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Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 11 juin 1992, n° 91-2309

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Stock Literie France (SARL), Arfopierre (SNC)

Défendeur :

Clémie (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Couderette

Conseillers :

Mme Cabat, M. Pluyette

Avoués :

SCP Roblin Chaix de Lavarenne, SCP Garrabos Alizard

Avocats :

Mes Richard, Deprez.

T. com. Paris, 18e ch., sect. A, du 16 n…

16 novembre 1990

LA COUR statue sur l'appel principal formé par les sociétés Stock Literie France et Arfopierre et sur l'appel incident formé par la société Clémie d'un jugement du Tribunal de Commerce de Paris (18e chambre) rendu le 16 novembre 1990, lequel, après s'être référé à son précédent jugement, du 27 avril 1990, a :

" Constaté la nullité pour dol du contrat de bail dit en tant que de besoin que la société Arfopierre l'a résilié abusivement.

Annulé le contrat de franchise pour absence de cause et en tant que de besoin, dit que la Société Stock Literie l'a résilié abusivement.

Condamné la société Arfopierre à rembourser les loyers indûment perçus, réellement payés par la société Clémie et ce, compte tenu des éventuels remboursements de loyers par la Compagnie d'Assurances.

Condamné la société Stock Literie à rembourser le montant des redevances de publicité et de franchises perçues.

Condamné solidairement les défenderesses à payer à la société Clémie cent mille francs en réparation du préjudice et débouté du surplus de ce chef de demande, et neuf mille francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et débouté du surplus de ce chef.

Dit et jugé toutes autres demandes, conclusions et fins des parties inutiles, inopérantes ou mal fondées et les en a déboutées respectivement.

A ordonné l'exécution provisoire à charge par la société Clémie de fournir une caution bancaire égale au montant de la condamnation ci-dessus prononcée.

A condamné les défenderesses aux dépens.

Les sociétés appelantes demandent l'infirmation de ce jugement en soutenant que les contrats de bail et de franchise ont été valablement résiliés ; elles sollicitent la condamnation de la société Clémie à leur payer la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 20 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Dans ses écritures signifiées le 2 mars 1992, la Société Clémie conclut à la confirmation du jugement déféré et demande la somme de 100 000 F pour procédure abusive et celle de 25 000 F au titre des frais irrépétibles ; ayant omis de faire figurer au dispositif de ses conclusions cette demande de condamnation de 100 000 F, simple erreur matérielle, la société Clémie a formulé à nouveau cette demande le 2 avril 1992 en sollicitant le rabat de l'ordonnance de clôture intervenue le 12 mars 1992.

Sur ce, LA COUR

Considérant que la société Clémie ne justifie pas d'une cause grave depuis le 12 mars 1992, au sens de l'article 784 du Nouveau Code de Procédure civile ; que sa demande de révocation de l'Ordonnance de clôture doit donc être rejetée ;

Considérant que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions d'appel ;

Considérant que la société Clémie, représentée par Philippe Godet, a signé le Premier Juillet 1987 un contrat de franchise avec la Société " Stock Literie France " représentée par son gérant, Jacques Bonnetot ; que pour l'exploitation de son contrat, la Société Clémie s'est vue consentie, par acte du 16 septembre 1987, un bail commercial conformément aux dispositions du décret du 30 septembre 1953, sur un local commercial sis à Reze, près de Nantes ; qu'à cet acte, son bailleur était dénommé en la personne de " la Société en nom collectif " Arfopierre " sise à Paris 8ème, 18 avenue des Champs-Elysées, société en cours d'immatriculation représentée à la convention par la gérante du cabinet " Elimmo Gestion ", agissant comme mandataire ;

Qu'en fait, la Société en Nom Collectif " Arfopierre " est constituée de Jacques Bonnetot, gérant statutaire principal porteur de parts et de René Bonnetot, ainsi que le démontrent les statuts signés le 16 juillet 1987 ; que cette société n'est pas propriétaire des locaux loués à la Société Clémie, mais seulement locataire d'une société Axamur en exécution d'un contrat de crédit-bail immobilier signé le 29 juillet 1987 ;

Considérant qu'en suite d'un incendie du magasin de la société Clémie survenu le 18 septembre 1988, par lettre du 2 décembre 1988, la Société Stock Literie France, se prévalant de cet événement et des clauses contractuelles, a résilié le contrat de franchise et a proposé un nouveau contrat à des conditions beaucoup plus rigoureuses pour le franchisé ;

Considérant que n'ayant pas accepté ce contrat et ayant appris la véritable situation de fait, et ce d'autant plus que, Jacques Bonnetot a repris l'exploitation du magasin de Reze par l'intermédiaire d'une société SDMO, la société Clémie a saisi le Tribunal de Commerce de Paris pour demander le remboursement des loyers versés et des redevances de franchise ainsi que la réparation de son préjudice du fait de la perte de sa clientèle, laquelle a été reprise par la société exploitant le fonds ;

Considérant que le jugement déféré a considéré :

- que le contrat de franchise était nul pour absence de cause, " car les éléments caractéristiques du contrat de franchise, à savoir la communication d'un savoir-faire original et expérimenté à la conclusion du contrat, puis lors de son exécution, l'assistance technique et commerciale préalable et la collaboration avec les franchisés font défaut "

que le contrat de bail du 16 septembre 1987 passé avec la Société en Nom Collectif Arfopierre avait été résilié abusivement alors que le crédit-bail était maintenu à son profit, et que ce contrat était nul pour dol ce qui entraînait l'obligation pour Arfopierre de rembourser les loyers ;

