Cass. soc., 18 juillet 1995, n° 92-40.173
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Mephisto (SA)
Défendeur :
Lebonnois
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
M. Waquet, (conseiller le plus ancien faisant fonctions)
Rapporteur :
M. Desjardins
Avocat général :
M. Kessous
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Gatineau.
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 1991), que M. Lebonnois, représentant multicartes, a été engagé par la société Mephisto, d'abord à l'essai pour deux saisons, le 15 décembre 1980, puis à titre définitif par un contrat du 5 février 1982, contenant en son article 5 une clause aux termes de laquelle il déclarait représenter déjà Les Maisons Gounin et D. Michel et s'engageait à ne prendre, en cours de contrat, aucune nouvelle représentation sans l'autorisation préalable écrite de la société Mephisto, qui pourrait lui refuser cette autorisation sans avoir à en justifier ; que, le 13 juin 1985, il a écrit à son employeur pour lui rappeler qu'ayant quitté la Maison Gounin, il était désormais monocarte et qu'il souhaitait prendre une carte supplémentaire, et pour lui demander l'autorisation de s'adjoindre une petite collection italienne de fantaisie femme de la société PAM, ne concurrençant aucunement les chaussures de Mephisto, avec une petite clientèle existante, pour laquelle il avait fait un essai, satisfaisant pour les deux parties ; que, le 17 juin 1985, il a été convoqué à un entretien préalable à l'issue duquel il a été licencié pour faute grave ; qu'en réponse à sa demande d'énonciation des motifs de cette décision, l'employeur a, par lettre du 7 août 1985, invoqué la violation de l'engagement précité, une enquête ayant révélé qu'il travaillait depuis plusieurs mois au service de la société PAM et lui a rappelé que, le 26 août 1983, il avait signé un document certifiant qu'il n'avait aucune autre rémunération et occupation que la représentation des sociétés Mephisto, Michel et Gounin ; que, le 22 juin 1987, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que la société Mephisto fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Lebonnois, VRP licencié pour faute grave pour avoir exercé une activité de représentation pour le compte d'un autre employeur à son insu, une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité compensatrice de congés payés correspondant au préavis non effectué et, avant dire droit au fond, d'avoir ordonné une mesure d'expertise à l'effet d'évaluer le montant de l'indemnité de clientèle dont le paiement était demandé, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en refusant de qualifier de faute grave la violation, par elle constatée, par M. Lebonnois de ses obligations, tant légales que contractuelles, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement au regard des articles L. 122-6, L. 122-8, L. 751-3, L. 751-7 et L. 751-9 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en se bornant à relever, à l'appui de sa décision, que l'activité exercée par M. Lebonnois pour le compte de la société PAM, en violation des dispositions auxquelles il était assujetti, avait correspondu à une période d'essai, que celui-ci était devenu monocarte et qu'il pouvait craindre de ne pas être engagé par la société PAM, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et, partant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8, L. 751-3, L. 751-7 et L. 751-9 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en énonçant qu'il est vraisemblable que son activité au service de la société PAM ait correspondu à une période d'essai et que le caractère tardif de la demande d'autorisation formulée par M. Lebonnois auprès de la société Mephisto s'explique par le fait qu'il pouvait craindre de ne pas être engagé à titre définitif par la société PAM, la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques et, partant, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, qu'il appartenait aux juges du fond, qui n'étaient pas liés par la clause du contrat selon laquelle le fait par le salarié de ne pas informer son employeur d'une activité nouvelle serait constitutif d'une faute grave, d'apprécier le caractère de gravité des faits imputés au salarié et dont ils avaient constaté la réalité ;
Et attendu, ensuite, qu'après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que les produits fabriqués par la société PAM ne concurrençaient pas ceux de la société Mephisto, la cour d'appel a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que les faits reprochés au salarié n'étaient pas constitutifs d'une faute grave ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.