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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ., 17 novembre 1992, n° 2737-88

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Kempel et Leibfried (SARL)

Défendeur :

Malka

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Samson

Conseillers :

M. Moureu, Mme Goyet

Avocats :

Mes Zimmermann, Kahn, Sengel, Crovisier.

TGI Colmar, 2e ch. com., du 16 juin 1988

16 juin 1988

Bases contractuelles du litige, faits constants et procédure :

Par contrat du 12 novembre 1982, la société Kempel et Leibfried GmbH (ci-après dénommée Kempel) a confié à Marc Malka en tant qu'agent commercial la représentation de ses articles dans seize départements de l'est de la France moyennant :

- une commission de 6 % du montant net des factures,

- une commission supplémentaire de 4% à titre de participation à ses frais.

L'agent commercial pouvait représenter d'autres fabricants, mais sous réserve de l'autorisation de Kempel pour les entreprises concurrentes.

L'agent commercial avait la faculté de mettre fin au mandat en présentant un successeur.

En cas de refus d'agrément et en l'absence de faute, l'gent pouvait prétendre à une indemnité.

Le 18 mars 1985, M. Malka a manifesté l'intention de résilier le contrat avec effet au 1er octobre 1985 en présentant comme successeur M. Deren ;

Kempel ayant refusé ce candidat, M. Malka proposait M. Adjamian par lettre du 22 mai 1985.

Mais par lettre recommandée du 12 juillet 1985, Kempel a fait notifier à M. Malka, la résiliation immédiate du contrat d'agent commercial pour deux motifs :

- refus de suivre la collection jusqu'au 30 septembre prochain,

- révélation du fait que l'agent représentait une société concurrente, la firme Bueltel ;

Le 28 janvier 1986, Kempel a assigné Malka en résiliation du contrat à ses torts en lui réclamant 200 000,00 F de dommages-intérêts et 5 000,00 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Kempel reconnaissait par ailleurs devoir un solde de commission de 47 870,00 F dont elle demandait la compensation avec les dommages-intérêts.

M. Malka a conclu au débouté de Kempel et lui réclamait :

- 136 133,88 F à titre de commissions échues,

- 100 000,00 F à titre de commissions sur la saison 1986,

- 321 850,00 F en remboursement de la participation aux frais,

- 536 418,00 F à titre d'indemnité de résiliation,

- 5 000,00 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Décision frappée d'appel :

Jugement de la 2ème chambre commerciale du 16 juin 1988 exécutoire par provision à concurrence de 300 000,00 F, qui a :

- débouté la société Kempel et Leibfried,

- condamné la société Kempel et Leibfried à payer à Marc Malka 498 763,93 F avec les intérêts légaux à compter du 7 octobre 1986, et 2 500,00 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- débouté le défendeur-demandeur reconventionnel pour le surplus.

La société Kempel et Leibfried GmbH a interjeté appel de jugement le 20 juillet 1988 ;

Les conclusions de l'appelante tendent à faire :

Sur la demande principale :

- Condamner le défendeur au paiement de la somme de 200 000,00 F plus les intérêts légaux en réparation du préjudice causé à la société demanderesse par la rupture fautive du contrat d'agent commercial et la non-représentation de la collection de printemps-été 1986 par le défendeur ;

Sur la demande reconventionnelle :

- Confirmer le jugement entrepris en tant qu'il a fixé le solde sur commissions dues par la société Kempel et Leibfried au montant de 45 098,24 F,

- Constater que ce montant avait été satisfactoirement offert par la société défenderesse,

- Dire et juger que ce même montant se compensera avec les dommages-intérêts alloués à la société demanderesse dans le cadre de sa demande principale,

- Infirmer pour le surplus le jugement entrepris,

- Dire et juger n'y avoir lieu à condamnation de la société Kempel et Leibfried au paiement d'une participation supplémentaire aux frais et au paiement d'une indemnité de rupture,

En tout état de cause :

- Débouter le défendeur et intimé du surplus de sa demande reconventionnelle,

Sur le remboursement de l'exécution provisoire :

- Condamner le défendeur principal, demandeur reconventionnel et intimé à rembourser à la société Kempel et Leibfried la somme de 300 000,00 F plus les intérêts légaux à compter de la date du paiement plus les frais de mise à exécution provisoire y afférents,

Sur les frais non répétibles :

- Condamner M. Malka à payer à la société Kempel et Leibfried, 5 000,00 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Sur l'appel incident :

- Déclarer irrecevable et mal fondé l'appel incident.

