CA Paris, 5e ch. C, 26 novembre 1992, n° 91-19217
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mazet
Défendeur :
Star International (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Couderette
Conseillers :
M. Borra, Mme Cabat
Avoués :
SCP Gaultier-Kistner, SCP Fisselier Chiloux Boulay
Avocats :
Mes Duprat, Djian.
M. Alain Mazet a régulièrement en la forme interjeté appel principal d'un jugement du Tribunal de commerce de Paris du 12 juin 1991 qui a constaté la résiliation à ses torts à la date du 21-7-1990 du contrat de franchise qu'il avait conclu le 31-1-1989 avec la SARL Star International CSI et qui l'a condamné à payer à cette dernière la somme de 21 994 F 92 avec intérêts au taux légal à compter du 21-6-1990, celle de 10 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M. Mazet avait signé le 26-1-1988 avec la société CSI un contrat de franchise valable pour l'année 1988, mettant à sa disposition la marque Star International et précisant les autres obligations du franchiseur, présence rédactionnelle dans la presse - outils de communication - études et recherches de marketing - études du marché de la coiffure - assistance pour implantation - informations sur les nouvelles techniques - formation commerciale au savoir-faire - dialogue permanent - avantages fournisseurs. Outre une exclusivité dans la zone d'exploitation. En contrepartie le franchisé s'obligeait à payer une redevance de 16 000 F pour l'année.
Le 31-1-1989 un nouveau contrat était signé entre les mêmes parties stipulant des obligations pratiquement analogues pour le franchiseur et fixant la redevance du franchisé à 51 000 F pour chacune des 3 années 1989, 1990 et 1991. L'inexécution par une partie de ses obligations entraînait la rupture du contrat un mois après une mise en demeure par lettre recommandée demeurée infructueuse.
Le 6-9-1989 M. Mazet faisait connaître à CSI qu'il résiliait le contrat pour le 31 décembre. Il lui était répondu par une demande de rendez-vous pour examiner la situation.
Le 12-12-1989 il confirmait son point de vue et il lui était notifié des réserves du franchiseur liées à la durée du contrat.
A compter du 1-1-1990 il cessait de verser les redevances et la mise en demeure prévue au contrat lui était faite par l'assignation du 21-6-1990.
C'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement aujourd'hui critiqué.
L'appelant invoque la nullité du contrat de franchise en soutenant qu'il n'y a pas eu transfert de savoir-faire et que la licence de marque est sans valeur.
Il sollicite la restitution des sommes qu'il a payées en vertu de l'exécution provisoire du jugement, celle des redevances qu'il a réglées depuis janvier 1986, 20 000 F de dommages-intérêts et 10 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société CSI conclut à la confirmation du jugement et demande par un appel incident 15 000 F de dommages-intérêts pour appel abusif et 5 000 F sur le fondement de l'article 700.
Dans d'ultimes conclusions déposées la veille de l'ordonnance de clôture M. Mazet fait grief au franchiseur de ne pas avoir produit de documents au soutien de sa demande.
La société CSI a alors répondu après l'ordonnance de clôture en réclamant soit le rejet des dernières conclusions de l'appelant soit le rabat de l'ordonnance de clôture et la prise en compte des pièces qu'elle communiquait.
Sur quoi M. Mazet s'est borné à solliciter le rejet des débats des dernières conclusions de CSI et des pièces communiquées par elle.
Considérant que l'ordonnance de clôture ne peut être rabattue que pour une cause grave survenue après qu'elle ait été rendue et que le respect du principe du contradictoire exige que chaque partie ait connaissance des arguments de son adversaire pour pouvoir y répondre en temps utile.
Qu'en l'espèce l'appelant principal avait soulevé dès le 13-11-1991 la nullité du contrat de franchise et que la société CSI a eu tout le temps avant la clôture prononcée le 10-9-1992 pour communiquer à son adversaire les pièces dont elle entendait faire état pour combattre l'argumentation de Mazet.
Qu'il n'y a par conséquent pas lieu de rabattre l'ordonnance de clôture et que les pièces communiquées ultérieurement seront écartées des débats.
Que par ailleurs les conclusions signifiées par Mazet la veille de l'ordonnance de clôture ne respectent pas le principe du contradictoire et qu'il y a lieu également de les rejeter des débats.
Considérant qu'il convient d'examiner le litige au vu des seuls arguments et pièces soutenus et versées aux débats antérieurement à l'ordonnance de clôture.
Considérant qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges M. Mazet a appliqué pendant toute l'année 1986 le contrat signé le 26-1-1986 et a eu toutes facilités pour apprécier ou critiquer les avantages et les inconvénients de la franchise avant de signer le 31-1-1989 un autre contrat presque analogue l'engageant pour 3 nouvelles années.
