CA Montpellier, 2e ch. A, 4 janvier 1990, n° 89-3343
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
RG & Associés (SARL), Rhône Alpes Solderies (SARL), Villefranche Bazar (SARL), Stock Sud Ouest (SARL)
Défendeur :
Foir'Fouille (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gadel
Conseillers :
M. Tailland, Mme Plantard
Avoués :
SCP Argellies, SCP Salvignol
Avocats :
Me Clément, Me Leloup.
Exposé des faits et de la procédure
La société Stock Sud devenue ultérieurement, la société Foir'Fouille a développé un réseau de magasins à l'enseigne Foir'Fouille.
Les 20 novembre 1984 et 16 décembre 1985, la société Stock Sud passait avec les sociétés Stock Ouest et un sieur Thierry Chomard agissant en qualité de futur responsable majoritaire d'une structure juridique quelconque deux types de conventions, l'une intitulée " convention " s'analysant en un contrat de franchise, l'autre intitulée " convention d'approvisionnement ", et ce dans la perspective d'ouvrir des magasins portant la marque " La Foir'Fouille " dont la société Stock Sud était propriétaire.
C'est ainsi qu'outre la société Stock Ouest, il était constitué à Bordeaux et dans la Région Rhône Alpes, les sociétés Stock Sud Ouest, Rhône Alpes Solderies, RG et Associés et Villefranche Bazar qui passaient les 6 août 1985, 18 décembre 1985, 1er juin 1986, 15 août 1987 et 21 septembre 1987, des contrats de même nature avec la société Stock Sud.
Les 6 et 7 juillet 1988, les sociétés franchisées résiliaient les contrats.
Suivant exploit en date des 19 juillet et 4 août 1988, les sociétés franchisées assignaient la société Stock Sud en annulation des contrats de franchise et des conventions d'approvisionnement, subsidiairement en résolution desdites conventions en toute hypothèse en remboursement des redevances initiales et des redevances proportionnelles indûment perçues et en paiement de dommages-intérêts.
Par jugement en date du 23 mai 1989, le Tribunal de commerce de Montpellier a débouté les sociétés franchisées de leurs demandes et sur la demande reconventionnelle de la société Stock Sud devenue société Foir'Fouille :
- dit et jugé que les sociétés franchisées avaient abusivement rompu les conventions,
- constaté la violation par ces sociétés de la clause de non-concurrence,
- condamné chacune à payer à la société Foir'Fouille la somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive des conventions et de celle de 150 000 F également pour violation de la clause de non-concurrence,
- ordonné à chacune des sociétés de cesser de s'intéresser directement ou indirectement à toute entreprise similaire à celle de la société Foir'Fouille, sous astreinte de 10 000 F par infraction constatée et par jour de retard, à compter de la signification du jugement,
- condamné chacune de ces sociétés à remettre, sous astreinte de 200 F par jour de retard, les matériels, documents, imprimés et produits portant le signe "Foir'Fouille ou créés par la société Foir'Fouille,
- ordonné la publication du jugement dans 8 journaux,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- ordonné une expertise confiée à M. Guillemain avec mission de faire les comptes entre les parties.
Les sociétés demanderesses ont relevé appel de cette décision et après y avoir été autorisées par ordonnance rendue le 29 août 1989 par le Premier Président de la Cour d'appel de Montpellier ont assigné la société Foir'Fouille à jour fixe.
Prétentions des parties
Les sociétés appelantes demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris et de débouter la société Foir'Fouille de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- de déclarer nulles et de nul effet dans toutes leurs dispositions les conventions de franchise et conventions d'approvisionnement signées entre la société Stock Sud et les sociétés franchisées, ainsi que les ventes effectuées par ladite société aux sociétés franchisées, et ce pour indétermination du prix et de la quotité de la chose (articles 1591 et 1129 du Code civil), défaut de cause, d'objet, dol et prix imposés ainsi que pour violation de l'article 85 § 1er du Traité de Rome.
- de condamner la société Stock Sud à reprendre les marchandises qu'elle a livrées sans qu'elles soient commandées et qui se trouvent en stock chez les sociétés Villefranche Bazar, et ce aux frais de la société ;
- de condamner, en conséquence, la société Stock Sud, actuellement la société Foir'Fouille, à rembourser :
1°) A la société Rhône Alpes Solderie : - la redevance initiale forfaitaire de 60 000 F HT soit 71 160 F TTC ; - les redevances proportionnelles perçues indûment, soit la somme de 1 000 000 F HT, sauf à parfaire ou à diminuer ; - une somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'une somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC,
2°) A la société RG & Associés : - la redevance initiale forfaitaire de 75 000 F HT, soit 88 950 F TTC - les redevances proportionnelles perçues indûment, soit la somme de 463 103,36 F TTC ;
3°) A la société Villefranche Bazar : - la redevance initiale forfaitaire de 60 000 F HT, soit 71 160 F TTC, - les redevances proportionnelles perçues indûment, soit la somme de 1 000 000 F HT, sauf à parfaire ou à diminuer ; - une somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ;
4°) A la société Stock Ouest : - les redevances initiales perçues pour les deux magasins de Nantes, soit 125 000 F TTC - la somme de 669 877,50 F payée d'avance jusqu'au 31 décembre 1988, dont une traite en cours réglée au 1er octobre 1988 de 71 165 F HT sauf à parfaire ou à diminuer, et ce pour le magasin de Saint Herblain, au titre de la redevance proportionnelle ; - la somme de 355 825 F payée jusqu'au 31 décembre 1988, dont une traite réglée au 1er octobre 1988 de 71 165 F HT, sauf à parfaire ou à diminuer pour le magasin de Rezé, soit au total, pour les deux magasins de Nantes et de Saint Herblain, la somme de 1 025 702,50 F ;
- la somme de 100 000 F à titre de dommages intérêts ;
- la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
5°) A la société Stock Sud Ouest : - la somme de 60 000 F au titre de la redevance initiale,
- la somme de 705 719,17F HT payée jusqu'au 30 septembre 1988 au titre des redevances proportionnelles, sauf à parfaire ou à diminuer pour le magasin de Bordeaux,
- la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts,
- la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Au soutien de leur appel, les sociétés franchisées font plaider :
