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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 29 septembre 1992, n° 12436-91

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Vincent (SARL)

Défendeur :

VSL France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chavanac

Conseillers :

Mmes Briottet, Vigneron

Avoués :

SCP d'Auriac, Guizard, SCP Jobin

Avocats :

Mes Courteault, Anstett Garden.

T. com. Paris, 7e ch., du 5 mars 1991

5 mars 1991

LA COUR statue sur l'appel interjeté par la Société Vincent du jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 5 mars 1991, qui, après avoir reconnu sa compétence, a condamné cette société à payer à la société Société VSL France, la somme de 60.000 F HT ainsi que celles de 5.000 F au titre de l'article 700 du NCPC et a débouté les parties de leurs autres demande ;

Ensemble, sur l'appel incident formé par VSL France,

Par acte sous seing privé du 23 octobre 1987, la société VSL a concédé à la société Vincent, le droit d'exploiter en qualité de franchisé exclusif sur le territoire de la région Alsace, son procédé de réparation et de renforcement de structures à l'aide notamment des machines Torkret.

Conclu pour une durée de 5 ans, renouvelable par tacite reconduction, sauf dénonciation six mois avant l'arrivée du terme, ce contrat stipulait notamment à la charge du franchiseur la mise à disposition du franchisé de l'enseigne de la marque, le transfert du savoir-faire et du procédé VSL l'assistance avant et après le démarrage de l'activité par la fourniture des matériels, la formation du personnel ainsi que la promotion de la marque ; de son côté, le franchisé s'engageait, entre autres obligations, à payer un droit d'entrée de 65.000 F et une redevance de 3 % calculée sur le chiffre d'affaires avec un minimum de 3750 F par trimestre la première année et de 7.500 F, également par trimestre, les années suivantes.

Après avoir réglé les sommes minimales, dûes pour la première année, la société Vincent a sollicité la suspension du contrat pour l'année 1989, puis a résilié celui-ci le 22 décembre 1989.

Par acte du 3 avril 1990, la société VSL a fait assigner la société Vincent devant le Tribunal de Commerce de Paris en paiement des redevances minimales prévues jusqu'à la fin du contrat et en règlement de dommages intérêts.

Appelante du jugement rendu, la société Vincent conclut à son infirmation, au prononcé de la nullité du contrat pour vice du consentement, défaut de cause, indétermination de prix et d'objet ; à titre subsidiaire, elle demande le prononcé de la résiliation de la convention aux torts du franchiseur ; en tout état de cause, elle conclut à la condamnation de la société VSL à la restitution de la somme de 65.000 F, versée au titre des redevances avec les intérêts légaux à compter de la demande, au paiement de la somme de 375.000 F à titre de dommages-intérêts avec les intérêts légaux à compter du même jour, capitalisation des intérêts dûs pour une année entière et enfin, allocation d'une somme de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 NCPC.

La société VSL France, intimée, conclut à la confirmation de la décision entreprise sous réserve de voir porter à 120.000F la somme allouée en principal et de l'octroi d'une somme de 50.000 F à titre de dommages-intérêts pour urpture abusive de contrat ;

Elle sollicite enfin la condamnation de la société Vincent au paiement de la somme de 10.000 F en remboursement des frais non compris dans les dépens.

Sur quoi, LA COUR :

Considérant que parmi les moyens présentés par la société Vincent au soutien de sa demande en annulation du contrat, cette société affirme que celui-ci serait dépourvue de cause comme ne comportant aucune transmission de savoir-faire ;

Considérant que VSL conteste ce moyen en affirmant l'originalité de ses méthodes et la notoriété de la marque, ainsi que cela résulterait de la lecture de la convention ;

Mais considérant que quelles que soient les énonciations du contrat, il importe de rechercher si les obligations contractées par chacune des parties trouvent une cause dans les engagements souscrits par l'autre et si ces derniers recouvrent une contrepartie réelle et effective ;

Que dans une convention de franchise, le transfert par le franchiseur au franchisé d'un savoir-faire réel, objectif et original constitue la cause essentielle avec la notoriété de la marque, des obligations contractées par l'adhérent;

Qu'en l'espèce, il résulte des documents versés aux débats (les seuls soumis à l'appréciation de la Cour) que la partie substantielle des droits concédés par VSL résidait dans l'utilisation par l'adhérent de la machine Torkret destinée à effectuer des projections de matériaux pour renforcer les structures en béton, le savoir-faire transmis consistant essentiellement en la mise en œuvre de ce matériel ;

Que les données techniques et pratiques ainsi fournies à l'adhérent au contrat ne sauraient constituer un " savoir-faire " original, ces éléments étant mis à la disposition de tout acquéreur d'un matériel de ce type dont VSL est d'ailleurs le concessionnaire exclusif pour la France;

Qu'en outre, les documents techniques professionnels transmis avec la méthode d'utilisation de la machine Torkret pour constituer l'ensemble des données mises à la disposition du franchisé sous la dénomination de " Bible ", ne sont que la reproduction intégrale du fascicule technique édité en septembre 1985 par les divers syndicats professionnels d'entrepreneurs spécialisés dans les travaux de renforcement de structures et sont donc accessibles à tous;

Qu'ainsi, il apparaît que, par la convention critiquée, VSL n'a pas transmis à la société Vincent de savoir-faire original, la seule concession de la marque, même notoirement connue, étant par elle même insuffisante pour constituer juridiquement une contrepartie satisfaisante aux obligations contractées par le franchisé;

Que, dépourvu de cause, le contrat doit être déclaré nul et de nul effet ;

Considérant qu'en suite de cette nullité, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant sa conclusion ;

Que la société VSL France doit restituer à la société Vincent la somme de 65.000 F, perçue au titre de droit d'entrée et de redevances, avec les intérêts légaux à compter du 26 juin 1990, date de la demande devant le Premier Juge, lesdits intérêts étant capitalisés lorsqu'ils seront dûs pour une année entière ;

Que la société Vincent devra remettre à la VSL les documents reçus et s'abstenir de toute référence sur son enseigne ou dans ses écrits à la marque VSL ;

Considérant qu'en raison de l'annulation du contrat, la société Vincent ne peut voir accueillie sa demande en indemnisation pour perte de marge sur son exécution ;

Que, pour le même motif, la demande en dommages intérêts pour rupture abusive de la convention présentée par VSL ne peut être reçue ;

Considérant qu'au vu des faits de la cause, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens exposés par elle tant en Première Instance qu'en cause d'appel ;

Par ces motifs : Infirme le jugement déféré; Et statuant à nouveau ; Prononce la nullité du contrat conclu le 23 octobre 1987 ; Déboute la société VSL France de ses demandes ; La condamne à restituer à la société Vincent la somme de 65.000 F avec les intérêts au taux légal à compter du 26 juin 1990 et capitalisation des intérêts dûs pour une année entière ; Dit que la société Vincent devra restituer à VSL France les documents transmis et s'abstenir de toute référence à cette marque ; Rejette les demandes en dommages intérêts et en remboursement de frais irrépétibles formées par chacun des parties ; Condamne la société VSL France aux dépens de première instance et d'appel ; Autorise la SCP Jobin au bénéfice de l'article 699 du NCPC.