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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 18 juin 1992, n° 90-4626

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Morvan (Époux), Segui (ès qual.), Boucherie du Palais (SARL)

Défendeur :

Franchiviandes (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Serre

Conseillers :

Mme Garnier, M. Bouche

Avoués :

SCP Narrat Peytavi, SCP d'Auriac Guizard

Avocats :

Mes Quibel, Claoues.

T. com. Paris, 17e ch., du 29 nov. 1989

29 novembre 1989

Monsieur Joël Morvan, Madame Jacqueline Guillard épouse Morvan et la société à responsabilité limitée Boucherie du Palais ont interjeté appel d'un jugement rendu le 29 novembre 1989 par le Tribunal de Commerce de Paris qui :

- a déclaré valides les conventions conclues le 17 mars et le 3 septembre 1987 par Monsieur Morvan, le 27 novembre 1987 par la société Boucherie du Palais avec la société anonyme Franchiviandes,

- a dit que la société Franchiviandes les avaient rompues abusivement le 1er juin 1988, sans que ce fait eût été préjudiciable à ses cocontractants,

- a donné acte à la société Franchiviandes de ce qu'elle ne réclamait rien au titre des redevances afférentes au fonds de commerce, exploité par Monsieur Morvan à la Celle Saint-Cloud,

- a nommé en qualité d'expert, Monsieur Didier Cardan, avec mission :

* de déterminer le montant des redevances contractuelles dues à la société Franchiviandes par Monsieur Morvan sur le fonds de commerce sis 61 rue Saint Antoine Paris IV, et par la société Boucherie du Palais,

* de faire les comptes entre les parties.

Par contrat intitulé " concession de franchise commerciale ", conclu le 17 mars 1987 pour une durée de 3 mois renouvelable tacitement par périodes annuelles, sauf dénonciation, la société Franchiviandes a concédé à Monsieur Morvan, propriétaire d'un fonds de commerce sis 61 rue Saint Antoine à Paris IV, le droit exclusif d'exercer sous la marque " Boucherie Roger " dont elle est titulaire, son commerce de boucherie, charcuterie et activités annexes.

Des contrats similaires d'une durée d'un an renouvelable tacitement par périodes annuelles ont été conclus,

- le 3 septembre 1987 avec Monsieur Morvan exploitant un fonds situé Centre Commercial Elysées II à la Celle Saint-Cloud,

- le 27 novembre 1987, avec la société Boucherie du Palais, sis à Créteil, représentée par sa gérante, Madame Morvan.

La banque Gravereau s'est portée caution solidaire des engagements souscrits par Monsieur Morvan.

Monsieur et Madame Morvan sont intervenus à titre personnel au contrat signé le 27 novembre 1987 par la société Boucherie du Palais et se sont portés cautions solidaires des obligations de cette société à hauteur de 100 000 F.

Les trois contrats, rédigés en des termes identiques, définissaient les droits et obligations de chacune des parties.

Ils stipulaient notamment :

- que la société Franchiviandes s'engageait à assurer un certain nombre de prestations commerciales et techniques, ainsi que l'ensemble des achats en qualité de mandataire du concessionnaire,

- que celui-ci ne pouvait prétendre à une participation de la société concédante aux frais et dépenses de son commerce dont il conservait seul les risques et avantages,

Qu'ils s'engageait à régler les fournisseurs auprès desquels la société Franchiviandes passait commande pour son compte, dans un délai de 15 jours à compter de la livraison.

En contrepartie des avantages procurés par le concédant, le franchisé devait verser à celui-ci une redevance fixée comme suit :

* 1,2 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé,

* 0,60 F par kilogramme de marchandises ou produits vendus.

Les appelants exposent :

- que les prévisions optimistes de la société Franchiviandes ne se sont pas vérifiées et qu'au contraire, les trois fonds de commerce, accablés de charges, limités par une politique des prix et par un système commercial rigides, ont accusé des difficultés financières et des résultats négatifs ;

- qu'au début de l'année 1988, ils ont verbalement, puis par divers courriers et notamment par lettre recommandée du 11 mars 1988, attiré l'attention du concédant sur cette situation et sollicité, mais en vain, un assouplissement du système,

- que le 1er juin 1988, la société Franchiviandes a " rompu " de faits les contrats de franchise en dénonçant ses obligations à l'égard de la société Meca-Rungis, société gestionnaire des grossistes en produits carnés... ce qui a eu pour effet immédiat de suspendre tout approvisionnement normal du fonds ".

