CA Besançon, 2e ch. com., 3 juillet 1992, n° 2155-91
BESANÇON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Toyota France (SA)
Défendeur :
Von Pistor (ès qual.), Entrepôts et Grand Garage Centre Automobile
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Rognon
Conseillers :
MM. Bougon, Gauthier
Avoués :
SCP Dumont Pauthier, SCP Leroux Meunier
Avocats :
Mes Korchia, Saiah.
LA COUR : - La société Entrepôts et Grand Garage Centre Automobile (le concessionnaire) et la société Toyota France (le concédant) sont liées par un contrat de concession exclusive.
La société concessionnaire a été déclarée en redressement puis en liquidation judiciaire.
Marlies Von Pistor, liquidateur judiciaire, a fait assigner le concédant devant le Tribunal de commerce de Belfort.
La société Toyota France, ayant soulevé l'incompétence de cette juridiction, a régulièrement formé contredit au jugement de celle-ci en date du 1er octobre 1991 retenant la compétence de la juridiction saisie par application de l'article 174 du décret 85-1388 du 27 décembre 1985.
Pour revendiquer la compétence du Tribunal de commerce de Paris, elle invoque la clause attributive de compétence expressément stipulée au contrat de concession et fait valoir que l'article 174 susvisé ne peut être appliqué que si le litige a une cause directe et immédiate avec le redressement ou la liquidation judiciaire.
Marlies Von Pistor, liquidateur judiciaire de la société concessionnaire, rétorque que son action est à titre principal une demande en comblement de passif fondée sur les articles 179 et suivants de la loi du 25 janvier 1985 et, subsidiairement, une action en responsabilité, voire une demande en dommages et intérêts par rupture abusive du contrat de concession, refus de vente et violation de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985. Elle considère ainsi que le Tribunal de commerce de Besançon est compétent en application tant de l'article 163 du décret du 27 décembre 1985 que de l'article 174 du même texte qui régissent les actions nées des opérations de la procédure collective, celles qui mettent en jeu les règles propres à cette procédure et, encore, les litiges sur lesquels elle exerce une influence juridique.
Elle soutient, encore, qu'en matière délictuelle ou quasi délictuelle, est compétente la juridiction du lieu où le dommage est subi et que la clause attributive de compétence n'est pas apparente.
Elle réclame enfin, pour ses frais de procédure, une indemnité de 5.000,00 F.
Sur quoi :
Attendu que si l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, il appartient au juge de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination qu'elles en auraient proposée ;
Attendu que les demandes principale et subsidiaire de la société concessionnaire sont essentiellement fondées, aux termes même de l'assignation et des écritures ultérieures, sur la rupture prétendue unilatérale et brutale du contrat de concession dont nul ne conteste que son exécution ait été poursuivie postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;
Attendu que l'administrateur judiciaire ne saurait ainsi se soustraire à l'application des clauses de ce contrat de concession dont celle portant attribution de compétence dont il serait vain de soutenir qu'elle n'a pas été spécifiée de façon très apparente ; qu'en effet, le contrat de concession comporte, sur douze pages, 14 articles bien individualisés et titrés en caractères gras, dont l'article 14, précédant immédiatement la signature de toutes les parties et la mention manuscrite lu et approuvé, intitulé " Attribution de compétence ", est ainsi rédigé " tous litiges relatifs au présent contrat et aux ventes de produits en résultant seront de la compétence exclusive du Tribunal de commerce de Paris ... " ;
Attendu que les dispositions de l'article 174 du décret du 27 décembre 1985, invoquées par le liquidateur et retenues par les premiers juges, doivent être strictement interprétées; qu'elles ne sauraient concerner une action liée à la rupture du contrat de concession dont le redressement puis la liquidation judiciaires ne sont que l'occasion et qui aurait pu se produire en dehors de ces procédures collectives;
Attendu que Maître Von Pistor, qui succombe, ne peut se prévaloir de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'elle supportera les frais afférents au contredit ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré, Vu les articles 82 à 88 du nouveau Code de procédure civile, Reçoit, en la forme, le contredit formé par la société anonyme Toyota France, Le Dit fondé, Infirme le jugement déféré et renvoie l'affaire au Tribunal de commerce de Paris compétent pour en connaître, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Met les frais du contredit à la charge de Maître Von Pistor en sa qualité de liquidateur de la société Entrepôts et Grande Garage Centre Automobile, Autorise la SCP Dumont Pauthier, avoués associés, à se prévaloir des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, Ledit arrêt a été prononcé à l'audience publique du trois juillet mil neuf centre quatre vingt douze et singé par Monsieur Rognon, Président de Chambre, ayant participé au délibéré et par le Greffier.