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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 25 mai 1992, n° 91-21159

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Seat France (SA)

Défendeur :

Garage Vendôme (SA), Société Lyonnaise de Banque, Banco di Sicilia, Amata

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Canivet

Conseillers :

Mlle Aubert, M. Guerin

Avoués :

SCP Barrier Monin, SCP Roblin Chaix de Lavarene, SCP Daniel Lamazière Cossec

Avocats :

Mes Brugeron, Bourgeon, de Lamaze, Tubiana.

CA Paris n° 91-21159

25 mai 1992

LA COUR est saisie de l'appel formé par la société Seat France contre un jugement prononcé par le Tribunal de grande instance de Paris qui, à titre principal :

- a dit que la rupture par ladite société du contrat de concession pour la vente de véhicules automobiles de marque Seat dans un secteur de la région lyonnaise, conclu avec la société garage Vendôme, est abusive ;

- l'a condamnée à payer à la société Garage Vendôme une provision de 500 000 F, à valoir sur son préjudice matériel et une somme de 100 000 F en réparation de son préjudice moral ;

- a ordonné une mesure d'expertise aux fins de réunir les éléments permettant d'évaluer le préjudice matériel souffert par la société Garage Vendôme, le montant des sommes à conserver par ladite société sur les fonds d'investissement versés par la société concédante et dresser les comptes entre les parties ;

- a rejeté la demande de la société Garage Vendôme en paiement d'une somme de 1 000 000 F en réparation du préjudice résultant de la perte de sa valeur vénale ;

- a rejeté la demande de la société Seat France tendant à la restitution de l'intégralité des fonds d'investissements versés à la société Garage Vendôme, en exécution de la " lettre contrat " du 22 décembre 1989 ;

- a dit n'y avoir lieu en l'état de décharger les sociétés Lyonnaise de banque et Banco di Sicilia de leurs obligations de caution à l'égard de la société Seat France ;

- a sursis à statuer sur le surplus des demandes jusqu'au dépôt du rapport d'expertise ;

et a ordonné l'exécution provisoire.

Référence étant faite au jugement dont appel pour l'exposé des faits, de la procédure initiale et des motifs retenus par les premiers juges, il suffit de rappeler les éléments suivants nécessaires à la solution du litige.

Dans le courant de l'année 1989, le Groupe Maurin, qui contrôle plusieurs sociétés concessionnaires de constructeurs automobiles, a, en accord avec les représentants de la société Seat France, racheté la majorité du capital de trois sociétés déjà concessionnaires des voitures de cette marque à Chambéry, Annecy et Lyon.

En ce qui concerne la concession de Lyon, seule concernée par le présent litige, le Groupe Maurin a, par l'intermédiaire d'une société Hexagone, racheté 94 % du capital de la société Garage Vendôme avant que, le 1er janvier 1990, cette société signe un nouveau contrat de concession à durée indéterminée avec la société Seat France.

Le rachat des parts de la société Garage Vendôme devait s'accompagner d'un transfert de ses locaux commerciaux, Daniel Sabatier, le précédent actionnaire majoritaire de cette société, gérant de la société civile immobilière Alpha Vendôme, propriétaire des locaux situés 5, rue Vendôme à Lyon, dans lesquels était installée la concession, ayant fait connaître à la société Seat France son intention de les reprendre pour réaliser une opération immobilière.

Le transfert à la société Hexagone des parts de la société Garage Vendôme a, pour cette raison, été suivi, le 11 décembre 1989, d'une résiliation amiable et sans indemnité, à la date du 31 janvier 1991, du bail commercial consenti sur les dits locaux par la société Alpha Vendôme à la société Garage Vendôme.