- que le jour même, par télégramme, ils ont protesté " contre cette mesure constitutive d'une rupture brutale des conventions " ;

La société Franchiviandes précise :

- que le début Mars 1988, Monsieur Morvan a reconnu ne pas respecter le délai de règlement des fournisseurs contractuellement prévu,

- qu'un contrôle de comptabilité a révélé un arriéré de plus de 8 semaines.

Le 3 juin 1988, la société Franchiviandes a mis en demeure les franchisés de régulariser la situation.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 juin 1988, elle a résilié les trois contrats avec effet au 18 juin 1988,

Par acte du 18 décembre 1988, Monsieur Morvan et la société Boucherie du Palais ont assigné la société Franchiviandes à l'effet :

- de voir prononcer la nullité des contrats de franchise et de requalifier les relations entre parties en constatant la gestion conjointe des fonds,

- subsidiairement de faire constater l'ingérence de la société Franchiviandes dans la gestion des trois fonds,

- d'obtenir, sous réserver d'un rétablissement des comptes, la condamnation du franchiseur au paiement de dommages intérêts.

La société Franchiviandes a prié le Tribunal :

- de débouter la société Boucherie du Palais de leurs demandes,

- de lui donner acte de ce qu'elle ne réclamait rien au titre des redevances afférentes au fonds de commerce de la Celle Saint-Cloud,

- de condamner Monsieur Morvan à lui verser la somme de 94 355,62 F représentant le montant des redevances dues au titre du fonds exploité à Paris IV ;

- de condamner solidairement la société Boucherie du Palais et les époux Morvan pris en leur qualité de caution à lui payer la somme de 85 222,41 F, représentant le solde des redevances dues pour le fonds de Créteil.

C'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement déféré à la Cour.

Le 7 juin 1990 le Tribunal de Commerce de Créteil a prononcé le redressement judiciaire, puis la liquidation judiciaire de la société Boucherie du Palais, et a désigné Maître Segui en qualité de mandataire liquidateur.

La société Franchiviandes a régulièrement déclaré sa créance pour un montant de 101 108,22 F.

Les époux Morvan et Maître Segui es qualités appelants, demandent à la Cour :

- de donner acte à Maître Segui de son intervention,

- d'infirmer le jugement entrepris à l'exception de la mesure d'instruction déjà ordonnée pour faire les comptes entre les parties,

- sur la nullité :

* de prononcer la nullité des contrats de franchise pour dol et subsidiairement pour erreur,

* subsidiairement de constater que les contrats cadres et les contrats ultérieurs de vente sont nuls pour indétermination du prix conformément aux dispositions des articles 1129 et 1591 du code civil,

* très subsidiairement, pour les mêmes motifs, de prononcer la caducité des contrats,

* de requalifier les rapports ayant existé entre les parties,

* de constater l'immixtion de la société Franchiviandes dans la gestion des fonds et d'ordonner que les comptes de résultat desdits fonds seront repris à dire d'expert,

* de dire que la société Franchiviandes porte une responsabilité partagée dans la liquidation judiciaire de la société Boucherie du Palais,

* de nommer un expert pour faire les comptes entre les partis,

- sur la résolution :

* de constater l'absence des obligations essentielles et spécifiques du contrat de franchise,

* de dire que la société Franchiviandes a placé les appelants dans une situation économique incompatible avec la nature des contrats,

* de prononcer la résolution desdits contrats,

- très subsidiairement de dire que la société Franchiviandes a commis " diverses fautes et imprévisions " dans l'exécution des contrats de franchise et dans leur rupture abusive,

- de condamner la société Franchiviandes à verser :

* aux époux Morvan, la somme de 1 000 000 F à titre de dommages intérêts et celle de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

* à Maître Segui es qualités ; 500 000 F à titre de dommages intérêts et 25 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- de débouter la société Franchiviandes de sa demande reconventionnelle,

- subsidiairement de commettre à nouveau Monsieur Cardon, expert, avec mission :

* pour le fonds de la Celle Saint-Cloud, de déterminer le montant des redevances et de faire les comptes entre " les parties "

* de faire les comptes entre " les époux Morvan et la société Franchiviandes " pour les deux fonds exploités à titre individuel.

