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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 23 janvier 1992, n° 90-17425

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Structures françaises (SARL)

Défendeur :

NIVEG (SA), Raynaud (ès qual.), Alux (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Serre

Conseillers :

Mme Garnier, M. Bouch

Avoués :

SCP Jobin, Me Lecharny

Avocats :

Mes Resman Joyet, Boyer

T. com. Paris, 1re ch., du 28 mai 1990

28 mai 1990

Les 15 janvier et 1er février 1988, la société Niveg, exerçant son activité dans l'arrondissement de Nevers, et la société Alux, exerçant son activité dans l'Allier, toutes deux représentées par Monsieur Baudot, ont signé avec les Structures Françaises un contrat de franchise exploité dans ces territoires et portant sur des menuiseries d'aluminium et des vérandas.

Estimant que le franchiseur n'a pas respecté ses obligations, ces deux sociétés l'ont assigné le 1er juin 1989 pour voir prononcer la résiliation des franchises à ses torts et à obtenir des dommages intérêts.

Par jugement du 29 mai 1990, le Tribunal de Commerce de Paris, donnant acte de leur intervention aux organes de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Alux,

- a constaté la résiliation des contrats de franchise sans attribuer de torts à l'un ou l'autre des contractants,

- faisant les comptes entre les parties ;

- a condamné la société Les Structures Françaises à payer à Maître Garnier es qualité d'administrateur judiciaire d'Alux 15 329,04 F hors taxes,

- a condamné sous astreinte de 1000 F les sociétés franchisées à cesser d'utiliser tous éléments et documents du réseau des Structures Françaises et à remettre tous matériels et documents de la marque, et à ne pas participer directement ou indirectement pendant deux ans à un réseau de distribution national ou régional concurrent,

- et a condamné la société Les Structures Françaises aux dépens.

C'est de ce jugement non assorti de l'exécution provisoire que cette dernière est régulièrement appelante.

La société Les Structures Françaises conclut à la confirmation du jugement entrepris, en ce qu'il a écarté l'une après l'autre les atteintes à ses obligations que ses adversaires lui imputent, elle énumère au contraire les prestations offertes et réalisées : stage d'initiation en décembre 1987 fait par Monsieur Baudot, et participation des Structures Françaises le 12 janvier 1988 à la sélection et à la formation de ses collaborateurs commerciaux ; et elle conteste le seul grief du défaut de réponse à une lettre de Monsieur Baudot du 23 mai et énonce ceux qu'elle formule contre ses deux franchisés : leur absence aux réunions nationales et des exigences dépassant les termes des contrats.

En conséquence, l'appelante demande que soient déclarés les torts de ses adversaires dans la rupture, à être admise au passif de la société Alux pour 70 021,41 francs au titre des droits d'entrée, redevances de publicité et droits de franchise, et à recevoir de la société Niveg 7 582,10 F aux mêmes titres, outre les intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure du 6 décembre 1988 ; elle réclame enfin à la société Alux, par admission au passif, 5 000 F pour rupture abusive et à la société Niveg 1 000 F sur le même fondement, outre, solidairement, 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Niveg et Maître Raynaud es qualité de mandataire liquidateur de la société Alux, reprennent très en détail les cinq griefs écartés par les premiers juges : manque d'assistance technique, non respect de la clause d'exclusivité, absence de la publicité destinée à faire connaître l'enseigne et les services, mauvais choix des fournisseurs auprès desquels les franchisés doivent faire leur approvisionnement, et absence de remise périodique d'adresses de clients ; imputant au franchiseur après la lettre du 23 mai 1988 les annulations successives de rendez-vous, les sociétés intimées ont considéré que la cessation du règlement des redevances était la seule sanction efficace et contractuelle aux carences de leur cocontractante, et l'ont mise en demeure le 29 novembre sous menace de résiliation dans le mois conformément à l'article 21 des contrats, de respecter ses obligations.

