CA Paris, 4e ch. B, 27 mai 1993, n° 91-7154
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
VAG France (Sté)
Défendeur :
Société d'exploitation Levesqueau (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guerrini
Conseillers :
M. Ancel, Mme Regniez
Avoués :
SCP Barrier-Monin, SCP Roblin Chaix de Lavarene
Avocats :
Mes Bazetoux, Meresse, Vogel.
Les Sociétés VAG France et Levesqueau ont signé le 7 février 1986 un contrat de concession exclusive à durée indéterminée ayant pour objet la commercialisation des véhicules particuliers.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 30 juin 1988, VAG a notifié à Levesqueau la résiliation ordinaire de son contrat de concession avec effet au 30 juin 1989.
Par lettre du 8 juillet 1988, Levesqueau demandait à VAG de connaître les causes de cette décision en rappelant ses 20 années de partenariat et sa collaboration loyale.
Le 26 juillet 1988, VAG explicitait ainsi les raisons de la dénonciation :
- de nombreuses mises en garde,
- une sous-réalisation commerciale,
- l'absence d'un magasin d'exposition,
- des résultats financiers insuffisants.
VAG concluait sa lettre " Tout ceci fait que votre entreprise constitue, pour notre société, un risque à la fois commercial et financier que nous ne voulons assumer plus longtemps ".
Le 25 novembre 1988, Levesqueau contestait les motifs donnés pour justifier la rupture des relations commerciales :
- les résultats financiers de l'exercice 1987 ne pouvaient être appréciés qu'à la date de clôture de l'exercice, soit au 30 juin. Au 30 juin 1988 et non pas au 31 décembre 1987 les capitaux propres et le fonds de roulement de l'entreprise étaient en nette progression. Elle envoyait son bilan à VAG pour justifier la bonne situation de l'entreprise.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 13 décembre 1988, VAG prenait bonne note des réponses de son concessionnaire et invoquait tant le contrat de concession du 7 février 1986 que le règlement européen 123-85 pour affirmer qu'elle n'avait pas à invoquer de motif particulier pour rompre le contrat.
C'est dans ces conditions que Levesqueau a assigné le 24 août 1989 VAG aux fins de condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 4.000.000 F, sauf à parfaire, à titre de dommages-intérêts pour résiliation abusive du contrat de concession.
VAG a formé une demande reconventionnelle tendant au paiement d'une somme de 1.823.420,28 F.
Le jugement a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes.
VAG a relevé appel de cette décision.
Elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Levesqueau de sa demande de dommages-intérêts pour résiliation abusive du contrat de concession et son infirmation en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle. Elle sollicite le paiement d'une somme de 1.823.420,28 F à ce titre avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 1989, et une somme de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Levesqueau conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en résiliation abusive du contrat de concession. Elle fait valoir que VAG n'a pas exécuté de bonne foi le contrat et a abusé de son droit de rompre les accords commerciaux.
Elle sollicite réparation de son préjudice, à dire d'expert et demande une provision de 1.000.000 F outre une somme de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
En ce qui concerne la demande reconventionnelle de VAG elle demande de lui donner acte, après qu'elle ait pu vérifier l'ensemble des pièces comptables versées aux débats, de son accord pour le paiement de la somme de 1.823.420,28 F, somme dont elle demande la compensation avec les dommages-intérêts qui lui seront alloués.
Sur ce LA COUR, qui se réfère au jugement et aux conclusions des parties,
Sur la résiliation du contrat de concession :
Considérant que l'intimée n'invoque pas en appel la responsabilité de VAG sur le non-respect d'un préavis de dénonciation dont elle ne conteste pas qu'il ait été respecté, qu'elle se prévaut d'un abus de droit et de l'absence de bonne foi avec lesquels VAG a dénoncé le contrat,
Considérant que l'abus de droit ne se présume pas et n'est établi en matière de résiliation d'un contrat de concession exclusive que si le concédant résilie le contrat sans respecter le délai de préavis convenu ou s'il a incité son concessionnaire à se lancer dans des investissements lourds juste avant de résilier son contrat,
Considérant qu'en l'espèce il n'est pas contesté que VAG en notifiant à Levesqueau un préavis d'un an ait respecté le délai conventionnel de résiliation stipulé à l'article II-2° du contrat, délai qui est lui-même conforme à celui prévu par le règlement n° 123-85 du 12 décembre 1984 de la Commission des Communautés Européennes, qu'au surplus le même article II-2° du contrat précise que chaque partie peut mettre fin au contrat sans devoir fournir aucun motif à l'autre partie ; que le fait pour VAG d'avoir, dans un premier temps et sur l'insistance de son concessionnaire, explicité les causes de sa décision, témoigne de l'absence de mauvaise foi de VAG, qui estimait avoir de bonnes raisons de résilier le contrat, qu'au demeurant, Levesqueau ne prouve pas le mal fondé des griefs de VAG, et notamment celui d'absence d'un magasin d'exposition, qu'elle ne justifie pas, par les pièces qu'elle verse au dossier, des frais d'étude et des démarches qu'elle allègue avoir entrepris pour acquérir un nouveau point de vente, qu'elle ne prétend pas non plus avoir effectué des investissements coûteux sous l'instigation de VAG, juste avant la résiliation du contrat,
Qu'il y a donc lieu de débouter Levesqueau de sa demande en inexécution de mauvaise foi et en résiliation abusive du contrat de concession du 7 février 1986.
Sur la demande en paiement de VAG :
Considérant qu'il y a lieu de donner acte à Levesqueau de son offre de payer la somme de 1.823.420,28 F due au 11 juillet 1989, que cette somme sera majorée des intérêts légaux à compter du 11 juillet 1989,
Considérant qu'en équité il sera alloué une somme de 6.000 F à VAG sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Par ces motifs : Réforme le jugement en ce qu'il a débouté la Société VAG de sa demande en paiement, Statuant à nouveau de ce chef, Condamne la Société Levesqueau à payer à la Société VAG la somme de 1.823.420,28 F avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 1989, ainsi qu'une somme de 6.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC, Confirme le jugement pour le surplus. Condamne la société Levesqueau aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du NCPC par la SCP d'avoués Barrier Monin.