La société Franchiviandes, intimée, prie la Cour

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré valides les conventions de concession,

- de débouter les appelants de leurs demandes en nullité ou en résolution des contrats et en condamnation à dommages intérêts,

- de condamner Monsieur Morvan à lui verser, en son nom personnel et en sa qualité de caution

* à titre principal : 257 254,74 F

* subsidiairement 132 567,27 F

- de fixer le montant de sa créance à l'égard de la société Boucherie du Palais à 77 894, 66 F et subsidiairement à 72 591,35 F,

- de condamner les consorts Morvan à lui verser 50 000 F de dommages intérêts,

- de condamner Monsieur Morvan et Maître Segui es qualités, à lui payer la somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les parties ont conclu au vu du rapport déposé le 21 décembre 1990 par Monsieur Cardon, expert,

Il y a lieu dès lors pour la Cour de faire application des dispositions de l'article 568 du nouveau code de procédure civile afin de donner à l'affaire une solution définitive.

I - SUR LA VALIDITE ET LA RUPTURE DES CONTRATS

Considérant qu'à l'appui de leur demande principale en nullité des contrats de franchise pour dol et pour erreur d'une part, de l'ensemble des conventions pour indétermination de la chose et du prix, d'autre part, de leur demande subsidiaire en caducité puis en résolution des contrats de franchise aux torts de la société Franchiviandes, les appelants font valoir que les contrats cadres ne comportaient aucun des éléments spécifiques et substantiels caractérisant la franchise, à savoir :

* l'expérience du franchiseur

* l'originalité du produit,

* une assistance technique et commerciale,

* la transmission d'un savoir-faire spécifique,

Qu'ils reprochent en outre à la société Franchiviandes :

- de leur avoir imposé à l'achat, des quotas et des prix, à la vente, des barèmes de prix impératifs,

- de s'être ingérée dans la gestion de leurs fonds de commerce,

- de les avoir maintenus dans un état de dépendance économique ;

Considérant que la société Franchiviandes réplique :

- qu'elle a satisfait à ses obligations en concédant aux franchisés une marque connue, et en leur fournissant une assistance technique, une formation et une dynamique commerciale,

- que Monsieur Morvan, conscient de l'intérêt de l'opération par lui réalisée, a demandé après six mois d'exécution du premier contrat, deux nouvelles franchises,

- que les contrats n'imposaient ni exclusivité de fournitures, ni quota,

- que les barèmes de prix par elle transmis aux franchisés étaient seulement indicatifs et justifiés par la nécessité de défendre l'image de la marque,

a) Sur la qualification du contrat

Considérant qu'aux termes des contrats, la société Franchiviandes devait " assurer pour le compte du concessionnaire et en qualité de mandataire un certain nombre de prestations commerciales et techniques ainsi que l'ensemble des achats,

Qu'elle s'est notamment engagée :

- à sélectionner les produits et à les livrer,

- à assurer par des conseils et avis, lors des opérations d'achats ou de publicité, la promotion de certains articles,

- à proposer des thèmes de décoration des boutiques et à donner des conseils en vue de la modernisation des magasins,

- à fournir au franchisé divers matériels et documents,

- à embaucher du personnel chargé par ses conseils et ses visites de faciliter la gestion commerciale des franchisés,

- à assurer la formation technique et commerciale des responsables et cadres du concessionnaire, et à organiser les réunions et stages nécessaires,

- à faire bénéficier le franchisé de la publicité générale faite par elle,

Que le franchisé s'est notamment engagé :

- à maintenir " le standing de la marque ",

- à ouvrir le magasin aux heures normales tous les jours ouvrables,

- à embaucher et disposer de personnel qualifié,

- à entretenir et moderniser régulièrement les locaux afin de maintenir l'image de la marque concédée,

- à respecter le graphisme, la forme et les couleurs de la marque tels que fixés par le concédant,

- à accepter les thèmes de décoration des vitrines ainsi que les thèmes de promotion demandés par la société concédante ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats :

- que la marque " Boucherie Roger " a été enregistrée à l'INPI le 19 mars 1974,

- que lors de la signature du contrat du 17 mars 1987, la société Franchiviandes avait 11 franchisés dont 9 dans le " groupe boucherie Roger " et 2 "hors groupe",

- que le franchiseur a mis à disposition des appelants du personnel et notamment un chef boucher,