Les conclusions de Marc Malka, demandeur et intimé tendent à faire :

Sur appel de la société Kempel :

- Déclarer l'appel de la société Kempel et Leibfried recevable en la forme, mais mal fondé,

En conséquence :

- Débouter la société Kempel et Leibfried de son appel principal,

- Confirmer le jugement entrepris et tant qu'il a déclaré non fondé la rupture anticipée du contrat d'agent par la société Kempel et Leibfried,

Sur appel incident de Monsieur Malka :

- Déclarer Monsieur Malka recevable et bien fondé en son appel incident,

- Y faisant droit :

- Infirmer le jugement entrepris,

- Statuant à nouveau :

- Condamner la société Kempel et Leibfried à payer à Monsieur Malka les commissions dues sur la réassort stock pour le client Villedieu à Chalon,

- Condamner la société Kempel et Leibfried au paiement de la somme de 136 133,88 F au titre du solde sur les commissions dues avec les intérêts légaux à compter du 12 juillet 1985, date de la rupture,

- Condamner la société Kempel et Leibfried à payer à Monsieur Malka la somme de 100 000,00 F au titre des commissions dues pour la saison été 1986 avec les intérêts légaux à compter du 12 juillet 1985,

- Condamner la société Kempel et Leibfried à payer à Monsieur Malka la somme de 321 850,00 F à titre de remboursement sur la participation aux frais avec intérêts de droit à compter du 12 juillet 1985,

- Condamner la société Kempel et Leibfried à payer à Monsieur Malka la somme de 536 418,00 F à titre d'indemnité pour la résiliation du contrat d'agent commercial et refus d'agrément des successeurs présentés avec les intérêts à compter du 12 juillet 1985,

- Condamner la société Kempel et Leibfried au paiement d'une somme de 20 000,00 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Moyens des parties et motifs :

Sur les causes de la rupture du contrat d'agent commercial :

Kempel fait grief aux premiers juges d'avoir dénaturé les rapports contractuels des parties ainsi que les positions prises au sujet de la représentation par Malka d'une firme concurrente.

La société appelante fait valoir que par lettre du 20 décembre 1984 elle s'est opposée à ce que Malka prenne une carte supplémentaire parce que "l'entreprise en question fabrique, en dehors des imperméables, des blousons en cuir et en tissu, c'est-à-dire des produits directement concurrents" ;

Elle relève ensuite que, contrairement aux motifs des premiers juges, sa lettre du 16 janvier 1985 ne contenait aucun accord puisqu'elle se bornait à noter que l'agent commercial était "prêt à exclure les produits directement concurrents (il s'agit à l'heure actuelle surtout des blousons de tissu) de (son) projet" précisant pour terminer "nous pourrions mieux traiter ce problème si vous pouviez nous donner le nom de la société et des marques dont vous désirez prendre la carte".

Kempel en déduit qu'elle ignorait alors le nom de l'entreprise dont Malka voulait prendre la marque ;

Kempel conteste le reproche qui lui est fait par les premiers juges d'avoir feint de découvrir en juillet 1985 la concurrence prétendue déloyale ;

Elle relève en outre que si Malka avait été antérieurement autorisé à représenter la marque Benvenuto Sportswear diffusée par Leithauser, il ne s'agissait pas de produits concurrents car ils étaient vendus à des prix supérieurs à ceux de Kempel.

Au contraire elle soutient que les produits Bueltel se situent dans la même gamme de prix que les siens et que certains articles Sportswear sont la copie de modèles Kempel ;

Se référant au contrat d'agent commercial, la société appelante rappelle que Malka ne pouvait accepter de représenter une entreprise concurrente sans l'accord de Kempel, responsable de sa politique commerciale, et à condition de définir d'un commun accord les articles concurrents ;

A défaut d'avoir pris ces dispositions, les premiers juges ne pouvaient imposer à Kempel de rapporter la preuve de ce que Malka avait diffusé des produits concurrents ;

La société appelante s'estime donc fondée à rompre le contrat d'agent commercial avec effet immédiat, au tort de Malka ;

Concernant la demande de résiliation du contrat adressée par Malka le 18 mars 1985, Kempel fait valoir qu'elle a justifié le refus d'agrément des successeurs présentés et estime que les premiers juges n'ont pas tiré les conséquences nécessaires du caractère non abusif de ce refus ;

Enfin Kempel impute la faute à son agent commercial d'avoir refusé de distribuer la collection Kempel (printemps-été 1986) alors qu'il était encore lié contractuellement jusqu'à l'expiration du préavis (1er octobre 1985) ;

Kempel rejette la position adoptée par Malka dans sa lettre du 5 juillet 1985 pour laquelle il considérait le contrat rompu du fait de Kempel si elle n'agréait pas l'un des successeurs proposés.