Afin de permettre la réinstallation du garage dans de nouveaux bâtiments, la conclusion du nouveau contrat de concession a été précédée d'une lettre datée du 22 décembre 1989, par laquelle la société Seat France, " pour aider le démarrage de cette affaire ", mettait à la disposition du Garage Vendôme un plan d'investissement de 1 000 000 F en contrepartie de l'engagement de représenter, en exclusivité, la marque Seat pendant une durée minimum de quatre années.

Sur ce plan d'investissement, une somme de 600 000 F a été libérée au mois de janvier 1990, le reste devant être versé au mois de janvier 1991.

Toutefois, à la suite de changements intervenus au sein de la direction commerciale de la société Seat France, Yannick Hiard, représentant du Groupe Maurin, informait cette société par une lettre datée du 24 octobre 1990 de son intention de vendre la société Garage Vendôme en lui demandant de lui faire connaître les candidats à cette reprise qu'elle pourrait avoir.

Par un courrier du 14 novembre 1990, la société Seat France prenait acte de cette décision, sachant que les dirigeants de la société étaient en pourparlers de vente.

Le 31 octobre précédent, Yves Sedira et Eric Dutheil, se présentant comme professionnels de l'automobile, avaient en effet saisi la société Seat France de leur candidature à une concession de cette marque, principalement dans la région lyonnaise.

A partir de cette date des négociations ont eu lieu entre Yves Sedira et Eric Dutheil d'une part, et la société Garage Vendôme d'autre part, dont la société Seat France a régulièrement et de diverses manières été informée et qui ont abouti à un échange de lettres, datées des 21 décembre 1990 et 5 janvier 1991, constatant l'intention des parties de transférer entre elles la majorité des parts sociales de la société Garage Vendôme, tout en réservant la réalisation de cette transaction à l'accord de la société Seat France.

Simultanément s'est effectué en deux temps le déménagement de la société Garage Vendôme, au mois de juin 1990, en ce qui concerne le bail d'exposition, dans des locaux pris à bail, 99 rue de Gerland à Lyon et, au mois de février 1991, pour le reste des installations commerciales, dans un immeuble neuf situé à la même adresse dont le Groupe Maurin est devenu propriétaire par l'intermédiaire d'une société civile immobilière Vendôme.

Cependant, par trois lettres datées du 7 février 1991, la société Seat France a mis fin aux trois concessions détenues par le Groupe Maurin, celles de Chambéry et d'Annecy en référence à l'article II du contrat de concession donnant à chaque partie une faculté de résiliation avec un préavis d'un an, celle de Lyon, avec un préavis d'un mois, par application d'une autre clause dite de " résiliation extraordinaire " prévue par l'article XV-2 du contrat, au motif allégué qu'en violation de ses engagements, la société Garage Vendôme était en fait dirigée par Yves Sedira, tiers au contrat.

Par une lettre portant la même date, la société Seat France a rejeté les candidatures de Yves Sedira et Eric Dutheil à la reprise de la concession.

Enfin, la société Seat France, qui n'a pas versé à la société Garage Vendôme la dernière partie du plan d'investissement à échéance du mois de janvier 1991, a, en outre, par une lettre du 6 mars 1991 exigé le remboursement de la somme de 287 500 F sur les fonds versés à ce titre au mois de janvier 1990.

Prétendant abusive la résiliation du contrat de concession dont elle était titulaire à Lyon, la société Garage Vendôme a assigné à jour fixe la société Seat France devant le Tribunal de grande instance de Paris, pour demander réparation du préjudice qu'elle dit avoir subi de ce fait, paiement de la somme restant due sur la plan d'investissement, compensation desdites sommes avec celles dont elle serait débitrice à l'égard de son ancien concédant, enfin de faire décharger les sociétés Lyonnaise de banque et Banco di Sicilia des engagements de caution souscrits à l'égard de la société Seat France.

Statuant sur cette demande et sur l'action reconventionnelle de la société Seat France qui réclame restitution de l'ensemble des fonds d'investissement versés à la société Garage Vendôme, à tout le moins de la somme susvisée de 287 500 F et paiement de diverses factures à hauteur de 1 149 295,21 F, le tribunal a rendu la décision dont appel.