- que les dirigeants des sociétés boucheries Gatinaises (franchisée depuis le 31 janvier 1984) et SEBA (sous franchise depuis le 31 janvier 1987), ont attesté le 5 août 1988, avoir bénéficié de l'assistance technique apportée par le personnel d'encadrement de la société Franchiviandes, être satisfaits des services rendus par celle-ci tant sur le plan administratif (publicité, achats de fourniture et de matériels) que sur celui de la sélection des produits ;

Considérant que les obligations prévues aux contrats ont pour but :

- de préserver la notoriété de la marque ainsi que l'identité et la réputation du réseau symbolisé par l'enseigne,

- d'apporter au franchisé une assistance technique et commerciale lui permettant de mettre en œuvre les méthodes élaborées... et testées par le franchiseur, soit directement, soit par l'intermédiaire de filiales et de franchisés, depuis de nombreuses années,

- de permettre à la clientèle de trouver des produits de qualité répondant à ses exigences et de bénéficier des conseils donnés par un personnel qualifié ;

Considérant que le contenu du savoir-faire, élément du contrat de franchise est fonction de la branche d'activité ou du produit, objet de la franchise,

Qu'en l'espèce, le savoir-faire de la société Franchiviandes, ainsi que cela résulte d'une note par elle produite, consiste :

- à exiger une certaine présentation des vitrines, correspondant à sa conception du commerce,

- à apporter une dynamique commerciale,

- à assurer par l'intermédiaire d'un personnel qualifié, la réception de la clientèle et la formation des bouchers afin de leur permettre de conseiller celle-ci dans le choix et la présentation des produits;

Considérant que l'absence d'originalité des produits alléguée par les appelants, au surplus connue d'eux, en leur qualité de professionnels de la boucherie, ne saurait être à elle seule une cause d'invalidité des contrats, dès lors qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne limite à certains produits ou à certaines catégories de services, l'objet des contrats de franchise;

Considérant en conséquence, que Monsieur Morvan et la société Boucherie du Palais ne sont pas fondés à contester la qualification des contrats par eux signés avec la société Franchiviandes ;

Sur les vices du consentement

Considérant que les appelants ne produisent aucun élément établissant que la société Franchiviandes a, lors de la conclusion des contrats, employé à leur encontre des manœuvres dolosives,

Qu'en leur qualité de commerçants avisés, professionnels de la Boucherie, Monsieur Morvan et la société Boucherie du Palais étaient à même d'apprécier le contenu et la valeur des obligations réciproques prévues dans les conventions,

Qu'au surplus, la Cour constate que Monsieur Morvan, n'a pas résilié à expiration de la période d'essai de trois mois, le contrat signé le 17 mars 1987, qu'il a conclu le 3 septembre 1987, un deuxième contrat de franchise, et a signé en qualité de caution, la convention conclue le 27 novembre 1987 par la société Boucherie du Palais dont son épouse était la gérante ;

Considérant en conséquence, qu'il convient de débouter les appelants de leur demande en nullité des contrats de franchise pour dol ou erreur sur la substance ;

Sur l'indétermination de la chose et du prix

Considérant que le Tribunal, par une analyse pertinente des faits et documents de la cause, a constaté que les conventions de franchise n'avaient pas pour objet la distribution des produits de la société Franchiviandes, mais consistait de la part de celle-ci à concéder l'usage de la marque dont elle était titulaire, moyennant redevances et diverses obligations réciproques ;

Considérant qu'aux termes de ces conventions, les appelants ont donné mandat à la société Franchiviandes d'acheter pour leur compte les produits nécessaires à l'exploitation de leur commerce ;

Considérant que Franchiviandes s'est adressée à des fournisseurs, tiers aux contrats de franchise et non appelés en la cause,

Que ceux-ci ont établi les factures à l'ordre des entreprises franchisées, qui à leur réception n'ont contesté ni leur bien fondé ni leur montant ;

Considérant en conséquence que Monsieur Morvan et la société Boucherie du Palais ne sauraient dans ces conditions, solliciter la nullité des différents contrats pour indétermination de la chose et du prix ;

d) Sur l'immixtion de la société Franchiviandes dans la gestion du fonds de commerce

Considérant que les appelants font valoir qu'ils ont perdu tous pouvoirs de décision et de gestion concernant :

