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Décisions

CA Pau, 2e ch., 25 mai 1992, n° 848-91

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

EMFIB (SA)

Défendeur :

Dasse Diffusion (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Biecher

Conseillers :

MM. Suquet, Roux

Avoués :

Me Vergez, SCP C & P Longin

Avocats :

SCP Piloix-Calloud-Bauland, Me Cambriel.

T. com. Dax, du 29 janv. 1991

29 janvier 1991

Par acte en date du 12 mai 1988, la SA Emfib faisait donner assignation devant le Tribunal de Commerce de Dax à la SA Dasse Diffusion à l'effet de voir constater la responsabilité de celle-ci dans la rupture de leurs relations commerciales et d'obtenir paiement de la somme de 224.881,72 F en remboursement de frais commerciaux et de celle de 880.000 F à titre de dommages et intérêts.

Par décision du 29 janvier 1991 le Tribunal de Commerce de Dax déboutait la SA Emfib de ses prétentions et la condamnait à payer, sur demandes reconventionnelles de la SA Dasse Diffusion, la somme de 224.881,72 F au principal avec intérêts de droit à compter du 13 mai 1988 et celle de 3.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Emfib a relevé appel de cette décision par acte du 22 février 1991 en sollicitant au terme de ses conclusions qu'il soit jugé que seule la SA Dasse Diffusion est à l'origine de la rupture de leurs relations commerciales et que cette société soit dès lors condamnée à lui payer, avec intérêts de droit à compter de l'exploit introductif d'instance :

- la somme de 224.881,72 F pour frais commerciaux,

- la somme de 1.760.000 F à titre de dommages et intérêts,

outre la somme de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Dasse Diffusion conclut pour sa part à la confirmation du jugement dont appel sauf à majorer de 10.000 F la somme allouée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 1992.

Sur quoi LA COUR :

Attendu qu'il ressort des faits constants de la cause tels qu'ils résultent de l'examen des documents produits aux débats :

- que le 17 juin 1976 la SARL Slalom accordait à la SARL Emfib, par contrat sous seings-privés, la commercialisation dans le cadre d'un relais régional englobant un certain secteur géographique du sud-est de la France, de portes métalliques de marque Slalom,

- que la SARL Slalom fut mise en liquidation amiable par une décision d'une assemblée générale extraordinaire du 9 octobre 1985 (document non produit aux débats),

- que la marque Slalom fut rachetée par la SA Dasse Diffusion (document non produit) qui commercialisait par ailleurs d'autres portes de placard fabriquées par la société Miland dans une usine située à Castets,

- qu'à partir du 1er octobre 1986 la société Dasse Diffusion cessa la commercialisation directe des produits de Miland au profit de la SA Emfib, la marque Slalom étant donnée en location-gérance à la société Sogiland qui achetait la totalité de la production de Miland et la revendait au réseau de franchise Sogal ;

Attendu que la SA Emfib soutient que la SA Dasse Diffusion, en interrompant le 1er octobre 1986 ses relations commerciales a mis fin, unilatéralement et de manière abusive, au contrat initialement conclu le 17 juin 1976 avec la SARL Slalom et lui doit réparation pour les préjudices qu'elle en a subis ;

Attendu que la SA Dasse Diffusion, en relevant qu'elle n'a acquis de la SARL Slalom, alors en liquidation amiable, que la marque Slalom, fait valoir pour sa part que l'accord du 17 juin 1976 ne lui est pas opposable et que par ailleurs seule la SA Emfib s'est opposée à une évolution vers de nouvelles relations commerciales dans le cadre du réseau des franchisés Sogal.

Attendu cependant que s'il apparaît que la SA Dasse Diffusion a limité ses relations avec la SARL Slalom au seul achat de la marque Slalom et que dès lors la convention du 17 juin 1976 ne lui est pas opposable, il résulte des courriers adressés par elle dès le 4 novembre 1985 (alors qu'elle venait d'acheter la marque Slalom décidée le 9 octobre précédent) à la SARL Emfib qu'elle entendait renforcer leur association, " ... la distribution de la gamme Slalom (continuant), inchangée, à être assurée par Emfib ... ", par la mise en place, dès janvier 1986 d'un ensemble de moyens matériels et commerciaux permettant d'étendre cette distribution à la gamme Miland et qu'elle avait (lettre du 3 avril 1986 soit donc postérieure à la mise en plan de ces moyens) " ... le sentiment et l'espoir de préserver durablement (notre) partenariat ... " " ... en privilégiant le respect et le maintien des intérêts de toutes les parties ... " ;

