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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 30 janvier 1992, n° 90-12399

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Dhuit, Toussaint, Delienne, Exploitation des Établissements Lochou (SA), Nouvelle Dupussay (SA), Est G. Darroux (SA), Établissements Henri Philippon (SA)

Défendeur :

Case Poclain (Sté), Tenneco Inc (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poullain

Conseillers :

MM. Gouge, Jacomet

Avoués :

Me Bolling, SCP Fisselier Chiloux Boulay, SCP Teytaud

Avocats :

Mes Imbach, Le Douarin, Thil.

T. com. Paris, 17e ch., du 6 juill. 1988…

6 juillet 1988

La société Case Poclain, filiale de la Sté Tenneco inc., société de droit américain ayant son siège à Houston, Texas, a distribué en France depuis 1975 des tracteurs agricoles fabriqués en Angleterre par la société David Brown. Auparavant l'importateur exclusif de ces matériels en France était la Sté Ferga à qui Case Poclain a racheté son fonds. Selon Case Poclain dans les années 1980 à 1984 elle vendait en France environ 1 000 tracteurs par an pour un chiffre d'affaires de l'ordre de 100 000 000 F, ce qui couvrait de 1,6 % à 2 % du marché, part semblable à celle tenue par ces tracteurs dans d'autres pays de la Communauté, remarque étant faite qu'en Angleterre, pays de production, la proportion était plus forte mais n'atteignait pas 8 % du marché ;

La distribution était assurée par des concessionnaires se voyant conférer par des contrats successifs d'un an (du 1er décembre au 30 novembre), non renouvelable par tacite reconduction, soit un simple droit de vente soit un droit de concession exclusive sur un secteur, soit aussi un droit exclusif sur un secteur et un simple droit de vente sur des cantons voisins.

A la fin de 1984 Tenneco est entrée en pourparlers avec la Sté International Harvester, l'un des grands producteurs mondiaux de machines agricoles. En mai 1985 elle a pris le contrôle de International Harvester France (IHF) dont elle décida de fusionner le réseau commercial avec celui de Case Poclain. En fait, le réseau Case Poclain sera presqu'intégralement remplacé par l'ancien réseau IHF.

Par lettres du 28 juin 1985 Case Poclain a avisé ses vendeurs et concessionnaires qu'elle mettait fin à leurs contrats au 31 juillet et qu'il leur serait possible d'être fournis en pièces de rechange jusqu'au 30 novembre 1985.

Sept d'entre eux, aujourd'hui appelants, ont poursuivi devant le tribunal de commerce de Paris en rupture abusive de contrat et en paiement d'indemnités à la fois Case Poclain et Tenneco. A l'exception de Delienne qui n'invoquait que le droit interne, ils fondaient leurs actions à la fois sur le droit interne et sur le droit communautaire, spécialement sur les dispositions du paragraphe 1 de l'article 85 du traité de Rome qui interdisent les accords d'entreprises " susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ", interdiction dont la sanction est la nullité des accords irréguliers. Ils exposaient que la rupture injustifiée de leur contrat était intervenue à la veille de l'entrée en vigueur d'un règlement de la Commission des communautés (Règlement 123-85 du 12 décembre 1984) déclarent ces dispositions de l'article 85 inapplicables à la catégorie de contrats les concernant, à condition notamment qu'ils soient d'une durée de quatre ans ou, s'ils sont à durée indéterminée, qu'ils prévoient un préavis d'un an. Leurs contrats ayant été signés pour une durée déterminée d'un an, ils en déduisaient que ces contrats étaient nuls dans leur ensemble et que Tenneco et Case Poclain ne pouvant bénéficier d'un régime plus favorable que celui qu'elles auraient dû respecter pour que leur contrat soit régulier, leur indemnité de brusque rupture devait être calculée à raison d'une perte des bénéfices du contrat sur 16 mois (4 mois restant à courir jusqu'à la fin de la période en cours et un an de préavis, en considérant, hypothèse la moins défavorable à Case Poclain, que les contrats qui s'étaient succédé avaient été remplacés, après quatre ans, par un contrat à durée indéterminée).

Le tribunal de commerce a, dans tous les cas, écarté l'application du droit communautaire au motif, ou bien (Philippon et Toussaint) qu'il s'agissait d'un contrat, donnant au concessionnaire un simple droit de vente qui ne saurait constituer une quelconque atteinte à la concurrence et par là même être concerné par les dispositions de l'article 85 du traité de Rome, ou bien, s'agissant de contrats de concession exclusive, que la très faible part du marché détenue par Case Poclain ne permettait pas aux accords litigieux d'affecter le commerce entre Etats membres. Le tribunal a estimé que la restructuration que Tenneco avait décidée et qui avait entraîné la suppression du réseau Case Poclain n'était pas fautive et qu'aucun lien contractuel n'existant entre Tenneco et les demandeurs liés à sa filiale, la demande contre Tenneco n'était pas plus recevable sur le plan contractuel que sur le plan délictuel. Il a retenu une faute de rupture brusque des contrats par Case Poclain. Il a prononcé à l'encontre de Case Poclain des condamnations à dommages-intérêts ou à verser des provisions en même temps qu'il ordonnait une expertise, comme il sera vu plus loin lors de l'examen de chaque affaire. Il a, sur demande reconventionnelle de Case Poclain, condamné Philippe Delienne à lui payer des factures arriérées.