Pour se déterminer ainsi qu'ils l'ont fait, les premiers juges ont estimé qu'en ne manifestant son désaccord sur la présence d'Yves Sedira au sein du Garage Vendôme qu'à la date même où, pour ce motif précis, elle a rejeté sa candidature commune avec Eric Dutheil et résilié le contrat de concession sans la mise en demeure préalable prévue par l'article XV-2 du contrat, la société Seat France a commis un abus dont elle doit réparer les conséquences dommageables déjà justifiées ou à évaluer en fonction des diligences de l'expert désigné et en outre chargé de faire les comptes entre les parties sur les autres points litigieux.

Au soutien de son appel la société Seat France fait valoir :

- que la présence dans l'établissement concessionnaire d'Yves Sedira et Eric Dutheil qui dirigeaient de fait la société Garage Vendôme, ajoutée au départ de Jean-Luc Leroux, précédent directeur, sans son autorisation écrite et préalable, est, au sens de l'article XV-2 du contrat, une infraction définitivement consommée à la convention de concession, à laquelle il n'était plus possible de remédier et qui lui permettait de résilier le contrat sous respect d'un préavis d'un mois ;

- que contrairement à ce qu'à jugé le tribunal, le fait, au demeurant contesté, qu'elle ait connu cette situation ne peut faire échec à la sanction contractuelle prévue, dès lors qu'elle ne l'a pas préalablement et par écrit approuvée ;

- que, par application de la clause susvisée, elle n'avait pas à notifier la mise en demeure prévue par l'article XV-1 du contrat, laquelle n'aurait en tout cas pas permis au Groupe Maurin de rétablir la situation antérieure ;

- qu'en tout cas, la société Garage Vendôme ne peut prétendre à aucune indemnité pour perte de sa valeur vénale, d'une part, parce que l'indemnité prévue à l'article XVIII du contrat est exclusive de toute autre, d'autre part, parce qu'une telle demande est dépourvue de fondement et que la dépréciation alléguée n'aurait pu être que temporaire en attente d'une nouvelle activité ;

- que la société Garage Vendôme, qui s'est fait abusivement octroyer une somme de 1 000 000 F, avant de faire connaître sa décision de se désengager des concessions Seat qu'elle avait obtenues, et a permis à des repreneurs d'assurer la direction de fait de l'établissement concessionnaire de Lyon, ne saurait prétendre au versement de la somme de 400 000 F prévue dans la lettre du 22 décembre 1990 ;

- que la mauvaise foi, dont ladite société a fait preuve, autorise la société Seat France à réclamer restitution de la somme de 600 000 F libérée au mois de janvier 1990 ;

- que le versement de cette somme n'était en outre prévu qu'en contrepartie d'un engagement de représenter la marque Seat en exclusivité durant 4 années ; que la résiliation de l'engagement de concession à compter du 12 mars 1991 oblige par conséquent la société Garage Vendôme à restituer ce qu'elle a perçu en proportion de la période de représentation non effectuée.

La société appelante prie en conséquence la Cour de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté la demande de la société Garage Vendôme en paiement d'une somme de 1 000 000 F de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à la perte de sa valeur vénale et dit n'y avoir lieu de décharger les société Lyonnaise de banque et Banco di Sicilia de leur engagement de caution, mais d'infirmer ledit jugement pour le surplus et de juger que la résiliation extraordinaire du contrat de concession était justifiée, débouter la société Garage Vendôme de toutes ses demandes, dire n'y avoir lieu à expertise et, à titre subsidiaire, constater que le versement de l'indemnité appropriée prévue à l'article XVIII du contrat de concession est exclusive de toute autre indemnisation.

A titre reconventionnel elle poursuit la condamnation de la société Garage Vendôme à lui payer les sommes de 287 500 F et 1 113 908,25 F.

