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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 9 mars 1992, n° 90-006155

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Vente de matériel agricole (SA)

Défendeur :

Fiatgeotech France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosnel

Conseillers :

Mme Mandel, M. Boval

Avoués :

SCP Roblin, Me Ribaut

Avocats :

Mes Bourgeon, Triet

T. com. Paris, 6e ch., du 29 janv. 1990

29 janvier 1990

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté par la société Etablissements Hermand et Cie aujourd'hui dénommée Société de Vente de Matériel Agricole du jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 29 janvier 1990 (6e Chambre) dans un litige l'opposant à la société Fiatagri France actuellement dénommée Fiatgeotech France.

FAITS ET PROCEDURE

Les 23 décembre 1985 et 2 janvier 1986 la société Fiatagri France aujourd'hui dénommée Fiatgeotech et les Etablissements Hermand ont signé trois contrats de concession exclusive de vente de tracteurs Fiat, moissonneuses-batteuses Laverda et presses et ensileurs Hesston pour différents cantons des départements de l'Oise, de la Seine-Maritime, de la Somme et du Val d'Oise et pour une durée indéterminée.

La signature de ces contrats avait été précédée de celle d'un protocole d'accord de commercialisation aux termes duquel Fiatagri s'engageait afin de redresser le niveau commercial du secteur à accorder à Hermand des remises et des conditions de règlement particulières et ce pour les années 1985, 1986 et 1987.

Les parties ont convenu d'un commun accord de réduire à compter du 1er janvier 1987 le territoire concédé aux Etablissements Hermand ce qui donnait lieu à l'établissement de 3 avenants.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juin 1987, Fiatagri attirait l'attention d'Hermand sur le fait que ses résultats restaient inférieurs à la moyenne nationale réalisée avec les produits concédés.

Le 19 novembre 1987, se référant au courrier susvisé et invoquant l'article 16 B à des contrats de concession, Fiatagri notifiait à Hermand leur résiliation immédiate aux torts et griefs d'Hermand.

Hermand ayant assigné Fiatagri en référé le Président du Tribunal de Commerce de Paris par ordonnance du 16 décembre 1987 constatait que la mise en jeu des dispositions de l'article 16. B des contrats de concession pouvait être sérieusement contestée et ordonnait sous astreinte à Fiatagri de poursuivre l'exécution des contrats jusqu'à ce qu'une décision judiciaire ayant l'autorité de la chose jugée en ait disposé autrement.

Cette ordonnance était signifiée le 22 décembre à Fiatagri qui par lettre du 23 faisait savoir à Hermand qu'elle reprenait les relations commerciales sous les plus expresses réserves de ses droits et voies de recours offertes, étant précisé qu'elle interjetait appel de l'ordonnance du 5 janvier 1988.

Le 10 février 1988 Hermand notifiait par lettre recommandée à Fiatagri qu'elle prenait acte de leur décision de résiliation (en date du 19 novembre 1987) dont elle entendait tirer toutes les conséquences utiles à compter du 12 février 1988 sous réserve de tous ses autres droits.

Fiatagri après avoir fait constater le 16 février 1988 qu'Hermand exposait des matériels de marque Deutz, résiliait par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 mars 1988 les contrats de concession sur le fondement de l'article 16.1.B.d. avec effet immédiat.

C'est dans ces conditions que par exploit en date du 11 avril 1988, Hermand a assigné Fiatagri devant le Tribunal de Commerce pour voir notamment dire résiliés les contrats de concession aux torts et griefs de Fiatagri avec effet au 19 novembre 1987 et la voir condamner au paiement de la somme de 5 millions de francs de dommages-intérêts.

Par des conclusions additionnelles Hermand a sollicité la condamnation de Fiatagri pour faits de concurrence déloyale à lui payer la somme supplémentaire de 500.000 F à titre de dommages-intérêts tout en se reconnaissant débitrice de Fiatagri pour la somme de 670.718 F 38.

Fiatagri a conclu à ce qu'Hermand soit déboutée de toutes ses demandes, à ce qu'il soit dit que la rupture par Hermand des contrats le 10 février 1988 est abusive et que la résiliation par Fiatagri le 16 mars 1988 était fondée.

Elle s'est portée demanderesse reconventionnelle en paiement dans le dernier état de ses écritures de la somme de 1.898.330 F 18 majorée à compter du 10 février 1988 des intérêts de retard contractuels TVA en sus, correspondant à des marchandises non encore payées outre un million de francs à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive.