- que le préjudice subi par la Société Clémie s'élevait à la somme de 100 000 F ;

Considérant sur la validité du contrat de franchise, que la Société Stock Literie fait valoir que l'existence de cette convention est établie par un " savoir-faire " avant et après l'ouverture d'un magasin, notamment, en ce qui concerne le choix de l'implantation, l'étude du marché et l'assistance technique personnalisée pour faciliter la création et le développement du franchisé, par une aide à la gestion comptable et commerciale, par la publicité, par des conseils et des séances de formation ;

Qu'à l'appui de ces affirmations, la Société Stock Literie produit en preuve des circulaires adressées aux franchisés de 1986 à 1988 concernant soit des opérations ponctuelles de publicité, des informations relatives aux produits diffusés et aux conditions de vente, soit des réunions périodiques de formation organisées avec notamment la participation de fournisseurs ; qu'elle fait état de même de publicités nationales à la télévision sans qu'il soit prouvé qu'elles aient été effectivement réalisées ;

Mais considérant qu'il n'est apporté aucune preuve pertinente du contenu précis de l'assistance technique personnalisée apportée par le franchiseur lors de l'opération d'implantation du franchisé ni de celle qui lui est donnée pour participer à sa formation et au développement de son activité ;

Que même si la Société Stock Literie a fourni à ses cocontractantes une certaine assistance et des facilités commerciales diverses, cette société ne prouve pas, comme l'ont relevé les Premiers Juges par des motifs pertinents que la Cour fait siens, qu'elle leur a communiqué un savoir-faire original, secret, spécifique et exprérimenté dans le domaine de la commercialisation de la literie, ainsi qu'une assistance technique et commerciale réelle, ce qui correspond aux éléments caractéristiques indispensables pour la validité d'un contrat de franchise ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré nul le contrat du 1er juillet 1987 et condamné la Société Stock Literie à rembourser à la Société Clémie les redevances perçues ;

Considérant, sur la demande de dommages-intérêts formée par la société Stock Literie contre la Société Clémie, que celle-ci ne peut pas contester avoir bénéficié pendant plus d'un an, de l'activité et de l'aide de la Société Stock Literie notamment par l'utilisation de son enseigne et par quelques opérations de publicité ; qu'il convient en conséquence de condamner la Société Clémie à payer à la Société Stock Literie la somme de 100 000 F au titre de dommages-intérêts sollicités ;

Considérant que par des motifs pertinents que la Cour adopte, le contrat de bail du 16 septembre 1987 doit également être déclaré nul tant pour les manœuvres dolosives exercées par la Société en Nom Collectif Arfopierre en la personne de son gérant, Jacques Bonnetot, animateur de fait de l'ensemble de l'opération, que pour l'erreur substantielle commise par la Société Clémie qui a cru contracter un bail commercial avec tous ses avantages ; qu'il convient seulement de relever que, contrairement à leurs allégations, les sociétés appelantes ne prouvent pas que la Société Clémie avait connaissance de la confusion des personnes agissant pour le compte des sociétés en cause alors qu'en réalité Jacques Bonnetot en était le seul responsable ;

Considérant qu'en revanche, la Société Clémie ne peut pas contester avoir bénéficié, pendant la durée du bail, de la jouissance des lieux pour l'exercice de son commerce ; qu'en conséquence, le montant des loyers payés se compensant avec la valeur de cette jouissance, la Société Arfopierre ne doit pas être condamnée à en rembourser le montant à la Société Clémie ;

Considérant que, le Tribunal ayant fait une juste appréciation du préjudice subi par la Société Clémie par des motifs pertinents, la condamnation des sociétés appelantes à lui payer la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts doit être confirmée ; qu'il y a lieu de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et d'allouer à la Société Clémie la somme de 10 000 F pour les procédures de première Instance et d'appel confondues ; qu'en revanche, la Société Clémie ne justifie pas d'un abus de droit dans l'exercice par son adversaire de son appel devant la Cour ; que sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive doit donc être rejetée ;

Par ces motifs : LA COUR, Adoptant les motifs non contraires des Premiers Juges, - Rejette la demande de révocation de l'Ordonnance de clôture ; - Réformant le jugement déféré ; - Déclaré nul le contrat de franchise conclu le Premier Juillet 1987 ; - En conséquence, condamne la Société Stock Literie à rembourser à la Société Clémie le montant des redevances perçues ; - Dit que la Société Arfopierre ne doit pas être condamnée à restituer le montant des loyers perçus en exécution du contrat de bail du 16 Septembre 1987 dont la nullité est confirmée ; - Condamne la Société Clémie à payer à la société Stock Literie la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts ; - Confirme le jugement pour le surplus, - Rejette la demande de la Société Clémie de dommages-intérêts pour procédure abusive ; - Condamne les Sociétés appelantes à payer à la Société Clémie la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour les procédures de Première Instance et d'appel confondues ; - Les condamne en outre aux dépens de Première Instance et d'appel et pour ces derniers autorise la SCP Roblin, Avoués, à poursuivre le recouvrement de ceux qu'elles a exposés selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.