1°) Sur l'absence de droits sur la marque Foir'Fouille :
- que la marque Foir'Fouille a été déposée le 24 octobre 1977 par une société La Foire aux Bonnes Affaires,
- que le dépôt international fait le 16 octobre 1984 par la société Stock Sud ne peut trouver son origine dans le dépôt opéré par une autre société,
- que si la société Stock Sud a déposé la marque le 21 octobre 1987, il s'agissait d'un premier dépôt et non d'un renouvellement,
- que la totalité des contrats de franchise ayant été signée antérieurement à cette date, la société Stock Sud n'avait aucun droit sur la marque,
- que la société Foir'Fouille a donc fait état abusivement de droit de propriété et a commis un dol, la marque étant un élément essentiel du contrat de franchise,
2°) Sur la nullité des conventions
- qu'en précisant dans l'article 1er du contrat de franchise qu'elle " loue au contractant un droit de jouissance exclusive de la marque Foir'Fouille, la société Stock Sud a trompé son cocontractant et ne lui a pas fourni la prestation promise et la sécurité nécessaire en matière de droit de marques,
- que selon la jurisprudence française et la définition du règlement d'exemption, le savoir-faire qui est communiqué par le franchiseur au franchisé doit être secret, substantiel et identifié,
- qu'au cours du premier semestre 1988, les sociétés franchisées s'aperçurent que le savoir-faire de la société Stock Sud n'était ni secret, ni substantiel, ni identifié, la "bible" dont fait état le tribunal ne constituant pas un document sérieux,
- que la société Stock Sud s'est bornée à utiliser des méthodes banales de commercialisation, notamment la diffusion des tracts publicitaires à cadence mensuelle,
- qu'en réalité le contrat de franchise se résumait en une fourniture de produits par le franchiseur ou par les fournisseurs référencés avec la mise à disposition d'une marque, au demeurant non protégée,
- que l'assistance commerciale et technique faisait totalement défaut,
- que la société Stock Sud avait pris peu d'engagements et qu'elle ne les a même pas tenus,
- qu'elle s'obligeait à transmettre un savoir-faire de gestion, d'organisation et de situation d'un magasin, ce qu'elle n'a pas fait, et à aider au lancement, ce qu'elle a fait très imparfaitement,
- que le contrat synallagmatique n'avait pour les sociétés franchisées aucune contrepartie, manquant ainsi de cause et d'objet et ayant été conclu par dol,
- que de leur côté, les contrats d'approvisionnements sont nuls pour indétermination du prix et de la quotité des marchandises livrées et que le tribunal ne s'est pas prononcé à cet égard,
- que le mécanisme de fixation du prix par un expert désigné par le Président du Tribunal de commerce de Montpellier tel qu'il était prévu au contrat était inapplicable, s'agissant la plupart du temps de lots achetés à l'étranger,
- que les bons de livraison faisaient état du prix de vente au public et non du prix d'achat qui n'était communiqué aux sociétés franchisées que 8 jours après les livraisons, ce qui les mettait dans l'impossibilité de négocier les prix avec le franchiseur,
- que la quotité des marchandises livrées indéterminée du fait qu'aucune commande n'était passée par les sociétés franchisées, mais que les livraisons étaient imposées pour des marchandises non commandées choisies unilatéralement par le franchiseur sans que ce dernier se soucie du stock existant dans les magasins tant et si bien que les franchisées se trouvaient à la fin du premier semestre 1988 en possession de stocks très importants de marchandises invendues et invendables,
- que chaque mois, le franchiseur organisait des campagnes publicitaires, ce qui mettait les sociétés franchisées dans l'obligation d'avoir ces produits en magasin sous peine d'être poursuivis pour une publicité mensongère, et de les vendre aux prix annoncés à la clientèle par les tracts,
- que le tribunal n'a pas répondu â ce moyen, de même qu'il n'a répondu ni à la demande tendant à entendre prononcer la caducité des contrats à la date du 30 juin, date à laquelle les franchisés ont refusé de continuer à subir la loi du franchiseur, ni à la demande subsidiaire tendant à entendre prononcer la nullité des ventes successives faites par la société Stock Sud aux sociétés franchisées,
- que les contrats d'approvisionnements sont pareillement nuls pour prix imposés lors de la livraison et prévus par les publicités, ce qui plaçait les franchisées dans l'impossibilité de pratiquer une politique personnelle de prix,
- qu'enfin, les contrats de franchisés qui renfermaient des restrictions de concurrence importantes par le jeu d'une clause d'exclusivité territoriale et d'exclusivité d'approvisionnement auraient dû recevoir l'exemption de la commission de la Communauté Economique Européenne et qu'ils sont, en outre, nuls comme contraires à l'article 85 § 1er du Traité de Rome du fait de l'existence d'une clause de prix imposé comme le rappelle l'arrêt Pronuptia rendu le 26 janvier 1986 par la Cour de Justice des Communautés Européennes,
3°) Sur la demande subsidiaire en résolution des contrats pour inexécution :
- qu'il résulte des pièces communiquées que le franchiseur n'a respecté ni les propositions de vente des produits à des prix inférieurs à ceux qu'ils avaient la possibilité d'acquérir sur le marché international, ni celles relatives à la position de marchandises non commandées et supérieures aux quota, ni celles afférentes aux techniques de gestion, d'organisation et de situation d'un magasin ou à la perception des commissions de la part des fournisseurs,
4°) Sur la demande reconventionnelle de la société Foir'Fouille :
que le tribunal ne pouvait retenir que la rupture par les sociétés franchisées était abusive puisque effectuée sans mise en demeure préalable, alors que les contrats étant nuls où, à tout le moins, caducs ou subsidiairement, résolus, elles n'avaient pas à mettre en demeure le franchiseur du fait qu'elles lui opposaient l'exception son adimpleti contractus, outre le fait que la demande reconventionnelle était manifestement excessive,
5°) Sur la violation de la clause de non-concurrence :
Que cette clause est nulle puisqu'elle s'applique dans tous les cas et qu'aux termes de l'arrêt Pronuptia, elle doit demeurer limitée à une période raisonnable et ne peut s'appliquer que si elle est justifiée par la protection du savoir-faire,
- qu'en l'espèce, à défaut de savoir-faire substantiel et identifié à protéger, la clause ne se trouve pas de justification.