Chacune des parties a sollicité le bénéfice de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le Tribunal par le jugement entrepris a constaté que l'article 16 des trois contrats de concession exclusive qui liaient Fiatagri à Hermand n'était pas contraire au droit communautaire, dit en conséquence que la résiliation desdits contrats par Fiatagri intervenue le 16 novembre 1987 et fondée sur cet article était conforme aux contrats et pleinement valide.

Il a dit :

- sans objet les résiliations ultérieures intervenues les 10 février et 16 mars 1988,

- Fiatagri et Hermand mal fondées en leurs demandes en dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat, les en a déboutées respectivement,

- Hermand mal fondée en sa demande en dommages-intérêts pour concurrence déloyale à l'encontre de Fiatagri.

Sur les conventions en paiement de marchandises il a avant dire droit nommé en qualité de constatant Me Duparc pour faire les comptes entre les parties.

Appelante par déclaration du 2 mars 1990 la Société Etablissements Hermand aujourd'hui dénommée Société de Vente de Matériel Agricole prie la Cour, dans le dernier état de ses écritures de réformer le jugement entrepris, de dire que l'article 16.B.a) des trois conventions résiliées est nul en vertu de l'article 85.2 du traité de Rome, subsidiairement de dire que les conditions d'application des dispositions de l'article 16.B.a) des trois conventions n'étaient pas réunies au 16 novembre 1987, en tout état de cause, de constater la résiliation à cette date aux torts et griefs de Fiatagri aujourd'hui Fiatgeotech des trois contrats et de la condamner à lui payer la somme de 5 millions à titre de dommages-intérêts, outre la somme de 500.000 F pour concurrence déloyale, de lui allouer les intérêts au taux légal à compter de l'assignation à titre de complément de dommages-intérêts, de confirmer le jugement en ce qu'il a désigné Me Duparc en qualité de constatant, enfin de surseoir à statuer sur la demande de Fiatgeotech en paiement à titre de provision de la somme de 670.718 F 38 pour permettre toute compensation ultérieure.

Enfin, elle réclame paiement de la somme de 30.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Fiatagri aujourd'hui dénommée Fiatgeotech poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Hermand de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat et concurrence déloyale et en ce qu'il a constaté que l'article 16 des trois contrats n'était pas contraire au droit communautaire.

Formant appel incident pour le surplus elle prie la Cour de constater que les relations contractuelles entre les parties ont été définitivement rompues par Hermand le 10 février 1988 à ses torts exclusifs, subsidiairement de dire que la résiliation des contrats par Fiatagri le 19 novembre 1987, en application de l'article 16.1.B. des contrats était fondée et en conséquence de débouter Hermand de toute demande de dommages-intérêts.

Par ailleurs, elle sollicite la condamnation de la Société de Vente de Matériel Agricole à lui payer à titre de provision la somme de 670.718 F 39 avec intérêts de droit à compter du 10 février 1988 sauf à parfaire ainsi que la somme de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le 22 janvier 1992 Fiatgeotech a pris des conclusions pour demander à la Cour d'écarter des débats la communication de pièces faite le 21 janvier 1992 par l'appelante.

Il a été demandé à Fiatgeotech une note en délibéré sur le montant des ventes de tracteurs Massey Fergusson pour le canton de Beauvais Ville à laquelle la Société de Vente de Matériel Agricole a répondu.

DISCUSSION

I - Sur la procédure

Considérant qu'à juste titre Fiatgeotech sollicite de la Cour qu'elle écarte des débats les pièces communiquées le 21 janvier 1992 soit la veille du prononcé de la clôture par la Société de Vente de Matériel Agricole.

Considérant d'une part que cette communication faite d'avocat à avocat et non par l'intermédiaire des avoués de la cause n'est pas régulière.

Considérant d'autre part que cette communication tardive porte atteinte au respect des droits de la défense dans la mesure où Fiatgeotech a été mise dans l'impossibilité de pouvoir présenter sur ces pièces des observations.

Considérant en conséquence que ces pièces doivent être écartées des débats.

II - Sur l'imputabilité de la rupture

Considérant que Fiatgeotech soutient que par sa lettre du 23 décembre 1987 elle a expressément renoncé au bénéfice de la résiliation de plein droit et que l'exécution des contrats a été reprise immédiatement.

Qu'elle ajoute que c'est Hermand qui a décidé sans motif valable et sans respecter le préavis de mettre fin unilatéralement aux relations contractuelles le 12 février 1988.