- les charges générales des magasins (travaux, décoration, matériels),

- l'orientation commerciale (surpression à Créteil des activités annexes d'épicerie fine et de liquides) ;

- le personnel (le franchiseur imposant un chef boucher et du personnel intérimaire en surnombre) :

- l'approvisionnement, les livraisons et les stocks (excessifs),

- les prix d'achat et à la revente,

et ont pu péricliter leurs fonds de commerce ;

1) Sur les achats

Considérant qu'aux termes des contrats de franchise, Monsieur Morvan et la société Boucherie du Palais ont donné mandat à la société Franchiviandes de sélectionner les produits, de procéder aux achats en qualité et en quantité suffisantes pour leur permettre de satisfaire la demande de la clientèle ;

Considérant que les appelants ne justifient pas avoir contesté les quotas commandés, les livraisons et les prix directement facturés par les fournisseurs ;

Qu'en tout état de cause, il leur appartenait en leur qualité de commerçants avisés professionnels de cette branche d'activité de vérifier les commandes passées par le chef boucher de chacun des magasins, de procéder à réception des marchandises et des factures aux vérifications nécessaires et de transmettre si besoin était, à la société Franchiviandes et aux fournisseurs toutes contestations utiles ;

Sur les prix de revente

Considérant qu'il résulte des documents versés aux débats que la société Franchiviandes a transmis à ses franchisés un certain nombre de barèmes de prix manuscrits,

Mais considérant que les appelants ne rapportent pas la preuve du caractère impératif de ces tarifs ;

Que les sociétés La Gatinaise et SEBA ont attesté avoir eu toute liberté pour moduler dans leurs magasins les prix de vente par rapport aux listes de prix conseillés ;

3) Sur les autres griefs d'ingérence

Considérant qu'aux termes des contrats, les franchisés se sont engagés :

- à embaucher et à maintenir du personnel qualifié,

- à procéder à leurs frais, à l'entretien, à l'aménagement et à la modernisation des magasins et du matériel ;

Considérant que de telles obligations, tout comme celles afférentes à l'orientation commerciale des fonds sont inhérentes aux contrats de franchise ;

Que les appelants ne produisent aucun document établissant qu'ils se sont trouvés dans l'obligation de rémunérer du personnel en surnombre, imposé par la société Franchiviandes ;

Qu'il résulte des constatations effectuées par Monsieur Cardon, expert, que Monsieur Morvan a réglé au titre des délégations de personnel, 6 factures sur 8 émises, entre le 31 mars 1987 et le 31 décembre 1987 ;

Considérant en outre que le Tribunal, par une exacte appréciation des documents comptables produits, a relevé que, nonobstant les déficits non contestés dégagés par les fonds, le chiffre d'affaires

- du fond de commerce situé à Paris IV était passé de 2 121 000 F en 1986 (pas de concession) à 4 404 000 F en 1987 (concession de 9 mois) et à 6 273 000 F en 1988 ( concession de 5 mois)

- du fond de commerce sis à la Celle Saint-Cloud avait évolué comme suit :

* 1986 (pas de franchise) 1 042 000 F,

* 1987 (4 mois de franchise) 2 151 00 F

* 1988 (5 mois de franchise) 3 448 000 F ;

Que Monsieur Morvan n'est donc pas fondé à prétendre que la société franchiseur a fait péricliter ses fonds ;

Considérant en conséquence, que les appelants ne justifient pas d'une immixtion de la société Franchiviandes dans la gestion de leur commerce, ni du non respect par celle-ci d'une obligation essentielle des contrats ;

Qu'il convient de les débouter de leur demande en résolution et en caducité au demeurant non motivée ;

e) Sur la résiliation des contrats

Considérant qu'aux termes des conventions, il était stipulé qu'en cas d'inexécution d'une quelconque des clauses par le concessionnaire, le contrat serait de plein droit résilié 15 jours après envoi à celui-ci d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception rappelant cette clause et demeurée sans effet ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats :

- que le 10 mars 1988 la société Franchiviandes a adressé à Monsieur Morvan une lettre lui demandant de solder les paiements dus aux fournisseurs,

- que par courrier du 11 mars 1988, Monsieur Morvan a reconnu que les délais de paiement contractuellement fixés n'étaient pas respectés,

