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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 10 juin 1992, n° 3653-90

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Seder (SA), Di Martino (ès qual.)

Défendeur :

Radiohm (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chavanac

Conseillers :

Mmes Briottet, Vigneron

Avoués :

SCP Parmentier Hardouin, Me Blin

Avocats :

Mes Loyer, Cervesi.

T. com. Paris, 10e ch., du 15 déc. 1989

15 décembre 1989

Par jugement du 15 décembre 1989, le Tribunal de commerce de Paris a condamné la SA Seder, locataire-gérante de la SA Radiohm, alors en règlement judiciaire, à payer à cette dernière la somme de 97 732,15 F, correspondant à des prélèvements effectués sur stocks de carton et matières consommables, a débouté les parties respectivement de leurs autres demandes, tendant, pour la première, à obtenir payement de pièces détachées, d'encours de fabrication, de produits finis, ainsi que diverses factures de gaz et de fuel, se montant à 1 117 528,26 F outre 200 000 F de dommages-intérêts et 10 000 F de frais de justice, pour la seconde, à obtenir le payement d'un complément de redevance, avec divers remboursements : impôt foncier, créances nanties, primes d'assurances, congés payés et 13e mois réglés aux employés repris de même que 300 000 F de dommages-intérêts.

La SA Seder a interjeté appel et a dû assigner la SA Radiohm par acte d'huissier du 28 août 1990 ;

Elle proteste du juste fondement de sa demande nonobstant l'absence de clause écrite, prévoyant son dégrèvement, alors que la commune intention des parties était en ce sens, et qu'un contrat suivi d'un inventaire dressé les 21 juin et 29 juillet 1989, déterminait la quantité et la nature des matières premières et produits semi-ouvrés dont le coût pouvait être estimé à l'aide des factures d'achat, augmenté du prix de la main d'œuvre soit 2,5 centimes par pièce fabriquée ;

Elle relève sa demande de dommages-intérêts à 500 000 F et requiert 1 500 F de frais de justice ;

Enfin, arguant de l'appartenance de la société Radiohm à un groupe économique et social incluant la tierce société Tunirama, elle en déduit que la dette de celle-ci à son égard doit être mise au compte de la SA Radiohm par obligation solidaire, et sollicite ainsi le règlement de la somme de 3 030 872,09 F.

Elle conclut au débouté des prétentions adverses en raison, à la fois, d'une inexécution du contrat et du fait que certaines réclamations contestées dans leur montant, imposaient une vérification comptable laquelle déboucherait, en toute hypothèse, sur une compensation.

Elle réclame, outre la somme précitée, le plein de sa demande initiale ;

L'intimée observe que la SA Seder a été déclarée en liquidation judiciaire avec Me Di Martino pour mandataire liquidateur ;

Elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la SA Seder, et forme appel incident, pour ce qui la concerne, requérant l'adjudication de la totalité de sa demande, soit 1 146 157,32 F, majorés des intérêts légaux à compter du 16 novembre 1988,

La SA Radiohm réitère que le contrat de location-gérance ne prévoit pas la reprise des matières premières et pièces détachées et ne saurait donner lieu à une interprétation ayant été rédigé clairement, en toute connaissance de cause, par des professionnels avisés ;

Elle ajoute que la redevance comportait une part fixe et une part variable, les deux se cumulant, et que les premiers juges avaient à tort retenu la seule part fixe dont l'extrême modicité du montant montrait par elle-même que telle n'avait pu être la commune intention des parties ;

Elle note encore que le principe des remboursements réclamés résultait des dispositions du contrat lui-même et que certains au demeurant, avaient été reconnus dus par la SA Seder, ce que la décision déférée avait négligé ;

Elle souligne encore que cette dernière ne saurait tenter de recouvrer contre elle une dette incombant à une société tierce, Tunirama, laquelle, dotée d'une personne morale distincte de la sienne, doit seule en répondre ;

Elle requiert donc la fixation de sa créance à la somme d'une compensation à due concurrence, et ne reprend pas ces précédentes écritures banales du 12 octobre 1990, qui concluaient à un règlement de frais de justice évalué à 10 000 F.

