CA Paris, 1re ch. A, 22 septembre 1992, n° 91-18811
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Marie, Avron Sport (Sté)
Défendeur :
Athlete's Foot France & Cie (Sté), Marshall (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hannoun
Conseillers :
Melle Aubert, M. Guerin
Avoués :
Me Dampenon, SCP Fisselier Chiloux Boulay
Avocats :
Mes Duchazeaubenei, Volnay.
M. Jean Jacques Marie et la Société Avron Sports, dont il est le gérant, sont appelants du jugement rendu le 11 juin 1991 par le Tribunal de commerce de Paris dans le litige les opposant à la Société Athlete's Foot France et à la Société Marshall.
Référence étant faite au jugement déféré pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, il suffit de rappeler les éléments suivants :
Exploitant un commerce de vêtements de sport 72 Rue d'Avron à Paris 20°, la Société Avron Sports a transféré le siège de son activité au Centre commercial de la Ville du Bois (91620) à compter du 22 octobre 1985.
Le 30 septembre précédent, le gérant de cette société, M. Jean-Jacques Marie, a conclu un contrat de franchise avec la société Athlete's Foot France qui, par avenant du 25 juillet 1987, s'est substitué la Société Marshall.
Les redevances prévues au contrat n'ayant pas été réglées, les sociétés Athlete's Foot et Marshall ont à la suite d'une mise en demeure restée infructueuse, assigné M. Marie et la Société Avron en référé en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire et une ordonnance non frappée d'appel du 21 mars 1989 a fait droit à cette demande, en enjoignant aux défendeurs de cesser tout usage des signes caractéristiques de la franchise sous peine d'astreinte.
Puis le 5 mars 1990, elles ont réassigné leurs anciens franchisés devant le Tribunal de commerce de Paris en vue d'obtenir leur condamnation au paiement de factures non réglées, de redevances contractuellement dues et de dommages-intérêts pour résistance abusive ainsi que pour violation de la clause de non-concurrence.
Contestant la validité du contrat de franchise et reprochant aux demanderesses l'inexécution des obligations leur incombant, les défendeurs ont demandé reconventionnellement à titre de dommages-intérêts une somme de 300 000 F devant venir en compensation avec les redevances restant dues.
Par ailleurs invoquant la nullité de la clause de non-concurrence insérée au contrat, ils ont conclu au débouté de la demande formée à leur encontre à son sujet.
Constatant la validité du contrat de franchise conclu entre les parties et confirmant l'ordonnance du 21 mars 1989, le jugement déféré a condamné M. Marie et la Société Avron in solidum à payer d'une part la somme de 108 115 F 60 majorée des intérêts légaux à compter du 30 novembre 1988 à titre de redevances, d'autre part à la Société Marshall la somme de 1 289,60 F au titre de factures impayées avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 1988 ainsi que celle de 150 000 F à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non concurrence.
Il a en outre réitéré l'interdiction pour les ex-franchisés de faire usage des matériels et signes caractéristiques de la franchise et leur a enjoint d'en assurer la dépose et la restitution à la Société Marshall sous astreinte de 3000 F par jour de retard 15 jours après la notification du jugement et par infraction constatée.
Il a enfin alloué aux demanderesses une indemnité de 8000 F en application de l'article 700 du NCPC.
M. Marie et la société Avron Sport poursuivent la réformation de ce jugement en demandant :
- de déclarer irrecevables les demandes formées contre M. Marie à titre personnel,
- de prononcer l'annulation du contrat de franchise conclu le 30 septembre 1985 et complété par avenant du 25 juillet 1987,
- de constater l'inexécution des obligations incombant au franchiseur et de condamner en conséquence les sociétés Athlete's Foot et Marshall au paiement à titre de dommages-intérêts de la somme de 300 000 F devant venir en compensation avec les redevances dues par la société Avron,
- de déclarer nulle la clause de non-concurrence insérée au contrat et de débouter en conséquence les sociétés Athlete's Foot et Marshall de leur demande de dommages-intérêts formée de ce chef,
- de condamner enfin les intimées au paiement de la somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Répliquant à l'argumentation des appelants, les sociétés Marshall et Athlete's Foot concluent à la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté une partie de leurs prétentions, et demandent de condamner M. Marie et la Société Avron solidairement à leur payer en outre :
- la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts, pour résistance abusive,
- celle de 180 000 F correspondant au montant des redevances qui auraient dû être versées si le contrat était venu à son terme,
- et celle de 50 000 F au titre de leurs frais irrépétibles.
Elles demandent par ailleurs de liquider l'astreinte prononcée par les premiers juges et de porter son montant à 10 000 F par infraction constatée à compter du prononcé de l'arrêt.
Elles sollicitent enfin la publication du présent arrêt dans trois journaux de leur choix aux frais des appelants à concurrence de 15 000 F par insertion.
