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Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 22 mai 1992, n° 7400-90

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Établissements Gauthier (Sté)

Défendeur :

VAG France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

MM. Feuillard, Gleizes

Conseiller :

M. Perie

Avoués :

SCP Narrat, Peytavi, SCP Barrier, Monin

Avocats :

Mes Latrille, Landon.

T. com. Paris, 2e ch., du 28 nov. 1989

28 novembre 1989

LA COUR,

Statue sur l'appel interjeté par la société Etablissements L. Gauthier, ci-après ELG, d'un jugement du Tribunal de commerce de Paris (2e chambre), intervenu le 28 novembre 1989 dans le litige qui l'oppose à la société VAG France, ci-après VAG, qui a dit que le contrat de concession conclu le 15 avril 1986 entre ces deux sociétés était d'une durée d'un an, qu'il ne respectait pas les dispositions du règlement CEE 123-85, qu'en dénonçant ce contrat le 28 janvier 1988 VAG n'avait pas commis de faute ni d'abus de droit et a débouté ELG de sa demande de dommages-intérêts.

Les faits sont les suivants :

ELG était concessionnaire VAG depuis 1963. Le contrat, à durée déterminée, était renouvelé annuellement.

Les parties, pour tenir compte du règlement CEE 123-85 qui déclare inapplicables aux contrats de concession automobile à durée indéterminée, ou à durée déterminée de 4 ans, les dispositions de l'article 85, paragraphes 1 et 2, du traité de Rome interdisant les clauses d'exclusivité ou de non concurrence, ont signé, le 15 avril 1986, avec effet au 1er janvier, un nouveau contrat à durée indéterminée.

Ce contrat comportait des annexes renouvelées tous les ans.

Pour l'année 1988, ces annexes ont été renouvelées le 8 janvier. Le 28 du même mois, VAG a résilié le contrat de concession avec effet au 31 janvier 1989.

ELG, estimant cette résiliation abusive, poursuit le paiement de dommages-intérêts.

Le tribunal a relevé que les annexes A-1 et A-2 du contrat fixaient respectivement la zone de responsabilité du concessionnaire et le nombre de concessionnaires sur le même territoire ; que ces éléments constituaient la base même du contrat de concession ; que le renouvellement annuel de ces annexes faisait perdre au contrat son caractère de contrat à durée indéterminée pour en faire un contrat à durée déterminée d'un an, ce qui le privait du bénéfice du règlement CEE 123-85.

Il a par ailleurs estimé que, s'agissant d'un contrat à durée déterminée, VAG n'avait commis aucune faute en ne le renouvelant pas, n'étant pas par ailleurs établi qu'elle ait agi avec l'intention de nuire.

Appelante, ELG soutient :

Que les points essentiels du contrat, qui font l'objet des annexes A-1 à A-3 et B-1 à B-6, étant renouvelés tous les ans, c'est à bon droit que le tribunal a dit que le contrat litigieux était à durée déterminée d'un an ;

Que c'est cependant à tort que le tribunal n'en a tiré aucune conséquence ;

Que, ce contrat faisant expressément référence au règlement CEE 123-85, il convient de dire qu'il a une durée de 4 ans ayant commencé à courir lors de la signature des annexes, le 8 janvier 1988, avec effet rétroactif au 1er janvier ;

Que, subsidiairement, à supposer qu'il s'agisse d'un contrat à durée indéterminée, VAG aurait dû, soit aviser la concluante, avant la signature des annexes pour l'année 1988, de son intention de résilier, soit attendre la fin de l'année 1988 pour notifier sa décision avec effet au 31 décembre 1989 ; qu'en effet, du fait du renouvellement des annexes, le contrat se trouvait reconduit pour une durée d'un an pendant laquelle la résiliation ne pouvait intervenir que pour le premier janvier de l'année suivante, avec un préavis d'un an ;

Que, dans tous les cas, la société concluante subi un préjudice certain pour n'avoir pu poursuivre ce contrat jusqu'à son terme.

Elle reproche encore au tribunal de ne pas avoir tenu compte de ses arguments relatifs au caractère malicieux de la résiliation.