Les intimés se portent en conséquence incidemment appelants pour que les torts de la résiliation soient imputés aux Structures Françaises et que celles-ci soient condamnées à leur payer :

- 31 038,40 F à Maître Raynaud es qualités,

- 16 564,40 F à la société Niveg,

avec intérêts de droit à compter de l'assignation ce au titre du matériel du droit d'entrée et de la cotisation à la publicité nationale,

outre 200 000 F au premier,

et 50 000 F à la seconde

ce à titre de dommages-intérêts

enfin à chacun 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Elles offrent par ailleurs de restituer au franchiseur tous matériels, documents, bibles et marques " Structures Françaises " et " Vérandas du temps libre ".

Motifs de la Cour

Sur les manquements aux obligations contractuelles

Considérant que le franchiseur, assimilant les activités des deux sociétés au motif que Monsieur Baudot en est responsable et que les deux contrats de coopération sont identiques et ont été signés à quinze jours d'intervalle, formule de manière indifférenciée sur les griefs formulés à leur encontre.

Considérant que les griefs peuvent essentiellement se résumer en une carence dans l'assistance technique et commerciale s'étant concrétisée par les cinq manquements sus-énoncés aux obligations du contrat ;

Or, considérant que les premiers juges ont procédé à une exacte analyse des documents produits, qui sont les mêmes en appel, pour écarter les prétentions des franchisés ;

Qu'ainsi, les Structures Françaises, dont les conseils ont été sollicités et donnés, ne peuvent être tenues responsables du défaut de satisfaction d'Alux dans le recrutement de deux de ses trois vendeurs, puisqu'aucun article de l'accord de franchise ne prévoit une obligation de recrutement à la charge du franchiseur, parmi les " services apportés avant, au moment et après le démarrage de l'activité " et figurant dans les articles 4 et 5 ; que le franchiseur n'est pas le mandataire de son cocontractant dans la sélection de ses agents ;

Que de même en a t-il été ainsi, simple obligation de moyen que le franchiseur n'a pas été à même de concrétiser sur une période aussi brève de dix mois, en matière de mise à jour annuelle de la liste des fournisseurs recommandés prévue par l'article 16 et annexée au contrat lors de sa signature ; qu'à supposer exacte la découverte chez d'autres fournisseurs non visés par les Structures Françaises de matériaux de même nature ou qualité à prix plus concurrentiel, il n'en demeure pas moins que l'article 5-2 prévoit que " le franchiseur ne peut être recherché pour quelque cause et à quelque titre que ce soit au niveau des achats " ; qu'en outre, Monsieur Baudot n'apporte pas la preuve d'une méconnaissance grave et systématique par les Structures Françaises de la situation du marché ;

Qu'encore en va t-il de même de la remise périodique d'adresses de clients susceptibles de s'intéresser aux formules " Structures Françaises " et Vérandas du Temps Libre ", cette remise dépendant, selon les termes même de l'article 5-1 du résultat des actions de publicité nationale ; qu'en effet, ces actions ont été effectivement réalisées grâce, au financement de 0,40 du chiffre d'affaires des franchisés sous la forme de journées nationales " Portes Ouvertes " en Mars et Avril 1988 et d'envoi de documents publicitaires et filmés importants à la même époque à chaque entreprise franchisée (et non plus seulement, comme l'a relevé le Tribunal de publicités internes pour le développement de la franchise) ; que l'absence de production aux débats d'une liste de clients ne saurait signifier que les sociétés Alux et Niveg ont commencé leur activité sans aucun client potentiel chez qui frapper;

Qu'en outre, les intimés ont reçu une formation et des conseils sous forme de plusieurs réunions régionales et nationales, auxquels Monsieur Baudot s'est abstenu de participer à partir du 1er juillet 1988, et d'envoi de documents techniques;

Qu'enfin, l'extension du secteur géographique a certes été souhaitée de part et d'autre, mais n'a jamais fait l'objet d'un engagement écrit des Structures Françaises et n'a pu se réaliser qu'en raison d'un désaccord du franchisé local ;

Considérant en revanche que les premiers juges n'ont pas répondu au grief formulé par les demanderesses d'une atteinte par leur franchiseur à la clause d'exclusivité territoriale classiquement mise à sa charge par l'article 2 des conventions ; que ce dernier se contente, sans plus de précision d'en nier l'existence ;