- que le 6 juin 1988, la société Mecarungis a confirmé à Monsieur Morvan que le 1er juin 1988 le responsable des boucheries Roger l'avait informé que dorénavant les achats effectués pour le compte des trois entreprises ne seraient plus assurés par ses acheteurs et lui a demandé compte tenu d'un précédent incident de paiement, de régler les achats au comptant,

- que par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 juin 1988, faisant suite à des mises en demeure adressées le 3 juin 1988 aux trois entreprises, conformément aux clauses contractuelles, la société Franchiviandes a résilié les trois conventions ;

Considérant que la société Franchiviandes, qui en sa qualité de mandataire avait l'obligation de procéder aux achats pour le compte des entreprises franchisées, a commis une faute en suspendant ceux-ci de sa seule initiative, en l'absence de révocation du mandat et de résiliation régulière des contrats ;

Que c'est donc à juste titre que le Tribunal a constaté la résiliation des contrats de franchise, aux torts de la société Franchiviandes,

Qu'il convient de confirmer la décision entreprise sur ce point, mais de l'infirmer en ce qui concerne le refus d'allocation de dommages intérêts ;

Considérant que la Cour dispose, compte tenu du non respect par chacune des parties, des obligations contractuelles lui incombant, des éléments nécessaires pour fixer comme suit les dommages intérêts à allouer aux appelants :

- Monsieur Morvan : 100 000 F,

- Maître Segui, es qualités : 50 000 F ;

Qu'il y a lieu en outre de débouter Madame Morvan gérante de la société Boucherie du Palais, en liquidation judiciaire qui ne justifie pas d'un préjudice personnel de sa demande en dommages intérêts.

II - SUR LES AUTRES DEMANDES DES APPELANTS

A) Sur la responsabilité de la société Franchiviandes dans la liquidation judiciaire de la société Boucherie du Palais

Considérant qu'il convient de rejeter ce chef de demande dès lors que la Cour, par les motifs précédemment exposés, a constaté l'absence d'immixtion de la société Franchiviandes dans la gestion du fonds de commerce exploité par la société Boucherie du Palais,

Qu'au surplus, il y a lieu de relever que la procédure collective a été ouverte le 7 juin 1990, soit deux ans après la rupture des relations contractuelles ;

B) Sur la demande d'expertise

Considérant que les appelants demandent à la Cour à titre subsidiaire de commettre Monsieur Cardon, expert, avec mission :

- de faire les comptes entre les époux Morvan et la société Franchiviandes pour les deux fonds exploités à titre individuel,

- de déterminer le montant des redevances et de faire les comptes entre les parties pour le fonds de la Celle Saint-Cloud,

Mais considérant que Monsieur Cardon a établi les comptes afférents à l'exploitation du fonds de commerce de Paris,

Que la société Franchiviandes, ne formule aucune demande à l'encontre de Monsieur Morvan, concernant le fonds exploité à la Celle Saint-Cloud,

Que les appelants ne produisent aucun élément laissant supposer que la société Franchiviandes a perçu les sommes indues au titre de l'exploitation de ce fonds de commerce ;

Considérant en conséquence qu'il convient de débouter les appelants de leur demande en complément d'expertise, cette mesure d'instruction n'ayant pas pour objet de pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ;

III - SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA SOCIETE FRANCHIVIANDES

Considérant que les appelants font valoir :

- que des factures de délégation de personnel ont été indûment mises à la charge des fonds sis à Paris et à Créteil,

- que les redevances de franchise ont été calculées sur le kilotage acheté au lieu de l'être sur le kilotage vendu,

- que l'expert, a retenu des abattements très indulgents, loin des usages de la profession ;

Considérant que la société Franchiviandes réplique :

- que la clause afférente au calcul de la redevance est conforme à la clause type de la plupart des contrats de franchise,

- que la redevance doit être calculée sur le kilotage acheté en vue de la revente ;

- qu'en cours d'exécution des contrats, Monsieur Morvan n'a contesté ni le principe, ni les modalités de calcul des redevances ;

a) Sur les redevances de franchise

Considérant que les conventions stipulent :

- au paragraphe " redevance " le présent contrat est consenti et accepté moyennant le versement d'une redevance " calculée comme suit :

* 1,2 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé par le concessionnaire,

* 0,60 % par kilogramme de marchandises ou de produits vendus,

Le chiffre d'affaires et le nombre de kilogramme pris en considération seront exclusivement ceux réalisés par l'exploitation du fonds "

