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Décisions

Ministre de l’Économie, 29 mai 2001, n° ECOC0100000X

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ÉCONOMIE

Défendeur :

Conseil du groupe Bayrol

Ministre de l’Économie n° ECOC0100000X

29 mai 2001

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maître,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 30 mars 2001, le groupe BAYROL a notifié le projet d'acquisition de l'activité " produits d'entretien de piscines " de la société Mayenne de Produits Chimiques, filiale du groupe ATOFINA, et de la société " Blue Systèmes ", filiale du groupe Robert Bordas.

Des lettres d'intention ont été adressées par l'acquéreur aux vendeurs le 5 décembre 2000. L'accord définitif ne sera signé qu'après que les autorités françaises de concurrence auront fait connaître leur non-opposition à l'opération.

BAYROL-France SA est une société de droit français, filiale à 99,98 % de Bayrol Deutschland GmbH, filiale du groupe Great Lakes Chemical Corporation (chiffre d'affaires mondial de 1,5 milliards de dollars et 5 500 personnes employées dans le monde), active dans les secteurs des additifs polymères, des produits chimiques pharmaceutiques, agrochimiques et industriels et dans le traitement de l'eau par l'intermédiaire de sa filiale BIOLAB. Bayrol France réalise un chiffre d'affaires mondial de [...] millions de F dont [...] millions de F en France, emploie 35 personnes et est actif dans les secteurs de l'entretien des piscines privées et publiques, des systèmes d'entretien des piscines et des accessoires.

Atofina (ex-Elf-Atochem SA) réalise un chiffre d'affaires mondial de 57,1 milliards de F, est actif dans les secteurs de la chimie de base (chlorochimie, fertilisants), la chimie fine et industrielle, les additifs plastiques (agrochimie, polymères techniques, polyméthacrylate de méthyle), les polymères fonctionnels et emploie 33 424 personnes dans le monde. La société Mayenne de Produits Chimiques (MPC) est une filiale d'Atofina, anciennement dénommée Celloplast (dont le CA s'élevait en 1999 à 230 millions de F), créée le 25 octobre 2000, dont l'activité consiste à conditionner, transformer et distribuer des produits chimiques pour piscines, des systèmes d'entretien des piscines et des accessoires. Son chiffre d'affaires estimé pour 1999 est de [...] millions de F, dont [...] millions de F en France. Elle emploie 18 personnes.

Blue Systèmes est une société familiale qui fournit des services d'empastillage et de conditionnement pour les produits piscines de MPC, sur la base d'un contrat à long terme conclu avec Elf-Atochem le 10 novembre 1995. Cette société anonyme de droit français réalise un chiffre d'affaires mondial de [...] millions de F, dont [...] millions de F en France, et emploie 25 personnes.

Aux termes d'un premier accord, Atofina transférera l'activité de MPC à la société Ibiscus, filiale de MPC créée à cet effet. Bayrol France acquerra la totalité des actions Ibiscus, par l'intermédiaire de la société Euraqua France créée par Bayrol France. Bayrol fera l'acquisition par acte séparé de la société Blue Systèmes par l'intermédiaire de la société Bellaqua France, créée à cet effet.

Au terme d'un second accord, Atofina approvisionnera Bellaqua ou l'une de ses sociétés mères en produits chimiques, sur une durée maximum d'un an.

Au terme d'un troisième accord, Atofina fera bénéficier Ibiscus de fournitures de services pour une durée maximum d'un an.

L'opération n'étant pas contrôlable en termes de chiffre d'affaires, il convient de déterminer les marchés pertinents.

Selon les parties, le marché concerné est celui de la distribution, du conditionnement et de la transformation des produits destinés à l'entretien des piscines, le traitement de l'eau se déroulant en quatre étapes : mesure et ajustement du pH de l'eau, désinfection, traitement des algues et élimination des particules en suspension au moyen d'un floculent. Ces quatre types de produits formeraient un ensemble indivisible de produits complémentaires, tous indispensables à l'entretien des piscines. Il conviendrait donc de ne retenir qu'un seul marché de produits, tendant vers une taille de plus en plus internationale.