Mais considérant que Fiatgeotech ne peut valablement soutenir qu'elle a repris sans réserve le 23 décembre 1987 les relations contractuelles.

Qu'il résulte des termes mêmes de la lettre du 23 décembre 1987 que Fiatagri a repris les relations commerciales sous les plus expresses réserves de ses droits et des voies de recours qui lui étaient offertes.

Que ceci implique qu'elle n'entendait pas renoncer au bénéfice de la résiliation signifiée le 19 novembre 1987.

Que d'ailleurs elle a clairement manifesté cette volonté en interjetant appel de l'ordonnance de référé.

Considérant au surplus qu'il apparaît que Fiatagri n'a pas exécuté les contrats dans les mêmes conditions qu'antérieurement au 19 novembre 1987 dès lors qu'elle a exigé dès le 10 décembre 1987 par lettre recommandée avec avis de réception d'Hermand qu'elle lui restitue les matériels en dépôt non vendus et qu'elle ne conteste pas avoir maintenu cette exigence postérieurement à l'ordonnance de référé et en avoir obtenu l'exécution le 12 janvier 1988 alors que précédemment Hermand bénéficiait de la part de Fiatagri de matériels neufs confiés en dépôt tant pour la démonstration que pour la vente.

Que contrairement à ce que soutient Fiatgeotech (Fiatagri) le protocole d'accord de commercialisation venant à expiration le 31 décembre 1987 ne concernait que les matériels de démonstration et portait sur les conditions financières d'acquisition de ceux-ci.

Considérant dans ces conditions qu'Hermand a pu valablement prendre acte le 10 février 1988 de la décision de résiliation qui lui avait été notifiée le 19 novembre 1987 par Fiatagri et à laquelle celle-ci n'avait pas renoncé.

Que le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a dit que les relations contractuelles avaient été rompues à l'initiative de Fiatagri devenue Fiatgeotech le 19 novembre 1987.

III - Sur la validité de l'article 16 B des contrats résiliés

Considérant que l'appelante fait valoir que la faculté de résiliation immédiate prévue par l'article 16 B a n'est pas compatible avec les dispositions du règlement CEE 123-85 concernant l'application de l'article 85 § 3 du traité CEE en ce qu'il fait peser sur le concessionnaire une obligation de résultat en termes de parts de marché alors que le règlement n'autorise expressément qu'une obligation de moyens.

Qu'elle ajoute

- que l'obligation litigieuse est restrictive de concurrence au sens de l'article 85.1. du Traité,

- que Fiatagri se réservait la possibilité discrétionnaire d'appliquer à des concessionnaires se trouvant dans une situation identique un traitement différent, d'une manière contraire tant aux articles 5.1.2. b) et 5.2.1. b) du règlement 123-85 qu'au "principe de proportionnalité" affirmé par la Cour de Justice des Communautés.

Qu'enfin elle précise que la résiliation extraordinaire de l'accord telle qu'autorisée par l'article 5.4. du règlement CEE ne peut valablement sanctionner le non-respect d'une obligation restrictive de concurrence non exemptée à peine de vider le règlement d'exemption de toute portée.

Considérant que l'intimée réplique que le règlement CEE 123-85 n'a ni un caractère exhaustif ni un caractère contraignant et que la liste des engagements ne faisant pas obstacle à l'exemption n'est pas limitative.

Que le fait que l'article 16 1.B du contrat ne soit pas visé par le règlement ne prive pas une telle clause du bénéfice de l'exemption d'autant plus que l'obligation pour le concessionnaire de s'efforcer d'écouler une quantité minimale de véhicules est beaucoup plus contraignante pour ce dernier qu'un engagement d'atteindre un pourcentage minimal de part de marché exprimé en fonction de parts de marchés de la marque au plan national.

Qu'elle fait encore valoir que la clause litigieuse n'a ni pour objet ni pour effet d'empêcher ou de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sens de l'article 85 § 1 du traité CEE.

Qu'enfin elle soutient que la clause 16.1.B a) des contrats qui s'applique à l'ensemble des concessionnaires du réseau ne tombe pas sous le coup de l'article 5.2.1. b) du règlement CEE, la pénétration moyenne étant un critère objectif.

Considérant les arguments des parties étant ainsi exposés qu'à la date des faits la seule exemption catégorielle applicable résultait du règlement CEE 123-85 du 12 décembre 1984 relatif aux accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles.

