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Décisions

CA Bordeaux, ch. corr., 5 février 1991, n° 1121-90

BORDEAUX

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leportier

Conseillers :

Mme Edoux de Lafont, M. Boulet

Avocat :

Me Fourgoux.

TGI Bordeaux, ch. corr., du 16 mai 1990

16 mai 1990

Faits :

Par actes en date du 28 mai 1990 reçus au secrétariat greffe du Tribunal de grande Iistance de Bordeaux, le prévenu et le Ministère public ont relevé appel d'un jugement contradictoire à signifier rendu par ledit tribunal le 16 mai 1990 à l'encontre de M. O Gilbert poursuivi comme prévenu d'avoir à Bordeaux, le 29 juin 1987 effectué, de concert avec A Jean, une publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix des articles de bijouterie du magasin X en l'espèce en annonçant une réduction de 50 % sur les prix affichés alors que ceux-ci avaient été établis par application d'un coefficient multiplicateur très supérieur à celui utilisé par la profession (4,78 au lieu de 2 à 3) ;

Faits prévus et réprimés par les articles 44-I et 44-II alinéas 7 et 8 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973, 1er de la loi du 1er août 1905 ;

Le tribunal l'a déclaré coupable des faits qui lui sont reprochés et en répression l'a condamné à 50 000 F d'amende ;

L'a condamné aux dépens ;

Sur quoi,

LA COUR a mis l'affaire en délibéré pour rendre son arrêt publiquement à l'audience du 5 février 1991 ;

Et, à l'audience de ce jour, la cour, vidant son délibéré, a statué en ces termes :

O Gilbert, premier appelant n'a pas comparu bien que l'affaire ait été renvoyée contradictoirement à l'audience du 8 janvier 1991.

Le Ministère public, appelant incident, requiert l'annulation du jugement déféré. Il précise qu'aucun texte ne permet aux agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d'intervenir en qualité de partie devant le juge répressif en matière d'infraction prévue par la loi du 1er août 1905. Il demande à la cour d'user de son droit d'évocation, de retenir la culpabilité de Gilbert O et de faire à son encontre application de la loi.

La société A, civilement responsable, dépose des conclusions tendant à voir prononcer la nullité du jugement rendu le 16 mai 1990 par le Tribunal de grande instance de Bordeaux et à relaxer O.

Les appels interjetés sont recevables en la forme.

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient de joindre l'incident au fond.

Sur la nullité du jugement :

A la lecture du jugement prononcé par le Tribunal de grande instance de Bordeaux le 16 mai 1990, il apparaît que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes y figure comme partie civile et qu'à l'audience elle a déposé des conclusions. Or en cas de poursuites fondées sur la loi du 1er août 1905, les agents de cette administration ne tiennent d'aucun texte la possibilité d'intervenir comme partie à l'instance.

Il convient donc de prononcer la nullité de la décision précitée et en application de l'article 520 du Code de procédure pénale d'évoquer et de statuer au fond.

Sur l'action publique :

La société Y, civilement responsable d'O Gilbert, n'est pas intervenue en première instance. Elle n'est pas recevable à agir en appel. Ses conclusions seront donc déclarées irrecevables.

Il résulte des pièces du dossier que la société X dont M. A est le gérant de fait a signé un contrat de franchise pour l'exploitation d'une bijouterie Z avec la société Y dirigée par M. O.

Le 29 juin 1987, les agents de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes se sont présentés à la bijouterie, <adresse>, dirigée par M. A et ont constaté à l'entrée sur les vitrines à gauche une affiche mentionnant " Z 50 % bijouterie " et à droite une autre portant la mention Bijouterie 50 % Z, à l'intérieur des affiches annonçant " Z 50 % Bijouterie ".

En bas de ces documents, en caractères de 3 à 4 mm, figurait la phrase : " Les prix indiqués sur nos étiquettes sont nets. La valeur marchande moyenne usuelle selon les relevés de janvier 1987 à Bordeaux de prix couramment pratiqués sur des articles comparables est de 50 % inférieure aux prix affichés sur nos étiquettes. Offre valable jusqu'au 30 juin 1987 ".

Après vérification et analyse des factures et de l'état des stocks, il apparaissait que le coefficient multiplicateur le plus courant était de 4,5 alors que celui employé dans la profession est de 2 à 3.

Comme la publicité " Z 50 % Bijouterie ", objet du contrôle occupe le 8/10e de l'affiche, le client moyennement averti pense, en la voyant, qu'il peut faire une économie de 50 % sur les prix antérieurement pratiqués par le magasin ou sur les prix des magasins concurrents. Or cette réduction de 50 % s'est révélée fausse. En outre les cinq lignes rajoutées au bas de l'affiche en très petits caractères n'ôtent pas à cette publicité son caractère délictueux. Ils sont incompréhensibles pour le consommateur moyen qui devra les relire à plusieurs reprises avant d'en comprendre le sens ; cette publicité émise en termes volontairement ambigus susceptibles de donner lieu à de fausses interprétations et d'induire en erreur le consommateur est constitutive de l'infraction à l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 réprimée par l'article 1er de la loi du 1er août 1905.

O Gilbert étant délinquant primaire, il convient de lui faire application de circonstances atténuantes et de le condamner à 50 000 F d'amende mais d'ordonner la publication du présent arrêt dans le journal Sud-Ouest aux frais du prévenu qui ne devront pas dépasser 3 000 F.

Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré hors la présence du Ministère public et du greffier, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à signifier à l'égard du prévenu, Déclare recevables en la forme les appels du prévenu et du Ministère public; Ordonne la jonction de l'incident au fond; Annule le jugement du Tribunal de grande instance de Bordeaux du 16 mai 1990; Usant de son droit d'évocation, la cour, Déclare irrecevables les conclusions de la SA Y, civilement responsable; Déclare O Gilbert coupable d'avoir à Bordeaux, le 29 juin 1987, effectué une publicité comportant des allégations fausses et de nature à induire en erreur sur les prix des articles de bijouterie du magasin X en annonçant une réduction de 50 % sur les prix affichés alors que ceux-ci avaient été établis par application d'un coefficient multiplicateur très supérieur à celui utilisé par la profession, Infraction prévue et réprimée par les articles 44-I, 44-II de la loi du 27 décembre 1973 et réprimée par l'article 1er de la loi du 1er août 1905; Condamne O Gilbert à une amende de cinquante mille francs; Ordonne la publication de la présente décision dans le journal Sud-Ouest aux frais du prévenu qui ne devront pas dépasser la somme de 3 000 F; Condamne O Gilbert aux entiers dépens, dont ceux dus au Trésor Public, liquidés à la somme de 578,60 F, le tout en application des articles 749 et 750 du Code de procédure pénale.