Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 7 mai 1992, n° 88-14640

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société d'exploitation des Établissements Baroso (SA), Massiani (ès qual.), Baroso (SCI), Baroso (Consorts)

Défendeur :

Banque populaire de la Côte d'Azur, BP France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Badi

Conseillers :

Mme Hubac, M. Bachasson

Avoués :

SCP Martelly Maynard, SCP de Saint Ferreol, Touboul, SCP Cohen

Avocats :

Mes Gam, Wilkin.

T. com. Marseille, du 6 mai 1988

6 mai 1988

Le 27-02-1981 la société BP France et la société Baroso ont conclu un accord de revendeur agréé d'une durée de 8 ans stipulant que le revendeur agréé (la société Baroso) réserve au fournisseur (BP France) l'exclusivité de ses achats de fuel oil domestique (FOD) à raison de 8 000 m3 par an, livrable franco par quantités unitaires de 27 000 litres au fur et à mesure des besoins saisonniers et que le produit sera facturé au revendeur agréé au tarif TTC des livraisons par 27 000 litres vrac et plus en vigueur au jour de la livraison, zone c, sous déduction d'une réduction contractuelle de 2,50 F HT par m3 majorée de la TVA correspondante, les livraisons étant payables au fournisseur par traite acceptée client à 30 jours fins de mois dans la limite d'un découvert de 1 250 000 F.

Le 27-02-1981 ont été également conclus par les parties un avenant prêt de matériel et un avenant prêt bancaire, ce dernier prévoyant que le prêt de 850 000 F d'une durée de 8 ans consenti par la BNP à la société Baroso sera remboursé par la société BP France par annuités de 186 318,30 F à charge par la société Baroso de régler à BP France les sommes dont celle-ci assume le paiement pour son compte en 8 annuités d'un montant de 186 318,30 F payable chaque fin d'annuité sur appel de fonds, et que pendant la durée du prêt le revendeur agréé s'engage à enlever 8 000 m3 de FOD par an.

Par actes sous seing privé du 04-02-1981 Michel Baroso et Joseph Baroso ont souscrit un engagement de caution solidaire de la société Baroso vis-à-vis de la société BP France à hauteur respectivement de 200 000 F et de 250 000 F.

Par un acte du 4-02-1981, M. Joseph Baroso a :

- souscrit à titre personnel, un engagement de caution solidaire de la société Baroso à hauteur de 800 000 F ;

- consenti, ès qualités de propriétaire d'un fonds de commerce, un nantissement sur ledit fonds exploité 39, avenue Joseph Gasquet à Toulon dans la limite globale de 800 000 F au profit de la société BP France, en garantie du remboursement ou du paiement de toutes sommes en capital, intérêts et accessoire que M. Joseph Baroso pourra devoir à la société BP France dans le cadre de l'exploitation de son fonds de commerce au titre de tous engagements et obligations commerciaux nés ou à naître ... notamment son engagement de caution jusqu'à concurrence de 800 000 F signé en date du 4-02-1981.

Ledit acte comporte la mention manuscrite suivante : " caution liée à l'acte de nantissement signé ce jour et ne peut en aucun cas s'ajouter à la valeur portée sur l'acte de nantissement (soit huit cent mille francs) ".

Les encours à 30 jours limités à 1 250 000 F par le contrat du 27 février 1981 ayant été largement dépassés en 1984 et 1985, un plan de règlement échelonné de la dette a été arrêté le 10-09-1985, selon document intitulé Avenant n° 1 au plan de règlement du 25-07-1985 rédigé comme suit :

" Comme convenu, nous avons établi un arrêté de compte définitif faisant ressortir un solde débiteur de 4 494 796,54 F comprenant des intérêts de retard pour 322 297,87 F... nous avons établi 9 effets complémentaires d'un montant de 257 455,20 F échelonnés du 30-11-1985 au 31-07-1986 en couverture du solde de notre créance totale ".