Aux termes de conclusions supplétives, les sociétés appelantes, se référant à une consultation demandée au Professeur Burst de la Faculté de Droit de Strasbourg font observer :
1°) Sur l'absence de droits sur la marque Foir'Fouille :
- que le Tribunal de commerce de Montpellier a fait une fausse application du droit sur les marques et n'a pas répondu aux conclusions des sociétés demanderesses,
- que la société Stock Sud qui n'était pas titulaire du dépôt français du 24 octobre 1987 ne pouvait pas procéder valablement au dépôt international du 16 octobre 1984 conformément â l'article 1er § 2 de l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques du 14 avril 1891,
- que les contrats ont été signés les 20 novembre 1984, 6 août 1985, 16 décembre 1985 et 15 août 1987, alors que la société Stock Sud n'est devenue propriétaire de la marque objet de ces contrats qu'à partir du 21 octobre 1987 et que le préambule des contrats mettait l'accent sur l'importance de la marque,
- qu'en affirmant, contrairement à la vérité, qu'elle était propriétaire de la marque la Foir'Fouille, la société Stock Sud a commis un dol qui a été déterminant du consentement des franchisées,
- que la concession de l'usage de la marque constituait l'objet essentiel des contrats, ceux-ci sont privés de cause et d'objet de la même manière que les obligations des franchisées ;
2°) Sur l'indétermination du prix et de la quotité des marchandises vendues :
- que le premier alinéa de l'article 3 de la convention d'approvisionnement s'analyse en une clause d'approvisionnement exclusif auprès du franchiseur et que la Cour de cassation a admis l'annulation d'un contrat de franchise stipulant une telle clause,
- que pour que le prix puisse être déterminé ou déterminable, il faut non seulement que le prix soit déterminé par des éléments ne dépendant pas de la seule volonté de l'une des parties, mais encore que les parties ne puissent en aucune manière agir unilatéralement sur le montant du prix,
- qu'en l'espèce, la pratique imposée par la société Stock Sud montre que les prix d'achat ne pouvaient pas être discutés par les sociétés franchisées, que le prix était fixé unilatéralement par le franchiseur et que la méthode utilisée par ce dernier paralysait totalement le jeu de la clause dite " à dire d'expert ",
- que l'indétermination du prix frappe le contrat d'une nullité absolue,
- qu'en vertu de l'article 3 alinéa 1er de la convention d'approvisionnement, les franchisées s'engageaient à acheter tous les éléments proposés par la société Stock Sud dans sa gamme et qu'ainsi la quotité des marchandises qui devaient être achetées et livrées était parfaitement indéterminée et indéterminable et dépendait de la seule volonté du franchiseur, les franchisées n'ayant pas le choix des articles à commander, ce qui entraîne la nullité des contrats de franchise ainsi que tous les contrats de vente successifs à la suite desquels la marchandise est encore en stock dans les magasins des franchisées,
De son côté, la société Foir'Fouille sollicite la confirmation du jugement déféré et le débouté des sociétés appelantes de toutes leurs demandes.
Sur son appel incident, elle demande à la cour :
- de dire et juger que les conventions de franchise et d'approvisionnement ont été rompues aux torts des sociétés franchisées à la date du 6 septembre 1988 ;
- en réparation du préjudice subi, de condamner :
* la SARL Stock Ouest au paiement de la somme de 1 500 000 F (un million cinq cent mille francs) à titre de dommages et intérêts ;
* la SARL Stock Sud Ouest au paiement de la somme de 175 000 F (cent soixante quinze mille francs) à titre de dommages et intérêts ;
* la SARL Rhône Alpes Solderie au paiement de la somme de 250.000 F (deux cent cinquante mille francs) à titre de dommages et intérêts ;
* la SA RG & Associés au paiement de la somme de 650 000 F (six cent. cinquante mille francs) à titre de dommages et intérêts ;
* la SARL Villefranche Bazar au paiement de la somme de 1 000 000 F (un million de francs) à titre de dommages et intérêts ;
- de constater que les clauses de non-concurrence figurant aux articles 7 des conventions de franchise ont été violées et de condamner en conséquence :
* la SARL Stock Ouest qui exploite deux magasins au paiement de la somme de 1 000 000 F (un million de francs) à titre de dommages et intérêts ;
* et chacune des sociétés Stock Sud Ouest, Rhône Alpes Solderies, RG & Associés et Villefranche Bazar au paiement de la somme de 500 000 F (cinq cent mille francs) à titre de dommages et intérêts ;
- d'ordonner en toute hypothèse, la fermeture immédiate des magasins exploités sous l'enseigne concurrente Magic'Fouille par ces sociétés Stock Ouest, Stock Sud Ouest, Rhône Alpes Solderie, RG & Associés et Villefranche Bazar et leur ordonner également en tout hypothèse, de cesser de s'intéresser directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit, fût-ce comme Conseil, à une entreprise similaire à celle de la SA Foir'Fouille, le tout sous astreinte définitive et non comminatoire de 50 000 F par infraction constatée et par jour de retard ;
- dire que cette astreinte ne commencera qu'à courir qu'à compter du jour de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- de condamner chacune des sociétés au paiement de la somme de 150 000 F (cent cinquante mille francs) à titre de liquidation de l'astreinte prévue par le jugement ;
- représentant 150 jours d'astreinte courant à compter du 20 juin 1989 et jusqu'au 20 novembre 1989 ;
- de les condamner au paiement du solde restant éventuellement dû sur les factures de marchandises tel qu'il sera déterminé par l'expert Guillemain désigné par le tribunal ;
- de les condamner à remettre sous astreinte de 200 F par jour de retard les matériels, documents, imprimés et produits portant le sigle la Foir'Fouille ou créés par la SA Foir'Fouille pour les besoins de ses magasins ;
- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans les publications suivantes :
* Libre Service Actualités * Journal du Textile * La correspondance de l'enseigne * Sud-ouest * Ouest-France * Le Dauphiné Libéré * Le Progrès
le tout aux frais solidaires et avancés des sociétés défenderesses sans que le coût global hors taxes de ces insertions puisse dépasser 150 000 F ;
- de condamner chacune des sociétés Stock Ouest, Stock Sud Ouest, Rhône Alpes Solderie , RG & Associés, Villefranche Bazar à verser à la SA Foir'Fouille la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ;
A l'égard des demandes des sociétés appelantes, la société intimée réplique
1°) Sur la marque :
- que les sociétés ont informé le Professeur Burst de manière inexacte ;
- que si la marque " La Foir'Fouille " a été déposée à l'Institut National de la Propriété Industrielle le 24 octobre 1977 sous le numéro 259600 par la société La Foire aux Bonnes Affaires, cette société a cédé la marque à la société Stock Sud et cette cession a été publiée le 28 février 1984 au registre national des marques sous le numéro 5527,