Or, considérant que, même si les relations entre les parties étaient irrémédiablement dégradées depuis le refus des franchisées de continuer à compter du 1er août 1988 à payer leur redevance et encore plus depuis la lettre recommandée du 6 décembre 1988, les enjoignant, sous menace de résiliation, de régler, il n'en demeure pas moins, que les parties s'accordent pour ne dater cette résiliation que du 30 mars suivant ; qu'en omettant d'inviter les Sociétés Alux et Niveg à participer au premier Congrès National de Vichy organisé les 23, 24 et 25 février 1989, et en y invitant un concurrent direct travaillant sur les mêmes secteurs géographiques de la Nièvre, et de l'Allier, comme les sociétés Niveg et Alux, la société Les Structures Françaises a enfreint l'obligation de l'article 2 susvisée, sans cependant que cette infraction ait été génératrice chez les intimées d'un préjudice, ou ait été un facteur incident ou déterminant de la rupture constatée, par lettres du franchiseur le 30 mars 1989 et acceptée par leurs destinataires.

Que cette faute, même tardivement commise, permettrait de prononcer la résiliation des contrats aux torts de l'appelant, à qui par ailleurs on ne peut concrètement reprocher un retard non prouvé à la lettre de Monsieur Baudot du 23 mai 1988 déplorant les difficultés à rencontrer un responsable du franchiseur, si de leur côté les intimées trop exigeantes sur les prestations qu'elles lui réclamaient et impatientées par des reports de rendez-vous, n'avaient pas très tôt choisi de ne plus payer les redevances de la franchise ;

Considérant en conséquence que les deux conventions doivent être résiliées aux torts partagés des signataires ;

Considérant que le Tribunal a fait entre les parties des comptes qui ne font l'objet d'aucune contestation ; que par ailleurs, le prononcé de la résiliation des deux franchisés aux torts égaux et partagés oblige chaque partie à indemniser son cocontractant des conséquences de cette résiliation ;

Qu'ainsi, la Cour trouve dans les documents produits les éléments pour chiffrer les manques à gagner et créances du franchiseur, compte tenu de la brièveté de la collaboration ;

- sur la société Alux : 30 000 F, somme pour laquelle, au titre des redevances de publicité et de droit de franchise, il devra être déclaré admis la liquidation judiciaire,

- sur la société Niveg : 7 500 F au titre du droit d'entrée ;

Que de leur côté, la société Alux et la société Niveg sont fondées à réclamer des indemnités consécutives à la rupture d'un montant égal à cette obligation d'indemnisation, et à obtenir, au moins pour la seconde encore aujourd'hui in bonis, la comparaison légale ;

Considérant enfin que l'équité permet d'exclure toute indemnisation des frais irrépétibles exposés par l'une ou l'autre partie :

Que les éléments de la cause justifient un partage par moitié entre les parties de la charge des dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs, Confirme le jugement du 28 mai 1990 en toutes ses dispositions, sauf en celles relatives à l'absence de torts dans la rupture de deux contrats de franchise et à la charge des dépens ; L'émendant sur ces seuls points, Déclare les deux contrats de franchise des 15 janvier et 1er février 1988 résiliés aux torts partagés ; Fixe en conséquence la créance de la société à responsabilité limitée Structures Françaises à titre de dommages-intérêts sur la société Alux à 30 000 F, et sur la société Niveg à 7 500 F ; Fixe la créance à titre de dommages-intérêts de la société Alux sur les Structures Françaises à 30 000 F et de la société Niveg à 7 500 F ; Ordonne le compensation entre dette et créance de la société Niveg ; Condamne la société Structures Françaises à payer à Maître Raynaud ès qualités de mandataire liquidateur de la société Alux 30 000 F, et l'admet au passif de ladite société pour une somme égale ; Déboute les parties de toutes leurs autres demandes; Fait masse des dépens de première instance et d'appel et condamne l'appelante d'une part, les intimés d'autre part à en assurer la charge par moitié ; Reconnaît dans cette limite aux Avoués de la cause le droit de recouvrement direct prévu par l'article 699 du nouveau code de procédure civile.