CA Paris, 5e ch. C, 14 février 1991, n° 89-4859
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Maria C (SARL)
Défendeur :
Leading (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rouchayrole
Conseillers :
M. Thery, Mme Garnier
Avoués :
SCP Varin-Petit, Me Pamart
Avocats :
Mes Clement, Petreschi.
La société Maria C, qui exploitait un magasin de franchise situé à Montpellier, a relevé appel du jugement rendu le 6 décembre 1988 par le Tribunal de Commerce de Paris qui l'a condamnée à payer à la société Leading, franchiseur, la somme de 100.000 F à titre de clause pénale prévue en cas de rupture unilatérale du contrat de franchise et qui l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en restitution du droit d'entrée (40.000 F) et en paiement de 60.000 F à titre de dommages-intérêts.
Au soutien de son appel la société Maria C fait valoir que la société Leading n'a pas rempli ses obligations de franchiseur et l'a ainsi amenée à dénoncer le contrat.
Elle reprend ses demandes reconventionnelles en paiement de 40.000 F et de 60.000 F outre 10.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et conclut à l'infirmation du jugement.
La société Leading demande la confirmation du jugement déféré ainsi que la condamnation de l'appelante à lui payer 10.000 F au titre dudit article 700.
Considérant que la société Maria C, qui a conclu le 29 mai 1985 un contrat de franchise avec la société Leading, concessionnaire de la marque Fil à Fil, commercialisant des articles de chemiserie, pour une durée de trois ans à partir du jour du contrat, renouvelable par tacite reconduction par période de un an à l'expiration de la durée initiale, a notifié le 25 novembre 1986 à cette société Leading qu'elle tiendrait le contrat pour résilié à la date du 25 décembre 1986 si cette dernière n'exécuterait pas d'ici là toutes les obligations résultant de sa qualité de franchiseur ;
Que par lettre du 25 décembre 1986 elle a confirmé qu'elle considérait le contrat de franchise définitivement résilié à compter de ce jour ;
Considérant que dans ces conditions, la société Maria C doit être traitée comme l'auteur d'une rupture unilatérale anticipée du contrat à durée déterminée qui la liait à la société Leading jusqu'en mai 1988, à moins qu'elle ne parvienne à prouver que cette société franchiseur a commis des manquements à ses obligations caractérisées, de nature à justifier l'initiative de la résiliation prise par la société franchisée ;
Considérant que pour rapporter cette preuve la société Maria C se fonde principalement sur les lettres de réclamation que sa gérante Madame Choukroun a adressées à la société Leading, très rapidement après la signature du contrat, pour lui faire part de doléances aussi nombreuses que variées ;
Considérant qu'elle reproche en premier lieu à la société Leading " l'absence de service ou d'aide de quelque sorte que ce soit dans le lancement de la boutique, l'absence d'aide dans la conception de la campagne publicitaire de démarrage et de conseil lors de la passation des ses commandes ;
Mais considérant qu'il résulte des termes de la réponse donnée le 2 septembre 1985 par la société Leading que cette société a fourni à la société Maria C les plans complets d'implantation du magasin et de la fabrication des meubles, présentoirs et meuble de caisse, ainsi que toutes indications utiles à sa décoration ;
Que la société Leading lui a fourni des conseils pour la gestion du magasin, l'établissement des bons de commande, le personnel à embaucher, mais que Madame Choukroun n'en a tenu aucun compte, lui faisant connaître que les solutions préconisées étaient infantiles et qu'elle était capable de trouver seule des solutions biens plus simples et cohérentes;
Qu'elle a quitté au bout de trois jours le stage d'information organisé par le franchiseur pour une durée de six à dix jours et a mal accueilli les reproches qui lui ont été ensuite adressés sur la présentation des étalages dont la technique était inscrite dans le programme de ce stage ;
Considérant qu'elle reproche à la société Leading de lui avoir imposé une commande d'un montant trop élevé pour le stock initiale du magasin et d'un choix d'articles non adaptés au marché local, voire même défectueux, qu'elle n'aurait pu écouler ;
Mais considérant qu'elle ne fournit pas de justification de ces griefs, alors qu'il résulte des correspondances versées aux débats que la société Leading a consenti des avoirs chaque fois que des marchandises défectueuses lui ont été renvoyées, dans des proportions qui ne paraissent pas excessives ;
Considérant qu'il est anormal que Mme Choukroun se plaigne à la fois de n'avoir reçu qu'une assistance insuffisante et d'avoir été soumise à une contrainte trop lourde pour le choix des fournisseurs et des marchandises, alors qu'il est de la nature du contrat de franchise que les fournisseurs soient sélectionnés par le franchiseur selon les critères propres à la marque, et dans un esprit de coopération mutuelle dont Choukroun a manifestement manqué ;
Considérant que, dans ces conditions, ainsi que les premiers juges l'ont relevé, la société Maria C ne peut imputer au franchiseur d'être à l'origine du déficit de 122.704 F qu'elle a constaté au 31 décembre 1986 ;
Considérant que le contrat de franchise prévoyait qu'au cas de résiliation par la faute du franchisé le dépôt de garantie s'élevant à 100.000 F sera conservé par le franchiseur " à titre d'indemnité et à concurrence du préjudice subi par lui " ;
Considérant que la société Maria C fait valoir que la société Leading ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle aurait subi ;
Qu'en effet cette société ne fait état que du manque à gagner que lui a causé la rupture anticipée du contrat que l'a privée des redevances pour la période restant à courir du 31 décembre 1986 au 30 mai 1988, et s'en remet à l'évaluation forfaitaire prévue au contrat à titre de clause pénale ;
Que la rédaction de cette clause du contrat prévoit toutefois que l'indemnité sera due " à concurrence du préjudice " subi par le franchiseur sous réserve de dommages intérêts supplémentaires ;
Que dans les circonstances de l'espèce le préjudice causé par la rupture anticipée, alors que le contrat s'était exécuté pendant la moitié de la durée prévue, ne peut être évalué au-delà de 50.000 F, en tant que de besoin par application d'office des articles 1152 et 1231 du Code Civil, la clause pénale convenue étant manifestement excessive ;
Considérant que la société Maria C n'est pas fondée dans sa propre demande de dommages intérêts et ne peut réclamer la restitution du droit d'entrée qui correspond à des frais exposés par le franchiseur pour la mise en vente du magasin et l'avantage concédé ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Leading les frais non compris dans les dépens à concurrence de 4.000 F ;
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf quant au montant des dommages intérêts alloués à titre de clause pénale à la société Leading ; Statuant à nouveau de ce chef : Dit qu'il n'y a lieu de modérer la clause pénale en application des articles 1162 et 1231 du Code Civil ; Condamne la société Maria C à payer à la société Leading la somme de 50.000 F à titre de dommages intérêts avec les intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement déféré. Y ajoutant : Condamne la société Maria C à payer à la société Leading la somme de 4.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la société Maria C aux dépens d'appel et autorise la SCP Varin-Petit à les recouvrer conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.