Elle fait valoir sur ce point :

Que VAG a dénoncé le contrat moins de trois semaines après que les annexes pour l'année 1988 eurent été signées ;

Que cette décision avait pourtant été nécessairement prise bien antérieurement ; qu'il n'était pas possible, en effet, de remplacer du jour au lendemain un des plus importants concessionnaires lié au concédant depuis 25 ans ;

Que VAG prétend faussement qu'elle avait décidé d'interrompre cette collaboration parce que la société concluante avait elle-même l'intention de rompre ;

Qu'en réalité ELG, qui avait consenti des investissements considérables (16 000 000 F) depuis 1985/1986 pour réaliser un " show-room ", augmenter sa surface de vente et devenir une concession pilote, a été trompée par VAG ;

Que, pour la seule année 1987, sa participation à l'effort de publicité, qui a profité à tous les concessionnaires de la marque, a été de près de 2 000 000 F ;

Qu'il est exclu qu'elle ait consenti un tel effort avec l'intention de quitter VAG ;

Qu'en rompant leurs relations, VAG l'a privée du profit qu'elle pouvait attendre de ses investissements ;

Que cet abus de droit doit d'autant plus être réprimé que la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales a crée une obligation d'information de la part des entreprises exigeant un engagement d'exclusivité, avant la signature de tout contrat d'intérêt commun ; que la rupture du contrat de concession, conclu dans un intérêt commun, suppose une cause légitime dont la preuve, en l'espèce, n'est pas rapportée ;

Que la perte subie par ELG est considérable ;

Qu'en effet, VAG, qui est en possession de son fichier clients, a adressé à chacun de ceux-ci une lettre leur indiquant qu'à compter du 1er février 1989 le Garage Suffren remplaçait ELG ; qu'il y a donc une captation de sa clientèle ;

Qu'en outre, du fait de la rupture, le stock de pièces détachées a été repris à 90 % de sa valeur ; que la perte subie est de 370 664,65 F ;

Que, par ailleurs, ses investissements ont été presque totalement perdus ; qu'à ce titre la perte s'élève à 16 484 051,34 F ;

Qu'elle a dû, au contraire, réaliser de nouveaux investissements, à hauteur de 6 000 000 F TTC pour se mettre aux normes de la marque Mercedes dont elle est maintenant concessionnaire ;

Qu'elle a été dans l'obligation de former à nouveau son personnel ;

Qu'elle a été contrainte de trouver une nouvelle clientèle ; qu'à cet égard son chiffre d'affaires en véhicules neufs VAG s'est élevé, du 1er février 1988 au 31 janvier 1989, à 85 416 194 F, tandis qu'il est tombé, du 1er février 1989 au 31 janvier 1990, à 37 039 687 F en véhicules neufs Mercedes ;

Qu'au total, son préjudice peut être assimilé à la perte pure et simple de son fonds de commerce dont la valeur, sur la base des résultats des années 1987 et 1988, doit être estimée à 26 400 000 F ;

Qu'il convient d'ajouter à cette somme les frais de réemploi sur la base de 20 %, soit 5 280 000 F, ainsi que les autres préjudices analysés ci-dessus ;

Qu'ainsi elle est fondée à réclamer en réparation 33 500 000 F, sauf à parfaire.

Elle sollicite en conséquence la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le contrat était un contrat à durée déterminée d'un an,

- de dire que ce contrat faisant référence au règlement CEE 123-85 devait être un contrat à durée déterminée de 4 ans ayant commencé à courir lors de la signature des annexes de l'année 1988, soit le 8 janvier 1988 avec effet rétroactif au 1er janvier,

- subsidiairement, s'il était jugé que ce contrat est à durée indéterminée, de dire qu'il ne pouvait être dénoncé qu'à l'expiration d'une des périodes prévues aux annexes, soit au plus tôt pour le 1er janvier 1989 avec effet au 31 décembre,

- de dire, dans tous les cas, qu'ELG subit un préjudice en n'ayant pu poursuivre ce contrat jusqu'à son terme,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu l'abus de droit,

- de dire que VAG a commis un abus de droit et qu'en tout cas, s'agissant d'un contrat d'intérêt commun, elle ne pouvait le résilier sans motif sérieux et légitime,

- de condamner VAG à lui payer 33 500 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, outre 50 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Intimée, VAG expose :