L'ensemble des dossiers ayant trait à des faits s'insérant dans l'opération d'ensemble de la fusion des réseaux Case Poclain et IHF et les moyens des parties étant pour une grande part identiques, et même exprimés dans les mêmes termes, il apparaît conforme à une bonne administration de la justice de les joindre pour qu'il soit statué par un seul arrêt.

Il sera ainsi statué sur six jugements rendus le six juillet 1988, les appels étant formés, respectivement, par la société d'exploitation des établissements Lochou (Lochou), la société nouvelle Depussay (Depussay), Pierre et Claude Toussaint, Michel Dhuit, la société Etablissements Henri Philippon (Philippon) et par la société Etablissements G. Darroux (Darroux), sur un jugement du 12 octobre 1988 dont Philippe Delienne est appelant et sur un jugement du 14 juin 1991, rendu après expertise, dont la sté G. Darroux est appelante.

Dans trois affaires le tribunal a ordonné une expertise en allouant une provision sur dommages-intérêts au demandeur (80 000 F. à Depussay, 80 000 F. à Philippon et 90 000 F. à Darroux). Dans les quatre autres il a liquidé immédiatement les dommages-intérêts (à 50 000 F. pour Delienne, à 120 000 F. pour Dhuit, à 80 000 F. pour P. et Cl. Toussaint et à 200 000 F. pour Lochou). Les jugements accordaient aussi diverses sommes aux demandeurs au titre de l'article 700 NCPC. Case Poclain ne formant pas d'appel d'incident ces condamnations pour frais sont acquises. Lors de la liquidation après expertise, le tribunal a débouté Darroux de ses demandes en indemnisation et l'a condamnée à rembourser les sommes perçues à titre de provision.

Les six premiers dossiers : Delienne qui n'invoque pas le droit communautaire demande à être indemnisé à raison d'une perte des activités liées à son contrat durant quatre mois. Tous les autres appelants demandent à la cour de confirmer le jugement sur le principe d'une rupture fautive du contrat, de dire Case Poclain en infraction avec l'article 85 du traité de Rome faute d'avoir notifié le contrat-cadre à la Commission, de déclarer ce contrat nul de la faute de Case Poclain et de juger que le préjudice dû à la rupture fautive ne saurait être évalué à un montant moindre que si le concédant avait respecté les dispositions du règlement 123-85, de dire Tenneco solidairement responsable sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, d'évaluer le préjudice et de prononcer les condamnations solidairement contre Case Poclain et Tenneco. Ces demandes de condamnation tendent au paiement :

- à Depussay, pour manque à gagner, de 1.758.428,65 F. " avec intérêts de droit à partir de la demande ", subsidiairement de 543.419 F. " sous réserve de l'expertise en cours ", de 160 000 F. pour préjudice moral et de 10 000 F. au titre de l'article 700 NCPC, très subsidiairement, à titre de provision supplémentaire, de 100 000 F. si un complément d'expertise était ordonné,

- à Dhuit, " pour manque à gagner " de 770 000 F. " avec intérêts de droit à partir du jugement à intervenir ", subsidiairement de 320 000 F. " sous réserve de l'expertise à ordonner ", de 120 000 F. pour préjudice moral et de 15 000 F. au titre de l'article 700 NCPC, très subsidiairement, à titre de provision, de 200 000 F. si un complément d'expertise était ordonné,

- à Pierre et Claude Toussaint, pour perte subie et manque à gagner, de 2.100 000 F. " avec intérêts de droit à partir du 6 juillet 1988 date du jugement ", subsidiairement de 550 000 F. " avec intérêts de droit à partir du jugement du 6 juillet 1988 ", de 200 000 F. pour préjudice moral, de 20 000 F. au titre de l'article 700 NCPC, très subsidiairement, à titre de provision, de 250 000 F. si un complément d'expertise était ordonné,

- à Philippon, pour le manque à gagner, de 500.900 F. " avec intérêts de droit à partir de la demande ", subsidiairement, de 154.859 F. " sous réserve de l'expertise en cours ", de 50 000 F. pour préjudice moral, de 8 000 F. au titre de l'article 700 NCPC, très subsidiairement, à titre de provision, de 200 000 F. si un complément d'expertise était ordonné,

- à Lochou, pour manque à gagner, de 2.200 000 F., subsidiairement de 915 000 F. avec intérêts de droit à compter de la demande, de 250 000 F. pour préjudice moral, de 20 000 F. au titre de l'article 700 NCPC, subsidiairement, à titre de provision, de 350 000 F. si un complément d'expertise était ordonné,

- à Darroux, pour le manque à gagner de 925 000 F., subsidiairement, de 305 000 F. sous réserve de l'expertise en cours, avec intérêts de droit à partir de la demande, de 90 000 F. pour préjudice moral et de 8 000 F. au titre de l'article 700 NCPC, très subsidiairement, à titre de provision complémentaire, de 100 000 F., si un complément d'expertise était ordonné. (Bien que ces conclusions n'aient pas été modifiées, il y a lieu de s'interroger sur leur exacte portée après l'appel sur le jugement du 14 juin 1991 sur lequel, et sous la réserve éventuelle de l'application du droit communautaire qui se déduit de la mention de la première procédure engagée à cette fin, Darroux conclut à l'allocation de 150 000 F. de dommages-intérêts pour l'ensemble de son préjudice - non à celle de 350 000 F. pour manque à gagner plus de 90 000 F. pour préjudice moral - et, subsidiairement, à une nouvelle expertise),

Les six appelants qui invoquent le droit communautaire demandent, si " l'applicabilité des règlements communautaires était discutée ", d'interroger la Cour de Justice des Communautés européennes par application de l'article 177 du traité de Rome en lui posant des questions dont ils indiquent le libellé.

