CA Paris, 5e ch. A, 25 février 1992, n° 11935-90
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Aspac (Sté), Soface (Sté)
Défendeur :
Bonello, Oser Aspac (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chavanac (conseiller faisant fonction)
Conseillers :
Mmes Briottet, Vigneron
Avoués :
SCP Bernabé Ricard, SCP Duboscq Pellerin
Avocats :
Mes Auperin Moreau, Ben Soussan.
Par déclaration remise au Secrétariat-Greffe le 23 avril 1990, la SA Aspac et la SARL Soface ont interjeté appel du jugement du 19 mars 1990 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a résilié le contrat de franchise à leurs torts mais aussi aux torts de la SARL Oser Aspac et a débouté les parties de leurs prétentions.
La société Aspac et la société Soface qui ont concédé à Guy Bonello une franchise de services exploitée par la société Oser Aspac, soutiennent que le Tribunal a résilié à tort ce contrat aux torts de cette société pour n'avoir pas réglé les redevances convenues mais aussi à leurs torts pour n'avoir pas mené de campagnes publicitaires significatives en vue de développer la clientèle du réseau de franchise alors qu'elles ont engagé des frais de publicité bien supérieurs aux redevances encaissées et que Guy Bonello n'a pas versé les redevances destinées à assurer cette publicité.
En conséquence, les appelants demandent d'infirmer le jugement en condamnant solidairement Guy Bonello et la société Oser Aspac à leur payer la somme de 171 970 F avec intérêts légaux à compter du 13 mars 1989 au titre des redevances ainsi que les sommes de 35 000 F et de 150 000 F à titre d'indemnité respectivement pour rupture anticipée du contrat et pour concurrence déloyale et la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Guy Bonello et la société Oser Aspac relèvent appel incident et concluent à la nullité du contrat de franchise pour dol sur la rentabilité de l'opération ou pour absence de cause, faute de transmission d'un savoir-faire original, d'assistance et de notoriété de l'enseigne Aspac.
A titre subsidiaire, les intimés demandent de prononcer la " résiliation " du contrat aux torts exclusifs des franchiseurs au motif que ceux-ci n'ont pas rempli leurs obligations.
Les intimés demandent donc la restitution de la somme de 45 000 F réglée au titre du droit d'entrée en cas d'annulation du contrat et, en toute hypothèse, la condamnation solidaire de la société Aspac et de la société Soface à leur payer la somme de 450 000 F à titre de dommages intérêts et celle de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Sur le fond du litige :
Considérant que par acte sous seing privé daté du 26 mars 1986, la société Aspac et la société Soface qui gère la société Aspac ont concédé à Guy Bonello une franchise exclusive de services pour la création et le fonctionnement d'entreprises dans une partie du département des Yvelines, pendant une durée de 5 ans moyennant le paiement de la somme de 45 000 F hors taxes au titre du droit d'entrée et d'une redevance mensuelle égale à 10 % du chiffre d'affaires ;
Qu'il est stipulé que la société Aspac et la société Soface accordent au franchisé le droit d'usage de l'enseigne et de la marque " Aspac " et promettent de lui assurer la formation et l'assistance permanente pour la création et le fonctionnement de son entreprise, notamment en lui transmettant leur savoir-faire par un stage initial de deux journées, la remise d'un manuel opérationnel constamment mis à jour et des réunions des franchisés à intervalles réguliers ;
Que les franchisés doivent promouvoir la marque " Aspac " par une publicité nationale ;
Considérant que la société Oser Aspac a été créée avec l'accord des franchiseurs, pour exercer l'activité franchisée ;
Considérant tout d'abord que les intimés ne peuvent soutenir que le contrat est nul pour dol du fait de la présentation d'un compte d'exploitation prévisionnel erroné alors qu'il ne s'agit pas d'un compte spécifique mais d'un compte général qui devait nécessairement être révisé en fonction de la situation particulière du franchisé ;
Considérant que les intimés se fondent sur l'inexécution des obligations contractuelles des franchiseurs pour demander l'annulation ou la résolution du contrat de franchise ;
Considérant que le franchiseur est tenu essentiellement d'assurer la formation de son franchisé en lui communiquant son savoir-faire et en lui fournissant une assistance permanente ;
Considérant que Guy Bonello a effectué un stage de deux jours au siège de la société Aspac au cours du mois de juin 1986 et qu'à la fin de la même année, cette société a transmis aux intimés des manuels contenant des connaissances succinctes en matière juridique, commerciale et comptable ainsi que quelques renseignements pratiques et procédés techniques tels que des modèles types d'actes juridiques et des méthodes de marketing diffusées dans la presse ;
Considérant qu'il apparaît ainsi que les franchiseurs ont failli à leur obligation principale en transmettant tardivement un savoir-faire très limité et dépourvu d'originalité que le franchisé était en mesure d'acquérir par ses propres moyens et qui, en tout état de cause, était manifestement insuffisant pour lui permettre d'effectuer les prestations franchisées; qu'en effet, celles-ci, nécessitent une parfaite maîtrise des techniques juridiques, comptables, financières et commerciales ;
Que d'ailleurs la société Oser Aspac a, en fait, limité son activité à la location de bureaux à la journée ce qui ne requiert pas un savoir-faire particulier ;
Que la société Oser Aspac n'était donc pas tenue de payer les redevances qui étaient dépourvues de cause ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de prononcer la résolution du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Aspac, de débouter celle-ci de ses demandes en paiement de redevances et de dommages intérêts et de la condamner à rembourser à la société Oser Aspac la somme de 45 000 F qu'elle a versée au titre du droit d'entrée ;
Considérant qu'à l'appui de leur demande en paiement de dommages intérêts, les intimés prétendent que le déficit d'exploitation de la société Oser Aspac est dû à la défaillance des franchiseurs ;
Mais considérant que la société Oser Aspac qui a exercé librement une activité de location de bureaux en profitant de la notoriété certaine de l'enseigne " Aspac ", ne prouve nullement par des documents comptables précis et détaillés, la réalité de ses pertes et leur imputabilité aux franchiseurs ;
Que les intimés doivent donc être déboutés de leur demande en paiement de dommages intérêts ;
Considérant que pour le même motif, il ne paraît pas inéquitable de laisser à leur charge leurs frais non répétibles ;
Par ces motifs : LA COUR, Infirmant le jugement déféré : Prononce la résolution du contrat de franchise aux torts exclusifs de la SA Aspac et de la SARL Soface ; En conséquence : Déboute ces sociétés de leurs prétentions ; Les condamne solidairement à rembourser à la SARL Oser Aspac la somme de 45 000 F qu'elle a versée au titre du droit d'entrée ; Déboute les intimées de leurs demandes en paiement de dommages intérêts et de frais non répétibles ; Condamne la SA Aspac et la SARL Soface aux dépens de première instance et d'appel, et pour ceux d'appel, accorde un droit de recouvrement direct au profit de la SCP Duboscq Pellerin.