- que les contrats font donc légitimement établi du fait que la société Stock Sud était propriétaire de la marque " La Foir'Fouille " et que c'est tout aussi légitimement que cette société a procédé le 16 octobre 1984 au dépôt international de cette marque,
- que la protection d'une marque en France ayant une durée de 10 ans, la société Stock Sud a procédé le 21 octobre 1987 au dépôt sous le numéro 883425, dépôt enregistré par l'INPI sous le numéro 1431512 et valable jusqu'au 21 octobre 1987,
2°) Sur la prétendue indétermination de l'objet :
- que la convention d'approvisionnement est très claire puisqu'elle prévoit qu'en cas de désaccord sur le prix, un expert désigné par le Président du Tribunal de commerce de Montpellier fixera un prix de marché sur le produit litigieux et qu'ainsi le prix est déterminable conformément aux dispositions de l'article 1592 du Code civil ;
- que pendant plusieurs années d'exécution du contrat, les sociétés appelantes n'ont jamais mis en œuvre cette clause, faute de ressortir le moindre désaccord sur les prix pratiqués,
- que l'engagement du fourni ne portait que sur un montant très limité des achats calculés par semaine, au M2 de la surface de vente,
- que pour le reste, les sociétés franchisées disposaient d'une totale liberté puisqu'elles achetaient où bon leur semblait, ce qui ne permet pas d'invoquer une quelconque nullité,
3°) Sur les prétendus prix imposés :
- qu'aucune clause du contrat d'approvisionnement n'imposait un quelconque prix de vente,
- que les sociétés appelantes sont mal venues à soutenir que les prix de revente seraient imposés du fait de la publicité faisant état du prix public alors qu'il s'agit d'une pratique courante qui n'a jamais constitué un prix imposé puisque le prix indiqué ne peut constituer qu'un prix maximum, ce qui est parfaitement licite,
- qu'en outre, la publicité porte sur moins de 3% des articles vendus, ce qui est infime, et qu'en 1987, notamment, la publicité a concerné 110 articles sur 4 500 en présence normale dans le magasin, soit 2,40%,
4°) Sur la référence des appelantes au droit communautaire :
- que les sociétés franchisées visent dans leurs conclusions un règlement de la Commission de Bruxelles du 3 novembre 1988 entré en vigueur le 1er février 1989 alors que leurs assignations datent de juillet et août 1988 et que les contrats ont pris fin bien avant que ce règlement n'entre en vigueur,
- que, d'autre part, l'application des articles 85 et 86 du Traité de Rome à un contrat suppose que ce contrat atteigne le seul de sensibilité fixé par la communication de la Commission du 3 septembre 1986, soit un chiffre d'affaires cumulé supérieur à 200 millions d'écus ou un milliard 400 millions de francs ou 5% du marché en cause, alors que la société Foir'Fouille demeure très en dessous de ces seuils tant en chiffre d'affaires qu'en part de marché, ce qui ne permet pas aux sociétés appelantes d'invoquer le droit communautaire,
A l'appui de son appel incident, la société intimée fait valoir :
1°) Sur les buts recherchés par les ex-partenaires de la société Foir'Fouille
- que les sociétés franchisées ont poursuivi un double but, d'une part, quitter le réseau Foir'Fouille pour créer et exploiter une marque directement concurrente en utilisant le savoir-faire acquis, d'autre part tenter, par une action judiciaire collective, d'échapper aux engagements contractuels souscrits envers la société Stock Sud ;
- que dans une correspondance adressée le 31 mars 1989 au franchiseur par la société Europe Import tout à la fois fournisseur de la société Foir'Fouille et surtout franchisée par l'intermédiaire des trois magasins des sociétés Stock Ouest et Stock Sud Ouest, la société Europe Import faisait état d'une " petite inquiétude " et remerciait le franchiseur d'avoir accepté de ne plus fournir momentanément qu'un seul magasin,
- que dès le 30 mai 1988, la société Europe Import déposait la marque " Magic'Fouille " et le 1er juillet 1988, la marque semi figurative " Magic'Fouille, La Magie des Prix " ;
- que le 6 juillet 1988, soit à peine 3 mois après la correspondance du 31 mars 1988, les sociétés du groupe Europe Import résiliaient les contrats de franchise par une lettre commune, comme le faisaient le même jour ou le lendemain les autres sociétés appelantes,
- qu'il résulte des procès verbaux de constats d'huissiers que les sociétés Stock Ouest et Stock Sud Ouest ont immédiatement remplacé l'enseigne Foir'Fouille par celle de Magic'Fouille et ont concurrencé sans scrupule la marque Foir'Fouille et que le même processus a été employé par toutes les autres sociétés franchisées,
- que les assignations rédigées en termes rigoureusement identiques ne sont que des leurres destinés à permettre l'implantation d'un réseau concurrent au mépris des conventions signées ;
2°) Sur la réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive des conventions :
- que l'article 11 de la convention de franchise prévoit que la résiliation ne peut intervenir qu'un mois après mise en demeure restée infructueuse et qu'en l'espèce cette procédure n'a pas été respectée par les sociétés franchisées,
- que la résiliation des conventions avant l'arrivée de leur terme est doublement abusive ; en ce sens que, d'une part, la société Foir'Fouille n'a pas été mise en demeure, d'autre part le franchiseur avait parfaitement respecté ses obligations,
- que la rupture unilatérale du contrat par l'une des parties avant l'arrivée du terme constitue une faute entraînant la responsabilité civile de son auteur et l'allocation de dommages-intérêts à la victime,
- qu'en l'espèce, le préjudice subi par la société Foir'Fouille est extrêmement important et correspond au moins au montant des redevances que cette société aurait perçues si les contrats s'étaient poursuivis jusqu'à leur terme, l'article 10 des conventions stipulant que ces dernières sont conclues pour trois ans, renouvelables par tacite reconduction, sauf dénonciation avec préavis de 6 mois au moins avant leur expiration,
- qu'eu égard aux date d'échéance des contrats, la rupture anticipée de ceux-ci a entraîné une perte de 872 150,80 F, compte non tenu de l'indexation, en ce qui concerne la société Stock Ouest, magasin de Nantes-Saint Herblain, de 675 213,52F pour le magasin Nantes-Rezé de la même société, de 164 389,49F par le fait de la société Stock Sud Ouest, de 247 715,86 F à l'égard de la société Rhône Alpes Solderies, de 657 555,94 F vis-à-vis de la société RG et Associes et de 2 012 820,28 F en ce qui concerne la société Villefranche Bazar,
- que les indemnités allouées par le tribunal ne compensent donc pas le préjudice réellement subi par la société Foir'Fouille,
3°) Sur la réparation du préjudice subi du fait de la violation de la clause de non-concurrence
- qu'il résulte des procès verbaux de constats d'huissiers établis à la requête de la société intimée que dans les villes concernées les enseigne " Foir'Fouille " ont toutes été remplacées dès le mois de juillet ou août 1988 par les enseignes de la marque concurrente " Magic'Fouille " et que la clause de non-concurrence prévue à l'article 7 de la convention a délibérément été violée,