Reprenant les moyens développés en première instance, la société Garage Vendôme conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a :

- dit que la rupture par la société Seat France du contrat de concession dont elle était titulaire est abusive et injustifiée ;

- condamné la société Seat France à lui payer une provision de 500 000 F à valoir sur son préjudice matériel et une somme de 100 000 F au titre de son préjudice moral ;

- ordonné une mesure d'expertise afin de déterminer l'indemnité " appropriée " à laquelle elle a droit par application de l'article XVIII du contrat ;

- sursis à statuer sur la demande de la société Seat France tendant au paiement de la somme de 1 113 908,25 F et sur sa propre demande tendant à voir décharger les société Lyonnaise de banque et Banco di Sicilia de leurs obligations de caution.

Mais, formant appel incident, la société Garage Vendôme poursuit la réformation du jugement dont appel, en ce qu'il a rejeté sa demande de condamnation de la société Seat France à lui payer la somme principale de 400 000 F due en vertu de la " lettre contrat " du 22 décembre 1989.

Les sociétés Lyonnaise de banque et Banco di Sicilia s'en rapportent à justice sur le mérite de l'appel.

Pour un exposé plus complet des demandes et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures échangées devant la Cour, étant indiqué que les société Seat France et Garage Vendôme demandent l'application à leur profit de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur quoi, LA COUR,

Considérant que le jour de l'ordonnance de clôture, rendue le 31 mars 1992, la société Garage Vendôme a signifié des conclusions et versé une pièce aux débats dont la société Seat France demande le rejet ;

Considérant que cette production tardive de moyens de droit et d'éléments de preuve par l'intimée qui ne permet pas à l'appelante d'y répondre est contraire au principe de la contradiction qu'il appartient au juge de faire respecter ; que ces conclusions et pièces seront donc écartées des débats ;

I- SUR LA RESILIATION DU CONTRAT :

Considérant que par sa lettre du 7 février 1990, la société Seat France a résilié, avec un préavis réduit à un mois, le contrat de concession à durée indéterminée qu'elle avait conclu avec la société Garage Vendôme le 1er janvier 1990, en alléguant une violation de l'article V-2 de ladite convention, consistant dans le fait qu'Yves Sedira dirigeait de fait la société titulaire de la concession et en prétendant que cette infraction aux règles contractuelles lui permettaient de mettre en œuvre la faculté de résiliation dite " extraordinaire " prévue par l'article XV-2 ;

Considérant que l'article V stipule :

1- " Ce contrat est strictement personnel...

- En ce qui concerne le concessionnaire dont l'entreprise est exploitée sous forme de société, le présent contrat est consenti en considération de la situation de fait et de droit dans laquelle se trouve la société au moment de la conclusion du contrat, des associés ou actionnaires la composant, ainsi que la personne de ses dirigeants et directeurs. "

2- " Le concessionnaire certifie que la situation actuelle de son entreprise est celle mentionnée à l'annexe A2 du présent contrat.

Le concessionnaire s'engage à ce qu'aucune cession patrimoniale ni aucun transfert d'actions ou de parts, ni aucun changement dans les indications que comporte ladite annexe A2, ne soit effectué sans le consentement préalable et écrit du concédant.

Dans le cas où le concessionnaire estimerait néanmoins nécessaire de procéder à une telle opération, il s'expose au jeu de l'article XV-2 ci-après ".

