984 mais selon la correspondance échangée, la société Sodifrance ayant été déclarée en redressement judiciaire, son syndic a demandé à la société Teval Oy son accord pour la cession du contrat de concession exclusive à un repreneur qui s'engageait à reprendre ses activité et à apurer son passif.
Dans les télex adressés les 29 janvier 1985 et 18 février 1985 par la société Teval Oy à la société Sodifrance, celle-ci indiquait qu'elle était prête à continuer la coopération avec le nouveau propriétaire.
Ainsi la volonté tant de Maître Bermond que de la société Teval Oy de poursuivre l'exécution du contrat de concession exclusive des plafonds chauffants en France après le prononcé du règlement judiciaire est donc établie.
Dès lors, en consentant la distribution de ces mêmes produits à d'autres partenaires notamment à la société Sertim sur le territoire français la société Teval Oy a transgressé l'accord passé avec Sodifrance, l'expertise ordonnée par le premier juge s'impose pour déterminer l'étendue du préjudice subi par la société Sodifrance du fait de la rupture de cet accord commercial.
S'il est certain que la société Sodifrance a subi un préjudice du fait de cette rupture aucun document n'est versé aux débats à ce sujet si bien qu'en l'état la provision allouée par le premier juge ne se justifie pas.
Il y a lieu de fixer à la somme de 3 000 F le montant des frais irrecouvrables engagés en appel qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Maître Bermond en sa qualité de syndic du règlement judiciaire de Sodifrance.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré à l'exception de celle afférente à l'octroi d'une indemnité provisionnelle à la société Sodifrance. L'émendant sur ce point et statuant à nouveau. Déboute Maître Bermond en qualité de syndic du règlement judiciaire de Sodifrance de sa demande d'indemnité provisionnelle. Condamne la société Teval Oy payer à Maître Bermond es qualité la somme de 3 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Renvoie la cause et les partie devant le Tribunal de grande instance de Bourgoin Jallieu pour la poursuite de l'expertise et de la procédure. Condamne la société Teval Oy aux dépens. Autorise la SCP Perret Pougnaud à recouvrer directement les dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.