- que la saisine du Tribunal de commerce de Montpellier ne permettait pas aux sociétés franchisées de passer outre, le contrat prévoyant que la clause de non-concurrence demeurait valable quelles que soient les causes de la rupture et la Cour de cassation ayant consacré le principe de l'autonomie de la clause,
- qu'en utilisant les techniques et le savoir-faire communiqués par la société Foir'Fouille et en créant dans l'esprit de la clientèle une confusion selon laquelle la marque " Foir'Fouille " aurait disparu au profit d'une marque " Magic Fouille " utilisant le même mot " Fouille " et dans les slogans " Encore plus de choix, Encore moins cher ", les sociétés franchisées ont cherché à bénéficier sans discontinuité de l'image et de la renommée de la marque " La Foir'Fouille " et ont causé un préjudice commercial extrêmement important au franchiseur qui s'est vu soudain privé de magasins dans plusieurs villes importantes de France et doit faire face à une véritable tentative de démantèlement de son réseau,
- que le préjudice ne saurait être évalué à une somme inférieure à 500 000 F par magasin,
4°) Sur la cessation immédiate des activités concurrentielles :
- que le jugement doit être confirmé à cet égard, sauf à relever le montant de l'astreinte de manière à faire cesser rapidement le trouble causé à la société " Foir'Fouille ",
- qu'en outre, la fermeture immédiate des magasins exploités par les sociétés appelantes doit être ordonnée,
5°) Sur la liquidation de l'astreinte prononcée par le Tribunal de commerce :
- que malgré les sommations délivrées les 13,15, et 19 juin 1989 d'avoir à cesser leurs activités concurrentielles, les sociétés ex-franchisées ont passé outre la décision entreprise et que l'astreinte doit ainsi être liquidée,
6°) Sur le paiement des factures de marchandises :
- que seule la société Rhône Alpes Solderies a réglé les factures de marchandises la concernant,
- que les autres sociétés restent redevables, Stock Ouest magasin de Saint Herblain de 125 917,71F, Stock Ouest magasin de Rezé de 140 335,08 F, Stock Sud Ouest de 342 406,09 F, RG et Associés de 250 499,89 F et Villefranche Bazar de 139 388,99 F, sauf à ordonner la compensation entre ces factures et les effets éventuellement encaissés par la société Foir'Fouille au titre des redevances du quatrième trimestre 1988 ou du premier trimestre 1989,
- que, par contre, aucune compensation n'est possible avec les redevances du troisième trimestre 1988 payés d'avance pour le trimestre en cours alors que les contrats ont été résiliés à la date du 6 septembre 1988 pour non exécution des obligations des sociétés franchisées,
7°) Sur la restitution des matériels et documents portant le signe " Foir'Fouille " :
- que l'article 12 du contrat fait obligation au franchisé, en cas de rupture de la convention pour quelque cause que ce soit, de remettre sans délai à Stock Sud tous les matériels, documents, imprimés et produits portant le sigle " La Foir'Fouille " ou créés par Stock Sud pour les besoins de ses magasins ", mais que cette remise n'a pas été effectuée malgré le jugement rendu.
Aux termes de conclusions en réplique, les sociétés appelantes font observer :
- sur la marque, que la communication d'un contrat de cession de marque entre la société La Foir'Fouille anciennement dénommée la Foire aux Bonnes Affaires et la société Stock Sud n'enlève pas sa valeur à l'argumentation du professeur Burst, le contrat dont s'agit n'étant pas signé et la publication à l'INPI d'un contrat qui n'a jamais existé étant sans effet à l'égard des tiers,
- sur la détermination de l'objet, que les pièces produites démontrent qu'il n'y avait ni marque valablement protégée, ni savoir-faire secret, substantiel et identifié, ni assistance technique,
- sur l'indétermination des prix, que les marchandises livrées par la société Stock Sud :
* ne faisaient pas l'objet de commandes par les sociétés franchisées qui se voyaient imposer unilatéralement la nature et la quotité des marchandises fournies,
* faisaient l'objet d'un bordereau de livraison sur lequel était mentionné le prix de vente public des produits et non le prix d'achat au franchiseur,
* faisaient, ensuite, l'objet d'une facture adressée alors que certaines fournitures avaient déjà vendues par les franchisées, ce qui ne permettait pas de mettre en place la clause de recours à un expert,
- sur les prix imposés, que les sociétés franchisées ne pouvaient calculer une marge à partir d'un prix d'achat puisque lorsqu'elles recevaient la marchandise, elles ne connaissaient pas son prix d'achat et ne pouvaient donc que se référer aux prix imposés par la société Stock Sud,
- sur l'application du droit communautaire, que s'il est vrai que le règlement de la Commission de Bruxelles en date du 30 novembre 1988 est entré en vigueur le 1er février 1989, l'article 85 du Traité de Rome est applicable depuis la signature de ce traité et doit s'appliquer, la société Foir'Fouille s'enorgueillissant de s'implanter dans différents pays du marché commun et ayant toujours prétendu être le leader sur le marché de la braderie-solderie, celui lui fait dépasser le seuil de 5%,
- sur les demandes reconventionnelles de la société Foir'Fouille, que la nullité des contrats ne peut que conduire la cour à débouter celle-ci de toutes ses prétentions, les sociétés étant néanmoins, prêtes à régler la différence entre le prix des fournitures et le montant des redevances si le solde est créditeur en faveur de la société Foir'Fouille.
Au dernier état de la procédure, les sociétés appelantes concluent au rejet des débats de la consultation demandée par la société Foir'Fouille au professeur Azema et communiquée la veille de l'audience, ce qui viole la règle du contradictoire.
Subsidiairement, elles soutiennent : - que la consultation du professeur Azema confirme l'argumentation du Professeur Burst, mais qu'il est étonnant que le professeur Azema n'ait pas remarqué que le contrat de cession de marque n'était pas daté,
- que la jurisprudence citée par le Professeur Burst n'est pas mise en cause par le Professeur Azema et s'il existe des " hésitations en jurisprudence ", la Cour d'appel de Montpellier est parfaitement souveraine en la présente espèce,
- que le professeur Azema a repris la lettre du contrat sans " vérifier l'application concrète que le franchiseur, la société Stock Sud, avait fait de la clause " ;
- sur la quotité qu'il semble que le Professeur Azema comme le Tribunal de commerce ait arrêté la lecture du contrat à l'article 2 car s'il avait lu l'article 3 1er alinéa, il se serait nécessairement rendu compte que les franchisées n'avaient pas le choix des articles à commander, ce choix étant fait par le franchiseur qui l'imposait aux franchisées ;
Motifs de l'arrêt et décision
Attendu que les procédures d'appel inscrites sous les numéros 89-3343 et 89-4215 étant attraites par un lien évident de connexité, il convient d'ordonner leur jonction ; que d'autre part, il n'y a pas lieu de déclarer irrecevable le rapport du Professeur Azema communiqué la veille de l'audience alors que les sociétés appelantes ont-elles-mêmes conclu sur un autre thème le jour de l'audience et qu'il s'agit d'une assignation à jour fixe.