Qu'aux termes de l'article II-2 du contrat de concession, les parties avaient la faculté, s'agissant d'un contrat à durée indéterminée, de le résilier à tout moment moyennant un préavis d'un an et sans avoir à fournir de motif ;

Que c'est à tort qu'ELG prétend que, en vertu des dispositions de la loi du 31 janvier 1989 relative à l'information précontractuelle, la résiliation de la convention ne pouvait résulter que de la volonté commune des parties ; que la référence à ce texte, d'ailleurs inapplicable en l'espèce, compte tenu de sa date, est sans fondement ;

Qu'ELG ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'intention de nuire de la concluante, ou de sa légèreté blâmable dans la rupture du contrat ;

Que le règlement CEE 123-85 est un règlement d'exemption qui n'établit pas de prescriptions contraignantes ;

Qu'à supposer que le contrat litigieux soit d'une durée déterminée d'un an, seules les clauses d'exclusivité et de non concurrence pourraient être déclarées nulles ; qu'en aucun cas la durée du contrat ne pourrait être modifiée d'office par le juge ;

Qu'en réalité, ce contrat est bien à durée indéterminée ; qu'il comporte trois types d'annexes relatives au territoire, à la personne du concessionnaire et aux objectifs souscrits, ainsi qu'à leurs conséquences sur les structures de la concession ;

Qu'en ce qui concerne les objectifs, les fluctuations des données économiques imposent aux parties de limiter leurs prévisions et engagements à une période d'un an ; que cette limitation n'est pas interdite par le règlement CEE précité ;

Que les autres annexes, bien que renouvelées annuellement, ne peuvent être modifiées du seul gré de VAG ; que les modifications relatives à la personnalité morale du concessionnaire ne peuvent intervenir que du seul fait de celui-ci ; que le territoire concédé ne peut être modifié qu'en cas d'inexécution grave imputable au concessionnaire (non réalisation du programme de vente et après-vente, résultats inférieurs à 80 % des objectifs prévus sur un semestre, insuffisance ou interruption du service après-vente).

Elle demande à la Cour de dire que le contrat de concession litigieux satisfaisait aux conditions du règlement CEE 123-85 d'exemption de la nullité prévue par l'article 85-2 du traité ; de dire que ce contrat était à durée indéterminée et pouvait être résilié moyennant respect du préavis d'un an ; de débouter ELG de ses demandes et de la condamner à lui payer 50 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

ELG réplique :

Que VAG, qui prétend qu'elle n'avait pas à motiver la résiliation, a néanmoins donné des explications de sa décision qui sont inexactes ;

Que la loi du 31 décembre 1989 peut être considérée comme s'appliquant immédiatement aux instances en cours ; qu'elle n'est d'ailleurs que le résultat de la jurisprudence en la matière ;

Que VAG a tiré profit de cette résiliation par la création d'une nouvelle concession ; qu'elle a pris sa décision après avoir obtenu l'accord d'un nouveau concessionnaire ;

Que le caractère abusif de la résiliation peut résulter de l'intention d'évincer un concessionnaire et du manque de loyauté envers celui-ci, ce qui est le cas, puisqu'elle a résilié peu après le renouvellement des annexes ;

Que par le biais des annexes VAG pouvait changer complètement la structure du contrat ;

Que l'annexe relative aux objectifs prévoit l'obligation d'atteindre les quotas fixés unilatéralement par VAG ; que si le concessionnaire ne les accepte pas le contrat peut être résilié ;

Qu'il n'est pas possible de suivre VAG lorsqu'elle affirme qu'elle ne peut sans motifs graves modifier la zone concédée au profit d'autres concessionnaires ;

Que le règlement CEE 123-85 auquel se réfère le contrat fait la loi des parties ;

Que la Cour ne pourra donc que constater que le contrat était à durée déterminée et aurait dû avoir une durée de 4 ans ; qu'elle devra en tirer toutes conséquences sur le préjudice subi de ce fait.

