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Décisions

Cass. soc., 4 mars 1992, n° 88-43.671

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Legros

Défendeur :

Sigmatel (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cochard

Rapporteur :

M. Ferrieu

Avocat général :

M. Chauvy

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez

Cons. prud'h. Paris, sect. encadr., du 4…

4 septembre 1986

LA COUR : - Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 avril 1988) et la procédure, que Mme Legros, engagée le 8 octobre 1979 par la société Diamant et Cie, devenue Sigmatel, pour vendre des diamants aux personnes ayant répondu à des coupons-réponse diffusés par voie de presse, a été licenciée pour faute grave le 1er décembre 1981, en raison de son absence presque totale d'activité de juillet à novembre 1981 inclus ; qu'elle a engagé une action prud'homale pour réclamer paiement d'une indemnité de clientèle et de la contrepartie pécuniaire d'une clause de non-concurrence de douze mois figurant à son contrat de travail ;

Attendu que Mme Legros fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnité de clientèle alors, selon le moyen, que, d'une part, la faute grave d'un représentant, privative de l'indemnité de préavis, ne présente pas nécessairement un caractère de gravité suffisant pour lui supprimer également le bénéfice de l'indemnité de clientèle ; dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans avoir précisé en quoi la faute grave qu'aurait commise la représentante était d'une gravité suffisante pour lui supprimer le bénéfice de l'indemnité de clientèle, la cour d'appel, d'une part, a violé l'article L. 751-9 du Code du travail, d'autre part, entaché sa décision d'un défaut de motif et ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, de plus, le résultat insuffisant de la prospection est une cause réelle et sérieuse de licenciement mais ne constitue pas à lui seul une faute grave permettant de faire échec au paiement de l'indemnité de clientèle instituée par un texte auquel l'ordre public est attaché et auquel il ne peut être renoncé par anticipation ; en décidant néanmoins que le résultat insuffisant de la représentante constituait une faute grave justifiant le licenciement et également la privation de l'indemnité de clientèle, la cour d'appel a violé l'article L. 751-9 du Code du travail ; alors que, enfin, la salariée soutenait dans ses conclusions que les clauses stipulées dans le contrat de travail et ayant pour objet de supprimer ou de restreindre le bénéfice de l'indemnité de clientèle sont nulles en vertu de l'article L. 751-9 du Code du travail, que la clientèle créée et développée par la salariée était le résultat de son activité personnelle, de ses efforts et de ses qualités professionnelles, que le fait que les clients aient porté un intérêt au marché du diamant par le biais de la publicité faite par l'employeur ne doit pas faire obstacle à l'attribution d'une indemnité de clientèle, qu'il y a eu accroissement de la clientèle par les efforts et le démarchage de Mme Legros, ce qui est démontré par l'augmentation des commissions perçues et la fidélité de la clientèle qui renouvelait ses ordres, que le droit à l'indemnité soit s'apprécier pendant la durée du contrat, la cour d'appel, en ne répondant pas à ces arguments déterminants, a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la faute grave, justifiant la rupture avec privation de l'indemnité compensatrice de préavis, est également privative de l'indemnité de clientèle ; que, d'autre part,la cour d'appel n'a pas fondé sa décision sur une insuffisance de résultats, mais sur la carence de la salariée, relevant, non seulement qu'elle n'avait, depuis plusieurs mois, réalisé aucune vente, mais encore qu'elle avait cessé pratiquement toute activité, interrompant toute prospection et ne justifiant que de sept rendez-vous chez une centaine de clients potentiels ayant répondu aux sollicitations de l'employeur ; qu'elle a pu, en l'état de ces constatations, sans être tenue de répondre aux motifs inopérants énoncés dans la dernière branche du moyen, retenir à la charge de la salariée une faute grave privative de l'indemnité de clientèle ;

Mais, sur le second moyen : - Vu l'article 17 de la convention collective nationale des VRP du 3 octobre 1975 ; - Attendu qu'aux termes de ce texte, le montant de la contrepartie pécuniaire de l'interdiction de concurrence est réduit de moitié en cas de rupture du contrat de représentation consécutive à une démission ;

Attendu que pour réduire de moitié la contrepartie pécuniaire due à la salariée, la cour d'appel a retenu que la rupture était imputable à celle-ci ; Qu'en statuant ainsi, alors que la rupture résultait d'un licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ses dispositions relatives au montant de l'indemnité compensatrice de clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 20 avril 1988, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; Remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.