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Décisions

Cass. com., 16 juillet 1991, n° 89-19.080

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Brasserie Sébastien Artois (Sté)

Défendeur :

Cauchard (Époux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hatoux (faisant fonctions)

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. Patin

Avocats :

Me Ryziger, SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde.

T. com. Caen, du 17 sept. 1986

17 septembre 1986

LA COUR : - Sur les trois moyens réunis, pris en leurs diverses branches : - Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Caen, 15 juin 1989), la société Brasserie Sébastien Artois (société Artois), actuellement dénommée Interbrew (la brasserie), a accordé par contrat du 14 juin 1984 aux époux Cauchard un prêt de 100 000 francs pour aider à l'exploitation d'un débit de boissons moyennant l'engagement des emprunteurs de s'approvisionner en bières exclusivement auprès du prêteur et dont la violation entraînerait le remboursement immédiat du prêt et une pénalité de 25 % de son montant initial ; que les époux Cauchard s'étant déliés de l'exclusivité d'approvisionnement et ayant alors remboursé le prêt en capital et intérêts, la brasserie a demandé leur condamnation au paiement de 25 000 francs à titre de clause pénale ;

Attendu que la brasserie fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties telles qu'elles ressortent des prétentions et des moyens tels qu'ils sont formulés dans les conclusions ; qu'en énonçant qu'il ressort des explications fournies devant la cour d'appel qu'en abandonnant le bénéfice de la ristourne proportionnée à l'hectolitre livré par la société Artois, les époux Cauchard lui procuraient un avantage entrant en compensation avec son préjudice, la décision attaquée a violé les articles 4, 5 et 954 du nouveau Code de procédure civile, alors, d'autre part, que le juge qui prononce la compensation entre deux dettes doit constater qu'elles sont connexes, que leur objet porte également sur une somme d'arg nt et qu'elles sont également liquides et exigibles ; qu'en considérant qu'il ressort des explications fournies devant la cour d'appel qu'en abandonnant le bénéfice de la ristourne proportionnée à l'hectolitre livré par la société Artois, les époux Cauchard lui procuraient un avantage entrant en compensation avec la pénalité envisagée sans préciser quelle était la somme délaissée à titre de ristourne et qu'elle présentait les caractères de liquidité et d'exigibilité, la décision attaquée manque de base légale et a violé les articles 1289 et suivants du Code civil, alors, en outre, que si le juge peut même d'office modérer ou augmenter la peine convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire, il ne peut priver une telle clause pénale de tout effet ; qu'en décidant qu'usant de la faculté de résiliation qui leur était offerte, les époux Cauchard n'ont pas causé à la brasserie un préjudice susceptible de justifier l'application dans sa rigueur de la clause pénale insérée au contrat sans allouer aucune somme à la société Artois, la décision attaquée a violé les articles 1134, 1152 et 1226 du Code civil, et alors, enfin, que celui qui conclut un contrat est présumé avoir intérêt à son exécution ; que celui qui n'exécute pas doit réparer le préjudice causé par son inexécution ; qu'en dispensant les époux Cauchard du paiement de toute pénalité, par le motif qu'ils ont préféré la résiliation (laquelle dispense la brasserie du paiement de l'indemnité) qu'en abandonnant le bénéfice de la " ristourne proportionnée à l'hectolitre livré " par la société Artois, les époux Cauchard lui procuraient un avantage entrant en compensation avec la pénalité envisagée au contrat, sans établir que le contrat ne pouvait procurer aucun avantage à la brasserie, et que sa résiliation, (et non la seule dispense de ristourne) était favorable à la brasserie, la cour d'appel a violé les articles ll34 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu que pour débouter la brasserie de sa demande, la cour d'appel a constaté, dans l'exercice du pouvoir souverain d'appréciation que lui conféraient les dispositions de l'article 1152 du Code civil pour l'application de la clause pénale, objet du litige, et sans qu'il soit besoin de faire référence à la compensation entre dettes réciproques, que le contrat de prêt avait été exécuté par les époux Cauchard et que la brasserie, par suite de remboursement anticipé du prêt et du recouvrement par les époux Cauchard de la ristourne à laquelle ils avaient droit, n'avait subi, à la suite de la résiliation du contrat, aucun préjudice susceptible de dédommagement; d'où il suit qu'aucun des moyens ne peut être accueilli ;

Par ces motifs, rejette.