- au paragraphe " modalités du paiement de la redevance :

le chiffre d'affaires réalisé par le concessionnaire ainsi que le poids des marchandises vendues par ce dernier, au cours de chaque mois, seront arrêtés en fin de mois " ;

Considérant qu'il s'ensuit que c'est à tort que la société Franchiviandes a pris comme base de calcul le Kilotage acheté, au lieu du kilotage vendu par le franchisé ;

Considérant que l'expert ;

- a examinée l'ensemble des factures de redevances émises par la société Franchiviandes,

- a établi, après examen des documents produits par les parties et vérifications auprès des services fiscaux, les pourcentages de pertes par " famille de viandes ",

- a alors constaté que le montant des redevances restant dues par les appelants s'établissait comme suit :

* Monsieur Morvan Paris IV (déduction faite des sommes versées par la banque Gravereau en sa qualité de cautions : 56 924,12 F

* Société Boucherie du Palais Créteil : 72 591,35 F ;

b) Sur la délégation de personnel

Considérant qu'il résulte des constatations faite par Monsieur Cardon expert ;

- que la société Franchiviandes a mis du personnel à disposition de Monsieur Morvan, pour l'exploitation du fonds situé à Paris, à compter du mois de mars 1987,

- que celui-ci a réglé plusieurs factures, mais laissé impayées celles émises le 15 septembre et 31 décembre 1987, pour des montants respectifs de 43 051,80 F et de 1 186 F,

- que le cahier de " produits non carnés " tenu par un membre du personnel de la boucherie a enregistré les demandes de délégations de personnel,

- qu'il existait un lien cohérent entre les mentions portées sur ce document et les facturations émises par la société Franchiviandes,

- que compte tenu des règlements effectués par la banque Gravereau en sa qualité de caution, il restait dû à la société Franchiviandes le solde de la facture émise le 15 septembre 1987, soit 3 051,80 F ;

Considérant que Monsieur Morvan n'est pas fondé, nonobstant l'absence de documents par lui signés à contester les demandes de délégation de personnel, dès lors que celles-ci ont été faites par l'un de ses préposés et qu'il lui appartenait en sa qualité d'exploitant du fonds de commerce de vérifier le bien fondé de ces demandes et des facturations subséquentes ;

Considérant, en conséquence qu'il convient ;

- de fixer la créance de la société Franchiviandes sur la société Boucherie du Palais à 72 591,35 F toutes taxes comprises en principal,

- de condamner Monsieur Morvan à payer au franchiseur les sommes suivantes en principal :

* en sa qualité d'exploitant du fond sis à Paris :

- 56 924,12 F à titre de redevances,

- 3 051,80 F au titre des délégations de personnel,

- en sa qualité de caution des engagements souscrits par la société Boucherie du Palais 72 591,35 F,

c) Sur la demande en dommages-intérêts

Considérant que la société Franchiviandes ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui réparé par l'allocation d'intérêts moratoires,

Qu'il convient de la débouter de sa demande en dommages-intérêts ;

IV - SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Considérant qu'il n'est pas contraire à l'équité de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont engagés,

Par ces motifs, Donne acte à Maître Segui, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Boucherie du Palais de son intervention ; Confirme le jugement entrepris ; Y ajoutant et évoquant, Condamne la société Franchiviandes à payer à Monsieur Joël Morvan la somme de 100 000 F et à Maître Segui es qualités, celle de 50 000 F à titre de dommages intérêts avec intérêts à compter de ce jour ; Fixe la créance de la société Franchiviandes sur la société Boucherie du Palais à la somme de 72 591,35 F toutes taxes comprises avec intérêts légaux à compter du 24 mai 1989 et ce jusqu'au prononcé de l'ouverture de la procédure collective ; Condamne Monsieur Morvan, tant en son nom personnel qu'en sa qualité de caution solidaire de la société Boucherie du Palais à payer à la société Franchiviandes la somme de 132 567 F 27 avec intérêts légaux à compter du 24 mai 1989 ; Déboute les époux Morvan, Maître Segui ès qualités et la société Franchiviandes du surplus de leurs demandes ; Fait masse des dépens de première instance (y compris les frais d'expertise) et d'appel ; Condamne les époux Morvan et Maître Segui es qualités d'une part, la société Franchiviandes d'autre part à en payer chacun la moitié, Admet la société civile professionnelle Narrat Peytavi, avoué, au bénéficie des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.