Que l'annexe A2 mentionne que l'entreprise concessionnaire est la société anonyme Garage Vendôme au capital de 650 000 F réparti entre la société civile Hexagone, à raison de 94 % et Jean-Claude Boutier, président, Jean-Claude Leroux, directeur, Claude Roux, Anne Tennerman, Daniel Lebon, Daniel Sabatier, qui possèdent respectivement 1 % du capital ;

Considérant que l'article XV relatif à la résiliation du contrat prévoit :

1- " En cas de carence d'une partie dans l'exécution de l'une quelconque des obligations énoncées au présent contrat, l'autre partie pourra résilier le contrat, par une notification par lettre recommandée, avec effet immédiat, si la partie coupable n'a pas mis fin ou remédié à l'infraction constatée dans un délai d'un mois suivant l'envoi d'une lettre recommandée, dénonçant l'infraction et la mettant en demeure d'y mettre fin. "

2- " En cas d'infraction définitivement consommée, à laquelle il n'est plus possible de remédier, en raison de sa nature, le contrat pourra être résilié dans les mêmes conditions sous respect d'un simple préavis d'un mois, notamment dans les circonstances suivantes :...

" - La participation d'un tiers à la présente convention sans l'autorisation écrite et préalable du concédant. "

Considérant que la société Seat France prétend que, si elle savait depuis le mois de décembre qu'Yves Sedira et Eric Dutheil étaient candidats au rachat de la société Garage Vendôme, elle n'a appris qu'à la fin du mois de janvier 1991 le départ de Jean-Claude Leroux, ancien directeur, qui avait quitté ses fonctions depuis le 15 décembre 1990 et la direction de fait depuis lors exercée par les repreneurs pressentis, par les termes de correspondances que l'un d'eux lui a adressées le 23 janvier 1991 pour l'informer de mesures prises en matière de politique commerciale et du transfert du garage dans de nouveaux locaux ;

Qu'elle ajoute avoir eu, par des lettres que les salariés ont adressées tant aux intéressées qu'à elle-même pour lui demander de revenir sur le retrait de la concession, confirmation qu'Yves Sedira et Eric Dutheil se comportaient en dirigeants de la société à l'égard du personnel ;

Que selon elle, les repreneurs apparaissaient aussi responsables de la société à l'égard des tiers, Eric Dutheil ayant signé le 15 janvier 1995, en qualité de représentant de la société Garage Vendôme, une convention avec l'Association des commerçants de Saint Genis 2 ;

Considérant que l'appelante soutient que cet état de fait, qui constitue un changement dans la direction de la société concessionnaire opéré sans son approbation écrite et préalable, l'autorisait à mettre fin à la concession par une résiliation extraordinaire ;

Mais considérant qu'aux termes de l'article 1134 du Code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi ;

Qu'ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal par une exacte analyse des circonstances de fait du litige, la société Seat France a tiré parti d'une situation qu'elle a laissé se créer pour rompre ses engagements avec la société Garage Vendôme;

Qu'en effet, le 14 décembre 1990, accusant réception de la candidature qu'Yves Sedira et Eric Dutheil lui avaient adressée depuis le 24 octobre précédent, elle déclarait prendre note de leur souhait de racheter les parts sociales de la société Garage Vendôme ;

Que depuis le 11 décembre 1990, elle connaissait la présence des susnommés au sein de l'établissement concessionnaire, puisqu'elle admet avoir reçu à cette date un rapport de son propre inspecteur qui l'informait, en des termes non équivoques, de l'imminence d'une cession de la société et de la nécessité de prendre parti sur l'agrément à donner aux deux nouveaux concessionnaires ;

Qu'au surplus, le 19 décembre lors d'une convention de la marque à Aix-en-Provence, Yves Sedira et Eric Dutheil ont été mis en relation avec les responsables de la direction commerciale de la société Seat par Yannick Hiard, représentant du groupe Maurin, en tant que candidats à la reprise de la société Garage Vendôme, et qu'il est admis par les deux parties qu'à cette occasion une réunion à tenir au mois de janvier a été convenue pour examiner les conditions du transfert ;

Qu'enfin la société Seat France dit avoir reçu, le 24 décembre 1990, une correspondance expédiée le 11 décembre précédent par Yves Sedira et Eric Dutheil selon laquelle ceux-ci l'informaient qu'ils étaient présents dans la concession depuis le 23 novembre 1990, lui faisaient part de leurs constatations sur le fonctionnement de l'entreprise et des mesures à prendre pour en améliorer les performances ;