Pour sa part, M. Malka considère fautif et abusif le refus d'agrément par Kempel des deux successeurs qu'il a proposés ;

Estimant que la lettre de Kempel du 16 janvier 1985 valait accord pour la représentation d'une maison supplémentaire, M. Malka relève qu'il n'a diffusé aucun article susceptible de concurrencer ceux de Kempel ;

Il fait valoir par ailleurs que les produits Kempel sont des vêtements sportswear blousons, pantalons et imperméables ouatinés "haut de gamme" alors que Bueltel fabrique des blousons en popeline, des imperméables "normaux", des vêtements de cuir et des pantalons à des prix de l'ordre de 20 % moins cher que Kempel ;

M. Malka fait aussi valoir que la détermination des articles concurrents dépend non seulement de leur nature mais encore de leurs matières de fabrication et de leurs prix, éléments retenus par la jurisprudence pour caractériser la concurrence ;

Il invoque à cet égard l'article 6 du contrat d'agent commercial ;

M. Malka soutient encore que d'autres agents commerciaux liés à Kempel n'ont nullement été inquiétés alors qu'ils représentaient d'autres articles que Kempel et Leithauser, notamment la marque Fulwiline ;

Sur le grief tiré de la représentation d'une entreprise concurrente :

Attendu que la liberté de représenter d'autres sociétés est reconnue par Kempel à l'agent commercial par l'article 4 du contrat du 12 novembre 1982 dont le deuxième alinéa restreint cette liberté ainsi qu'il suit :

"Toutefois, il ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de la société, sans accord de cette dernière, à condition de définir les articles et les produits dits concurrents" ;

Que ces dispositions reprennent et précisent celles de l'article 2 du décret du 23 décembre 1958 ;

Que pour caractériser le grief imputé par Kempel à M. Malka, il importe d'abord de déterminer si la firme Bueltel est concurrente de Kempel ;

Attendu qu'il est constant que la société Bueltel diffuse notamment, comme Kempel, des vêtements de loisir, des blousons, des pantalons et des imperméables pour hommes ;

Que les articles en cuir ne sont pas en discussion puisque la société Kempel n'en fabrique point ;

Attendu que M. Malka a tenté de déplacer le débat sur le caractère concurrentiel ou non de certains articles par rapport à la gamme diffusée par Kempel ;

Mais attendu que les dispositions dérogatoires de l'article 4 du contrat sont applicables dès lors que l'agent commercial envisage de représenter une entreprise concurrente, c'est-à-dire qui offre sur le marché des produits suceptibles d'être préférés aux produits Kempel, sans avoir à rechercher s'il s'agit d'articles semblables, de même textile, de même apparence, de même qualité à des prix équivalents et adaptés à une clientèle identique ;

Attendu que l'examen des catalogues produits par Malka ne permet pas une comparaison approfondie des rapports de qualité et de prix entre les articles fournis par Bueltel et ceux fournis par Kempel ;

Que les catalogues ne contiennent pas les prix ;

Que M. Malka n'a pas communiqué le catalogue automne-hiver de Bueltel alors qu'il a produit tous les catalogues de Kempel ;

Qu'il ne saurait être déduit dans ces conditions que les produits Bueltel sont en général plus légers ;

Que les motifs des premiers juges qui ont estimé que les blousons et imperméables Bueltel sont "d'une qualité qui semble légèrement inférieure" sont entachés d'un caractère dubitatif qui les rend inopérants ;

Qu'en l'espèce le risque de concurrence était d'autant plus redoutable que, comme M. Malka le reconnaît lui-même, les prix de Bueltel étaient inférieurs d'environ 20 % à ceux pratiqués par Kempel ;

Attendu d'ailleurs que M. Malka - qui avait soumis à Kempel, courant décembre 1984, son projet de représenter une autre firme - ne conteste pas qu'il devait, pour ce faire, recueillir l'accord de sa mandante ;

Que cette démarche et l'échange de courriers qui s'est ensuivi démontrent que M. Malka considérait bien la firme Bueltel comme une entreprise concurrente au sens de l'article 4 du contrat ;

Attendu que si M. Malka a fourni des justifications tendant à établir que certains agents commerciaux liés à Kempel représentaient la marque Fulwiline, sur laquelle aucune précision n'est donnée, il n'est nullement allégué et encore moins prouvé que des agents de Kempel étaient autorisés à représenter Bueltel ;