Attendu qu'il résulte ainsi de l'ensemble de ces courriers sans ambiguïté que la SA Dasse Diffusion a, non pas seulement entretenu des relations commerciales ordinaires avec la SA Emfib mais véritablement conclu avec celle-ci, en utilisant la structure du relais régional mis en place par la convention du 17 juin 1976 et la clientèle prospectée par Emfib pendant 10 ans, un contrat de distribution régionale au bénéfice exclusif de celle-ci de la gamme Slalom-Miland et que dès lors la société appelante est recevable en son action en responsabilité à l'encontre de son cocontractant défaillant.

Attendu sur la rupture du lien contractuel unissant les parties, qu'il ressort d'un courrier adressé à la société Emfib le 21 octobre 1986 par la SA Dasse Diffusion que celle-ci a, unilatéralement et arbitrairement mis fin à cette convention de distribution exclusive en confiant, à compter du 1er octobre 1986, la distribution de la gamme Slalom-Miland au réseau des franchisés Sogalet que dès lors le principe d'un préjudice doit être admis au bénéfice de la société Emfib qui n'a été avertie de cette rupture que le 23 septembre précédent;

Attendu enfin, sur le montant de ce préjudice, que si la SA Emfib justifie d'une baisse de trois quarts de son chiffre d'affaires dans le secteur des portes de placard depuis la rupture de ses relations contractuelles avec la société Dasse Slalom, il convient cependant, la Cour ne disposant pas d'éléments suffisants pour apprécier sur ces seuls renseignements le préjudice réellement subi, d'ordonner une mesure d'expertise ;

Attendu que cette mesure d'expertise sera par ailleurs étendue aux comptes entre les parties, les documents versés par les parties aux débats à l'appui de leurs demandes tant principale que reconventionnelle de ces chefs n'étant nullement exploitables en l'état ;

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort, Reçoit la SA Emfib en son appel du jugement rendu le 29 janvier 1991 par le Tribunal de Commerce de Dax, Réformant cette décision, Constate l'existence entre la SA Dasse Diffusion et la SA Emfib d'un contrat de diffusion exclusive des produits Miland comprenant notamment la marque Slalom, Constate la résiliation unilatérale et fautive par la SA Dasse de ce contrat en octobre 1986 et le principe de la responsabilité de cette société dans le préjudice qui en est résulté pour la SA Emfib, Avant faire droit sur la réparation de ce préjudice, ordonne une expertise, Commet pour y procéder : " Monsieur Henri Esteve, 49, rue Servient BP 3049, 69397 Lyon Cedex 03, Tél. : 78.60.72.18 ", ou à défaut : " Monsieur Paul Giraud, 22, rue Nicolaï, 69007 Lyon, Tél. : 78.58.50.71 ", avec mission en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées par lettres recommandées avec accusé de réception et leurs conseils avisés : - de rechercher tous éléments comptables permettant à la Cour d'apprécier le préjudice subi par la SA Emfib du fait du changement de son fournisseur de portes pliantes en octobre 1986, - de vérifier la réalité de la facturation proposée par la SA Dasse Diffusion pour une somme totale de 224.881,72 F en faisant la part des marchandises commandées par Emfib pour être revendues et de celles mises en dépôt consignation avec facturation en fin de mois, - d'entendre les parties en leurs dires écrits et explications ainsi que tous sachants et d'une manière générale, de fournir à la Cour tous renseignements lui permettant de statuer sur le litige qui lui est soumis et notamment de faire les comptes entre les parties. Fixe à la somme de 10.000 F le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert à consigner au greffe de la Cour par la SA Emfib dans le délai maximum de un mois du présent arrêt à peine de caducité de la désignation de l' expert ; Dit que l'expert devra de ses travaux dresser un rapport écrit comprenant toutes annexes explicatives utiles à déposer au greffe de la Cour dans un délai maximum de quatre mois à compter de la date figurant sur l'avis de consignation de la provision, sauf prorogation demandée au magistrat de la Cour chargée des expertises (2e Chambre) ; Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement, d'office ou sur simple requête de la partie la plus diligente par ordonnance du magistrat de la Cour chargé du contrôle des expertises (2e Chambre) ; Ordonne le renvoi de la procédure à la mise en état ; Réserve les dépens.