Sur les jugements du 6 juillet 1988, Case Poclain conclut au rejet des appels et à la confirmation.

Tenneco conclut à l'irrecevabilité de la demande faite contre elle, à la confirmation de chaque jugement et à la condamnation de chaque appelant à lui payer 10 000 F. au titre de l'article 700 NCPC. Pour Depussay elle demande en outre que son préjudice soit fixé à une somme qui ne saurait excéder la provision allouée par les premiers juges.

Sur le jugement du 12 octobre 1988 (condamnation de Case Poclain à payer à Delienne 50 000 F. de dommages-intérêts et de Delienne à payer à Case Poclain 484.449 F. en deniers ou quittances et compensation de ces condamnations), Delienne demande la confirmation du jugement " quant à la provision allouée " (?) et en ce que la rupture a été reconnue fautive de la part de Case Poclain, à la condamnation de cette société à lui payer, pour manque à gagner, 546.232,29 F. avec " intérêts de droit à partir de l'arrêt à intervenir " et 50 000 F. au titre du préjudice moral. Il demande une expertise, reconnaît qu'il doit 220.112,37 F. et sollicite qu'il soit sursis à le condamner à payer cette somme pour qu'elle soit compensée avec son préjudice quand il sera fixé, qu'enfin Case Poclain soit condamnée à lui payer 10 000 F. au titre de l'article 700 NCPC. Bien qu'ayant également intimé Tenneco, il n'a formé aucune demande contre elle.

Case Poclain demande la confirmation de ce jugement sauf à ce que la condamnation de Delienne soit ramenée à 307.998,93 F. avec intérêts à compter de la sommation du 30 décembre 1985.

Tenneco conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de Delienne aux dépens.

Sur le dernier jugement qui, après expertise, a dit Darroux mal fondée en sa demande originaire et l'a condamnée à payer à Case Poclain 90 000 F. en restitution de la provision allouée par jugement du 6 juillet 1988 et aux dépens, la société Darroux conclut à l'infirmation, au paiement par Case Poclain de 150 000 F. à titre de dommages-intérêts et de 10 000 F. au titre de l'article 700 NCPC. Elle demande aussi (subsidiairement ?) le renvoi du dossier à l'expert pour déterminer " de manière précise et quantitative le montant global du préjudice subi ".

Case Poclain conclut à la confirmation.

Tenneco n'était pas partie dans ce litige.

A l'audience, le président a invité les parties à s'expliquer sur le point de savoir si dans les écritures des appelants invoquant le traité de Rome les chiffres donnés par Case Poclain étaient contestés, ce qui aurait nécessité une réouverture des débats pour permettre à cette intimée d'y répondre le moyen étant, à tout le moins, présenté de façon telle qu'il pouvait fort bien ne pas avoir été compris. Le conseil des appelants a indiqué avoir soulevé ce moyen en citant des passages de ses écritures qui seront rappelés dans la discussion. Le conseil de Case Poclain s'est opposé à une telle interprétation, les écritures devant permettre aux autres parties de saisir l'objet de la contestation afin d'être en mesure de répondre.

Pour la commodité de la discussion, il sera tout d'abord répondu sur l'application du droit communautaire puis sur les demandes formées contre Tenneco, l'argumentation des appelants et les réponses qui lui sont données étant identiques sur ces points dans tous les dossiers - (sauf Delienne). Ensuite chaque dossier sera examiné, au regard du contrat résilié et des préjudices subis par le demandeur.

Sur ce, LA COUR qui pour plus ample exposé des faits, des procédures et des demandes et moyens des parties fait renvoi aux jugements et aux écritures déposées en appel :

En ce qui concerne l'application du droit communautaire aux contrats de concession exclusive conclus par Case Poclain :

Considérant que les premiers juges ont relevé que le réseau Case Poclain ne couvrait qu'une faible partie de la France, que la part tenue par Case sur le marché français des tracteurs agricoles était inférieur à 2 % et qu'il en était de même dans les divers autres pays de l'Europe communautaire où ces tracteurs étaient distribués à l'exception de l'Angleterre, pays de fabrication dans lequel les ventes représentaient une part de marché plus élevée mais ne dépassant pas 8 % ; que, dans le jugement Lochou, ils ont déduit de la très faible part du marché détenue par Case Poclain que les accords litigieux n'étaient pas susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et, dès lors, n'entraient pas dans le champ d'application de l'article 85 paragraphe I du traité de Rome ; que par suite ces accords étaient régis par le seul droit national ; que dans les autres jugements ayant traité des contrats considérés comme conférant un droit de concession exclusive (Dhuit, Depussay, Darroux) ils ont tiré cette déduction de l'ensemble des éléments ci-avant rappelés ;

Considérant que, de façon surabondante, le tribunal a déclaré, d'une part, que les contrats de distribution de Case Poclain entraient dans la catégorie de ceux dispensés de l'application des dispositions du paragraphe I de l'article 85 par le règlement 1983-83 pris en vertu du paragraphe 3 du même article et, d'autre part, qu'ils ne pouvaient pas être concernés par le règlement 123-85 visant les véhicules automobiles destinés à circuler sur la voie publique, engins au nombre desquels il n'y aurait pas lieu de ranger les tracteurs agricoles qui sont destinés à opérer dans les champs ; qu'il n'y aura lieu d'examiner ces questions que si le droit communautaire apparaît applicable ;