Par un acte sous seing privé du 23-07-1985 la SCI Baroso a souscrit un engagement de caution solidaire de la société Baroso à hauteur de 1 500 000 F en principal, intérêts, frais et accessoires au profit de la société BP France.

La société Baroso n'a pu honorer totalement le plan de règlement et a été assignée par la société BP France devant le Tribunal de commerce de Marseille par acte du 16-04-1987 en paiement des sommes suivantes :

- 630 508,21 F au titre de remboursement du prêt BNP de 850 000 F ;

- 772 272,09 F au titre du solde de règlement ;

- 1 163 311,45 F, montant des sommes remboursées à la BNP dans le cadre d'un contrat de paiement échelonné ;

- 300 000 F de dommages-intérêts et 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le 07-05-1987 la société BP France a fait assigner la BPCA en sa qualité de caution solidaire de la société Baroso, en paiement de la somme de 630 508,21 F remboursée à la BNP au titre du prêt de 850 000 F.

Sur cette assignation la BPCA a appelé la société Baroso en déclaration de jugement commun par acte du 21-08-1987

Par actes du 23-09-1987, la société BP France a fait assigner d'une part Michel et Joseph Baroso ès qualités de cautions solidaires de la société Baroso en paiement respectivement de 200 000 F et de 1 050 000 F, ainsi que la SCI Baroso en paiement de 1 500 000 F.

La société Baroso ayant été déclarée en redressement judiciaire le 21-10-1987 et cette procédure ayant été étendue à la SCI Baroso le 06-01-1988, la société BP France a déclaré ses créances sur ces sociétés et a appelé en cause Maître Bor et Maître Massiani, respectivement administrateur et représentant des créanciers des sociétés et SCI Baroso.

Après jonction de toutes ces instances, le tribunal, par jugement 06-05-1988, a :

- fixé la créance de la société BP France sur la SA Baroso à 2 576 591,75 F et sur la SCI Baroso à 1 500 000 F ;

- condamné Joseph Baroso à payer 1 050 000 F avec les intérêts au taux légal à compter du 24-11-1986 et 3 000 F au titre de l'article 700 ;

- condamné Michel Baroso à payer 200 000 F avec les intérêts au taux légal à compter du 24-11-1986 et 3 000 F au titre de l'article 700 ;

- condamné la BPCA à payer 630 508,21 F avec les intérêts au taux légal à compter du 17-11-1986 et 20 000 F de dommages-intérêts et 3 000 F au titre de l'article 700,

le tout avec exécution provisoire, et a rejeté toutes les autres prétentions des parties.

La société Baroso, la SCI Baroso, Michel et Joseph Baroso ont régulièrement relevé appel de ce jugement à l'encontre de la société BP France, la BPCA, Maître Bor et Maître Massiani.

Maître Massiani, ès qualités de liquidateur de la Sté Baroso et de la SCI Baroso, fait valoir d'une part que la Sté BP France a violé le contrat du 27-02-1981 en surfacturant les produits fournis au revendeur agréé, en lui décomptant des intérêts non fixés contractuellement et en rompant abusivement le crédit fournisseur accordé pendant les années 1982, 1983 et 1984, et que, dès lors le plan de règlement établi le 29-07-1985 est entaché de nullité, l'accord de la société Baroso ayant été donné par violence devant la menace d'interrompre immédiatement les livraisons ; d'autre part, que le tribunal n'a pas recherché si la clause de détermination du prix des fournitures incluse dans le contrat du 27-02-1981 était conforme aux exigences de l'article 1129 du code civil et si les ventes intervenues en vertu de ce contrat étaient conformes aux articles 1129 et 1591 dudit code ; qu'il apparaît en effet que la clause de prix de ce contrat conduit à abandonner le prix au seul fournisseur ; que le contrat est donc nul pour indétermination du prix, et que sa nullité se communique aux accords dits Avenant prêt bancaire, avenant prêt de matériel, ainsi qu'aux cautionnements consentis et au nantissement du fonds de commerce, étant donné l'indivisibilité des diverses conventions liées au contrat cadre ; que l'extinction rétroactive des cautionnements et du contrat cadre doit entraîner réparation du préjudice subi par la société Baroso et restitution du trop perçu sur les ventes à des prix supérieurs à ceux de la concurrence, ce préjudice comprenant également les conséquences de la cession d'actifs et du dépôt de bilan.