Qu'en effet il n'est pas contesté et il résulte d'une lettre du 15 octobre 1986 émanant de la Commission des Communautés Européennes que ce règlement vise également les matériels automoteurs pouvant circuler sur la voie publique et donc les tracteurs, moissonneuses-batteuses et autres matériels à moteur qui circulent souvent sur les routes et sont immatriculés à cet effet en tant que véhicules.

Considérant que la Cour de Justice des Communautés Européennes a rappelé que : Arrêt VAG France contre Magne 18/12/86 " le règlement 123-85 se limite à donner aux opérateurs économiques du secteur des véhicules automobiles certaines possibilités leur permettant, malgré la présence de certains types de clauses d'exclusivité et de non-concurrence, dans leur accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de faire échapper ceux-ci à l'interdiction de l'article 85 § 1.

Que les dispositions de ce règlement n'imposent toutefois pas aux opérateurs économiques de faire usage de ces possibilités et n'ont pas non plus pour effet de rendre nul un tel accord lorsque toutes les conditions du règlement ne sont pas remplies ".

Qu'elle a dit pour droit que ce règlement " n'établit pas de prescriptions contraignantes affectant directement la validité ou le contenu des clauses contractuelles ou obligeant les parties contractantes à y adapter le contenu de leur contrat mais se limite à établir des conditions qui, si elles sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l'interdiction et par conséquent à la nullité de plein droit prévues par l'article 85 § 1 et 2 du traité ".

Qu'il s'ensuit que les parties peuvent convenir de clauses contractuelles différentes et qu'une clause non exemptée n'est pas a priori illicite.

Que le fait que les contrats signés entre Fiatagri et Hermand mettent à la charge du concessionnaire une obligation de résultat alors que le règlement fait bénéficier de l'exemption les clauses par lesquelles le concessionnaire s'efforce d'écouler dans une période déterminée à l'intérieur du territoire convenu un nombre minimal de produits contractuels ne rend pas a priori une telle clause illicite.

Que sous peine de donner une portée qu'il n'a pas au règlement, l'exemption des clauses par lesquelles le concessionnaire doit s'efforcer de satisfaire certains objectifs ne peut être interprétée comme une condamnation a priori de celle qui impose un tel objectif.

Que de même Hermand ne peut valablement soutenir que la faculté d'exercer la résiliation extraordinaire de l'accord telle que prévue à l'article 5.4. du règlement CEE ne se conçoit que pour sanctionner l'inexécution d'une obligation exemptée.

Que cet article indique que les conditions d'exemption prévues par l'article 5 ne préjugent pas du droit d'une partie d'exercer la résiliation extraordinaire de l'accord ; que cette réserve autorise par conséquent le concédant à énumérer dans le contrat proposé aux distributeurs, les cas d'inexécution des obligations des parties, dans lesquelles la résiliation extraordinaire du contrat pourra intervenir lorsqu'aucun de ces cas n'est expressément prohibé par l'accord d'exemption.

Considérant qu'il échet dans ces conditions de rechercher si la clause imposant à Hermand de réaliser sur une période de 12 mois consécutifs sur le territoire concédé une pénétration égale ou supérieure à 70 % du taux de la pénétration moyenne toutes catégories obtenue par Fiatagri sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine est contraire à l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE qui dispose : " sont incompatibles avec le Marché Commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce en Etats-membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché Commun ".

Considérant qu'il est constant que la clause litigieuse impose au concessionnaire une obligation déterminée de résultat et ne s'analyse pas comme une obligation de s'efforcer de réaliser certains objectifs.

Mais considérant que cette obligation ne dépend pas de critères subjectifs unilatéralement fixés par le concédant mais est fonction des performances réalisées par la marque sur le marché national.

Qu'elle ne soumet donc nullement le concessionnaire à l'arbitraire du concédant dans la détermination du résultat à atteindre.

Considérant qu'Hermand ne prouve pas en quoi une telle clause augmenterait la dépendance économique du concessionnaire vis-à-vis de son fournisseur au-delà des prévisions du règlement 123-85.

Qu'elle ne démontre pas ni même n'allègue avoir fait l'objet d'un traitement inéquitable ou d'une discrimination sans justification objective par rapport aux autres concessionnaires de la marque.

Considérant enfin qu'il résulte des écritures de la société Fiatgeotech non contestées sur ce point par Hermand que la part détenue par Fiatagri représente pour les tracteurs 16 % du marché et 11 % pour les moissonneuses batteuses.

Qu'il s'ensuit que la clause litigieuse ne saurait avoir un effet sensible, actuel ou même potentiel sur le commerce intercommunautaire et fausser le jeu de la concurrence.