I - Sur les contrats de franchisé
Attendu que les contrats de franchise concédaient aux sociétés franchisées un droit de jouissance exclusif sur la marque " La Foir'Fouille " dans une zone délimitée ;
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats par la société intimée :
- que cette marque a été déposée le 24 octobre 1977 sous le n° 259600 par la SARL la Foire Aux Bonnes Affaires à l'Institut National de la Propriété Industrielle ;
- que suivant délibération d'une assemblée générale extraordinaire en date du 25 juin 1988, la société a pris la dénomination sociale de société La Foir'Fouille,
- que suivant acte sous seing privé enregistré le 28 février 1984 à l'INPI, la société la Foir'Fouille a cédé la marque à la société Stock Sud,
- que le 16 octobre 1984, celle-ci a procédé au dépôt international de la marque,
- que le 21 octobre 1987, la société Stock Sud a à nouveau déposé la marque à l'INPI sous le numéro 143512 ;
Attendu que les sociétés appelantes ne sauraient légitimement soutenir l'absence de droits de la société Foir'Fouille sur la marque au motif que le contrat de cession ne porte pas de date ; qu'en effet, l'acte sous seing privé ayant été enregistré, la cession est opposable aux tiers ; qu'il convient, en outre, de noter que le dépôt international porte la référence 259600 qui est le numéro du dépôt opéré le 24 octobre 1977 à l'INPI ; que la société Stock Sud était en droit de procéder à ce dépôt international ; qu'ainsi, lors de la signature des contrats de 1984 à 1987, la société Stock Sud était donc propriétaire de la marque " La Foir'Fouille " et n'a commis aucun dol à cet égard en mettant la marque à la disposition des sociétés franchisées ; que le moyen soulevé de ce chef par les sociétés appelantes doit être écarté ;
Attendu, d'autre part, que comme l'a souligné le tribunal un contrat de franchise doit comporter, la mise à la disposition du franchisé non seulement d'un nom commercial, de logos et symboles, mais aussi d'un savoir-faire, d'une collection de produits ou services offerts d'une manière originale et spécifique et des techniques commerciales, uniformes, préalablement expérimentées et constamment mises au point et contrôlées; que le recueil remis lors de la signature des contrats aux sociétés franchisées par la société Stock Sud et versé aux débats, renferme une somme considérable d'instructions et de recommandations composée de fiches techniques constamment mises à jour et qui traitent de l'aménagement du magasin, de son éclairage, de son chauffage, sonorisation et de l'équipement intérieur et extérieur du matériel de vente, des techniques de dispositions des marchandises et de vente, de la préparation de l'ouverture, de la publicité, de la gestion, de l'administration et de la sécurité ; que le détail et le caractère pratique des conseils prodigués révèle manifestement une expérience de la vente très poussée et un souci d'orienter le franchisé d'une manière très affinée ; que contrairement aux allégations des sociétés appelantes, il s'agit par là d'une " bible d'une affligeante banalité " ; qu'il n'est pas démontré par les sociétés franchisées que ces méthodes soient répandues chez tous les commerces importants de solderie ; que dès lors, les conditions de secret, de substantialité et d'identification exigées de la part du franchiseur sont remplies ;
Attendu que dans la convention de franchise, la société Stock Sud s'engageait également à mettre à la dispositions de son franchisé une étude lors du lancement du magasin et à lui dispenser une formation, soit en lui adressant un responsable de la société, soit en recevant le co-contractant au magasin La Foir'Fouille de Montpellier qu'il apparaît que lors de l'ouverture des magasins de Villefranche sur Saône, Grenoble Saint Egrève et Lyon Saint Priest, la société Stock Sud a mis à la disposition des franchisés un technicien M. Prost ; que les courriers versés aux débats tant par les sociétés appelantes que par la société intimée démontrent le suivi des relations franchiseur-franchisées ; que pour démontrer la réalité de l'assistance technique fournie à ses franchisées, la société Foir'Fouille se référait aux pièces 46 et 48 du dossier adverse ; que si ces pièces figurent sur le bordereau de communication de pièces des sociétés appelantes à la société intimée comme étant "Lettre Navarro Stock Sud à Villefranche Bazar 30 mars 1988 " et " Lettre Stock Sud à Villefranche Bazar 20 avril 1988 ", la cour constate, malgré un examen attentif des pièces produites par les sociétés appelantes, que les pièces 46 et 48 ont disparu ; qu'en toute hypothèse, l'assistance technique est expressément prévue dans le contrat et que les sociétés appelante ne peuvent donc de ce chef que demander la résolution ou la résiliation du contrat et non son annulation que pour les motifs sus énoncés, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté les sociétés franchisées de leur demande en annulation des contrats de franchise ;
II - Sur les contrats d'approvisionnement
Attendu qu'à chaque convention de franchise était annexé un contrat d'approvisionnement ; que les sociétés appelantes fondent leurs demandes d'annulation des contrats d'approvisionnement sur la violation de l'article 1129 du Code civil pour indétermination du prix et de la quotité des marchandises livrées et sur le caractère imposé du prix de vente ;
Attendu, sur l'indétermination du prix, que pour rejeter les prétentions des sociétés demanderesses, le tribunal a rappelé que l'article 3 du contrat prévoyait un mécanisme de fixation du prix par tiers estimateur dans le cas d'un désaccord ; qu'en effet, ledit article stipule qu'en cas de désaccord sur le prix, les parties demanderont à un expert désigné à la demande de la partie la plus diligente par le Président du Tribunal de commerce de Montpellier de fixer un prix de marché pour le produit en question"; que les sociétés franchisées prétendent que cette clause est inapplicable du fait que les bons de livraison faisaient état du prix de vente public et non du prix d'achat et que celui-ci n'était communiqué que 8 jours après livraison ;
Mais attendu que si les sociétés appelantes versent aux débats des bulletins de livraison (pièces 89 et suivantes) où ne figure que le PVU, c'est-à-dire le prix unitaire de vente, elles produisent également un lot de bulletins de livraison (pièces 81 et suivantes) où sont mentionnés non seulement le PVU, mais aussi le prix unitaire d'achat, que la mention de celui-ci ne permet pas de retenir l'indétermination du prix alors que le nombre peu important de bons de livraison communiqués à la Cour ne permet pas d'établir quel type de bulletin de livraison était le plus utilisé ; qu'en outre, le fait que les sociétés franchisées recevaient des factures postérieurement aux bulletins de livraison et n'avaient pas connaissance du prix d'achat qu'après avoir reçu les marchandises n'empêchait nullement le jeu de la clause d'arbitrage du prix et qu'aucune des sociétés appelantes ne prouve avoir eu recours à cette clause;