Attendu en outre que, contrairement aux motifs des premiers juges, la lettre de Kempel du 16 janvier 1985 ne peut s'analyser en un accord donné par la mandante pour que M. Malka représente aussi la société Bueltel ;

Attendu en effet que cette lettre se réfère à une conversation téléphonique dont la teneur est inconnue ;

Qu'elle donne acte à l'agent commercial de ce qu'il est prêt à exclure les produits directement concurrents ;

Qu'elle se termine par la phrase "je pense que nous pourrions mieux traiter ce problème si vous pouviez nous donner le nom de la société et des marques dont vous désirez prendre la carte" ;

Qu'il ne saurait se déduire d'une telle conclusion qu'un accord avait été trouvé par les parties ;

Qu'il apparaît même qu'à la date du 16 janvier 1985, Kempel ignorait le nom et les marques que M. Malka se proposait de représenter ;

Qu'enfin, la lettre du 16 janvier 1985 ne contient aucune désignation précise des produits concurrents, au sens de l'article 4 du contrat, qui imposait pourtant aux parties la condition de définir d'un commun accord les articles concurrents ;

Qu'elle constitue tout au plus un élément de pourparlers qui devait préluder à un accord exprès ;

Attendu en effet, que dans le contexte de l'échange de courriers qui a précédé, M. Malka ne pouvait pas se contenter d'une réponse ambiguë ou d'un consentement tacite car, notamment, dans la lettre du 20 décembre 1984, Kempel avait exprimé clairement ses préoccupations à l'égard de la représentation d'une firme concurrente et n'avait pas hésité à menacer son cocontractant d'une résiliation à ses torts ;

Attendu qu'il résulte notamment de la lettre de M. Malka du 2 janvier 1985 qu'il a tenté d'imposer à sa cocontractante sa définition unilatérale de la concurrence en prétendant notamment : que "le seul fait que la maison fasse également des blousons de tissus en peut constituer une concurrence directe" ;

Qu'aucune des lettres échangées entre les parties de décembre 1984 jusqu'au 12 juillet 1985 ne comporte le nom de la société concurrente ;

Que M. Malka ne justifie pas d'avoir donné quelque information à cet égard ;

Que les premiers juges ne pouvaient donc valablement faire grief à Kempel d'avoir feint de découvrir cette forme de concurrence déloyale courant juillet 1985 ;

Attendu qu'il est établi et non contesté par l'intéressé que M. Malka a souscrit des commandes pour le compte de Bueltel alors qu'il était encore lié par le contrat d'agent commercial avec Kempel ;

Que sont notamment produites aux débats deux listes d'articles en tissu (coton et polyester) à en-tête de Bueltel, datées du 2ème trimestre 1985 (annexes 1 et 9 de Maître Bueb) ;

Quedans ces conditions, la transgression caractérisée des dispositions contractuelles et légales constitue à la charge du mandataire la faute prévue à l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 entraînant la privation de toute indemnité ;

Sur le grief tiré du refus de présenter la collection printemps-été 1986 jusqu'au 1er octobre 1985 :

Attendu que les premiers juges ont relevé avec pertinence que ce refus est attesté par des collaborateurs de la firme Kempel, M. Gunther et Mme Guhl et qu'il n'est pas sérieusement contesté par M. Malka ;

Que d'après les attestations produites, le refus de prospecter la clientèle a été exprimé verbalement par téléphone le 21 mai 1985 ;

Qu'il est constant que M. Malka n'a donné aucunes suites commerciales à la lettre datée de juin 1985 par laquelle Kempel annonçait la réalisation des collections printemps-été 1986 ;

Attendu que, pour exonérer l'agent commercial de toute responsabilité à cet égard, les premiers juges ont admis que même s'ils ne pouvaient être qualifiés d'abusifs, les refus réitérés de deux successeurs proposés pouvaient être interprétés par Malka comme une cause de résolution entraînant le paiement d'une indemnité ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, les premiers juges ont ajouté aux clauses contractuelles un effet qui n'y était point prévu ;

Qu'ainsi l'article 6 du contrat ne dispose aucunement que le refus du consentement de la société à toute succession qui lui est présentée entraînerait la rupture avec effet immédiat ;

Attendu au surplus qu'il y a contradiction entre les motifs du jugement qui, d'une part reconnaissent le caractère non abusif des refus des candidats à la succession et d'autre part, imputent néanmoins la rupture à Kempel ;