Elle conclut en conséquence à la nullité du contrat cadre, des conventions annexes et des cautionnements, et à l'institution d'une expertise pour rechercher le prix moyen du marché des produits objets du contrat du 27-02-1981 pour les années 1981 et 1986, établir la perte subie par la société Baroso en fonction de la différence entre le prix moyen du marché et celui pratiqué par BP France, déterminer les conséquences sur la trésorerie et le dépôt de bilan, ainsi qu'à l'allocation de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Michel et Joseph Baroso s'associent aux conclusions de la société Baroso pour prétendre à l'annulation des cautionnements et à l'allocation de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Joseph Baroso conclut à titre subsidiaire à la limitation de son engagement à 250 000 F en soutenant que le cautionnement donné pour 800 000 F ne peut se cumuler avec le nantissement du fonds de commerce.

La SCI Baroso conclut également à l'annulation de son engagement de caution et à l'allocation de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société BP France réplique que l'argumentation de la société Baroso est dépourvue de tout fondement ; qu'en effet, le contrat de revendeur agréé et le plan de règlement ont été librement discutés et acceptés, les intérêts prévus par ledit plan ne représentant que l'application de l'article 6 des conditions générales de vente, partie intégrante du contrat du 27-02-1981 ; que l'expertise sollicitée est inutile puisque les sommes réclamées sont bien déterminées par les pièces produites aux débats.

A la prétention de Joseph Baroso de voir limiter son engagement de caution à 250 000 F elle oppose que celui-ci s'est porté caution à hauteur de 800 000 F afin de garantir le nantissement donné pour un montant identique, mais les deux garanties ne se cumulent pas ; que le nantissement n'ayant pu couvrir la société BP France pour une quelconque somme, le cautionnement lié au nantissement doit recevoir exécution.

En ce qui concerne les prétentions de la BPCA, elle fait valoir que le caractère commercial du cautionnement consenti par cette banque ne saurait voir sa validité affectée par l'absence de la mention manuscrite habituellement requise, la caution étant bien informée de la portée de son engagement par le rappel à l'acte des obligations garanties et notamment le remboursement du prêt BNP de 850 000 F.

A la nullité des conventions annexes et cautionnements invoquée par Maître Massiani ès qualités, elle oppose que le cautionnement couvrant parmi d'autres une obligation susceptible d'être frappée de nullité, conserve son efficacité pour toute autre obligation valable, telle celle née du prêt BNP contracté pour une acquisition immobilière, ledit prêt ayant été conclu avec un tiers par rapport au contrat de revendeur agréé et ne présentant aucune indivisibilité avec celui-ci puisque susceptible d'exécution séparée, et celle découlant du contrat dit de paiement échelonnés, également conclu avec un tiers et insusceptible d'indivisibilité avec le contrat revendeur.

Par conclusions déposées le 25-02-1982 elle ajoute que la demande d'expertise est tardive et irrecevable au regard des dispositions de l'article 146 du nouveau code de procédure civile ; que la société Baroso avait obtenu la désignation d'un expert en référé le 30-06-1987 mais n'a pas donné suite.

Elle exclut toute responsabilité dans la déconfiture de la société Baroso dont la cause réside dans l'accroissement sensible des frais de personnel et dans les investissements signalés par le commissaire aux comptes ; qu'en outre, la demande d'expertise sur ce point s'inscrit dans une demande nouvelle irrecevable aux termes de l'article 564 du nouveau code de procédure civile.