Attendu, sur l'indétermination des quotités de marchandises, que le contrat d'approvisionnement stipulait un volume d'achat par semaine de 22 F HT par M2de surfacede vente ; qu'il n'existait donc pas une indétermination des quotités; que d'autre part, l'examen des bons de livraison révèle que contrairement aux allégations des sociétés appelantes, les franchisés passaient des commandes ; qu'en effet, les bons de livraison (pièces 81 et suivantes, 89 et suivantes) portent un haut et à gauche mention de la date de la commande ou le référence du bon de commande ;
Attendu sur la non-conformité des conventions d'approvisionnements au regard de l'article 85 § 1er du Traité de Rome pour prix imposés et clause d'exclusivité d'approvisionnement, qu'il convient d'observer que ces contrats ne renferment aucune clause prévoyant que le franchiseur imposera ses prix et que les franchisés devront exclusivement s'approvisionner auprès de la société Stock Sud ; que si les sociétés appelantes invoquent, a l'appui de leur demande, la publicité faite par le franchiseur sur les produits et sur les prix correspondants, il convient d'observer qu'eu égard à la variété très abondante de marchandises distribuées par les magasins à l'enseigne La Foir'Fouille, le publicité ne pouvait viser qu'une très faible quantité de produits et qu'il n'est ainsi point démontré que les contrats dont s'agit aient été contraires aux Traité de Rome; que les premiers juges ont donc à bon droit écarté pareillement les demandes en annulation des contrats d'approvisionnements ;
III - Sur la demande subsidiaire en résolution des contrats pour inexécution des obligations par le franchiseur
Attendu que s'agissant de contrat à exécutions successives, les sociétés appelantes ne pouvaient, en toute hypothèse, que solliciter la résiliation des contrats et non leur résolution ;
Attendu que pour les motifs sus énoncés, il n'est pas démontré que la société Foir'Fouille ait manqué à l'exécution de ses obligations dans le cadre des contrats de franchise ; qu'en ce qui concerne les contrats d'approvisionnements, les sociétés Stock Sud Ouest et Rhône Alpes Solderies se plaignaient essentiellement, dans des courriers adressés les 20 juin et 6 juillet 1988 à la société Stock Sud de le fourniture de produits à des prix supérieurs aux prix du marché et du dépassement du quota contractuel au M2 de surface de vente, ce qui provoquait le gonflement des stocks ; que, néanmoins, il appartient aux sociétés franchisées de rapporter la preuve de leurs dires ; qu'à cet égard, la cour note qu'en ce qui concerne les prix non compétitifs, pratiqués par les franchiseur, elles ne produisent qu'un seul exemple ( pièce 155), celui du rouleau d'aluminium de 20 mètres vendu 6 F par la société Stock Sud et 6,11 F par le fournisseur Casch Sac, prix réduit, néanmoins, à 5,67 F par suite de l'application d'une remise 4%.
Attendu que cet élément eu égard au volume considérable des relations commerciales existant entre franchiseur et franchisées, manifestement insuffisant pour prononcer la résiliation des contrats d'approvisionnements.
Attendu d'autre part, qu'il convient de relever que le 1er mai 1988, donc deux mois et demi seulement avant l'assignation qui porte la date du 19 juillet 1988, la société Stock Ouest a renouvelé son contrat pour son premier magasin et que 3 ans après avoir passé son premier contrat, elle en a signé, le 21 septembre 1987, un nouveau pour son second magasin ; que ces faits sont en contradiction avec les doléances de la société Stock Ouest ;
Attendu, ainsi, que c'est à juste titre que le Tribunal a débouté les sociétés franchisées de leurs demandes et que la décision entreprise doit être confirmée de ce chef ;
IV - Sur les demandes reconventionnelles
Attendu que pour les motifs sus énoncés, il convient de constater que les sociétés appelantes ont abusivement rompu les conventions ; que les premiers juges ont donc à juste titre déclaré que la rupture des relations contractuelles était imputable aux sociétés franchisées ; qu'il convient, néanmoins, d'y ajouter en constatant que les conventions ont été rompues à la date des 6 et 7 juillet 1988 ;
Attendu, sur la violation de la clause de non-concurrence, que l'article 7 du contrat de franchise stipulait qu' " en cas de rupture ou cessation de la présente convention, pour quelque cause que ce soit ou de résiliation judiciaire quels que soient les torts et griefs prononcés, le contractant (le franchisé) s'engage à ne pas s'intéresser sous quelque forme que ce soit, fût-ce comme conseil, directement ou indirectement, à une entreprise similaire dans la zone territoriale désignée à l'article 1er, et cependant une période de deux ans " ;
Attendu qu'il est constant qu'avant même les assignations, les sociétés franchisées ont mis en place un nouveau réseau à l'enseigne " Magic'Fouille ", marque déposée le 30 mai 1988 par la société anonyme Europe Import, porteur de parts dans les sociétés Stock Ouest et Stock Sud Ouest, qu'il est manifeste que cette enseigne est très proche de l'enseigne " Foir'Fouille " par l'emploi du mot original " Fouille " que les produits vendus par la chaîne " Magic Fouille " sont des soldes et que les commerces se tiennent dans le mêmes magasins que ceux exploités par les anciennes sociétés franchisées ;
Attendu que c'est donc à bon droit que le tribunal a estimé justifiées les demandes de réparation de son préjudice présentées par la société Foir'Fouille tant pour rupture abusive des conventions que pour violation de la clause de non-concurrence ;
Attendu, sur le montant des préjudices, que les premiers juges ont fixé à 150 000 F le préjudice subi par la société défenderesse pour chacun des deux préjudices, et ce à l'égard de chacune des sociétés franchisées ; que la société intimée sollicite la majoration des indemnités lui revenant pour rupture abusive des conventions en prenant pour base les redevances payées par les sociétés franchisées et le temps restant à courir jusqu'à l'expiration des contrats ; que si ce calcul est pertinent eu égard au fait que la redevance était dans l'avenant n° 2 du contrat, calculée non pas sur le chiffre d'affaires, mais sur la surface de vente concernée, le société intimée se limite à la production d'un tableau et ne verse aux débats aucune pièce comptable faisant apparaître le montant des redevances versées jusqu'alors, ce qui laisse à la cour toute sa liberté d'appréciation ; que néanmoins, il serait inéquitable de maintenir une indemnité égale pour chacune des sociétés franchisées, le terme des contrats étant différent ; qu'il apparaît, en outre, que le préjudice e été sous-évalué par le Tribunal ;
