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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 4 mars 1991, n° 90-25349

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Nedelec

Défendeur :

Athlete's Foot (SNC), Marshall (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hannoun

Conseillers :

MM. Canivet, Guérin

Avoués :

SCP Garrabos Alizard, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Thomas, Volnay

T. com. Paris, 9e ch., du 4 oct. 1990

4 octobre 1990

Monsieur Patrick Nedelec est appelant du jugement rendu le 4 octobre 1990 par le tribunal de commerce de Paris qui :

- l'a débouté de son action tendant à l'annulation du contrat de franchise conclu le 12 juillet 1985 avec la société Athlete's Foot ;

- et l'a condamné à payer à la Société Marshall substituée dans les droits de cette société : 168 826,24 F à titre de redevances, 66 603,01 F en paiement de marchandises, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 1990, date de la demande reconventionnelle ; ainsi que 10 000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- a donné acte à la Société Marshall de ce que le contrat susvisé avait été dénoncé par ses soins et dit en conséquence que le contrat étant expiré le 12 juillet 1990, il n'y avait pas lieu de prononcer sa résiliation ;

- a déclaré licite la clause de non-concurrence insérée au contrat, telle que réduite par le franchiseur dans le temps et l'espace, ainsi qu'en son objet ;

- constaté sa violation par l'ex-franchisé depuis le 12 juillet 1990 et lui a fait défense de poursuivre dans son magasin de Quimper ses activités de vente de vêtements et de chaussures de sport jusqu'au mois de juillet 1990 ;

- condamné Monsieur Patrick Nedelec à payer à la société Marshall la somme de 120 000 F à titre de dommages et intérêts ;

- lui a ordonné d'assurer la dépose et la restitution à cette société des matériels et signes caractéristiques de la franchise sous astreinte de 3 000 F par jour de retard quinze jours après la signification du jugement ;

- et l'a condamné au paiement d'une somme de 7 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Nedelec demande à la Cour de :

- dire : que le contrat signé le 12 juillet 1985 est un contrat de licence de marque, et que les redevances versées à ce titre couvrent la totalité de la période contractuelle ;

- subsidiairement, dire que l'interruption des paiements est justifiée par l'inexécution de ses obligations par le franchiseur ;

- encore plus subsidiairement, réduire à 129 860 F le montant des redevances restant dues ;

- lui donner acte de ce qu'il reconnaît devoir la somme de 39 226,74 F à titre de marchandises ;

- condamner les intimées à lui payer la somme de 300 000 F à titre de dommages et intérêts pour inexécution de leurs obligations ;

- déclarer abusive et illicite et en conséquence non écrite la clause de non-concurrence insérée au contrat ;

- dire que le franchiseur devra verser un prix de rachat pour pouvoir récupérer l'ensemble des éléments visuels caractéristiques de la marque Athlete's Foot ;

- condamner les intimées au paiement de la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les Sociétés Marshall et Athlete's Foot demandent pour leur part de confirmer le jugement entrepris en y apportant les modifications suivantes :

Tout en acceptant de réduire à 39 226,74 F leur créance relative aux marchandises livrées, elles demandent de fixer à 149 805,28 F le montant des redevances restant dues par Monsieur Nedelec et de le condamner au paiement d'une somme complémentaire de 50 000 F pour résistance abusive.

Elles demandent en outre de reporter le point de départ de l'obligation de non-concurrence au jour du prononcé de l'arrêt et d'assortir sa violation d'une astreinte de 10 000 F par jour de retard. Subsidiairement si le point de départ de cette obligation était maintenu à la date d'expiration du contrat, elles sollicitent la somme de 180 000 F à titre de dommages et intérêts pour sa violation.

Par ailleurs elles demandent de dire que l'astreinte de 3 000 F relative à la restitution des signes caractéristiques de la franchise commencera à courir à compter du prononcé de l'arrêt et devra s'appliquer à chaque signe non restitué.