Considérant que l'ensemble de ces démarches et correspondances, en ce compris celles du 23 janvier 1991, visait à solliciter l'accord de la société Seat France sur la reprise du Garage Vendôme par Yves Sedira et Eric Dutheil, lesquels mettaient en valeur leurs capacités commerciales et les efforts qu'ils étaient disposés à déployer pour servir la marque ; qu'en différant sa réponse jusqu'au moment où, tirant argument pour résilier le contrat de concession des démarches effectuées auprès d'elle par les éventuels repreneurs, la société Seat France a manqué à l'obligation de bonne foi, tant dans l'exercice du consentement préalable à tout changement dans la direction de l'établissement concessionnaire prévu par l'article V du contrat, que dans la mise en œuvre de la clause de résiliation extraordinaire figurant à l'article XV-2;

Considérant au surplus qu'il n'est pas allégué qu'à la date de la notification de la résiliation le Groupe Maurin avait cédé tout ou partie des actions de la société Garage Vendôme ; que toutes les correspondances adressées par les candidats conjoints au rachat de cette société réservaient expressément la reprise de l'entreprise concessionnaire à l'agrément de la société concédante;

Qu'il n'est pas davantage établi qu'en laissant aux concessionnaires pressentis certaines initiatives en matière commerciale, les dirigeants de la société Garage Vendôme aient abandonné leurs pouvoirs d'administration de la société et de direction de l'entreprise Garage Vendôme ; que cette situation, qui ne s'est perpétuée que durant quelques semaines en l'attente de la décision de la société Seat France, n'était que provisoire et n'a en rien affecté les relations entre la société concédante et la société concessionnaire ;

Qu'il en est de même du départ de Jean-Claude Leroux directeur du garage qui, affecté dans une autre concession Seat du Groupe Maurin, était en mesure de reprendre immédiatement ses fonctions au Garage Vendôme, ce qu'il a fait dès l'annonce de la rupture du contrat ;

Considérant qu'en particulier les lettres écrites par Yves Sedira le 23 janvier 1991 sur papier à en-tête du Garage Vendôme, dont la société Seat France entend tirer la preuve que celui-ci dirigeait en fait la concession, ne révèlent toutefois pas de la part de l'auteur l'exercice définitif de pouvoirs de direction ; que l'une de ces lettres adressée à Jean-Jacques Antelme, directeur général commercial de la société Seat France, indiquant " Nous allons tout mettre en œuvre pour être à la hauteur des objectifs du constructeur. Pour ce faire nous sommes en train de prendre toute une série de mesures qui à court terme nous permettront d'avoir une équipe commerciale efficace ! " ne peut être interprétée autrement que comme une déclaration d'intention que le [du] respect des consignes de motivation émanant de la société concédante ; que cette correspondance se termine en outre par l'information que la " cession de 80 % des parts (de la société Garage Vendôme) par le Groupe Maurin devrait intervenir dans les prochains jours " et de l'envoi " d'un dossier complet " sur les modalités du transfert ; que cette dernière mention rappelle clairement que le projet de cession était soumis à l'approbation du concédant ;

Que le déménagement de la concession annoncé dans ces deux correspondances n'est pas une décision prise par Yves Sedira, mais une mesure arrêtée, préparée et financée de longue date par les dirigeants de la société Garage Vendôme avec l'accord et le concours de la société Seat France qui ne peut prétendre en avoir été avisée de cette manière ;

Considérant que ni les pétitions et lettres signées de l'ensemble des membres du personnel, datées du 19 décembre 1991, soulignant les efforts accomplis pour défendre la marque Seat, ni la convention de partenariat pour une campagne de promotion publicitaire signée Eric Dutheil au nom du Garage Vendôme, le 15 janvier 1991, avec l'Association des commerçants du centre commercial Saint Genis 2, ne démentent le caractère précaire des pouvoirs laissés aux concessionnaires pressentis ;

