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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 25 juin 1991, n° 90-15831

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Palais de l'auto (SARL)

Défendeur :

Poch Lada (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schoux

Conseillers :

Mme Vigneron, M. Bourrelly

Avoués :

SCP Teytaud, SCP Roblin-Chaix de Lavarenne

Avocats :

Mes Threard, Durand.

T. com. Pontoise, du 10 mars 1987

10 mars 1987

LA COUR statue après renvoi par l'arrêt de la Cour de Cassation du 9 mai 1990 sur l'appel interjeté par la société à responsabilité limitée Palais de l'Auto du jugement du Tribunal de Commerce de Pontoise du 10 mars 1987 qui a dit que la société anonyme Poch n'avait pas l'obligation de proposer dès le 1er juillet 1985 un avenant au contrat de concession pour rendre le contrat d'origine conforme aux dispositions du règlement CEE 123-85 en ce qui concerne la durée de ce contrat, que la société Palais de l'Auto n'avait pas de droit acquis à la conclusion d'un nouveau contrat à l'expiration de celui en cours et a débouté cette société de ses demandes, le condamnant aux dépens.

Elle est saisie dans les circonstances de fait et selon la procédure qui vont être exposées, sommairement en ce qui concerne celles antérieures au jugement qui en a donné une relation complète et exacte à laquelle se réfère expressément la Cour.

L'essentiel du litige soumis aux premiers juges puis à la Cour est relatif aux conséquences du règlement 123-85 de la Commission des Communautés Européennes du 12 décembre 1984 sur la validité du contrat du 1er janvier 1985 conclu entre la société Poch et la société Palais de l'Auto concédant à cette dernière pour une durée d'un an la qualité de concessionnaire pour la vente et l'entretien des véhicules neufs de marque Lada dans l'arrondissement de Toulon et les cantons de Tavernes, de Bajols et de Rioms et sur l'indemnisation du préjudice qui en résulterait.

La société Palais de l'Auto, pour demander par l'infirmation du jugement 650 000 F de dommages-intérêts avec les intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 1985 à titre de supplément de dommages-intérêts, fait valoir devant la Cour que le contrat conclu le 1er janvier 1985 comportait une exclusivité réciproque consentie par chacune des parties sous certaines réserves en ce qui concerne la société Poch et avec possibilité de dérogation pour le Palais de l'Auto et que, dès lors, pour éviter de subir la nullité de plein droit prévue par l'article 85 du Traité de Rome, il devait être adopté par la société Poch de telle sorte qu'il puisse bénéficier de l'exemption accordée par le règlement CEE 123-85 au titre du troisième paragraphe de cet article.

Elle soutient que c'est par la faute de la société Poch que n'a pas été faite la mise en conformité cependant promise et que la nullité du contrat qui en est résultée lui a causé le préjudice dont elle sollicite la réparation qui a consisté essentiellement en l'annulation de la clause d'exclusivité qui était la cause impulsive et déterminante du contrat.

La société Poch, qui conclut à la confirmation du jugement, demandant la restitution des sommes de 200 000 F et de 15 000 F qu'elle a versées en exécution de l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 5 mai 1988 qui a été cassé par la Cour de Cassation, soutient qu'elle avait permis au contrat de ne plus être contraire aux dispositions de l'article 85 du Traité de Rome en renonçant conformément à la clause XII à l'exclusivité stipulée à son profit.

Elle ajoute qu'ayant exécuté jusqu'à son terme le contrat en respectant notamment l'exclusivité accordée à son concessionnaire, elle n'a causé aucun préjudice à celui-ci.

Les parties sollicitent l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Cela étant exposé, LA COUR,

Considérant qu'il n'est pas contesté par la société Poch devant la Cour que le contrat de concession pour l'année 1985 comportait une exclusivité territoriale stipulée en faveur du concédant et du concessionnaire ;

Que, s'appliquant au territoire d'un arrondissement et de plusieurs cantons d'un autre, il faussait le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun en interdisant à la société Poch de livrer à l'intérieur de partie de celui-ci à des entreprises autres que la société Palais de l'Auto et à un nombre déterminé par la définition donnée aux exceptions, par les termes " magasins à grandes surfaces " ou " organisations similaires " ;

Que, par suite ce contrat entrait dans la catégorie des accords interdits en vertu du paragraphe 1 de l'article 85 du traité de Rome et nuls de plein droit en application du paragraphe 2 ;

Qu'au moment de sa conclusion il bénéficiait de l'exemption résultant du règlement 67/67 arrêté conformément aux dispositions du paragraphe 3 de cet article et, par suite, n'était pas nul ;

Mais considérant que, pendant la durée de sa validité, est entré en vigueur le 1er juillet 1985 après publication le 18 janvier 1985 le nouveau règlement numéro 123-85 de la commission de la CEE dont l'article 14 indique qu'il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout état membre ;

Qu'à partir de cette date les accords entre deux entreprises conclus dans le but de la revente de véhicules automobiles qui étaient contraires aux dispositions de l'article 85 du traité de Rome ne pouvaient bénéficier d'une exemption par catégorie et échapper à l'interdiction et à la nullité que s'ils remplissaient les conditions exigées par ce règlement ;

Que toutefois un délai était accordé aux parties pour modifier jusqu'au 1er octobre 1985 les contrats en cours ;

Que, dans son arrêt du 18 décembre 1986, la Cour de Justice des Communautés a dit pour droit, en rappelant ces règles, que ce " règlement n'établit pas de prescriptions contraignantes affectant directement la validité ou le contenu des clauses contractuelles en obligeant les parties à y adapter le contenu de leur contrat " ;