Enfin elles sollicitent une indemnité de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR :

Sur la portée du contrat :

Considérant que tout en renonçant à la demande d'annulation par lui présentée en première instance, l'appelant entend réduire la portée du contrat conclu avec la société Athlete's Foot en soutenant qu'il ne s'agissait pas d'un contrat de franchise, mais d'un simple contrat de licence de marque ;

Considérant qu'après avoir relevé que, conformément à la définition donnée par le règlement 4087/88 de la Commission des Communautés Européennes en date du 30 novembre 1988, un contrat de franchise doit comporter, en plus du droit d'utiliser une enseigne commune, la communication au franchisé d'un savoir-faire et la fourniture d'une assistance commerciale ou technique, il prétend que ces deux derniers éléments faisaient défaut en l'espèce ;

Mais considérant qu'il était expressément précisé au contrat litigieux qu'en plus du droit d'utiliser sa marque à titre d'enseigne, la société Athlete's Foot communiquait son savoir-faire en fournissant au franchisé d'une part un ensemble de documents, appelé " Bible ", qui regroupait sur des fiches descriptives divers renseignements relatifs aux méthodes d'organisation et de gestion, d'autre part un ensemble appelé " Panoplie ", qui était constitué des éléments signalétiques et fournitures administratives, et qu'elle lui procurait une assistance continue au moyen de bulletins de liaison, de réunions et de stages de formation ;

Considérant que les intimées justifiant avoir respecté ces diverses obligations par les nombreuses pièces versées aux débats, les éléments constitutifs du contrat de franchise apparaissent ainsi réunis ;

Considérant que l'appelant conteste néanmoins la qualité du savoir-faire transmis en faisant valoir que la société Athlete's Foot venait aux droits de sociétés américaines et qu'elle n'a adhéré à la Fédération française de la franchise que le 16 janvier 1990 ;

Mais considérant qu'il est exposé au contrat que les méthodes initialement mises au point aux Etats-Unis ont été adaptés à la clientèle française depuis 1981 ; que par ailleurs l'appelant ne saurait tirer argument du caractère tardif de l'adhésion à la Fédération française de la franchise, dès lors que cette adhésion ne revêt aucun caractère obligatoire et vient au contraire conforter la qualité des prestations fournies, puisqu'elle n'est admise qu'après une enquête auprès des franchisés ;

Considérant qu'il s'ensuit que les prétentions de l'appelant tendant à réduire la portée du contrat litigieux ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'exécution des obligations incombant au franchisé :

Considérant qu'il convient tout d'abord de constater l'accord de la société Athlete's Foot pour réduire à 39 226,74 F le reliquat de la somme due par Monsieur Nedelec au titre des marchandises impayées ;

Considérant par ailleurs que pour les raisons ci-dessus exposées, l'appelant ne saurait réduire le montant des redevances contractuelles mises à sa charge qui, au vu des pièces comptables produites par les intimées, restent dues pour un montant de 149 805,98 F ;

Considérant enfin que le refus de Monsieur Nedelec de s'acquitter de ses obligations malgré plusieurs lettres de rappel justifie sa condamnation à une somme complémentaire de 10 000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande de majoration présentée de ce chef par les intimées ;

Sur la clause de non-concurrence :

Considérant qu'aux termes des articles 7 et 9 du contrat conclu entre les parties, le franchisé s'interdit, pendant une durée de trois ans après l'expiration de son contrat, de vendre dans le département du territoire concédé et dans les départements limitrophes des produits ou des services pouvant concurrencer de quelque façon que ce soit ceux du franchiseur ;

Considérant que l'appelant conteste la validité de cette clause en soutenant qu'elle est injustifiée et abusive ;

Mais considérant que le franchiseur justifie d'un intérêt légitime à ce que son ancien franchisé ne lui fasse pas concurrence après avoir bénéficié de ses prestationset que l'absence en l'état d'autres franchisés dans le même secteur ne saurait faire obstacle à l'application de la clause litigieuse qui a précisément pour objet de permettre au franchiseur de reconstituer son réseau;

