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Décisions

CA Versailles, 5e ch. B, 15 septembre 1997, n° 94-20281

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Rivelois

Défendeur :

ATHF (SA), Marnier (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jeannoutot

Conseillers :

Mmes Gautrat, Cusset

Avocats :

Mes Krief, Pirioux.

Cons. prud'h. Nanterre, sect. encadr., d…

1 octobre 1993

Monsieur Jacques Rivelois a été engagé le 26 février 1990, en qualité de Négociateur 3e échelon coefficient 300 de la Convention Collective Nationale des Personnels des Agents Immobiliers et Mandataires de Fonds de Commerce, selon contrat à durée indéterminée signé avec la société Auguste Thouard Habitat Foncier (ATHF).

Le 1er mars 1991, il a signé un avenant à son contrat, aux termes duquel celui-ci étant repris par la société Marnier cessionnaire du " portefeuille " habitat résidentiel d'ATHF, sa classification et son coefficient 380 lui étant conservés, son minimum mensuel garanti passait à 8 284 F brut au lieu de 10 834 F précédemment.

Monsieur Rivelois a démissionné par lettre du 10 septembre 1991. Le 17 février 1992, il a fait convoquer les sociétés ATHF et Marnier devant le Conseil de prud'hommes de Nanterre afin de les faire condamner, au dernier état de sa demande, outre aux dépens, à lui verser :

- 240 000 F de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 100 000 F de rappel de commissions sur les ventes de biens immobiliers dites rue du Laos et rue de Lille.

- 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il a par ailleurs réclamé la remise sous astreinte d'un montant de 500 F par jour de retard d'un certificat de travail et d'une attestation Assedic conforme.

Pour obtenir le bénéfice de sa demande Monsieur Rivelois a fait valoir que :

- sa démission n'avait pas été librement donnée, ayant été acculé à la consentir en raison de l'attitude de Madame Lebeau dirigeante de la société Marnier qui avait cherché à l'évincer.

- il n'avait pas été rémunéré de ses droits à commissions sur les opérations dites de la " rue de Lille " et de la " rue du Laos ".

Pour s'opposer à Monsieur Rivelois et conclure à son déboutement, les sociétés ATHF et Marnier ont répliqué que :

- Monsieur Rivelois ayant fait parvenir sa lettre de démission par envoi recommandé avec avis de réception adressée en copie au directeur général d'ATHF ainsi qu'au service juridique, avait librement démissionné.

- Monsieur Rivelois n'étant pas intervenu dans la négociation de la vente des biens immobiliers de la "rue de Lille" ne pouvait prétendre percevoir des commissions et qu'en ce qui concerne la vente des biens " rue du Laos ", il avait été rempli de ses droits, absorbés par les avances sur commissions qu'il avait déjà perçues.

Statuant par un jugement en date du 1er octobre 1993, notifié le 16 novembre 1993, dont Monsieur Rivelois a régulièrement formé appel le 13 décembre 1993, la section encadrement du Conseil de prud'hommes de Nanterre l'a débouté de ses demandes.

Pour statuer ainsi, le premier juge a fait siens l'argumentation et les moyens des sociétés ATHF et Marnier.

Monsieur Rivelois reprend en appel son argumentation et ses moyens de première instance, qu'il reproche aux prud'hommes d'avoir inexactement appréciés, pour demander à la cour de " réformer ", en réalité infirmer le jugement et condamner solidairement les sociétés ATHF et Marnier, outre aux entiers dépens, à lui verser :

- 240 000 F de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 90 000 F au titre de la commission sur la rue de Lille ;

- 60 000 F au titre de la commission sur la rue Franqueville ;

- 300 000 F à titre de dommages-intérêts pour perte de clientèle ;

- 25 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Les sociétés intimées concluent à la confirmation du jugement entrepris.

Sur ce,

Sur la rupture du contrat de travail

Considérant qu'il ressort des éléments produits et discutés au cours des débats, que si à partir du transfert du contrat de travail à la société Marnier, les relations entre Monsieur Rivelois et Madame Lebeau gérante de ladite société se sont détériorées, celui-ci a néanmoins démissionné dans des conditions ne démontrant aucune atteinte à son libre arbitre ; qu'en effet en démissionnant par lettre recommandée adressée en copie aux responsables de la société ATHF qui l'employait auparavant, Monsieur Rivelois a manifesté sans équivoque son intention de prendre l'initiative de rompre son contrat de travail, le délai écoulé entre l'envoi de la lettre de démission le 10 septembre 1991 et la saisine du conseil de prud'hommes le 17 février 1992, étant d'ailleurs incompatible avec l'existence de tout vice de son consentement, dont Monsieur Rivelois n'eut pas manqué d'exciper dans les jours suivants sa démission prétendument forcée ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris ;