Que, par suite, le règlement européen n'a pu avoir pour effet de modifier le contrat conclu entre la société Poch et la société Palais de l'Auto pour substituer une quelconque clause nouvelle aux clauses antérieures même si celles ci ne remplissaient pas les conditions pour bénéficier de l'exemption par catégorie ni de contraindre les cocontractants à mettre leur contrat en harmonies avec ce règlement ;

Considérant qu'ainsi que le rappelle la Cour de Justice des Communautés Européennes dans son arrêt dans un dispositif qui s'impose, il appartient à la juridiction nationale d'apprécier en vertu du droit national applicable les conséquences d'une éventuelle nullité de certaines clauses contractuelles ;

Considérant que, dans sa lettre du 2 août 1985, la société Poch a écrit à la société Palais de l'Auto en reconnaissant que le règlement 123-85 s'appliquerait au contrat en cours et promettait de se mettre en conformité ;

Mais considérant que cette promesse ne présentait pas un caractère général mais ne concernait que la renonciation par la société Poch " au bénéfice de l'exemption de l'article 85 du Traité de Rome, en déliant (la société Palais de l'Auto) de toutes exclusivités " ;

Que la lettre du 26 septembre 1985 de la société Poch à la société Palais de l'Automobile dispensait cette société de toute obligation d'exclusivité pour permettre la continuation du contrat mais seulement jusqu'à son terme prévu le 31 décembre 1985 ;

Que, par suite, la société Palais de l'Auto ne peut prétendre que la société Poch lui ait promis une mise en conformité du contrat avec le règlement 123-85 pour donner à celui-ci une validité au delà du 31 décembre 1985 ;

Considérant que cette renonciation n'était, toutefois, pas suffisante pour faire échapper le contrat à l'interdiction édictée par l'article 85 du Traité de Rome qui s'applique à l'exclusivité consentie au concessionnaire et dont la société Poch reconnaît qu'elle l'a respectée telle qu'elle était stipulée;

Que d'ailleurs, la société Poch ne pouvait unilatéralement ôter à la société Palais de l'Auto le droit contractuel à cette exclusivité ;

Que celui-ci constituait une clause impulsive et déterminante pour la société Palais de l'Auto au moment de contracter ;

Considérant que la durée d'un an présentait pour la société Poch le même caractère ainsi qu'il résulte de son insertion dans le contrat avec exclusion de la possibilité de renouvellement par tacite reconduction et de la confirmation par les lettres de la société Poch du 19 juin 1985, du 5 juillet 1985, du 2 août 1985 et du 26 septembre 1985 ;

Que la société Palais de l'Auto, dans sa lettre du 23 juillet 1985 et dans la sommation assignation du 4 octobre 1985 exigeait que la société Poch consente une prorogation du contrat jusqu'au 31 décembre 1988 en invoquant le règlement qui ne prévoyait pas cette seule possibilité de mise en harmonie ;

Considérant que, par suite, la clause d'exclusivité ne pouvait échapper à l'interdiction de l'article 85.1 du traité de Rome et à la nullité édictée au paragraphe 2 de cet article qui s'étendait à l'ensemble du contrat en raison du caractère essentiel de cette stipulation;

Considérant que, par suite, la nullité du contrat de concession est due au refus catégorique des deux parties de négocier en vue de modifier leur accord d'autant plus que la survenance du règlement européen était connue de chacune d'elles, spécialistes de la concession automobile, lors de la conclusion de leur accord ;

Que, cependant, à l'époque de celle ci la société Palais de l'Auto a accepté de n'engager la société Poch que pour une durée d'une année non reconductible ;

Que la société Poch a notifié dans le délai prévu au contrat son intention de ne pas renouveler celui ci pour l'année 1986 ;

Qu'en l'absence de tout caractère contraignant du règlement la société Palais de l'Auto n'avait aucun droit à obtenir la prorogation pendant trois ans des rapports commerciaux revendiqués avant l'introduction de l'instance;

Qu'elle ne peut prétendre subir un préjudice du fait du refus de la société Poch de prolonger pendant cette période les effets du contrat;

Considérant qu'il n'est pas contesté que cette société a continué d'exécuter le contrat, malgré sa nullité jusqu'au 31 décembre 1985, son terme conventionnel, n'a désigné aucun autre concessionnaire et n'a vendu a aucune autre entreprise ses véhicules dans le territoire concédé en dehors des exceptions prévues au contrat ;

Qu'il n'est allégué l'intervention d'aucun autre professionnel de la vente de voitures pour soulever la nullité du contrat et s'en prévaloir pour se faire livrer des véhicules pendant la période validité prévue par celui-ci ;

Qu'ainsi la société Palais de l'Auto ne justifie d'aucun préjudice qui soit la conséquence de la nullité du contrat initial;

Considérant que la société Poch a toujours manifesté son intention de ne pas renouveler le contrat ;

Que la nullité de celui ci est sans rapport avec une quelconque perte de chance de la société Palais de l'Auto qui ne pouvait espérer un nouveau contrat dont l'éventualité avait été écartée dès le 19 juin 1985 avant l'entrée en vigueur du règlement européen;

Considérant que, par suite, aucune indemnisation n'est due par la société Poch à la société Palais de l'Auto en vertu du droit français applicable en l'espèce ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de l'une ou l'autre partie ;

Par ces motifs : Réformant pour partie le jugement entrepris et y ajoutant, Dit que le contrat conclu entre la société anonyme Poch et la société à responsabilité limitée Palais de l'Auto pour l'année 1985 est devenu nul à compter du 1er juillet 1985 en vertu de l'article 85-2 du Traité instituant la Communauté économique européenne, Déboute la société Palais de l'Auto de sa demande de dommages intérêts, Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la société Palais de l'Auto aux dépens de l'instance et d'appel, Admet la SCP Teytaud, au bénéfice des dispositions de l'artciel 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.