Elle conclut à la confirmation du jugement déféré et à l'allocation de 5 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 20 000 F au titre de l'article 700 à charge des appelants et 10 000 F à charge de la BPCA.

Cette banque déclare avoir payé à la société BP France au titre de l'exécution provisoire la somme de 802 561,31 F, et rappelle qu'elle avait revendiqué en première instance la compétence du Tribunal de commerce de Nice et soutenu qu'il ne résultait pas du dossier qu'elle se soit validement portée caution de la société BP France eu égard au défaut de mention manuscrite ; que par ailleurs, il y avait contestation du quantum de l'obligation.

Elle conclut à la réformation et au remboursement de la somme versée à la société BP France avec les intérêts à compter du 22-06-1988.

Subsidiairement, elle conclut au sursis à statuer en l'attente de l'expertise sollicitée par la société Baroso.

Très subsidiairement elle conclut à la garantie de la société Baroso et à la condamnation de qui de droit au paiement de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le 20 mars 1992 Maître Massiani a déposé des conclusions qui seront écartées des débats dès lors que l'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mars 1992.

Maître Bor, intimé ès qualités d'administrateur du redressement judiciaire commun de la SA et de la SCI Baroso, n'a pas constitué avoué et n'a pas été assigné, sa présence aux débats ne se justifiant plus en l'état du prononcé de la liquidation judiciaire.

Sur le contrat de revendeur agréé du 27-02-1981 :

Attendu qu'il est constant que ce contrat emportait l'obligation pour la société Baroso de réserver à la société BP France l'exclusivité de ses achats de fuel oil domestique, estimés à 8 000 m3 par an à titre purement indicatif, le fournisseur promettant de vendre mais n'étant tenu de livrer que les quantités minimales, attribuées au revendeur par les dispositions réglementaires relatives au contrôle de la distribution du FOD ; qu'un tel contrat n'est pas une vente mais un contrat cadre soumis aux dispositions de l'article 1129 du code civil, et que dès lors, sa validité ne peut être reconnue que si le prix du produit dont il prévoit l'acquisition y est déterminé, ou à tout le moins déterminable sans nouvel accord des parties à l'occasion de chaque vente conclue en exécution de l'engagement d'approvisionnement exclusif ; or, attendu qu'en l'espèce, il était stipulé " ce produit sera facturé au revendeur agréé au tarif (toutes taxes comprises) des livraisons par 27 000 litres vrac et plus en vigueur au jour de la livraison, zone C, sous déduction d'une réduction contractuelle de 2,50 F HT/m3 majorée de la TVA correspondante " ; qu'une telle clause, qui ne comporte expressément ou implicitement aucun élément de référence précis et objectif rendant le prix indépendant de la seule volonté du fournisseur, exclut toute possibilité de considérer le prix comme déterminable et affecte en conséquence la validité de la convention du 27-02-1981 eu égard aux exigences de l'article 1129 du code civil ; que le fait que pendant plusieurs années les parties sont tombées d'accord sur les prix devant être appliqués aux livraisons successives effectuées en vertu de commandes passées sur la base d'un tarif communiqué à l'avance, ne saurait valider le contrat du 27-02-1981 qui est nul pour indétermination du prix au moment de sa conclusion.

Sur les conséquences de la nullité du contrat d'approvisionnement exclusif :

Attendu que la nullité du contrat cadre affecte la validité de toutes les conventions qui lui sont indivisiblement liées ; qu'en l'espèce les avenants prêt de matériel et prêt bancaire présentent manifestement ce caractère indivisible, étant observé que le prêt BNP de 850 000 F a été consenti pour financer des acquisitions immobilières par la société Baroso du chef de la société BP France (dépôt d'hydrocarbures à La Garde) pour les besoins de son activité de revendeur agréé ; qu'il en est de même des engagements de caution de Joseph et Michel Baroso, de la BPCA et de la SCI Baroso ; attendu cependant que l'annulation du contrat cadre de distribution et des conventions annexes indivisibles ne saurait entraîner l'extinction des obligations de payer les livraisons effectuées, de rembourser les prêts consentis et de restituer les matériels prêtés, en nature ou par équivalent, dès lors qu'en conséquence de l'annulation les choses doivent être remises au même état que si les obligations nées des conventions n'avaient jamais existé; que les cautions ne peuvent en conséquence se retrancher derrière l'annulation pour échapper au paiement des livraisons effectuées ou au paiement du prêt que le revendeur agréé doit rembourser, et que ce dernier ne peut se soustraire aux restitutions que lui impose l'annulation.