Et considérant qu'il convient encore de relever que Monsieur Rivelois qui soutient avoir, du fait de la dispense d'exécution de préavis, subi un préjudice, ne formule aucune demande pécuniaire de ce chef ;

Sur les dommages-intérêts pour perte de clientèle

Considérant que Monsieur Rivelois ne peut prétendre au paiement de l'indemnité de clientèle, instituée au profit des VRP par l'article L. 751-9 du Code du travail, cette indemnité n'étant pas due quand le représentant prend l'initiative de rompre le contrat de travail d'une part et d'autre part quand comme en l'espèce, il n'existe pas de clientèle dans le domaine de la vente immobilière, l'achat d'un immeuble étant une opération onéreuse et complexe qui ne se renouvelle généralement pas avec la même personne ou qui se renouvelle après un intervalle de temps trop important pour que l'on puisse dire qu'il existe une clientèle; que de ce chef également la décision prud'homale doit être confirmée ;

Sur les rappels de commissions

Considérant que pas plus qu'en première instance, Monsieur Rivelois ne prouve être effectivement et personnellement intervenu dans les négociations relatives à la vente immobilières dite de la " rue de Lille " ; que son appel de ce chef ne peut prospérer ;

Considérant que devant la cour Monsieur Rivelois qui ne maintient plus sa demande en paiement d'un rappel de commissions sur la vente des biens sis rue du Laos, réclame par contre 60 000 F de commissions pour son intervention dans la négociation de la vente d'un bien sis rue Franqueville à Paris aux époux Dawalibi, définitivement constatée le 24 mars 1993 ;

Considérant que pour s'opposer à cette demande les sociétés intimées qui reconnaissent pourtant l'intervention personnelle de Monsieur Rivelois dans cette transaction immobilière, font valoir que les actes la constatant avaient été signés après la démission de Monsieur Rivelois ;

Considérant que le contrat de travail et son avenant prévoient " qu'en cas de départ de la société, qu'elle qu'en soit la cause, les affaires réservées pour lesquelles vous pourriez prétendre à l'application du pourcentage susvisé, quand elles se réaliseront, seront les affaires facturées et sous protocole le jour de votre départ effectif. Toutefois la société se réserve la possibilité d'ajouter à la liste des affaires sous protocole toute affaire de négociation avancée à laquelle elle souhaiterait donner la qualité d'affaire réservée " ;

Considérant qu'il est constant que les actes constatant cette cession de droits immobiliers en date respectivement des 27 octobre 1992 et 25 mars 1993 sont postérieurs au 10 septembre 1991 date de la démission de Monsieur Rivelois ;

Mais considérant que ces biens étant mentionnés sur la liste des affaires, sous protocole avancée établie au départ de Monsieur Rivelois, les commissions contractuelles dont le montant de 60 000 F n'est pas contesté par les intimées sont dues, observation étant faite que les congés payés y afférents ne sont pas réclamés ; qu'il convient de mettre à la charge de la seule SARL Marnier devenue l'employeur de Monsieur Rivelois le montant du paiement de ce rappel ;

Considérant enfin qu'il n'est pas inéquitable de laisser les parties en litige conserver la charge des frais de procédure qu'elles ont dû exposer pour assurer la défense de leurs intérêts en justice, les éventuels dépens de première instance et d'appel, étant mis pour un quart à la charge de Monsieur Rivelois, un quart à celle de la société ATHF et de la moitié à celle de la SARL Marnier ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement ; Déclare recevable l'appel de Monsieur François Rivelois contre le jugement du Conseil de prud'hommes de Nanterre du 1er octobre 1993 ; Le dit mal fondé ; Confirme le jugement ; Y ajoutant, faisant droit à la demande additionnelle de Monsieur Rivelois, condamne la SARL Marnier à lui verser 60 000 F (soixante mille francs) à titre de rappel sur les commissions afférentes à la cession aux époux Dawalibi sis rue Franqueville à Paris ; Juge n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Fait masse des éventuels dépens de première instance et d'appel et les met pour : un quart à la charge de Monsieur François Rivelois ; un quart à la charge de la SA Auguste Thouard Habitat Foncier ; un demi à la charge de la SARL Marnier.