Considérant que les appelants prétendent que seule la Commission des Communautés européennes aurait pu, s'ils lui avaient été notifiés par Case Poclain, dire que les accords litigieux n'étaient pas soumis aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité de Rome ; qu'en revanche le tribunal n'avait aucune compétence pour prononcer une telle exemption alors " qu'il n'appartient pas à une juridiction nationale de dire " ex cathedra " que le taux de pénétration dans un pays déterminé serait insusceptible de porter sur l'interdiction de l'article 85-I " ;

Considérant qu'il est certain que seule la Commission peut prononcer une exemption, soit par voie réglementaire pour une catégorie d'accords définis, soit par décision individuelle pour des accords qui lui ont été notifiés à cette fin ; qu'il n'en demeure pas moins qu'avant d'examiner si une telle exemption s'applique aux accords dont une partie prétend qu'ils sont nuls pour avoir méconnu les dispositions de l'article 85-1, il revient au juge national de contrôler si le droit communautaire est applicable ; qu'il lui appartient à cet effet, d'apprécier si les accords litigieux sont " susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres ", ce qui dépend de leur nature et aussi de l'importance tant relative qu'en valeur absolue du chiffre d'affaires réalisé dans le cadre de ces accords ; que c'est donc par une exacte appréciation de ses pouvoirs que le tribunal de commerce a examiné si le taux de pénétration du marché était tel que les accords constituant le réseau de vente de Case Poclain puissent influer sur le commerce entre Etats membres de la communauté ;

Considérant que le tribunal a estimé que les accords litigieux n'étaient pas soumis au droit communautaire et qu'il a fondé sa conviction de l'inapplicabilité du droit communautaire sur la faible part du marché des tracteurs agricoles tenue par Case Poclain en appréciant son importance à partir des chiffres fournis par cette société sur son activité au cours des années récentes ;

Considérant que pour contester cette appréciation les appelants indiquent que Case " ne peut exhiber, si toutefois ces chiffres étaient exacts, de son faible taux de pénétration en France, dès lors que ne couvrant qu'une partie du territoire par ses concessionnaires, la part du marché était plus importante... " que " le pourcentage de pénétration s'apprécie non en fonction d'un pays mais des Etats membres pris in globo " et que d'ailleurs " les indications fournies concernant le taux de pénétration que la Communauté est mieux à même de discuter que les parties intéressées sont contestées, ces sortes de contrats-cadre étant par leur nature (gros engins comme les tracteurs) vendus dans pratiquement tous les pays du Marché Commun et susceptibles par définition d'influer sur le commerce entre Etats Membres " ;

Considérant qu'il ressort de ces conclusions que trois moyens sont soutenus pour contester la décision des premiers juges déclarant le droit communautaire inapplicable, à savoir :

(1) - que dès lors que le réseau Case Poclain ne couvre qu'une partie de la France sa part dans le marché délimitée aux secteurs en concession exclusive est plus forte que celle détenue par Case Poclain sur le marché français dans son ensemble,

(2) - que le taux de pénétration d'un produit sur le marché qu'il y a lieu de prendre en considération pour déterminer si l'organisation du réseau de vente de ce produit affecte le marché entre états membres de la communauté s'apprécie au regard des ventes dans l'ensemble des pays du marché commun " in globo " et non pays par pays,

(3) - que peu importe le taux de pénétration du marché, en pourcentage, et aussi semble-t-il, l'importance en chiffres absolus des ventes du produit réalisées au moyen des accords examinés, dès lors que le produit en cause est constitué par " de gros engins " ; que le motif donné pour fonder cette indication inattendue est que " de gros engins " se vendent dans pratiquement tous les pays du marché commun ;

Considérant que si dans la dernière phrase citée on trouve l'expression " les indications fournies concernant le taux de pénétration ... sont contestées... " le contexte démontre que les appelants, dont les conclusions sont parfois obscures, ne contestent pas les chiffres donnés par Case Poclain pour indiquer ses parts de marché mais se gardent simplement de les approuver formellement ; qu'en effet ils n'expriment jamais précisément que ces chiffres seraient inexacts, ils ne les critiquent au regard d'aucun fait qui les rendrait douteux et ils ne présentent même aucune demande de précision à leur sujet ; qu'en réalité les appelants tiennent ces chiffres pour exacts ; que ce qu'ils critiquent, malgré l'expression " les indications concernant le taux de pénétration ... sont contestées ", ce ne sont pas ces données chiffrées mais les indications qui ont été " tirées " de ces taux de pénétration pour apprécier l'influence du réseau sur le commerce entre Etats-membres, c'est-à-dire non pas les chiffres eux-mêmes mais les conclusions qui en ont été déduites ou, si l'on préfère, le raisonnement qui a été mené à partir de ces chiffres ;