Et qu'il est pour le moins curieux qu'il ait attendu encore presque une année pour s'apercevoir que la franchise ne lui était pas profitable.
Considérant, sur le problème de la marque, que celle-ci a été déposée à l'INPI le 6-9-1985 par la société Internationale avant d'être rachetée en 1987 par la CSI et qu'il résulte des documents versés aux débats par Mazet que celui-ci l'a utilisée de façon constante comme le prouve son papier à en tête.
Que c'est donc en vain que l'appelant prétend aujourd'hui que cette marque serait nulle comme visant des produits étrangers à son activité ou qui n'ont pas été mis à sa disposition par le franchiseur.
Considérant, sur le problème du savoir-faire, que Mazet fait valoir que le savoir-faire d'un coiffeur dépend de sa personnalité et non des obligations que le franchiseur aurait contractées envers lui.
Que sur ce point l'observation est pertinente mais que l'intéressé la connaissait quand il a contracté et qu'il est évident que ce qui l'a motivé a été de voir son salon regroupé avec d'autres sous une enseigne de réputation incontestée, ainsi que le précise le texte même du contrat dans ses observations préalables.
Qu'il ajoute sur le deuxième point que de l'aveu même de CSI (sa lettre du 6-2-1990) son savoir-faire consisterait seulement en une méthode commerciale ne recouvrant aucune réalité tangible et inutile compte tenu de la clientèle habituelle du franchisé.
Qu'il n'en demeure pas moins que la communication d'un savoir-faire commercial par le franchiseur est établie de l'aveu même de Mazet dans sa lettre du 12-12-1989, où il reconnaît qu'il y a eu deux actions de la part de CSI sur la vente conseil et sur la permanente, mais que ces actions n'ont pas intéressé sa clientèle ni son équipe de travail.
Qu'enfin, s'il est exact que le contrat prévoyait la transmission du savoir-faire au cours de réunions entre le franchiseur et ses franchisés, il est formellement établi que de telles réunions avaient bien lieu, les documents régulièrement versés aux débats établissent que Mazet a été en particulier convoqué pour le 25-9-1989 et le 15-1-1990 et qu'il ne peut s'en prendre qu'à lui-même de n'y être pas allé ou de s'être trouvé absorbé par son problème de résiliation. Qu'il s'ensuit que le franchiseur a bien communiqué un savoir-faire réel et que le contrat de franchise n'est pas entaché de nullité. Considérant qu'il résulte expressément des courriers de Mazet du 6-9 et du 12-12-1989 que l'attitude qui a été la sienne fin 1989 a pour motif non les nullités aujourd'hui invoquées du contrat de franchise, mais le fait qu'il a alors estimé qu'une dépense de 51 000 F par an était disproportionnée avec les avantages qu'il retirait de la franchise.
Que c'est par conséquent à tort qu'il a cessé de payer les redevances à compter de janvier 1990 et à bon droit qu'il a été jugé que le contrat était résilié à la date du 21-7-1990.
Que c'est également à bon droit que Mazet a été condamné à payer à CSI les mensualités de franchise en retard, 10 000 F de dommages-intérêts pour le préjudice causé par la disparition pour un temps indéterminé d'un franchisé sur le territoire dont l'exclusivité avait été concédée à Mazet par le contrat et 3 000 F pour frais irrépétibles.
Considérant que le jugement dont appel doit être confirmé.
Que M. Mazet doit être débouté de ses autres chefs de demandes.
Que la société CSI n'établit pas que l'appel interjeté ait été de mauvaise foi et avec l'intention de nuire pas plus qu'elle ne justifie de l'existence d'un préjudice né de l'exercice de cette voie de recours et que sa demande de dommages-intérêts de ce chef sera rejetée.
Que cependant l'appel infondé de son adversaire a entraîné pour elle des frais non compris dans les dépens au titre de la procédure d'appel et qu'il convient de lui allouer une indemnité de 3 000 F s'ajoutant à celle qui lui a été accordée en première instance.
Considérant que les dépens sont à la charge de la partie qui succombe.
Par ces motifs : LA COUR, Reçoit les appels principal et incident réguliers en la forme ; Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture du 10-9-1992 ; Rejette des débats les conclusions déposées par M. Mazet le 9-9-1992 et les pièces communiquées par la société CSI postérieurement à l'ordonnance de clôture ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 12-6-1991 ; Y ajoutant, Condamne M. Alain Mazet à payer à la société CSI une indemnité supplémentaire de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Déboute les parties de tous autres chefs de demande ; Condamne M. Mazet aux dépens d'appel et autorise la SCP Fisselier Chiloux Boulay, avoué, à poursuivre le recouvrement de ceux qu'elle a exposés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.