Le mandataire liquidateur Di Martino, intervenu à l'instance, reprend, de plus fort, les prétentions de la SA Seder ; il proteste de la mauvaise foi adverse, soulignant que la SA Radiohm avait, en son temps, formulé une proposition écrite de reprise et de valorisation du stock, tandis qu'un inventaire contradictoire et de valorisation avait été effectué ;

Il rappelle que l'usage d'une reprise imposée au bailleur en fin de location-gérance est constant et qu'il se justifie d'autant, en l'espèce, qu'à l'origine de ladite location la SA Seder avait été contrainte d'acquérir le stock de produits semi-ouvrés et de matières premières, toutes marchandises particulièrement spécifiques ;

Il affirme d'autre part qu'il y a situation de groupe et confusion des patrimoines entre la SA Radiohm et la société Tunirama au nom de laquelle la SA Radiohm agissait le plus souvent ;

Enfin, il dénie formellement toute pertinence à l'appel incident en l'absence persistante de toute preuve rapportée ;

Sur quoi :

Quant à la demande de la SA Seder représentée par Me Di Martino :

Considérant qu'il est de fait, en matière de location-gérance, que la reprise du stock s'impose au bailleur même s'il n'y a pas de stipulation expresse dans le contrat, du moment que cette reprise n'est pas écartée; que cet usage supplétif de la volonté des partiesse trouve conforté par une juste déduction du parallélisme des formes ; qu'en effet le contrat de location-gérance, souscrit le 29 juin 1984 disposait en son article 9 : " les stocks détenus par le bailleur dont un inventaire sera dressé contradictoirement entre les parties seront pris en dépôt par le locataire-gérant. Au fur et à mesure de leur consommation et sur le relevé mensuel, ils seront réglés par billets à ordre à 120 jours d'échéances ; leur prix sera fixé dans les conditions suivantes : - stock matière première encours : 80 % de la valorisation effectuée à l'inventaire, - stock produits finis : 60 % du prix de vente du locataire-gérant à la clientèle. "

Qu'il doit d'autant plus en être ainsi que le contrat, éminemment précaire, devait prendre fin en tout état de cause, soit 3 mois après l'homologation du concordat, soit un mois après le prononcé du jugement en cas de conversion en liquidation de biens, et que la situation de l'espèce a été une homologation du concordat, rendant la SA Radiohm " in bonis " ;

Considérant que les sommes dues à ce titre s'élèvent à 1 087 528,26 F, qu'il convient d'y joindre des factures de gaz, fuel et pièces détachées pour 30 000 F, ce qui porte la créance de la SA Seder à un montant total de 1 117 528,26 F ; qu'une mise en demeure restée vaine a été adressée le 1er septembre 1988, selon LRAR ;

Considérant que ce montant, qui est justifié en son principe et son quantum, ne s'avère donc pas sérieusement contestable, et doit être admis ;

Considérant que la Seder réclame une somme supplémentaire de 3 030 872,09 F due par la société Tunirama, membre du même groupe que la SA Radiohm ;

Qu'il doit être relevé à cet égard que la demande jamais présentée en première instance est nouvelle ; que ladite société, même filiale à 100 % de la SA Radiohm, a une personnalité morale distincte, en tant que SARL domiciliée à Tunis ; qu'elle n'est pas dans la cause et qu'aucune démonstration suffisante n'est faite permettant de tenir la SA Radiohm pour débitrice en ses lieu et place ; que notamment, il n'est pas caractérisé que la SA Radiohm ait laissé croire qu'elle participait activement aux activités de sa filiale dont l'absence d'autonomie serait ainsi soulignée ;

Qu'il suit que la réclamation sera écartée ;

Quant à la demande de la SA Radiohm :