Sur ce, LA COUR,
Considérant que les intimées sollicitent le rejet des débats des conclusions signifiées par les appelants le jour de l'ordonnance de clôture en faisant valoir qu'elles n'ont pas été en mesure d'y répondre ;
Que cette demande se trouvant justifiée au regard des prescriptions de l'article 16 du NCPC. Il convient d'y faire droit et de déclarer irrecevables les conclusions signifiées par les appelants le 22 juin 1992 ;
- Sur la recevabilité de l'action engagée contre M. Marie :
Considérant que M. Marie fait tout d'abord grief au jugement entrepris de l'avoir condamné in solidum avec la Société Avron en soutenant qu'il n'avait été assigné qu'en sa qualité de gérant de cette société ;
Mais considérant qu'il ressort des termes de l'acte introductif d'instance qu'il a été personnellement assigné aux côtés de la Société Avron pour être condamné solidairement avec elle au paiement des sommes réclamées par les sociétés Athlete's Foot et Marshall ;
Considérant que l'appelant conclut en second lieu à l'irrecevabilité des demandes ainsi formées à son encontre, en soutenant que le contrat de franchise invoqué par les intimées ne concernait que la Société Avron ;
Mais considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que ce contrat a été signé à sa qualité de gérant de la Société Avron, avant même que cette société n'ait commencé l'exploitation du magasin franchisé ;
Que dès lors si du fait de cette exploitation, cette société se trouve également tenue des obligations souscrites par son gérant, celui-ci ne saurait pour autant se délier de ses propres engagements, dans la mesure où il est précisé au contrat que " son caractère intuitu personae en constitue une condition essentielle et déterminante " ;
Considérant que M. Marie étant ainsi personnellement tenu de respecter les engagements qu'il avait pris à l'égard des intimées, son premier moyen tendant à se décharger de toute responsabilité sur la société dont il était le gérant ne peut qu'être rejeté ;
- Sur la validité du contrat de franchise :
Considérant que les appelants contestent la validité du contrat invoqué par les intimés au soutien de leur action, en faisant valoir que la Société Athlete's Foot France, étant franchisée de la société américaine GSV (Général Sports Ventures) elle-même franchisée d'une autre société américaine AFMA (Athlete's Foot Marketing Associates), ne justifie d'aucun savoir-faire sur le marché français et que faute par elle d'avoir pu communiquer cet élément essentiel, le contrat de franchise par elle conclu doit être annulé pour défaut de cause ;
Mais considérant qu'il était expressément précisé au contrat litigieux qu'en plus du droit d'utiliser sa marque à titre d'enseigne, la Société Athlete's Foot communiquait son savoir-faire en fournissant au franchisé d'une part un ensemble de documents, appelé " Bible ", qui regroupait sur des fiches descriptives divers renseignements relatifs aux méthodes d'organisation et de gestion, d'autre part un ensemble, appelé " Panoplie ", qui était constitué des éléments signalétiques et fournitures administratives, et qu'elle lui procurait une assistance continue au moyen de bulletins de liaison, de réunions et de stages de formation ;
Qu'il est par ailleurs exposé que les méthodes initialement mises au point aux États-Unis ont été adaptées à la clientèle française depuis 1981 ;
Qu'enfin il ressort d'une attestation du Président de la Fédération Française de la Franchise que l'admission de la Société Athlete's Foot parmi les membres de cette Fédération n'a pu être acceptée qu'après enquête de ses franchisés notamment quant à l'existence du savoir-faire transmis ;
Considérant qu'il s'ensuit que M. Marie ne saurait prétendre, pour tenter de s'opposer à l'action engagée à son encontre, que le contrat par lui souscrit était dépourvu de cause et que sa demande d'annulation sera donc rejetée ;
- Sur l'exécution des obligations incombant au franchiseur :
Considérant que les appelants, faisant grief aux intimées de ne pas avoir respecté leurs obligations, sollicitent leur condamnation au paiement de la somme de 300 000 F à titre de dommages-intérêts ;
Qu'ils reprochent tout d'abord à la Société Athlete's Foot de s'être trompée dans son étude de marché en faisant état de chiffres d'affaires prévisionnels inexacts ;
Mais considérant que ces erreurs d'estimation ne revêtent aucun caractère fautif dès lors qu'elles ont été effectuées à une époque où le centre commercial, dans lequel est implanté le magasin franchisé, pouvait ouvrir le dimanche ;
Que par ailleurs elles n'ont causé aucun préjudice à la société Avron dont le chiffre d'affaires a régulièrement augmenté durant l'exécution du contrat ;
Considérant que M. Marie reproche en second lieu à la Société Athlete's Foot de ne pas avoir respecté les obligations d'information et de formation auxquelles elle était tenue à son égard ;
Mais considérant que ce grief ne saurait être retenu, dès lors qu'il ressort des pièces versées aux débats qu'il a été régulièrement tenu informé par l'envoi de bulletins et de circulaires et qu'il a été convié à plusieurs sessions de formation ;
Considérant enfin que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, les intimées justifient avoir organisé conformément aux dispositions contractuelles des conventions annuelles rassemblant les différents franchisés et exposé d'importantes dépenses de publicité pour la promotion de leur réseau ;
Considérant que dès lors les divers griefs ainsi invoqués par les appelants apparaissent dénués de tout fondement et que leur demande de dommages-intérêts, formée selon leurs propres conclusions pour compenser l'action en paiement engagée à leur encontre, sera également rejetée.