Or, le Conseil de la concurrence, par décision n° 97-D-81 du 4 novembre 1997, a défini un marché pertinent des produits chlorocyanuriques destinés à l'entretien des piscines publiques et des piscines privées. Cette définition est justifiée par le fait que, d'une part, les produits chlorocyanuriques utilisés dans les piscines publiques font l'objet d'une réglementation spécifique (Décret n° 81-324 du 7 avril 1981 et article 5 de l'arrêté du 7 avril 1981 établissant une liste de produits autorisés), et que, d'autre part, les exploitants de piscines publiques demandent généralement des services spécifiques aux vendeurs de produits chlorocyanuriques (conseils pour la mise en conformité avec la réglementation des piscines publiques, services après vente sophistiqués, approvisionnement régulier en produits tout au long de l'année). De plus, les produits chlorocyanuriques présentent des avantages particuliers par rapport aux autres produits qui pourraient leur être substituables techniquement : ils ont une bonne stabilité chimique au stockage, peuvent être vendus sous forme solide ou concentrée, résistent aux ultraviolets et présentent de meilleures conditions de sécurité et d'emploi. Enfin, les produits chlorocyanuriques sont le plus souvent vendus aux gestionnaires de piscines publiques sans intervention d'intermédiaires, sans appels d'offres, les commandes effectuées tout au long de l'année n'atteignant pas les seuils fixés par le code des marchés publics. A l'inverse, les autres produits d'entretien de piscines qui concernent principalement les piscines privées sont distribués par différents intermédiaires (" pisciniers ", grandes surfaces spécialisées et grandes surfaces à dominante alimentaire).

Pour ce qui concerne les produits d'entretien de piscines, il convient donc de délimiter au moins deux marchés : celui des produits chlorocyanuriques destinés aux piscines publiques, et celui des produits chlorocyanuriques destinés aux piscines privées.Pour tous les autres produits d'entretien (brome, ozone, chlore gazeux, eau de Javel, hypochlorite de calcium, pH, anti-algues, détartrants), il n'est pas nécessaire de délimiter précisément le ou les marchés pertinents dans la mesure où l'analyse de la présente opération demeure inchangée quelle que soit la délimitation retenue.

Il convient également d'ajouter, sans que la présente opération ne nécessite une analyse plus détaillée sur ce point car celle-ci demeure inchangée quels que soient les marchés retenus, un marché global des systèmes d'entretien de piscines (par électrolyse au sel, par doseurs automatiques placés dans le circuit de recyclage permettant la dissolution des comprimés de brome, par système de désinfection transformant l'oxygène de l'air ambiant en ozone, par sécheurs d'air, par stations de contrôle et de dosage) et un marché global des accessoires de piscines (échelles, nettoyeurs de fond de piscines, robots de nettoyage, balais, épuisettes, bâches, enrouleurs, liners) sur lequel les opérateurs concernés n'exercent qu'une activité de distribution.

D'un point de vue géographique, les marchés des produits chlorocyanuriques sont, conformément à la définition retenue par le Conseil de la concurrence précitée, de dimension nationale. Concernant les autres marchés de produits, ceux-ci pourraient avoir une dimension européenne, étant soumis à des normes communautaires d'étiquetage, d'emballage, de transport et d'utilisation différentes de celles appliquées notamment en Amérique du Nord. Toutefois, la réglementation précitée visant également d'autres produits d'entretien de piscines, autres que les produits chlorocyanuriques, la délimitation nationale sera conservée.

En amont, les marchés concernés sont ceux des fournisseurs d'ammoniaque, urée et acide cyanurique (pour l'essentiel) qui sont au nombre de seize dans le monde (six producteurs occidentaux, dont trois en Europe et trois aux Etats-Unis et dix producteurs chinois).

Les positions des opérateurs sur les marchés nationaux des produits d'entretien des piscines seront les suivantes :

- produits chlorocyanuriques destinés aux piscines privées représentant un total de [100 à 200] millions de F : la future entité deviendra leader avec [30 à 40] % du marché devant Hydrochim ([20 à 30] %), Mareva ([10 à 20] %), Aqualux ([moins de 10] %) et un ensemble d'autres opérateurs qui représentent [10 à 20] % du marché ;

- produits chlorocyanuriques destinés aux piscines publiques représentant un total de [60 à 70] millions de F : la future entité deviendra leader avec [20 à 30] % de parts de marché, devant Hydrochim ([20 à 30] %) ; cinq autres opérateurs (Delsa/Imatec, Melchimie, Oxidan/Sigma, Abyss, Aqualux) totaliseront [20 à 30] % et un ensemble de petits opérateurs, [10 à 20] % du marché ;

- autres produits d'entretien, représentant un total de [300 à 400] millions de F : la future entité totalisera [20 à 30] % de parts de marché derrière le leader Hydrochim ([20 à 30] %), le solde étant réparti entre Mareva (([moins de 10] %), Aqualux ([moins de 10] %) et de nombreux autres opérateurs ([30 à 40] %).

Concernant les marchés des " systèmes d'entretien de piscines " et ceux des " accessoires de piscines ", les parties font également face aux groupes précités, fabricants et distributeurs de produits d'entretien de piscines (Mareva, Aqualux notamment), ainsi qu'à d'autres opérateurs plus spécialisés par type de matériel (par exemple pour les équipements de désinfection de piscines à l'ozone).