Considérant, en effet, que la phrase où l'on trouve l'expression " les indications fournies concernant le taux de pénétration... sont contestées " ne peut avoir aucune signification d'ensemble qui soit cohérente si l'on s'attache au sens exact des mots employés ; qu'on est donc conduit à rechercher le sens global de cette phrase en tenant les mot qui la constituent comme utilisés dans des emplois approximatifs ; qu'alors la phrase prend un sens grâce à l'explication, contenue à sa fin, selon laquelle le fait que les produits vendus par les signataires des contrats-cadres sont de gros engins donne à ces contrats une nature telle que, " par définition ", ils deviennent susceptibles d'influer sur le commerce entre les E²tats membres ; qu'à l'évidence cette considération enlève tout intérêt aux chiffres définissant la part du marché des produits semblables tenue par les parties aux accords dont la validité est en cause et montre que c'est la conséquence tirée des chiffres définissant le taux de pénétration qui est contestée et non ces chiffres ;

Considérant qu'ainsi la critique de l'appréciation portée par les premiers juges sur l'absence d'influence des contrats litigieux sur le marché entre États membres de la communauté repose seulement sur trois considérations, à savoir : I) que les produits vendus sur le marché considéré sont de gros engins dont les ventes ont lieu dans presque tous les pays du marché commun, 2) que le taux de pénétration doit être apprécié par rapport au marché dans les seuls secteurs où s'appliquaient des contrats de concession exclusive et non par rapport au marché de la France entière, mais aussi 3) que le taux de pénétration doit être apprécié " non en fonction d'un pays mais des Etats Membres pris in globo " ;

Considérant qu'aucun de ces arguments ne saurait convaincre ;

Considérant que les communications de la Commission des communautés des 19 décembre 1977 et 3 septembre 1986 " concernant les accords d'importance mineure qui ne sont pas visés par les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne " prennent en compte pour définir ces accords d'importance mineure la part de marché des entreprises participantes et le chiffre d'affaires total réalisé par elles ; que le taux de pénétration y est évalué par rapport au territoire du marché commun où ces accords produisent leurs effets ; que la communication du 3 septembre 1986 considère comme négligeables les accords pour des ventes ne représentant pas plus de 5 % du marché de l'ensemble des produits similaires sur le territoire du marché commun concerné lorsque le chiffre d'affaires total réalisé au cours d'un exercice par les entreprises intéressées ne dépasse pas 200 millions d'écus ;

Considérant que pour ne lier en rien les juridictions ces communications, et tout spécialement la dernière qui a été faite à une date proche de celle des faits litigieux, ne manquent pas d'être précieuses en ce qu'elles traduisent une pratique éclairée qui peut guider très utilement la réflexion ;

Considérant que rien ne justifie que l'on apprécie selon des critères différents l'influence sur le commerce entre Etats membres de la Communauté d'accords entre entreprises selon qu'ils portent sur la fabrication ou la commercialisation de produits d'un coût unitaire faible ou élevé ; qu'en effet, il serait arbitraire que les accords de commercialisation de " gros engins " soient, par nature, considérés comme affectant le commerce entre Etats membres de la Communauté alors qu'une telle appréciation ne peut être portée qu'à raison du chiffre d'affaires très élevé réalisé par les entreprises parties auxdits accords ou de l'importance de ces accords relativement au marché des produits similaires ; qu'il est dès lors sans intérêt que de tels résultats aient été atteints à la suite des ventes d'un nombre plus ou moins grand des produits ; qu'en outre, il n'est pas contesté que ces ventes ont eu lieu dans la plupart des pays du marché commun ;

Considérant qu'aucune indication n'est donnée qui puisse faire supposer que l'implantation du réseau Case Poclain était, lors des faits litigieux, particulièrement dense sur certaines portions du territoire français où cette firme aurait détenu une part importante du marché ; qu'aucun des concessionnaires présents dans les litiges soumis à l'examen de la Cour ne prétend que telle aurait été la situation ; qu'en effet celui des concessionnaires qui avait l'implantation la meilleure, Lochou, ne prétend pas avoir dépassé 6 % des ventes de tracteurs agricoles dans son secteur ; que dès lors qu'il n'est pas fourni un seul indice d'une forte implantation du réseau sur une part substantielle du territoire, au moins sommairement définie, ce qui pourrait rendre plausible un cloisonnement du marché des tracteurs agricoles susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres de la Communauté, le second argument pour l'application du droit communautaire doit, lui aussi être rejeté ;

Considérant qu'il convenait donc, comme l'ont fait les premiers juges, d'examiner l'éventuelle incidence des accords en cause sur le marché entre Etats membres en prenant en considération, en premier lieu, la part des ventes réalisée dans ce réseau sur le marché des produits similaires, en France d'une part, pour l'ensemble des pays concernés du marché commun " in globo " d'autre part, en second lieu, l'ensemble du chiffre d'affaires réalisé chaque année par les ventes dans ce réseau, en France et dans l'ensemble des pays du marché commun ;

Considérant qu'il y avait donc lieu de prendre en considération un chiffre d'affaires de l'ordre de 100 000 000 F. réalisé en un an par Case Poclain en France, chiffre à partir duquel il est aisé d'avoir une idée de l'importance des ventes dans les autres pays du marché commun où l'on sait que, sauf pour l'Angleterre, les parts de marché étaient du même ordre de grandeur ; que l'on remarquera, d'ailleurs, que les chiffres donnés par Case couvrent toutes les ventes de tracteurs Case David Brown, dont certaines étaient réalisées en dehors des contrats de concession exclusive ;

qu'ainsi, pour les affaires présentement examinées, on verra que le tribunal n'a reconnu, à juste titre, le statut de concessionnaire exclusif qu'à quatre des sept appelants et pour deux d'entre eux ne l'a fait que pour une partie de leur secteur d'activité ;