Considérant qu'il se déduit de ces constatations qu'à la date de la résiliation du contrat de concession, la société Garage Vendôme n'avait de manière définitive procédé à aucune opération de cession patrimoniale, ni à aucun transfert d'actions ou de parts, ni à un changement dans la direction de l'entreprise concessionnaire ; qu'elle n'avait pas davantage introduit la participation d'un tiers à la convention entre concédant et concessionnaire; qu'en réalité le concessionnaire n'a laissé se constituer qu'une situation précaire, en l'attente et sous la réserve maintes fois exprimée de l'accord sur le projet de cession sollicité depuis plus de deux mois auprès de la société Seat France ; que dès lors une telle situation n'autorisait pas le concédant à mettre en œuvre la faculté de résiliation extraordinaire prévue par l'article XV-2 de la convention;

Considérant qu'il appartenait à la société Seat France de faire connaître dans un délai raisonnable, éventuellement après avoir exigé des informations sur les modalités du projet qu'elle a négligé de demander, son désaccord sur la cession par le Groupe Maurin de l'entreprise concessionnaire et, si elle estimait que la présence et le comportement d'Yves Sedira et Eric Dutheil dans l'entreprise constituait une infraction dans l'exécution de la convention, de mettre en demeure la société concessionnaire d'y mettre fin selon les modalités prévus par l'article XV-1 du contrat ;

Considérant que les appréciations purement subjectives émises par l'appelante sur le caractère définitif et irréversible de l'infraction ne sont pas convaincantes ; qu'en particulier, à défaut d'être agréés comme repreneurs, Yves Sedira et Eric Dutheil ne se seraient pas maintenus dans l'entreprise et qu'il n'est pas établi que le Groupe Maurin n'ait pas eu la possibilité de réaffecter utilement et effectivement Jean-Claude Leroux, qui était resté à son service, à la direction de la concession lyonnaise si la société Seat France estimait déterminante la présence de l'intéressé dans la fonction de cadre salarié ;

Considérant en conséquence que c'est à bon droit que la décision dont appel a jugé abusive la résiliation de la convention de concession à laquelle a procédé la société Seat France ; que ledit jugement doit être confirmé de ce chef ;

Considérant que le jugement entrepris sera également confirmé en ce que, par une exacte appréciation des éléments justificatifs produits, il a accordé à la société intimée une provision de 500 000 F à valoir sur son préjudice matériel ;

Considérant que les modalités de calcul de l'indemnité " appropriée " due par le concédant, en cas de rupture unilatérale des relations contractuelles sans respecter le préavis d'un an prévu par le règlement CEE 123-85, ne font pas obstacle au versement de dommages et intérêts justement évalués à la somme de 100 000 F en réparation du préjudice moral subi du fait des circonstances particulièrement brutales et vexatoires de la résiliation ;

Considérant que la société Garage Vendôme ne reprend pas en cause d'appel sa demande en indemnisation du préjudice consécutif à la perte de la valeur vénale ; que le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu'il rejette ce chef de demande ;

Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont ordonné une expertise aux fins de recueillir les éléments nécessaires à l'évaluation de l'indemnité réparatrice du préjudice matériel à laquelle peut prétendre la société Garage Vendôme et de faire les comptes entre les parties eu égard aux factures restant à payer par cette dernière ;

Considérant que c'est encore à bon droit que le jugement déféré a dit n'y avoir lieu en l'état de décharger la société Lyonnaise de banque et Banco di Sicilia de leurs obligations à l'égard de la société Seat France ;

