Cass. soc., 30 septembre 1997, n° 94-43.733
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Rosières (Sté)
Défendeur :
Tordjman
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gélineau-Larrivet
Rapporteur :
M. Frouin
Avocat général :
M. Lyon-Caen
Avocats :
SCP Gatineau, Me Luc-Thaler.
LA COUR : - Attendu selon l'arrêt attaqué (Lyon, 16 mai 1994) que M. Tordjman a été engagé par la société Rosières en qualité d'agent commercial le 17 mai 1971 et s'est vu conférer le statut de VRP par contrat en date du 24 mars 1975 ; qu'à la fin de l'année 1990, l'employeur lui a proposé un contrat d'inspecteur commercial ; que M. Tordjman ayant refusé, il a été licencié ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Rosières fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Tordjman une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, qu'est justifié par une cause économique réelle et sérieuse le licenciement consécutif au refus du salarié d'accepter une modification substantielle de son contrat intervenant dans le cadre d'une réorganisation du service justifiée par l'intérêt de l'entreprise, qu'il est constant en l'espèce que le licenciement de M. Tordjman est intervenu en raison du refus de ce dernier d'accepter la modification de son contrat décidée par l'employeur dans le cadre d'une réorganisation d'ensemble de la force de vente, que cette modification consistait en la disparition du statut de VRP par suite de la suppression du secteur d'activité et du versement de commissions, qu'il s'agissait là d'un motif non inhérent à la personne du salarié, que dès lors qu'il n'est pas contesté que c'est bien la société Rosières qui traitait directement avec les centrales d'achats et les chaînes de grande surface, il n'appartenait pas à la cour d'appel de se substituer à l'employeur quant à la réorganisation du service mise en place pour faire face à cette situation, qu'en tenant néanmoins pour illégitime le licenciement consécutif au refus du salarié d'accepter la modification de son contrat intervenue dans le cadre de cette réorganisation, l'arrêt a violé les articles L. 321-1, L. 751-7 et L. 751-9 du Code du travail ; alors, de plus, que la cour d'appel ne pouvait tenir pour illégitime la mesure de réorganisation de la force de vente et la suppression du statut de VRP sans rechercher si, eu égard à la nature du travail effectivement accompli par les représentants, le maintien du statut de VRP pouvait encore se justifier, qu'en s'en tenant aux stipulations contractuelles imposant à M. Tordjman la prospection des grossistes, sans rechercher si en fait et compte tenu des relations directes entre les centrales d' achats et la société, l'activité de prospection menée par M. Tordjman restait suffisante pour justifier le maintien du statut de représentant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 751-1 et suivants du Code du travail ; alors que la société des Usines de Rosières avait fait état des modifications successives du contrat de travail des représentants destinées à adapter les conditions de travail aux nouvelles formes de distribution, qu'il résultait des contrats et avenants que les changements de mode de rémunération prenaient en compte la transformation des réseaux de distribution, le projet de contrat refusé par M. Tordjman constituant l'aboutissement des aménagements contractuels antérieurs, qu'en affirmant que la société ne justifiait pas du fait que la modification des techniques de ventes avait déjà entraîné la modification des fonctions de VRP l'arrêt a dénaturé les conclusions prises et violé l'article 1134 du Code civil ; alors, enfin, que la société Rosières établissait dans ses conclusions d'appel qu'en procédant à la réorganisation de son équipe de vente destinée à assurer un meilleur fonctionnement de l'entreprise, elle n'avait ni recherché, ni obtenu une minoration de la masse salariale consacrée à ce secteur, que la rémunération brute versée aux inspecteurs commerciaux de la région Rhône-Alpes Centre-Est en 1992 et 1993 était au contraire plus élevée (conclusions en réponse de la société), qu'en considérant que la modification du contrat aurait été dictée par un souci d'économie, l'arrêt a laissé sans réponse les conclusions précitées et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que si une réorganisation, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques peut constituer une cause économique de licenciement, ce n'est qu'autant qu'elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise; Et attendu, qu'ayant relevé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la modification imposée par la société Rosières à ses représentants, et notamment à M. Tordjman, était dictée par le désir d'augmenter les profits et celui de remettre en cause une situation acquise jugée trop favorable aux salariés, la cour d'appel, hors toute dénaturation et répondant aux conclusions prétendument délaissées, a, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision;
Mais sur le second moyen : - Vu l'article L. 751-9 du Code du travail et l'article 1er de la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ; - Attendu que pour condamner la société Rosières à payer à M. Tordjman une somme au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue par l'article 29 de la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, la cour d'appel retient qu'il résulte des dispositions de l'article L. 751-9 du Code du travail que, lorsque l'employeur sera assujetti à une convention collective, le VRP pourra en cas de licenciement sans faute grave de sa part, prétendre en tout état de cause à une indemnité qui sera égale à celle à laquelle il aurait eu droit si bénéficiant de la convention collective il avait été licencié, cette indemnité ne se cumulant pas avec l'indemnité de licenciement, que la société Rosières se trouve assujettie à la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie et que la stipulation restrictive de l'article 17° de cette convention qui exclut les VRP de son champ d'application se trouve privée d'effet par le texte d'ordre public précité en ce qui concerne l'indemnité de licenciement, que M. Tordjman peut donc prétendre en application de l'article L. 751-9 du Code du travail à l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue par l'article 29 de la convention en cause dont il y a lieu de déduire les indemnités conventionnelle et spéciale de rupture versées à tort sur la base de la Convention collective nationale des VRP ;
Attendu, cependant, que si, selon l'article L. 751-9 du Code du travail, lorsque l'employeur est assujetti à une convention collective applicable à l'entreprise, le VRP peut prétendre en tout état de cause à une indemnité qui sera égale à celle à laquelle il aurait eu droit si, bénéficiant de la convention, il avait été licencié, il n'en résulte pas que les parties signataires de ladite convention, qui en déterminent le champ d'application, ne puissent exclure du bénéfice de ses dispositions les VRP ; D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir exactement relevé que la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie excluait les VRP de son champ d'application, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qui concerne l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 16 mai 1994, entre les parties, par la Cour d'appel de Lyon ; Remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Dijon.