Considérant qu'il s'en suit que, lors de la résiliation des contrats à l'origine des litiges, les ventes de tracteurs Case David Brown effectuées grâce au réseau de concessions exclusives, en France ou dans l'ensemble des pays du marché commun concernés, représentaient moins de 2 % du marché des tracteurs agricoles alors même [que] les ventes de tracteurs de cette marque ont pu couvrir près de 8 % du marché des tracteurs agricoles en Angleterre et que le chiffre d'affaires ainsi réalisé dans la Communauté restait en dessous du seuil réel d'influence; que dès lors les contrats-cadre dont la validité est discutée n'étaient pas " susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres ", condition nécessaire pour l'application de l'article 85, 1er paragraphe, du traité de Rome; qu'aussi la prétention de voir les présents litiges appréciés en fonction du droit communautaire a été rejetée à bon droit ;

En ce qui concerne les demandes formées contre Tenneco

Considérant que les premiers juges ont constaté, à juste titre, qu'il n'existe aucun lien contractuel entre les appelants et Tenneco ; que le jugement a déclaré irrecevables les demandes en responsabilité contractuelle formées contre cette société et qu'il n'est pas critiqué de ce chef ;

Considérant qu'il n'est pas prétendu que, contrairement à ce qu'ont dit les jugements, la restructuration des réseaux de distribution des tracteurs Case Poclain et IHF, qui a abouti à la quasi disparition des anciens points de distribution des tracteurs Case David Brown, aurait été opérée sans motifs véritables et serait, en soi, fautive ;

Considérant qu'il n'est nullement établi que la mise en œuvre de cette réorganisation aurait été pratiquée directement par Tenneco et non par Case Poclain, société filiale de la première, jouissant d'une autonomie juridique et d'une direction propre, chargée de la distribution des tracteurs en France ; que dès lors que rien ne permet d'affirmer que Tenneco se serait immiscée dans les activités de sa filiale elle ne saurait être tenue pour responsable des fautes commises dans l'exécution d'une décision prise par elle et qu'il revenait à Case Poclain de mettre en œuvre ; qu'aussi bien les actions en responsabilité délictuelle engagées contre Tenneco sont recevables, les appelants se plaignant d'un préjudice qui leur aurait été causé par une faute de Tenneco, mais mal fondées dès lors qu'aucune faute n'est établie à son encontre ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 NCPC en faveur de Tenneco ;

En ce qui concerne certains faits reprochés à Case Poclain et la portée des résiliations de juillet 1985 :

Considérant que, pour ambigu qu'ait pu être leur texte, les circulaires qui annonçaient aux vendeurs de tracteurs Case Poclain que le réseau allait être totalement restructuré à raison du rapprochement entre Case et IHF, firme dont ils ne pouvaient ignorer l'importance sur le marché, n'ont pas pu être comprises par ces professionnels comme leur donnant l'assurance de leur maintien dans le réseau ; que c'est à tort que le tribunal a vu dans l'expédition de ces circulaires une tromperie de Case envers certains des appelants ;

Considérant qu'il convient de rappeler que les résiliations intervenues au 31 juillet 1985 n'ont pas affecté la fourniture des pièces détachées dont la fourniture a été assurée jusqu'au 30 novembre 1985 ;

En ce qui concerne la faute commise par Case Poclain dans la résiliation des contrats :

Considérant que le tribunal a considéré que Case Poclain a commis une faute en résiliant les contrats avant le terme annuel qui était prévu ou, pour ceux qui étaient résiliables librement (Delienne et Toussaint), sans respecter un " délai de prévenance " dont il a fixé la durée à raison de l'ancienneté des relations entre Case et ses revendeurs ; qu'il a, en conséquence, prononcé des condamnations à dommages intérêts ou ordonné des expertises avec allocation d'une provision comme il a été rappelé ci-avant ; que Case ne contestant pas ces décision dont elle demande la confirmation, les différents appels ne seront examinés qu'au regard des condamnations dont il est demandé l'augmentation ;

En ce qui concerne les demandes particulières de chacun des appelants :

Appel de Philippe Delienne :

Considérant que le tribunal a exactement relevé que le contrat signé par Delienne le 13 février 1985 lui accordait un simple droit de vente jusqu'au 30 novembre 1985 et était " recevable à tout moment par simple lettre recommandée " ; qu'il en a déduit à juste titre que Case Poclain pouvait, comme elle l'a fait par lettre recommandée, mettre fin à ce contrat avant le 30 novembre 1985 ;

Considérant que le tribunal a ajouté qu'en ne prévenant Delienne de cette résiliation que le 28 juin, Case Poclain a failli à son obligation de respecter un " délai de prévenance " qui n'aurait pas dû être inférieur à deux ou trois mois et lui a alloué pour réparation du préjudice ainsi causé 50 000 F. de dommages-intérêts ;

Considérant que Case Poclain a accepté cette décision mais que Philippe Delienne forme à nouveau devant la Cour les mêmes demandes que celles présentées au tribunal ;