Attendu que pour échapper à leur obligation ainsi déterminée les appelants et la BPCA invoquent divers moyens ; que c'est ainsi que la société Baroso soutient que l'accord de règlement du 27-07-1985 est nul pour vice de consentement, que la BPCA invoque la nullité de son engagement de caution pour défaut de la mention manuscrite prescrite par l'article 1326 du code civil, que Joseph Baroso invoque le caractère subsidiaire de son engagement de caution lié à un nantissement du fonds de commerce, et enfin que la société Baroso prétend voir minorer le montant des sommes qu'elle doit au titre des fournitures en invoquant une surfacturation qui fonderait une action de in rem verso ; qu'il convient d'examiner les moyens invoqués.

Sur l'accord du 25-07-1985 :

Attendu que ledit accord serait nul selon la société Baroso au motif que le consentement de cette société a été extorqué par la violence, la société BP France ayant menacé de cesser ses livraisons et ayant exigé le règlement immédiat de l'encours qui atteignait 4 500 000 F et qu'elle acceptait ce niveau depuis longtemps ; or, attendu que la menace, à la supposer réelle, d'appliquer strictement les clauses du contrat de revendeur agréé limitant l'encours à 1 250 000 F, et prévoyant les causes de résiliation (article VII), et l'application effective du paragraphe 6 des conditions générales de vente (intérêts produits par les sommes non payées à l'échéance), ne saurait être constitutive de la violence définie par l'article 1112 du code civil dès lors qu'elle procèderait d'un comportement légitime et qu'il n'est pas établi qu'elle a abouti à procurer à la société BP France un avantage sans rapport ou hors de proportion avec les engagements contractuels souscrits par la société Baroso le 27-02-1981.

Sur le cautionnement de la BPCA :

Attendu que s'il est exact que l'engagement de caution solidaire de la société Baroso ne comporte pas la mention manuscrite exigée par l'article 1326 du code civil, il énonce expressément la source, la nature et le quantum de l'obligation cautionnée (prêt BNP de 850 000 F), ainsi que les conditions de son exécution, de sorte que la caution, eu égard à sa qualité de banquier et au fait qu'elle ne conteste sérieusement ni la matérialité ni le montant de l'obligation, ne saurait invoquer la nullité de l'engagement qu'elle a pris en parfaite connaissance de cause, et dont elle a au surplus reconnu la validité dans une lettre adressée à la société Baroso le 17-12-1986 en écrivant " les termes de notre caution ne vous permettront pas de différer l'exécution de notre obligation " ; qu'il lui appartient de faire valoir ses droits, à l'encontre du débiteur principal dont elle a payé la dette, dans le cadre de la procédure collective de ce dernier conformément aux articles 50 et suivants de la loi du 25-01-1985 ; que sa demande subsidiaire en garantie sera donc déclarée irrecevable.