Sur ce, LA COUR :

Sur la durée du contrat de concession :

Considérant que l'article II du contrat litigieux stipule : " Le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée commençant à courir le 1er janvier 1986 " ;

Que l'article III, intitulé " conditions particulières de vente ", qui traite notamment des annexes A-1 et A-2, la première décrivant le territoire concédé, la seconde désignant les autres concessionnaires opérant éventuellement dans la même zone, précise, " 1. Zone de responsabilité. a) ", que le concédant " s'engage pendant la durée du présent contrat à ne pas désigner des concessionnaires autres que ceux figurant à l'annexe A-2 ", sauf à remplacer ceux dont le contrat viendrait à expiration ou à autoriser des modifications ou acquisitions de nouvelles implantations à l'intérieur d'une zone ;

Qu'il apparaît, en réalité, qu'aucune disposition du contrat n'autorise le concédant à modifier unilatéralement la zone d'influence du concessionnaire ;

Qu'en l'espèce l'annexe A-2 comporte la mention "néant" ;

Qu'à l'évidence, l'annexe A-3, qui précise la forme de l'entreprise concessionnaire, ne peut non plus faire l'objet d'une modification unilatérale par le concédant ;

Que la circonstance que ces annexes aient été renouvelées annuellement, au demeurant sans changement, n'est pas de nature à faire du contrat de concession stipulé à durée indéterminée, un contrat d'une durée déterminée d'un an ;

Considérant que les annexes B-1 à B-6 qui concernent les objectifs économiques et leurs conséquences (objectifs quantitatifs de vente, primes de vente, organisation et structures de la concession, véhicules de remplacement, participation publicitaire et modifications conjoncturelles liées à l'évolution du marché national) sont évidemment renouvelées tous les ans pour tenir compte de l'évolution du marché automobile et des résultats de l'entreprise ; qu'en aucun cas cette révision annuelle ne peut avoir pour effet de modifier la nature du contrat ;

Considérant, ainsi, que le contrat litigieux est bien un contrat à durée indéterminée dont la rupture pouvait intervenir, conformément à son article II, à tout moment à la condition de respecter un préavis d'un an ; qu'à cet égard il est conforme aux prescriptions du règlement CEE 123-85 ;

Qu'il convient enfin d'observer que la partie qui prenait l'initiative de résilier n'avait aucunement l'obligation d'attendre, pour dénoncer le contrat, la fin de la période de validité des annexes ;

Qu'en conséquence, la résiliation du contrat par VAG est conforme aux stipulations contractuelles ;

Sur l'abus du droit de résilier :

Considérant, certes, que VAG pouvait résilier le contrat sans donner de motifs, mais à la condition que cette résiliation n'ait pas un caractère abusif ;

Considérant qu'il ressort des annexes que, de 1986 à 1988, ELG a constamment augmenté ses objectifs de vente, allant au-delà des propositions du concédant ;

Qu'il résulte d'un protocole signé entre les parties le 1er octobre 1985, qu'ELG est devenu centre d'exposition et d'essais de la marque ;

Qu'il n'est pas contesté qu'à la demande de VAG, cette société a consenti d'importants efforts d'investissement et de publicité ; qu'il convient de relever ici que pour la seule année 1987 l'effort publicitaire s'est élevé, selon l'attestation du comptable de l'entreprise, l'Institut National Entreprise Comptable, à 1 888 076,25 F ;

Qu'il apparaît donc qu'ELG, liée à VAG depuis 25 ans, était un concessionnaire dynamique et performant ;

Qu'il n'est produit aux débats aucun document laissant supposer que VAG ait eu, d'une quelconque manière, à se plaindre de son action ;

Que VAG se borne aujourd'hui à soutenir qu'elle a seulement prévenu les propres intentions d'ELG qui souhaitait se désengager ;

Que cependant, aucun élément, bien au contraire, ne corrobore cette affirmation ;

Qu'en effet, outre l'effort, rappelé ci-dessus, d'investissement publicitaire pour l'année 1987, ELG s'est engagée, lors du renouvellement des annexes, le 8 janvier 1988, sur un objectif de vente porté de 882 à 1050 véhicules, atteignant 130 % de l'objectif proposé par VAG, ce qui révèle clairement sa volonté de poursuivre ses prestations dans le cadre du contrat de concession ;

Qu'il n'est pas justifié, ni même soutenu, qu'à la date du 8 janvier 1988, VAG lui ait fait connaître son intention de rompre leurs relations, ce qu'elle a pourtant fait 20 jours plus tard ;