Considérant que les indications qu'il fournit ne sont pas assorties de pièces commentées de façon à en permettre la vérification ; que rien ne laisse présumer qu'une expertise serait justifiée, alors que Delienne qui a disposé depuis le 16 juillet 1988 de tout le temps nécessaire pour présenter ses moyens, exposer et analyser les éléments commerciaux et comptables susceptibles de les fonder, se borne à formuler des affirmations générales sans prendre appui sur des documents précis ; qu'ainsi, notamment, s'il se prétend titulaire de créances pour des travaux faits pour le compte de Case Poclain au titre de la garantie, il n'indique pas en quoi le décompte détaillé fourni par Case Poclain serait inexact ou incomplet et ne donne pas la justification des sommes qui resteraient dues alors qu'il lui eut été aisé de le faire par la récapitulation de ses factures faisant apparaître, si tel avait été le cas, qu'elles n'avaient pas été prises en compte, sous forme d'avoirs ou autrement, sur le décompte de Case Poclain ;

Considérant que faute de contestation précise l'appréciation portée par les premiers juges sur le préjudice sera confirmée, étant seulement indiqué que le délai de prévenance aurait dû être non pas " de deux ou trois mois " mais bien de trois mois ; qu'ainsi la condamnation de Case Poclain envers Delienne sera maintenue au montant fixé par le tribunal ;

Considérant que les parties sont d'accord pour que la somme restant due par Delienne sur factures soit réduite ; qu'il apparaît, au vu des pièces, que la dette de Delienne est de 307.898,93 F ; qu'il convient, dès lors, de ramener à ce chiffre le montant de la condamnation de Delienne en principal et de faire droit à la demande complémentaire en paiement des intérêts sur cette somme depuis le commandement du 30 décembre 1985 ;

Appel de Pierre et Claude Toussaint :

Considérant que le tribunal a relevé exactement que le contrat que MM. Toussaint ont signé le Ier décembre 1984 pour l'exercice 1984/1985 leur conférait un simple droit de vente, sans exclusivité, pour le département de la Meuse et précisait qu'il était révocable à tout moment par lettre recommandée ;

Considérant que le contrat de l'année précédente portait déjà sur un droit de vente sans exclusivité ; que les termes de la lettre contrat pour 1984-1985 sont sans ambiguïté et que ce n'est pas sans mauvaise foi que les appelants, qui sont des professionnels et qui savaient fort bien que des contrats nouveaux étaient signés chaque année, en contestent le sens à raison de ce qu'ils auraient antérieurement disposé d'un droit exclusif ; qu'ils sont mal venus, alors qu'ils ne le dénoncent pas comme un faux, à contester chaque mention importante d'un document qu'ils ont signé ;

Considérant qu'à juste titre le tribunal a estimé que la dénonciation du contrat aurait dû tenir compte d'un "délai de prévenance de trois mois" ;

Considérant que le jugement a fixé les dommages-intérêts dus à MM. Toussaint à 80 000 F ; qu'ils demandent que leur préjudice soit fixé " en droit français " sur la base d'une perte de quatre mois ; que cette prétention ne saurait être admise, la seule faute ayant consisté en la violation du " délai de prévenance " ;

Considérant qu'aucune critique précise n'étant formulée contre l'appréciation du préjudice faite par le tribunal à partir de documents qui sont les mêmes que ceux fournis à la Cour, l'évaluation retenue par les premiers juges sera confirmée ; que le jugement étant confirmé, les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de son prononcé, par application de l'article 1153-1 du Code civil ;

Appel de la Sté Etablissements Henri Philippon

Considérant que le tribunal a relevé à juste titre que le contrat 1984-1985 était un contrat " sans exclusivité ", ce qui ressort clairement de son article 3, et donc donnait à Philippon un simple droit de vente dans le département de la Creuse et dans trois cantons de l'Indre ; qu'il a estimé que Case Poclain ayant résilié ce contrat quatre mois avant son terme devait réparation du préjudice causé par cette résiliation prématurée ; qu'il a désigné un expert pour qu'il lui donne des éléments d'évaluation et a alloué à Philippon 80 000 F. de provision sur les dommages-intérêts ;

Considérant que Philippon demande à la Cour de dire qu'il s'agissait d'un contrat d'exclusivité, que le droit communautaire lui est applicable, que le préjudice devait être calculé sur une privation de concession durant 16 mois, subsidiairement, " sous réserve de l'expertise " de dire qu'il a subi un préjudice de 154.859 F. outre un préjudice moral de 50 000 F. ;

Considérant qu'il a déjà été dit que l'article 3 du contrat a exclu par des mentions précises tout droit exclusif au profit de Philippon ; que le responsable de cette société n'a pu manquer de remarquer ces mentions lors de la signature puisque sur le formulaire qui comportait les indications " Exclusivité " et " Droit de vente (non exclusif) ", la première, qui n'a pas été retenue, a été soigneusement rayée ; qu'il importe peu que les contrats des années précédentes aient pu contenir une clause d'exclusivité puisque ces contrats étaient annuels et non renouvelables par tacite reconduction, ce qui n'a pu échapper au responsable de la société qui signait un nouveau contrat chaque année ;

Considérant qu'il a déjà été répondu sur l'inapplicabilité du droit communautaire aux contrats litigieux ;

Considérant qu'à raison de la durée fixée au contrat et de la date à laquelle la résiliation a pris effet, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la durée à prendre en compte pour évaluer le préjudice était de quatre mois ; qu'il n'y a donc pas lieu de modifier la mission de l'expert ou d'ordonner un complément d'expertise à ce sujet ;

Considérant que l'expert a déposé son rapport le 10 juin 1990 et que, selon les notes de plaidoirie de Philippon, un jugement en liquidation de dommages a été rendu par le tribunal de commerce le 16 janvier 1991 ;