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que cette clause n'était pas contraire à l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE.

IV - Sur l'application de l'article 16.B.A) des contrats

Considérant qu'Hermand soutient que Fiatgeotech ne pouvait à l'évidence résilier le contrat au vu des résultats au 31 octobre 1987, alors que le territoire qui lui était concédé avait été redéfini le 1er janvier 1987 et que l'application de l'article 16.B.a) suppose une insuffisance de pénétration du concessionnaire sur " son territoire " pendant 12 mois consécutifs.

Que selon elle la redéfinition du territoire concédé ayant coïncidé avec le début de l'année calendaire, la première période de 12 mois consécutifs permettant l'appréciation de la pénétration d'Hermand au regard de l'article 16.B.a) coïncidait avec la fin de l'année calendaire.

Qu'elle fait valoir en outre que Fiatagri ne démontre pas avoir pris en compte dans les calculs qu'elle verse aux débats les engagements pris dans sa lettre du 27 février 1987 qui précisaient : " en ce qui concerne le canton de Beauvais Ville nous vous confirmons que pour le calcul de la performance de fin d'année, nous exclurons les tracteurs Massey Fergusson qui ne seraient pas réimmatriculés sur votre secteur d'activité ".

Considérant qu'il est constant que dans ses calculs Fiatgeotech a pris en considération les deux derniers mois de l'année 1986 et a calculé les résultats d'Hermand sur la période du 1er novembre 1986 au 31 octobre 1987 alors que le territoire concédé à Hermand a été réduit selon trois avenants du 1er janvier 1987.

Mais considérant que ces avenants n'ont pas modifié les autres clauses des contrats et en particulier le taux de pénétration auquel Hermand était astreint.

Que la dimension du territoire concédé est sans incidence dès lors que le critère retenu n'est pas le nombre minimum de véhicules vendus sur un territoire déterminé mais le taux de pénétration du concessionnaire sur ledit territoire par rapport au taux de pénétration de Fiatagri sur l'ensemble du territoire national par rapport aux autres marques des matériels de même catégorie.

Qu'au demeurant Hermand reconnaît elle-même dans ses écritures qu'à moyens identiques, l'intensité de l'action commerciale d'un concessionnaire est nécessairement plus forte sur un territoire plus réduit.

Considérant en toute hypothèse qu'à supposer que la période du 1er janvier au 31 décembre 1987 ait été retenue, il apparaît qu'Hermand n'ayant immatriculé au cours des dix premiers mois de l'année 1987 que 6 tracteurs elle aurait dû pour atteindre 70 % du pourcentage de pénétration réalisé sur le territoire national par Fiatagri en 1987, immatriculer sur les deux derniers mois de l'année 25 tracteurs de plus ce qui était manifestement impossible même si elle justifie avoir pris au 31 octobre 1987 13 commandes de tracteurs neufs.

Considérant dans ces conditions que c'est à juste titre que Fiatgeotech a pris pour base de référence la période du 1er novembre 1986 au 31 octobre 1987.

Considérant sur l'engagement pris par Fiatgeotech le 27 février 1987 que cette lettre précise que pour le calcul de la performance de fin d'année seront exclus en ce qui concerne le canton de Beauvais Ville les tracteurs Massey Ferguson qui ne seraient pas réimmatriculés sur le secteur d'activité d'Hermand.

Considérant que l'intimée ne saurait valablement soutenir que le calcul de la performance visée dans cette lettre concerne l'objectif de 20 % qu'Hermand s'était fixé, en accord avec Fiatagri, pour l'année 1987 aux termes du protocole de janvier 1985, en vue d'obtenir des remises exceptionnelles sur les tracteurs.

Considérant en effet que par sa circulaire du 6 mars 1987, Fiatagri ne conteste pas avoir appliqué à Hermand comme à l'ensemble de son réseau, de nouvelles conditions remettant en cause les avantages convenus jusqu'au 31 décembre 1987 notamment en ce qui concerne le taux des remises 24 % au lieu de 30 % s'agissant des tracteurs. Que dès lors l'intimée ne peut se prévaloir des termes du protocole dont par ailleurs elle n'entend plus faire bénéficier Hermand.

Que c'est donc à bon droit qu'Hermand soutient que dans ses calculs, Fiatgeotech doit prendre en compte les ventes Massey Fergusson sur le canton de Beauvais Ville du 1er novembre 1986 au 31 octobre 1987.