Considérant par ailleurs que le règlement 4087-88 de la Commission des Communautés Européennes du 30 novembre 1988 a admis la validité d'une telle clause en limitant toutefois la durée à une année après l'expiration du contrat et le champ d'application au seul territoire où la franchise a été exploitée;

Considérant que le franchiseur s'est conformé à ces prescriptions en réduisant la portée de ses demandes relatives à l'obligation de non-concurrence à une seule année et à la seule ville de Quimper;

Considérant enfin que cette obligation ne portant que sur les chaussures et les vêtements de sport, Monsieur Nedelec ne saurait prétendre être privé de la possibilité d'exploiter le fonds de commerce par lui acquis antérieurement au contrat de franchise, dès lors qu'il avait pour objet la vente de parapluies et d'articles de voyage ;

Considérant qu'il s'ensuit que les divers moyens soulevés par l'appelant pour faire prononcer l'annulation de la clause de non-concurrence qui lui est opposée ne peuvent qu'être rejetés ;

Considérant que la société Marshall demande de fixer le point de départ de son application au jour du prononcé de l'arrêt ;

Mais considérant que cette société ayant pris l'initiative de dénoncer le contrat venant à expiration le 12 juillet 1990, c'est à juste titre que les premiers juges ont, conformément aux dispositions prévues aux articles 7 et 9 de ce contrat, fixé à cette date le point de départ de l'obligation de non-concurrence ;

Considérant que cette obligation n'ayant pas été respectée, il convient de confirmer la condamnation à 120 000 F de dommages et intérêts prononcée de ce chef par les premiers juges et qu'il y a lieu d'assurer son respect à l'avenir en assortissant l'interdiction édictée à ce titre d'une astreinte de 400 F par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ;

Sur la restitution des signes caractéristiques de la franchise :

Considérant que postérieurement au jugement déféré, Monsieur Nedelec a fait constater par huissier qu'il avait procédé à la dépose des diverses installations caractéristiques de la franchise ; qu'il convient toutefois de maintenir en tant que de besoin les dispositions relatives à l'interdiction de leur utilisation ;

Considérant en revanche que les dispositions relatives à leur restitution n'apparaissent plus justifiées, dès lors que le franchiseur, invité à deux reprises par lettres recommandées des 10 et 30 novembre 1990 à en reprendre possession, déclare dans les motifs de ses conclusions que leur restitution ne s'impose pas ;

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des intimées la totalité des frais irrépétibles par elles exposés dans le cadre de cet appel non fondé et qu'il convient de leur allouer une somme complémentaire de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne, d'une part le montant des condamnations relatives aux sommes dues à titre de redevances et pour le paiement de marchandises livrées, d'autre part les dispositions relatives à la dépose et à la restitution des signes caractéristiques de la franchise ; Le réformant de ces chefs et y ajoutant, Condamne Monsieur Patrick Nedelec à payer : - à la société Athlete's Foot la somme de trente neuf mille deux cent vingt-six francs soixante-quatorze (39 226,74 F) restant due pour le paiement de marchandises livrées, - à la société Marshall la somme de cent quarante-neuf mille huit cent cinq francs quatre-vingt-dix-huit (149 805,98 F) à titre de redevances, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 1990 ; Interdit en tant que de besoin à Monsieur Patrick Nedelec de faire usage des signes caractéristiques de la franchise sous astreinte de trois mille francs (3 000 F) par infractions constatée ; Lui interdit de vendre des vêtements et chaussures de sport à Quimper jusqu'au 12 juillet 1991 sous astreinte de quatre cent francs (400 F) par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ; Le condamne à payer aux intimées une somme complémentaire de dix mille francs (10 000 F) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toute autres demandes des parties ; Condamne Monsieur Nedelec aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.