Attendu que les premiers juges ont considéré avec clairvoyance comme légitimes les deux refus successifs des candidats proposés par M. Malka ;

Qu'il convient de rappeler que le refus de M. Deren, proposé le 18 mars 1985, a été motivé par le fait que ce candidat n'avait pas travaillé dans la représentation depuis plusieurs années ;

Qu'ultérieurement, M. Malka a fait valoir, au soutien de cette candidature, que M. Deren travaillait à l'heure actuelle dans un magasin tenu par son épouse (sans autre précision) ;

Que de telles références pouvaient apparaître quelque peu insuffisantes pour garantir l'efficience d'un nouvel agent commercial sur seize départements ;

Attendu par ailleurs, que la candidature de M. Paul Adjamian n'était pas sérieuse puisqu'il était acquis de prime abord que cet agent commercial venait de mettre fin à un contrat qui le liait avec Kempel pour la région Rhône ;

Que de surcroît, ce candidat n'était pas disposé à racheter la clientèle de M. Malka de sorte qu'il aurait appartenu à Kempel d'indemniser ce dernier ;

Qu'il résulte de ces éléments que la candidature de M. Adjamian, manifestement inacceptable, n'a été présentée que pour faire nombre ;

Que l'attitude de la firme Kempel n'a été inspirée que par son intérêt légitime ;

Qu'il n'est pas prouvé en l'état des éléments d'appréciation fournis à la Cour que Kempel ait exercé ses droits dans l'intention de nuire à son collaborateur ;

Que les premiers juges en ont valablement déduit que la notion d'abus devait être écartée ;

Attendu que dans ces conditions, on ne saurait faire grief à Kempel d'avoir recherché dès le mois de juin 1985 à assurer sa représentation au moyen d'un nouvel intermédiaire en la personne de M. Christian Morard (lettre du 20 juin 1985) ;

Attendu qu'en tout état de cause :

- d'une part, parce que les deux refus de candidatures n'étaient pas de nature à entraîner la rupture avec indemnité à la charge de Kempel,

- d'autre part, parce qu'une telle rupture n'était pas assortie de l'effet immédiat, M. Malka était tenu de respecter ses obligations contractuelles jusqu'à l'expiration du préavis soit le 1er octobre 1985 ;

Qu'en s'abstenant de présenter jusqu'à cette date la collection printemps-été 1986 qui était disponible depuis juin 1985, M. Malka a encore manqué à l'exécution de bonne foi de son contrat d'agent commercial ;

Attendu au surplus, que l'attitude de M. Malka n'est pas exempte d'ambiguïté puisqu'ayant appris que le nommé Christian Morard le remplacerait sur son secteur, il écrivait à son successeur le 1er août 1985, non seulement pour lui réclamer une indemnité équivalente à trois années de commission, ce qui était dans la logique de ses prétentions, mais encore pour protester contre toute prospection effectuée pendant la durée du préavis, ce qui est manifestement abusif puisque M. Malka avait lui-même refusé de présenter les collections jusqu'à l'expiration du préavis ;

Qu'est ainsi caractérisée une seconde faute de nature à priver l'agent commercial de l'indemnité de rupture ;

Sur les conséquences de la rupture :

Attendu que toute discussion sur le montant de l'indemnité de clientèle est devenue sans objet en raison de la cause retenue pour la rupture ;

Les dommages-intérêts pour rupture fautive imputable à l'agent commercial :

En se référant aux chiffres avancés par M. Malka lui-même, Kempel évalue sa perte de chiffre d'affaires sur les collections printemps-été 1986 à 1 000 000,00 F, elle en déduit un préjudice net de 200 000,00 F ;

Attendu que le préjudice invoqué par Kempel n'est justifié par aucun élément comptable ;

Que le chiffre d'affaires allégué par M. Malka et repris à son compte par Kempel ne saurait servir de base à cet égard car dès la défaillance de M. Malka, la société demanderesse a chargé un nouvel agent de prospecter le secteur ;

Qu'elle n'a fourni aucune indication sur les résultats effectivement obtenus ;

Attendu néanmoins que la brusque cessation des fonctions de son agent commercial n'a pas manqué d'entraîner pour la firme Kempel des retards dans la commercialisation de ses articles, des frais de formation du nouvel agent et différentes perturbations que la Cour est en mesure d'évaluer à 50 000,00 F ;

Les arriérés de commissions réclamés par M. Malka :

Kempel se réfère au taux de commission de 6 % fixé par l'article 5 du contrat augmenté de 4 % à titre de participation aux frais en vertu d'un "avenant subséquent" ;

Mais elle conteste l'octroi d'un pourcentage supplémentaire de 4 % qui, selon elle, ferait double emploi avec la participation aux frais.