Considérant qu'en cours de délibéré Fiatgeotech a justifié de ce qu'il avait été vendu sur le canton de Beauvais Ville 24 tracteurs Massey Fergusson entre le 1er novembre 1986 et 31 octobre 1987 chiffre non contesté par Hermand.

Considérant sur le moyen tiré de la remise en cause par Fiatagri des conditions accordées à Hermand dans le cadre du protocole de 1985 qu'il convient de retenir que postérieurement à l'envoi de la circulaire du 6 mars 1987 l'appelante n'a élevé aucune protestation.

Qu'elle ne justifie nullement avoir exigé de Fiatagri qu'elle fasse application des conditions définies au protocole.

Que dans ces conditions ce moyen n'est pas fondé.

Considérant dans ces conditions que doivent être retenus au vu des statistiques produites les calculs de Fiatgeotech faisant ressortir pour la période du 1er novembre 1986 au 31 octobre 1987

- un coefficient de pénétration par Hermand de 8,48 % pour les tracteurs sur son territoire soit inférieur de 3,5 points à 70 % des parts de marché de Fiatagri sur le territoire national qui s'élèvent à 16,90 % sur la période (70 % x 16,90 % = 11,83 %).

- un coefficient de pénétration par Hermand de 3,03 % pour les machines agricoles sur son territoire soit inférieur de 4,72 points à 70 % des parts de marché de Fiatagri sur le territoire national qui s'élèvent à 11,07 % sur la période (70 % x 11,07 = 7,75 %).

Considérant en conséquence que du fait de la non réalisation des coefficients contractuels de pénétration sur douze mois consécutifs Fiatgeotech était bien fondée à résilier le 19 novembre 1987 les contrats en application de l'article 16.1.B.a.

Que le jugement sera donc confirmé de ce chef.

V - Sur la concurrence déloyale

Considérant que l'appelante soutient que postérieurement à la rupture des relations commerciales, Fiatagri a mené une action de débauchage systématique de l'équipe commerciale et technique des Etablissements Hermand pour les besoins de la création d'une équipe Fiatagri dans l'Oise implantée à Beauvais.

Considérant qu'il résulte des pièces produites que deux employés d'Hermand, MM. Douchet, et Waffelaert ont démissionné courant mars 1988 pour être embauchés par la succursale de Fiatagri à Poulainville Villers-Bocage, la société Sovagri n'ayant quant à elle commencé ses activités qu'en juillet 1988.

Mais considérant que par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont retenu qu'Hermand n'apportait pas la preuve de ce que Fiatagri s'était livrée à des manœuvres frauduleuses tendant à débaucher ce personnel au demeurant tenu par aucune clause de non-concurrence.

Que l'appelante qui ne justifie pas par ailleurs de l'ancienneté de ces agents au sein de sa société ne saurait valablement soutenir que le départ de ces deux personnes a désorganisé son entreprise.

Qu'au surplus ainsi que le font observer les premiers juges, il est usuel en cas de changement de concessionnaire Hermand ayant distribué à compter de février 1988 la marque Deutz, que des agents habitués aux matériels d'une marque, choisissent de rester dans le réseau qu'ils ont un certain temps servi.

Que le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il a débouté Hermand de sa demande de ce chef.

VI - Sur les comptes entre les parties

Considérant qu'à défaut d'éléments suffisants pour vérifier le bien fondé de chacune des parties, il convient de confirmer la mission conférée par le Tribunal à Me Duparc, Huissier audiencier.

Que toutefois l'appelante se reconnaissant d'ores et déjà débitrice de la somme de 670.718 F 38 et ne pouvant prétendre pour les motifs ci-dessus développés au paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive des relations contractuelles il y a lieu de la condamner par provision au paiement de cette somme avec intérêts de droit à compter du 16 mars 1988 date de la mise en demeure de payer adressée par Fiatagri à Hermand.

VII - Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant que la Société de Vente de Matériel Agricole qui succombe sera déboutée de sa demande de ce chef.

Considérant en revanche qu'il serait inéquitable que Fiatgeotech supporte la charge intégrale des frais hors dépens par elle engagés.

Qu'il convient de lui allouer de ce chef la somme de 15.000 F.

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la Société de Vente de Matériel Agricole à payer à la Société Fiatgeotech la somme de 670.718 F 38 à titre de provision avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 1988, Rejette toute autre demande des parties, Condamne la Société de Vente de Matériel Agricole à payer à la Société Fiatgeotech la somme de 15.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La condamne aux dépens d'appel. Admet Me Ribaut, avoué au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.