- Sur l'action en paiement :
Considérant que les appelants font grief au jugement déféré de les avoir condamnés au paiement de la somme de 1 289 F 64 majorée des intérêts légaux au 30 novembre 1988 en soutenant que les intimées ne rapporteraient pas la preuve de cette créance ;
Mais considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que le relevé de compte qui leur a été adressé le 30 novembre 1988 portait sur diverses factures de marchandises pour un montant total de 10 943 F 68 et qu'il n'a été réglé sur ce montant que la somme de 9 654 F 04 par chèque émis le 7 mars 1989 ;
Que dès lors la condamnation au paiement du solde se trouve ainsi justifiée ;
Considérant que les appelants ne contestant pas la condamnation au paiement à titre de redevances de la somme de 108 815 F 60 majorée des intérêts légaux à compter du 1er décembre 1988, il convient de la confirmer dès lors qu'elle se trouve justifiée par les pièces versées aux débats ;
Considérant que les intimées sollicitent une somme complémentaire de 180 000 F correspondant au montant des redevances qu'elles auraient dû percevoir jusqu'au 30 septembre 1990, date d'expiration du contrat de franchise conclu le 30 septembre 1985 ;
Mais considérant que l'ordonnance de référé du 21 mars 1989 ayant sur leur demande constaté l'acquisition de la clause résolutoire pour non paiement des redevances antérieurement dues, elles ne sauraient prétendre au paiement des redevances pour la période postérieure dès lors qu'elles ont elles-mêmes décidé de mettre fin au contrat à cette date ;
Considérant toutefois que la condamnation prononcée ne portant que sur les redevances échues au 31 octobre 1988, il convient de condamner M. Marie et la Société Avron in solidum à payer à la Société Marshall une somme étant arbitrée à titre de dommages-intérêts qu'à compter du présent arrêt ;
Considérant enfin que les intimées ne sauraient prétendre au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive, dès lors que le préjudice par elle subi du chef du retard intervenu dans le paiement des sommes réclamées les 30 novembre et 1er décembre 1988 se trouve réparé par les intérêts légaux courant à compter de ces dates conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil ;
- Sur la clause de non-concurrence :
Considérant que les appelants font grief au jugement déféré de les avoir condamnés au paiement de la somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts pour violation d'une clause de non-concurrence dont ils contestent la validité ;
Mais considérant que le franchiseur justifie d'un intérêt légitime à ce que son ancien franchisé ne lui fasse pas concurrence après avoir bénéficié de ses prestations et que le règlement 4087/88 de la Commission des Communautés Européennes du 30 novembre 1988 a admis la validité d'une telle clause en limitant toutefois la durée à une année après l'expiration du contrat et le champ d'application au seul territoire où la franchise a été exploitée;
Que dès lors, après avoir relevé que le franchiseur s'était conformé à ces prescriptions en limitant à un an et à la seule commune de " La Ville au Bois " la portée de la clause de non concurrence insérée au contrat, les premiers juges ont pu à juste titre en reconnaître la validité;
Considérant que les appelants ne contestent pas avoir poursuivi dans les mêmes locaux la même activité que celle qui faisait l'objet de la franchise au cours des douze mois consécutifs à la résiliation du contrat, la condamnation prononcée à leur encontre pour violation de la clause de non concurrence se trouve ainsi justifiée ;
Que toutefois, eu égard aux diverses circonstances de la cause, une somme de 120 000 F apparaît suffisante pour réparer le préjudice subi de ce chef par le franchiseur et qu'il convient de réduire à ce montant la condamnation déférée ;
- Sur les mesures d'interdiction et de publication :
Considérant qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a réitéré en tant que de besoin l'interdiction déjà notifiée aux franchisés par l'ordonnance de référé du 21 mars 1989 de continuer à faire usage des signes caractéristiques de la franchise ;
Que toutefois, M. Marie certifiant avoir procédé à leur retrait et les intimées ne produisant aucun constat tendant à établir que les prescriptions susvisées n'auraient pas été respectées, il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande de liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement déféré, au sujet de laquelle elles n'ont présenté aucun décompte susceptible d'être contradictoirement débattu, ni de majorer son montant ;
- Sur l'article 700 du NCPC :
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des intimées la totalité des frais irrépétibles par elles exposés à la suite de cet appel et qu'il convient de leur allouer une somme complémentaire de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Par ces motifs : Déclare irrecevables les conclusions signifiées par les appelants ; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant des condamnations pécuniaires prononcées pour violation de la clause de non-concurrence et pour non paiement des redevances ; Le réformant de ce chef et y ajoutant, Condamne M. Jean-Jacques Marie et la Société Avron Sports in solidum à payer à la Société Marshall : - la somme de 120 000 F à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence, - et celle de 50 000 F au titre des redevances dues entre le 31 octobre 1988 et le 21 mars 1989 ; Les condamne en outre in solidum à payer aux intimées une somme complémentaire de 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC ; Rejette toutes autres demandes des parties ; Condamne les appelants in solidum aux dépens dont le montant pourra être recouvré directement par la SCP Fisselier Chiloux Boulay titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.