Que la cour possède des éléments suffisants d'appréciation pour fixer ce préjudice à :
- 450 000F en ce qui concerne la société Stock Ouest pour le magasin de Nantes Saint Herblain et à 350 000 F pour le magasin de Nantes Rezé, soit au total 800 000 F ;
- 80 000 F pour ce qui est de la société Stock Ouest,
- 120 000 F à l'égard de la société Rhône Alpes Solderies,
- 350 000 F vis à vis de la société RG et Associés ;
Que, par contre, le contrat de la société Villefranche Bazar venait à expiration le 30 septembre 1988 et celle-ci a réglé la redevance du 3ème trimestre 1988, la cour ne pouvant suivre les prétentions de la société intimée selon laquelle le contrat était renouvelé au 30 septembre 1988, faute d'avoir été résolu dans le délai de 6 mois précédent le terme ; qu'en effet, le contrat a été résilié avant le terme et la nouvelle période de 3 ans n'était pas entreprise ; que la demande de la société Foir'Fouille doit donc être rejetée de ce chef ;
Attendu, sur le préjudice résultant de la violation de la clause de non-concurrence, qu'il apparaît que l'indemnité de 150 000 F allouée à la société intimée en première instance est insuffisante pour réparer ce préjudice et qu'elle doit être élevée à la somme de 250 000 F pour chacune des sociétés, sauf en ce qui concerne la société Stock Ouest qui, exploitant deux magasins, doit être condamnée au paiement de 500 000 F ;
Attendu que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a ordonné à chacune des sociétés de cesser de s'intéresser directement ou indirectement, sois quelque forme que ce soit, à une entreprise similaire à celle de la société Foir'Fouille et de remettre les matériels, documents, imprimés et produits portant le signe " Foir'Fouille " ou créés par le société Foir'Fouille pour les besoins de ses magasins ;
Attendu, par contre, qu'il ne saurait être fait droit à la demande de la société intimée tendant à la fermeture immédiate des magasins, cette dernière n'ayant aucun droit sur la propriété de chacun de ces fonds de commerce.
Attendu, d'autre part, que le tribunal qui e prononcé une astreinte provisoire, n'a pas fixé le délai au terme duquel il serait à nouveau statué ; que l'astreinte n'a donc pu courir et que la demande en liquidation d'astreinte doit pareillement être écartée ; qu'il convient donc de prévoir une nouvelle astreinte à compter de la signification du présent arrêt ;
Attendu que la publication de la présente décision dans les sept publications précisées par la société Foir'Fouille doit être ordonnée ;
Attendu, enfin, qu'il convient d'évoquer sur les comptes entre parties et de surseoir à statuer jusqu'au dépôt du rapport de l'expert Guillemain ;
Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la société intimée la charge des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel et qu'il y a lieu de lui allouer à ce titre la somme de 8 000 F ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel régulier en la forme ; Ordonne la jonction des procédures inscrites sous les numéros 89-3343 et 89-4215 et statuant par un seul et même arrêt ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a : - Débouté les sociétés appelantes de leurs demandes ; - Accueilli la demande reconventionnelle de la société Foir'Fouille ; - Dit et jugé que les sociétés franchisées avaient abusivement rompu les conventions les liant à la société Stock Sud ; Constaté la violation par ces sociétés de la clause de non-concurrence ; - Ordonné à chacune des sociétés de cesser de s'intéresser directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit à une entreprise similaire à celle de la Foir'Fouille et à remettre les matériels, documents, imprimés et produits portant le signe " Foir'Fouille " ou créés par la société Foir'Fouille pour les besoins de son magasin ; - Ordonné une expertise confiée à M. Guillemain ; Y ajoutant, dit que les conventions ont été rompues aux torts des sociétés appelantes aux dates des 6 et 7 juillet 1988 ; Déboute la société Foir'Fouille de ses demandes tendant à la fermeture des magasins des sociétés appelantes et à la liquidation de l'astreinte ; Réformant pour le surplus la décision entreprise et statuant à nouveau, Condamne chacune les sociétés appelantes à payer à la société Foir'Fouille en réparation du préjudice résultant de la rupture abusive des conventions : - la société Stock Ouest la somme de 800 000 F ; - la société Stock Sud Ouest la somme de 80 000 F ; - la société Rhône Alpes Solderies la somme de 120 000 F ; - la société RG Associés, la somme de 350 000 F ; Déboute la société Foir'Fouille de sa demande d'indemnisation de ce chef dirigée à l'encontre de la société Villefranche Bazar ; Condamne les sociétés appelantes à payer à la société Foir'Fouille en réparation du préjudice résultant de la violation de la clause de non-concurrence ; la société Stock Ouest la somme de 500 000 F ; - la société Stock Sud Ouest, la société Rhône Alpes Solderies, la société RG et Associés et la société Villefranche Bazar la somme de 250 000 F chacune ; Dit que les sociétés précitées devront cesser de s'intéresser à une entreprise similaire à celle de la société Foir'Fouille sous astreinte de 2 000 F par jour de retard et à remettre à cette dernière les matériels, documents et produits sous astreinte de 2 000 F par jour de retard pendant deux mois, après quoi il sera à nouveau statué ; Ordonne la publication de la présente décision dans les journaux " Libre Service Actualités ", " Journal du Textile ", " La Correspondance de l'Enseigne ", " Sud Ouest " ; " Ouest France ", " Le Dauphine Libéré ", et " Le Progrès ", sans que le coût de chaque insertion puis excéder 3 000 F ; Evoquant sur les comptes entre parties, surseoit à statuer jusqu'au dépôt de son rapport par l'expert Guillemain ; Condamne les sociétés appelantes aux dépens et à payer à la société intimée la somme de 8 000 F au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ; Autorise la SCP Salvignol Guilhem, avoués associés, à recouvrer directement contre la partie condamnées ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.