II- SUR LE PLAN D'INVESTISSEMENT

Considérant que, par lettre du 22 décembre 1989 adressée au " Garage Vendôme ", la société Seat France, qui confirme son accord pour la reprise, par le Groupe Maurin, de la société Garage Vendôme, attribue à ladite société " un plan d'investissement " de 1 000 000 F qui sera mis à sa disposition à hauteur de 600 000 F début janvier 1990 après signature du contrat de concession et 400 000 F début janvier 1991 ;

Que la société Seat France, qui refuse de payer la partie non libérée de la somme conventionnellement prévue et demande remboursement total ou partiel de la somme déjà versée, soutient que ce plan de financement n'a été accordé que sur la croyance erronée d'une expropriation des locaux du garage et qu'elle n'est en tout cas due qu'au prorata de la durée effective de la représentation de la marque par le concessionnaire ;

Mais considérant que si la lettre du 22 décembre 1989 fait état d'une " expropriation " pour prendre contractuellement acte d'une nouvelle implantation de l'entreprise concessionnaire, elle ne lie nullement à une expropriation pour cause d'utilité publique le bénéfice du plan d'investissement contractuellement octroyé " pour aider le Groupe Maurin dans le redémarrage de l'affaire " ; qu'il ne peut par conséquent être soutenu que la société Garage Vendôme, qui justifie avoir de son côté engagé les capitaux nécessaires à une réinstallation du garage conforme à la convention des parties et pour des raisons parfaitement connues, ait obtenu la somme litigieuse par tromperie ;

Qu'il n'est pas davantage démontré que ladite société ait manqué à ses engagements en ce qui concerne l'affectation des sommes qui lui ont été versées ;

Considérant que les fonds litigieux ont été accordés à la société Garage Vendôme contre l'engagement de représenter la marque Seat pendant une durée de quatre années ; que seule la rupture unilatérale du contrat à laquelle a abusivement procédé la société Seat France a empêché la réalisation de cette condition ;

Qu'il s'ensuit que doit être infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a donné raison à l'expert de calculer " le montant de la somme que la société Garage Vendôme est en droit de conserver, compte tenu de ce que la résiliation ordinaire du contrat serait intervenue deux ans environ avant l'expiration de représentation exclusive de la marque Seat par ladite société ; que doit être rejetée la demande de restitution totale ou partielle de ladite somme formée par la société Seat France et que celle-ci doit être condamnée à verser à l'intimée la somme restant due de 400 000 F ;

Considérant qu'à défaut de mise en demeure, les intérêts au taux légal sur la somme litigieuse ne seront dus qu'à compter de la date de l'assignation introductive d'instance ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société Garage Vendôme les frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel ; qu'une telle disposition ne s'impose pas à l'égard des autres intimés qui n'en font pas la demande ;

Par ces motifs : Rejette des débats les conclusions et la pièce communiquée par la société Garage Vendôme le 31 mars 1992 ; Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a fait porter l'expertise ordonnée sur le " montant de la somme que la société Garage Vendôme est en droit de conserver, compte tenu de ce que la résiliation ordinaire du contrat serait intervenue dans les deux ans environ (7 février 1991), avant l'expiration de la période de représentation exclusive de la marque Seat par la société demanderesse " ; Statuant à nouveau sur ce point : Rejette la demande de restitution formée par la société Seat France des fonds versés à la société Garage Vendôme au titre d'un plan d'investissement conventionnellement prévu le 22 décembre 1989 ; Condamne la société Seat France à payer à la société Garage Vendôme une somme de 400 000 F majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation introductive d'instance ; Confirme le jugement dont appel en toutes ses autres dispositions ; Et y ajoutant : Condamne la société Seat France à payer à la société Garage Vendôme une somme de 20 000 F, par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 au bénéfice des sociétés Lyonnaise de banque et Banco di Sicilia ; Condamne la société Seat France aux entiers dépens de l'appel et admet sur leurs demandes respectives la SCP Roblin Chaix de Lavarene et la SCP Daniel Lamazière Cossec au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.