Considérant que la SA Seder est redevable, de par les clauses expresses du contrat de location-gérance jointes, du défaut de tout rapport de preuve de ce qu'elle s'en est acquittée, des divers postes de créances suivants : remboursement des échéances du matériel nanti et congés payés, outre 13è mois du personnel repris (articles 7-10-11) en TTC : 1 108 933,41 F (850 603,71 F + 158 329,70 F), des primes d'assurances 95 958,07 et 31 140,46 F, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères : 12 825,90 F (articles 2 et 5), du prélèvement sur stock (article 9) : 64 994,18 F ;

Considérant pour ce qui est de la redevance, que le texte du contrat s'énonce ainsi : article 3 " la présente location-gérance est consentie et acceptée moyennant le payement d'une redevance égale à 0,5 % du chiffre d'affaires annuel HT, réalisé au moyen de l'exploitation des fonds objet des présentes, avec un minimum garanti annuel de 120 000 F HT...La redevance fixe sera payable mensuellement et à terme échu, la redevance proportionnelle sera payable au plus tard 45 jours après chaque trimestre civil... " alors que la proposition avant contrat faite par la SA Seder précisait : " Nous offrons une redevance se composant : - d'une part fixe s'élevant à 120 000 F annuelle payable mensuellement à terme échu, - d'une partie proportionnelle égale à 0,5 % du chiffre d'affaires annuel HT, payable trimestriellement à terme échu. "

Considérant que le contrat contient une ambiguïté sur le sens à donner au terme " avec " lequel, selon la thèse de la SA Radiohm voudrait dire " en plus " ou " en outre ", ainsi que sur la portée de la mention " minimum garanti ", laquelle conférerait alors à la stipulation une restriction s'apparentant à un plafond ;

Considérant que la raison commande de se rallier à la thèse de la SA Radiohm puisque telle était la volonté première de la SA Seder, et que celle-ci ne montre pas quels éléments du contrat auraient pu modifier, dans le sens de la réduction, l'équilibre économique de celui-ci ;

Que dans ces conditions il y a bien lieu à une redevance cumulée, partie fixe et partie proportionnelle, que son montant s'élève à 194 054,62 F TTC ;

Considérant, en revanche, que la taxe foncière qui n'est pas spécifiée à la charge de la SA Seder, doit, en vertu d'une pratique constante, être imputée au bailleur, la SA Radiohm ; que cette dernière la conservera donc à son compte à concurrence des sommes de 68 935,06 F et 34 337,76 F ;

Qu'il suit que la créance de la SA Radiohm contre la SA Seder s'élève à la somme de 1 440 046,41 F TTC, outre celle non contestée allouée en première instance de 97 932 F TTC ;

Quant à la compensation :

Considérant que les créances réciproques dérivent de l'exécution d'un même contrat ; qu'il existe donc une connexité entre elles autorisant le prononcé de la compensation en vertu des dispositions relatives des articles 1291 et 1298 du Code civil ;

Quant au dommages-intérêts et frais de justice (article 700 du NCPC) :

Considérant que la situation de torts partagés des parties exclut toute allocation à ces titres ;

Par ces motifs : Reçoit l'intervention de Me Di Martino, mandataire liquidateur de la SA Seder, la dit bien fondée, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SA Radiohm du chef de sa créance portant sur la récupération de la taxe foncière, et, a déclaré la SA Seder redevable à la SA Radiohm de 97 932,15 F HT ; Infirme pour le surplus, et statuant à nouveau, Dit la SA Radiohm débitrice à l'égard de la SA Seder, représentée par Me Di Martino, mandataire liquidateur, de la somme de 1 117 528,26 F, Dit la SA Seder, ci-devant représentée, débitrice à l'égard de la SA Radiohm de la somme de 1 440 046,41 F TTC, outre celle de 97 932,15 F ; Ordonne la compensation de ses sommes à due concurrence ; Fixe le solde ainsi dû par la SA Seder à la somme de 322 518,15 F (outre celle de 97 932,15 F) ; Rejette pour le reste ; Fait masse des dépens qui seront supportés à parts égales par chacune des parties ; Admet, en tant que de besoin, les avoués de la cause au bénéfice de l'article 699 du NCPC.