Qu'ELG relève pertinemment qu'une telle décision, visant un concessionnaire ancien et des plus importants, ne pouvait pourtant avoir été prise que de longue date ;

Que force est de constater que VAG ne justifie, ni n'offre de justifier, en quoi le remplacement d'ELG par le garage Suffren était nécessaire ;

Qu'elle a manqué de loyauté en n'informant pas de ses intentions ELG, qui n'avait pas démérité, et en rompant le contrat 20 jours après la signature des annexes pour l'année 1988 ;

Considérant que le caractère abusif de la rupture résulte suffisamment de ces éléments, sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens tirés de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 ;

Que VAG doit réparation du préjudice causé ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'ELG ne peut sérieusement prétendre que son préjudice serait égal à la valeur de son fonds de commerce ;

Qu'en effet, la perte de la clientèle attachée à la marque VAG, dont ELG n'était nullement propriétaire, est nécessairement compensée par l'attachement de la clientèle de la marque Mercedes dont elle est devenue le concessionnaire ;

Qu'en revanche, elle fait valoir à bon droit qu'elle n'a pu tirer, tout le profit escompté de ses investissements, qu'elle a perdu 370 664,65 F sur la reprise des pièces détachées, qu'elle a dû renouveler la formation de son personnel, consentir de nouveaux investissements, à hauteur de 6 000 000 F, pour se mettre aux normes Mercedes, qu'enfin son chiffre d'affaires a diminué ;

Considérant, toutefois, que la Cour ne possède pas en l'état les éléments lui permettant de fixer l'exacte mesure du préjudice subi ; qu'une expertise s'impose ;

Que, néanmoins, compte tenu des investissements rendus nécessaires par le changement de la marque représentée et la diminution non contestée du chiffre d'affaires en véhicules neufs pour 1989, première année d'exploitation de la marque Mercedes, il convient d'accorder à ELG une indemnité provisionnelle de 3 000 000 F ;

Considérant qu'il sera sursis à statuer sur l'application de l'article 700 du NCPC et les dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement du Tribunal de commerce de Paris (2e Chambre) du 28 novembre 1989 ; Statuant à nouveau : Dit que le contrat de concession a effet du 1er janvier 1986, intervenu entre la société VAG France et la société Etablissements L. Gauthier, est un contrat à durée indéterminée ; Dit que la société VAG France a abusé du droit de le résilier et doit réparation à la société Etablissements L. Gauthier du préjudice en résultant ; Condamne la société VAG France à payer la société Etablissements L. Gauthier 3 000 000 F de dommages-intérêts à titre provisionnel ; Désigne en qualité d'expert : M. Sylvain Eloit, 97, boulevard Raspail, 75006 Paris, tél. : 45 49 95 55, avec mission : - de se rendre dans les locaux de la société Etablissements L. Gauthier, - de se faire remettre tous documents utiles, - de déterminer les investissements réalisés par la société Etablissements L. Gauthier, y compris en publicité, depuis le 1er janvier 1986, date d'effet du contrat résilié, en précisant ceux qui sont en relation exclusive avec la concession de la marque VAG, notamment ceux qui ont été consentis à la suite du protocole du 1er octobre 1985, - de préciser dans quelle proportion les investissements propres à l'activité de concessionnaire VAG étaient amortis au 31 janvier 1989, - de chiffrer les investissements qui ont été nécessaires pour la mise aux normes de la marque Mercedes, - de rechercher, pour la société considérée, les perspectives de rentabilité selon qu'elle représente les marques VAG ou Mercedes, - de donner son avis sur le montant des autres préjudices allégués, notamment les frais de formation du personnel et les pertes subies lors de la reprise des pièces détachées, - de fournir à la Cour tous autres renseignements utiles pour lui permettre de fixer le montant de la réparation du préjudice subi ; Dit que l'expert déposera son rapport au greffe de la cour avant le 31 décembre 1992 ; Fixe à 20 000 F la provision à consigner au greffe de la Cour par la société Etablissements L. Gauthier avant le 15 juillet 1992 ; Désigne M. Perie, Conseiller pour suivre les opérations d'expertise ; Sursoit à statuer sur le surplus des demandes ; Réserve les dépens.