Se basant sur un chiffre d'affaires net de 6 341 643,00 F elle reconnaît devoir un solde de commissions de 47 870,00 F ;

La société appelante s'oppose au versement de toute commission afférente à l'été 1986 puisque M. Malka a abusivement refusé de présenter cette collection ;

M. Malka réplique qu'indépendamment du taux (majoré par avenant) de 10 %, une lettre de Kempel de septembre 1983 a porté la commission de base à 10 %, non compris participation aux frais, "compte tenu des bons résultats du chiffre d'affaires" ;

Il en déduit qu'il a droit à une commission totale de 14 % à compter de l'été 1983 ;

D'autre part, M. Malka estime que ses commissions doivent être calculées sur le chiffre d'affaires brut sans que soit opéré une réduction de 10 % ;

Il porte donc sa réclamation à 136 133,88 F pour la période antérieure à la rupture et à 421 850,00 F pour la saison 1986 ;

En outre il met en compte une commission pour réassortiment du client Villedieu à Chalon, soit 2 720,00 F ;

Attendu que les premiers juges ont rejeté avec pertinence la demande de commission pour le réassortiment d'un commerçant de Chalon sur Saône en observant que cette ville n'était pas dans le secteur géographique de M. Malka ;

Que celui-ci, qui ne fournit aucun élément à l'appui de cette prétention, tente de renverser la charge de la preuve en enjoignant à Kempel de justifier de son intervention directe ;

Attendu que le calcul du solde de commission et de la participation aux frais opéré par les premiers juges résulte d'une application correcte des dispositions contractuelles ;

Attendu que l'analyse des deux pièces qui sont venues compléter le contrat d'agent commercial démontre que s'il y a coïncidence entre les augmentations de taux décidées - 4 % dans les deux cas - l'une et l'autre ne sauraient se confondre et faire double emploi ;

Que l'écrit de septembre 1983 mentionne une "augmentation de la commission à 10 %" "étant donné les bons résultats de vos chiffres d'affaires" ;

Que cet écrit sous-entend évidemment que le taux antérieur était inférieur, donc égal à la commission initialement prévue ;

Qu'en l'absence de précision, le nouveau taux est applicable immédiatement, donc pas aux ventes de l'été 1983 ;

Attendu au contraire que l'avenant non daté institue à titre de participation aux frais une commission complémentaire de 4 % ;

Qu'il y a lieu de présumer que cet avenant, qui ne contient aucune restriction d'application dans le temps concerne toute la durée pendant laquelle le contrat a été en vigueur ;

Attendu que le contrat d'agent commercial prévoit bien que les commissions seront calculées sur le montant net des factures (articles 5, 2ème alinéa) ;

Que les chiffres du jugement doivent donc être approuvés :

- solde de commissions

- (stricto sensu) 45 098,24 F

- participation aux frais 253 665,68 F

298 763,92 F

Attendu que les premiers juges ont écarté à bon droit les prétentions relatives aux commissions sur les collections 1986 dont M. Malka n'a pas assuré la représentation dans les conditions et pour les motifs exposés ci-dessus ;

Attendu que l'issue du litige justifie que chaque partie supporte ses propres dépens ainsi que les frais non taxables ;

Attendu que les paiements effectués par Kempel au titre de l'exécution provisoire ne sont pas contestés ;

Qu'il y a lieu d'ordonner le remboursement du paiement indû.

Par ces motifs : Et adoptant ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré, Et statuant à nouveau : Sur la demande principale : Condamne Marc Malka à payer à la société Kempel et Leibfried GmbH la somme de 50 000,00 (cinquante mille) francs, Sur la demande reconventionnelle : Condamne la société Kempel et Leibfried GmbH à payer à Marc Malka la somme de 298 763,92 (Deux Cent Quatre Vingt Dix Huit Mille Sept Cents Soixante Trois Francs et Quatre Vingt Douze Centimes) Francs avec les intérêts légaux du 7 octobre 1986, Ordonne la compensation de ces condamnations à due concurrence, Condamne M. Malka à rembourser la partie indue des paiements effectués au titre de l'exécution provisoire, Déboute les parties de leurs plus amples conclusions, Dit que chaque partie supportera ses propres dépens et les déboute de leurs conclusions prises au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.