Sur l'engagement de caution de Joseph Baroso accessoire au nantissement :

Attendu qu'il convient de rappeler que le nantissement consenti par Joseph Baroso sur le fonds de commerce dont il est propriétaire l'a été en garantie du remboursement ou du paiement de toutes sommes qu'il peut ou pourra devoir à la société BP France, et notamment en vertu de son engagement de caution de 800 000 F du 04-02-1981 ; qu'il apparaît donc que la société BP France est fondée à exiger l'exécution de cet engagement, et que ce n'est qu'à défaut d'exécution qu'elle pourrait alors faire valoir les droits que lui confère le nantissement ; que les premiers juges ont dès lors à bon droit condamné M. Joseph Baroso à payer la somme de 1 050 000 F ;

Sur le montant des sommes dues par la société Baroso :

Attendu que cette société prétend que les produits livrés par la société BP France lui ont été surfacturés par rapport aux prix pratiqués par la concurrence, et que les sommes qu'elle doit au titre de ces livraisons et en conséquence de l'annulation du contrat cadre doivent être minorées dans une proportion à apprécier dans le cadre d'une expertise qui déterminerait le prix moyen du marché de 1981 à 1986 ; qu'elle fonde cette prétention sur la notion d'enrichissement sans cause.

Que si la société Baroso était obligée de s'approvisionner exclusivement auprès de la société BP France en vertu du contrat cadre, la nullité de ce contrat ne saurait porter atteinte aux effets des contrats de vente successifs exécutés entre les parties sur la base d'un tarif préalablement communiqué et dont il n'est pas prétendu qu'il ait été supérieur au prix licite du produit contractuel sous l'empire de la réglementation des prix ; que la société Baroso, qui n'a jamais poursuivi l'annulation du contrat cadre ou fait constater sa caducité et qui a contracté sur la base du tarif de son fournisseur, n'est donc pas fondée à prétendre que le quantum des paiements ou des restitutions auxquels elle est tenue en conséquence de la nullité du contrat cadre doit être fixé par référence au prix moyen du marché, l'enrichissement du fournisseur trouvant sa source dans les prix contractuels auxquels les livraisons successives sont intervenues et l'impossibilité d'une restitution physique des produits imposant l'obligation de les restituer par équivalent, et par suite en fonction de leur valeur contractuelle.

Attendu sur la question de savoir si les prix pratiqués par la société BP France sont la cause principale de la déconfiture de la société Baroso, que l'expertise sollicitée est injustifiée ; qu'il apparaît en effet que si l'obligation d'acquérir à un prix prétendument supérieur à celui moyen du marché a pu compromettre la rentabilité de l'activité du vendeur agréé de cette société, il est non moins certain qu'en s'abstenant de demander l'annulation du contrat cadre ou de faire constater sa caducité elle a elle-même contribué à la réalisation de son préjudice et ne peut, pour en demander réparation, justifier son inaction par un état de dépendance économique réel mais auquel elle pouvait judiciairement mettre fin ; que sa demande d'expertise, qui s'inscrit dans une prétention déjà formulée en première instance et qui est recevable au regard des dispositions de l'article 564 du nouveau code de procédure civile, sera en conséquence rejetée.

Attendu que les créances invoquées par la société BP France sont, ainsi que l'ont déjà constaté les premiers juges, parfaitement justifiées.

Attendu que l'appel de la société Baroso, de la part de la SCI Baroso et de MM. Joseph et Michel Baroso ne revêt pas un caractère manifestement abusif ou dilatoire eu égard aux moyens invoqués à l'appui des prétentions à révision du quantum des créances de restitution.

Qu'il n'existe en cause d'appel aucune considération d'équité en faveur de l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de la société BP France.

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, après communication au Ministère public, En la forme, reçoit la société Baroso et la SCI Baroso représentées par Maître Massiani leur liquidateur, Joseph et Michel Baroso en leur appel. Au fond, confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions. Déboute les appelants du surplus de leurs prétentions. Déclare la BPCA irrecevable en sa demande en garantie contre la société Baroso. Déboute la société BP France de ses demandes de dommages-intérêts et d'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour les frais non répétibles d'appel. Condamne Maître Massiani ès qualités au 2/5 des dépens de première instance et d'appel qui seront employés en frais privilégiés de procédure collective. Condamne Michel Baroso, Joseph Baroso et la BPCA, chacun à 1/5 des dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen, avoué, dans la mesure où elle en a fait l'avance sans avoir reçu provision.