Considérant que la demande de Philippon tendant à ce qu'il soit donné des indications supplémentaires à l'expert est totalement infondée et ne pourrait avoir d'autre effet que d'allonger encore, sans aucune utilité, un procès qui dure déjà depuis janvier 1986 ; qu'en effet les questions sur lesquelles il est demandé de modifier l'expertise et qui concernent les modalités de prise en compte des stocks de pièces détachées, le mode d'évaluation des ventes de tracteurs ou l'indemnisation de frais de publicité et d'investissement au titre de contrats annuels non renouvelables sont de celles qu'il y a lieu de discuter avec l'expert et de faire trancher, en cas de désaccord, lors de la liquidation du préjudice ; que le jugement sera donc confirmé, purement et simplement ;

Appels de Michel Dhuit, des sociétés Lochou, Depussay et Darroux :

Considérant que la seule différence entre ces dossiers et celui de Philippon est que pour Dhuit, Lochou, Depussay et Darroux les contrats donnaient une exclusivité, au moins relative, au concessionnaire sur la totalité de son secteur ou, dans le cas de Depussay et de Dhuit, pour une partie de ce secteur ; que pour ces quatre concessionnaires le tribunal a pris en compte le préjudice dû à une résiliation prématurée les ayant privés du bénéfice du contrat, sauf pour les pièces détachées, pendant quatre mois ; que le tribunal a condamné Case à payer 120 000 F. à Lochou ; qu'estimant ne pas disposer d'éléments suffisants pour déterminer le préjudice subi par Depussay et Darroux, il a ordonné une expertise pour les lui fournir et leur a alloué des provisions sur dommages-intérêts, respectivement, de 80 000 F. et de 90 000 F. ;

Considérant qu'en ce qui concerne Darroux, la Cour est également saisie d'un appel du jugement du 11 juin 1991, rendu au vu de l'expertise ;

Considérant que, comme il a été vu précédemment, le droit communautaire n'est pas applicable ; que les arguments avancés, pour le surplus, dans les dossiers Dhuit et Lochou, étaient déjà connus du tribunal qui les a appréciés selon leur mérite ; que le cas de Depussay étant identique à celui de Philippon, sous réserve des précisions qui viennent d'être données, la mission de l'expert n'a pas à être modifiée non plus que la provision allouée ; que de plus le rapport déposé dans le dossier Depussay ne saurait être discuté à présent puisqu'un jugement du 14 juin 1991, qui n'est pas soumis à la Cour avec les litiges examinés à présent, a liquidé le préjudice de cette société sur la base de ce rapport ; qu'il serait vain de répondre sur la mission de l'expert désigné dans le dossier Darroux dès lors que cette société s'est dérobée à la mesure d'instruction en ne fournissant pas à l'expert les éléments utiles ;

Que les jugements du 6 juillet 1988 concernant Dhuit, Lochou, Depussay et Darroux seront donc intégralement confirmés ;

Considérant que par jugement du 11 juin 1991 le tribunal a rejeté, au vu du rapport de l'expert, les demandes d'indemnisation de Darroux au motif que cette société ne produisait aucun document justificatif de ses demandes et a, par voie de conséquence, ordonné la restitution de la provision versée.

Considérant que Darroux demande l'infirmation de ce jugement et la condamnation de Case Poclain à lui payer 150 000 F. de dommages-intérêts et de 10 000 F. au titre de l'article 700 NCPC ; que cette société avance des chiffres dont elle déduit qu'à la suite de la résiliation du contrat de concession elle aurait perdu un important chiffre d'affaires, qu'elle aurait vu sa gestion des stocks de pièces détachées rendue plus onéreuse et ses charges générales alourdies par rapport à ses recettes ; qu'elle n'a pour autant déposé aucune pièce et que toutes ses allégations sont, encore aujourd'hui, dépourvues de toute justification ; que la nouvelle demande d'expertise ne saurait être satisfaite dès lors qu'il n'est nullement indiqué pour quels motifs justifiés Darroux aurait omis de mettre le précédent expert en possession de pièces qui lui auraient permis, le cas échéant, d'établir l'existence et la consistance de son prétendu préjudice ; que, par suite, l'appel sera rejeté comme mal fondé ;

Sur tous les jugements :

Considérant que l'équité ne commande de faire aucune application de l'article 700 NCPC.

Par ces motifs : - Joint les dossiers ouverts au greffe de la Cour sous les numéros : 90-12397, 90-12398, 90-12399, 90-12400, 90-12401, 90-12402, 90-12403 et 91-19863, - réforme le jugement rendu le 12 octobre 1988 en ce qu'il a condamné Philippe Delienne à payer à la société Case Poclain, pour des factures arriérées, la somme de 484.449 F. et, statuant à nouveau de ce chef, le condamne à payer à la Sté Case Poclain la somme de 307.898,93 F., ajoutant au jugement, le condamne à payer en outre les intérêts au taux légal de cette somme à compter de la sommation du 30 décembre 1985, - confirme, pour toutes les autres dispositions, les huit jugements entrepris, sauf à préciser que les demandes en responsabilité délictuelle formées contre la société Tenneco étaient recevables et mal fondées ; - condamne chaque appelant à payer les dépens qui ont été engagés par les intimées sur son appel et admet les SCP d'avoués Teytaud et Fisselier Chiloux Boulay au recouvrement direct prévu par l'article 699 NCPC, - rejette toute autre demande.