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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 25 février 1992, n° 5821-90

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Aspac (Sté)

Défendeur :

Vallet, Centre d'Affaires Tour Crédit Lyonnais "CACTL" (Sté), D'Anna

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chavanac (conseiller faisant fonction)

Conseillers :

Mmes Briottet, Vigneron

Avoués :

Me Lecharny, SCP Bernabé Ricard

Avocats :

Mes Aupenin, Llacer.

T. com. Paris, 9e ch., du 19 oct. 1989

19 octobre 1989

Par déclaration remise au Secrétariat-Greffe le 5 février 1990, la SA Aspac a interjeté appel du jugement du 19 octobre 1989 par lequel le Tribunal de Commerce de Paris a débouté Patrick Vallet, Vincent d'Anna et la SARL Centre d'Affaires Tour Crédit Lyonnais ci après dénommée Sté CATCL, de leur prétentions et les a condamnés solidairement à lui payer la somme de 20.000 F au titre des clauses pénales et la somme de 5.000 F par application de l'article 700 du NCPC.

La société Aspac qui a concédé à Patrick Vallet et à Vincent d'Anna une franchise de services pour la création d'entreprise, soutient que le Tribunal a justement constaté que les franchisés avaient mis fin avant terme à ce contrat et avaient violé la clause de non concurrence en continuant à exploiter des activités couvertes par la franchise mais a réduit à tort les clauses pénales qui sanctionnent ces infractions.

En conséquence, la société Aspac demande d'infirmer le jugement en condamnant solidairement les intimés à lui payer la somme de 250.000 F représentant le montant global des clauses pénales et celles de 15.000 F par application de l'article 700 du NCPC.

Patrick Vallet Vincent d'Anna et la Société CATCL répliquent que la société Aspac n'a pas rempli ses obligations contractuelles de conseils et d'assistance tant au moment de la constitution de la société CATCL qui a été créée pour exploiter les activités franchisées qu'ultérieurement en l'absence de transmission d'un savoir-faire original et spécifique ;

Les intimés reprochent également à la société Aspac de les avoir trompés sur l'importance du réseau en leur indiquant qu'il comprenait 20 franchisés au lieu de 11 et de faire une publicité nationale sans indiquer l'adresse et les numéros de téléphone des franchisés.

Les intimés relèvent donc appel incident pour faire constater la nullité du contrat de franchise ou faire prononcer sa résolution et pour demander en conséquence la condamnation de la société Aspac à rembourser à la société CATCL la somme de 77.090 F versée au titre du droit d'entrée et à payer la somme de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

A titre subsidiaire, les intimés soutiennent que la clause pénale en cas de résiliation anticipée du contrat de franchise n'est pas due compte tenu que la société Aspac ne leur a pas adressé la lettre recommandée contractuellement prévue pour sa mise en jeu et que par lettre du 17 avril 1988, la société Aspac a accepté le principe de la résiliation du contrat ce qui exclut l'allocation de toute indemnité, même réduite ;

Les intimés prétendent, également à titre subsidiaire, que la clause pénale en cas de concurrence pendant trois ans est inapplicable au motif que depuis le mois de juin 1988, la société CATCL exerce les activités non franchisées, à savoir : l'organisation de séminaires, la mise à disposition du public de salles de réunion et de marketing ;

La société Aspac réplique qu'elle a rempli ses obligations de franchiseur pendant la courte durée du contrat et qu'elle a informé exactement les franchisés sur l'importance du réseau de franchise.

Sur le fond du litige :

Considérant que par acte sous seing privé daté du 3 juillet 1987, la société Aspac a concédé à Vincent d'Anna et à Patrick Vallet une franchise exclusive de services pour la création et le fonctionnement d'entreprises dans le secteur Lyon Part Dieu pendant une durée de cinq ans moyennant le paiement de la somme de 77.090 F TTC au titre du droit d'entrée et d'une redevance mensuelle égale à 6% du chiffre d'affaires.

Qu'il est stipulé que la société Aspac accorde aux franchisés le droit d'usage de l'enseigne et de la marque " Aspac " et promet de leur assurer la formation et l'assistance permanente pour la création et le fonctionnement de leur entreprise notamment en leur transmettant son savoir-faire par un stage initial d'une journée, la remise d'un manuel opérationnel constamment mis à jour et des réunions de franchisés à intervalles réguliers ;

Qu'enfin le franchiseur doit promouvoir la marque " Aspac " par une publicité nationale;

Considérant qu'à la fin de l'année 1987, la société CATCL a été créée, avec l'accord du franchiseur, pour exercer l'activité franchisée ;

Considérant que Vincent d'Anna et Patrick Vallet ont effectué un stage initial de deux jours au siège de la société Aspac et que cette société a transmis à la société CATCL des manuels contenant des connaissances succinctes en matières juridique, commerciale et comptable ainsi que quelques renseignements pratiques et procédés techniques tels que des modèles types d'actes juridiques ou des méthodes de marketing diffusés dans la presse ;

Considérant qu'il apparaît ainsi que <B<la société Aspac qui était contractuellement tenue d'assurer la formation de son franchisé, a failli à cette obligation essentielle en transmettant un savoir-faire très limité et dépourvu d'originalité que le franchisé était en mesure d'acquérir par ses seuls moyens et qui en tout état de cause, était manifestement insuffisant pour lui permettre d'effectuer les prestations franchisées ; qu'en effet, celles-ci nécessitent une parfaite maîtrise des techniques juridiques, comptables, financières et commerciales ;

Que d'ailleurs la société CATCL a en fait, limité son activité à la location de bureaux à la journée ce qui ne requiert pas un savoir-faire particulier ;

Qu'en conséquence, il y a lieu de prononcer la résolution du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Aspac, de débouter celle-ci de ses demandes en paiement de dommages-intérêts et de la condamner à rembourser à la société CATCL la somme de 77.090 F qu'elle a versée au titre du droit d'entrée ;

Considérant qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge des intimés leurs frais non répétibles exposés en première instance et en appel compte tenu qu'ils ont utilisé pendant plusieurs mois l'enseigne " Aspac " qui bénéficie d'une certaine notoriété ce qui a facilité le démarrage de leur activité de location de bureaux ;

Par ces motifs : LA COUR : Infirmant le jugement déféré ; Prononce la résolution du contrat de franchise aux torts exclusifs de la SA Aspac, En conséquence : Déboute cette société de ses prétentions, La condamne à rembourser à la SARL Centre d'affaires Tours Crédit Lyonnais la somme de 77.090 F, Déboute les intimés de leurs demandes en paiement de leurs frais non répétibles, Condamne la SA Aspac aux dépens de première instance et d'appel. Et, pour ceux d'appel, accorde un droit de recouvrement direct au profit de Maître Lecharny, avoué.