Compte tenu des parts de marché détenues par la nouvelle entité pour les produits chlorocyanuriques d'entretien des piscines privées et des piscines publiques, l'opération est contrôlable aux termes de l'article L. 430-1 du code de commerce.

Les différents marchés se caractérisent par la présence de cinq groupes principaux, Bayrol, Atofina, Hydrochim, Mareva et Aqualux, qui offrent l'ensemble de la gamme des produits d'entretien, des équipements techniques permettant de réaliser les opérations d'entretien et des accessoires.

Après l'opération, deux de ces cinq groupes, Bayrol et Hydrochim, seront prééminents.

Cependant, une observation des marchés sur plusieurs années montre un développement sensible de la concurrence.En effet, sur les marchés des produits chlorocyanuriques, les concurrents de Bayrol et Hydrochim représentent ensemble aujourd'hui une part de marché proche de [50 à 60] % quand leurs parts de marché étaient limitées en 1992 à [10 à 20] % pour les piscines publiques et [moins de 10] % pour les piscines privées, et ce malgré le rachat par Bayrol de la société Piscine Product. On constate dès lors que le mouvement de concentration n'a pas entravé l'ouverture concurrentielle des marchés en cause.

Ces marchés de produits bénéficient en effet d'une croissance soutenue, grâce au développement des équipements en piscines " collectives " (piscines d'hôtel, de restaurants, de clubs de vacances et de camping) et des piscines privées (de 30 000 à 35 000 nouvelles piscines par an). Il existerait aujourd'hui en France, selon la Fédération Nationale des constructeurs d'équipements de sports, de loisirs et de traitement de l'eau, environ trois cents opérateurs pour l'ensemble du secteur.

Ils se caractérisent par l'absence de barrières à l'entrée significatives.

Ainsi :

1. Les matières premières nécessaires à la fabrication des produits d'entretien pour piscines ne sont pas des matières rares : la production mondiale de produits chlorocyanuriques est surcapacitaire.

2. L'existence de la réglementation nationale applicable aux piscines publiques ne peut être considérée comme une barrière à l'entrée puisque la liste des produits autorisés établie par le ministère de la santé atteint aujourd'hui le nombre de 400, que le nombre de nouveaux dossiers étudiés est de l'ordre d'une dizaine par an et que le taux de rejet est faible.

3. Concernant l'accès au marché de fourniture de produits d'entretien des piscines publiques, il convient de souligner que les circuits de distribution sont diversifiés et que celles-ci peuvent être approvisionnées soit par l'intermédiaire des fabricants eux-mêmes, soit par l'intermédiaire de grossistes.

4. En outre, les marques propres ne jouent pas un rôle déterminant sur ces marchés et elles sont aujourd'hui concurrencées par les marques des grands distributeurs alimentaires et spécialisés (les dépenses publicitaires du groupe Bayrol ne dépassent pas [moins de 10] % de son chiffre d'affaires).

5. De plus, il s'agit aujourd'hui de produits banalisés : les dépenses de recherche du groupe Bayrol sont limitées à [moins de 10] % de son chiffre d'affaires. De fait, les seules innovations observées sur les marchés concernent des offres de produits " deux ou trois en un " (désinfectant plus anti-algues, plus ajustement du pH).

Concernant les risques de renforcement de l'intégration verticale du groupe Bayrol, il convient de souligner que les capacités de production de la filiale située en amont de Bayrol (Biolab) ne suffisent pas à satisfaire les besoins du groupe aux Etats-Unis et que, par conséquent, l'intégralité des besoins de Bayrol en Europe sont assurés par recours au marché libre sur la base de contrats " spots " et de [...]. De plus, les accords d'approvisionnement et de fournitures de services qui seront conclus avec Atofina ne s'appliqueront que sur une durée maximum d'un an et ne présenteront aucun caractère d'exclusivité.

Il ressort de ces éléments que le projet notifié n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante, sur les marchés concernés. Je vous informe donc qu'il n'est pas dans mon intention de saisir le Conseil de la concurrence.

Toutefois, si les accords définitifs concernant cette opération devaient modifier substantiellement le projet examiné, en telle sorte qu'ils seraient de nature à remettre en cause les conclusions de la présente analyse, ces accords seraient constitutifs d'une nouvelle opération.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Le ministre de l'économie,des finances et de l'industrie,

Pour le ministre et par délégation : Le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, Jérôme Gallot

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte a été remplacée par une fourchette plus générale.

Ces informations relèvent du " secret d'affaires ", en application de l'article 28 du Décret n° 86- 1309 du 29 décembre 1986, modifié par le Décret 95-916 du 9 août 1995, avant-dernier alinéa.