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Décisions

CA Basse-Terre, 10 février 1992, n° 1160-90

BASSE-TERRE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gabriel

Défendeur :

Feigelonne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lecomte

Conseillers :

MM. Altenbach, Bessy

Avocats :

Me Plumasseau, SCP Saingolet.

TGI Pointe-à-Pître, du 6 juill. 1989

6 juillet 1989

Mme veuve Feigelonne a, par acte du 3 février 1988, assigné Mme Gabriel aux fins essentielles de validation du congé qu'elle lui a donné le 1er juin 1987 pour le 31 janvier 1988.

Elle exposait que :

- suivant acte sous seing privé du 30 janvier 1962, elle avait donné en location-gérance à Mme Gabriel un fonds de commerce de tissus sis à Pointe à Pitre, pour une durée d'une année renouvelable par tacite reconduction ;

- cette location, s'est poursuivie jusqu'au 31 janvier 1988, date d'expiration du congé.

Mme Gabriel a fait valoir en réplique notamment que la demanderesse ne rapportait pas la preuve qu'elle était propriétaire du fonds de commerce et qu'elle ne pouvait se prévaloir du bail de location-gérance ;

Dans un jugement rendu le 6 juillet 1989, le Tribunal de grande instance de Pointe à Pitre a estimé que :

- il s'agissait d'un contrat de location-gérance régi par les dispositions [de la loi] du 20 mars 1956 ;

- Mme Gabriel ne rapportait pas la preuve, dont elle avait la charge, que n'étaient pas remplies les conditions posées par l'article 4 [de la loi] du 20 mars 1956 ;

- le congé était régulier en la forme.

Il a été décidé que Mme Gabriel devait quitter les lieux et, à défaut, être expulsée.

Appel de cette décision a été interjeté par déclaration de Mme Gabriel du 16 novembre 1989.

Au soutient de son recours, elle fait valoir les moyens suivants :

- le congé lui a été adressé par un dénommé Azar agissant au nom de Mme Feigelonne ; qu'aucune pièce ne démontre toutefois que M. Azar avait pouvoir de donner congé ; cet acte est dès lors nul et de nul effet ;

- la qualification de la convention litigieuse intitulée " gérance libre de fonds de commerce " ne correspond pas à la réalité,

D'une part Mme Feigelonne n'était pas commerçante depuis 7 ans et n'exploitait pas le local depuis deux ans, d'autre part, elle ne justifie pas de ce que feu son mari, dans la succession duquel elle aurait trouvé ce local, était commerçant inscrit au registre du commerce et exploitait ledit local,

- le non-respect des dispositions d'ordre public des articles 4 et 6 de la loi du 20 mars 1956 entraîne la nullité absolue du contrat ;

- ce contrat ayant toutefois régi les rapports entre les parties doit être requalifié.

Elle conclut en ce sens et demande à la Cour de dire qu'elle est titulaire d'un bail commercial.

Par arrêt prononcé le 8 avril 1991 la Cour de céans a estimé que les documents produits par Mme Feigelonne ne permettaient pas de trancher le litige ;

Elle a révoqué l'ordonnance de clôture et a renvoyé le dossier à la mise en état.

Dans des conclusions déposées le 7 novembre 1991, Mme veuve Feigelonne indique que lors de la signature de la convention elle était commerçante inscrite au registre du commerce, que le fonds de commerce a été récupéré des époux Badi Dahdah courant 1960 et a été normalement exploité jusqu'à sa fermeture temporaire courant juillet 1961.

Elle conclut à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation à lui payer des dommages et intérêts pour appel abusif et dilatoire et pour résistance abusive.

MOTIVATION

Attendu que, pour invoquer la nullité du contrat de location-gérance conclu entre elle-même et Mme Feigelonne, Mme Gabriel soutient que n'étaient pas remplies les conditions d'ordre public de l'article 4 de la loi du 20 mars 1956, savoir que Mme Feigelonne :

- n'était pas commerçante depuis 7 ans,

- n'exploitait pas le local depuis 2 ans ;

Attendu en droit qu'il appartient à celui qui invoque le caractère illicite ou irrégulier d'une convention d'en rapporter la preuve ;

Attendu que Mme Gabriel se contente d'affirmer que n'étaient pas remplies les deux conditions susvisées lors de la conclusion du contrat mais ne fournit aucun élément justifiant ses assertions ;

Qu'il convient de relever que Mme Feigelonne, alors que la charge de la preuve ne lui incombe point, justifie de sa qualité de commerçante depuis le 28 mars 1951 par la production de se déclaration et du récépissé établis à cette dernière date ;

Attendu, sur la seconde condition, savoir l'exploitation du local depuis deux ans, que les attestations versées aux débats par Mme Gabriel aux termes desquelles le local était vide en 1962 ne présentent aucun caractère de pertinence; qu'elles ne démontrent nullement en effet que la propriétaire du fonds n'a pas antérieurement exercé depuis deux ans alors que celle-ci indique et justifie avoir fait procéder à des travaux peu avant la signature du contrat de location-gérance;

Attendu enfin et à titre superfétatoire que l'on peut être surpris de l'attitude de l'appelante qui a attendu vingt six années avant de dénoncer l'irrégularité du contrat et de soulever sa nullité ;

Attendu, sur le moyen tiré de la nullité du congé, que l'intervention de M. Azar en qualité de mandataire de Mme Feigelonne est parfaitement régulière, qu'au demeurant seule cette dernière aurait qualité pour invoquer l'irrégularité des actes accomplis par son mandataire, non Mme Gabriel, tiers aux rapports de droit existant entre mandant et mandataire ;

Attendu, sur le caractère abusif de l'appel, que la succombance d'un appelant ne saurait s'analyser à elle seule en un abus de droit ; que, faute pour Mme Feigelonne de préciser en quoi l'exercice de son droit d'appel par Mme Gabriel apparaît abusif et dilatoire, il convient de la débouter de toutes prétentions à l'allocation de dommages et intérêts de ce chef ;

Attendu enfin que l'équité commande en l'espèce d'allouer à Mme Feigelonne la somme de 6 000 F au titre de ses frais non répétibles ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en matière commerciale, Déclare recevable en la forme l'appel formé par Mme Gabriel et injustifié quant au fond ; L'en déboute, Confirme le jugement déféré, Statuant à nouveau, Déboute Mme Feigelonne de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif et dilatoire et pour résistance abusive ; Condamne Mme Gabriel à payer à Mme Feigelonne la somme de 6 000 F (six mille francs) par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel distraits au profit de la SCP Saingolet, avocat, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.