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Décisions

CA Versailles, 5e ch., 19 mars 1991, n° 3784-90

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Langlet

Défendeur :

Krieg et Zivy Industries (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Salomon

Conseillers :

Mme Placidi-Monnet, M. Costes

Avocats :

Mes Rommicianu, Lefol.

Cons. prud'h. Boulogne-Billancourt, du 2…

25 janvier 1990

Par jugement du 25 janvier 1990, le Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a condamné la société Krieg et Zivy Industries SA à payer à Monsieur Langlet la somme de 2 303,50 F à titre d'indemnité de départ en retraite, débouté Monsieur Langlet du surplus de ses demandes et condamné ce dernier aux dépens y compris la rémunération de l'expert commis.

Monsieur Langlet demandait au conseil de condamner la société Krieg et Zivy au paiement de 102 410 F à titre d'indemnité de clientèle et 17 068 F à titre de contrepartie pécuniaire de son obligation de non-concurrence et 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Pour statuer comme il l'a fait, le conseil a écarté l'application de l'article L. 751-9 du Code du travail et estimé que Monsieur Langlet avait rompu le contrat de travail le liant à la société Krieg et Zivy le 31 janvier 1989 et a constaté que ladite société ne s'était pas opposée au versement de l'indemnité légale de départ en retraite qui n'était par ailleurs pas réclamée par le demandeur.

Monsieur Langlet a formé appel de cette décision. Dans ses écritures il fait valoir qu'il a été engagé en qualité de VRP multicartes par la société Krieg et Zivy le 1er mars 1976, qu'à la fin de l'année 1986 il a subi de graves problèmes de santé ; qu'il a demandé à bénéficier des dispositions de l'article L. 751-9 du Code du travail ; qu'en l'absence de réponse de son employeur à sa demande il a engagé la présente action.

Il estime que la cessation de son travail est bien due à la maladie entraînant une incapacité permanente totale de travail et maintient l'ensemble des demandes formulées devant les premiers juges et ci-dessus rappelés.

La société Krieg et Zivy demande à la cour de confirmer le jugement entrepris.

Elle considère que Monsieur Langlet a pris lui-même l'initiative de rompre le contrat ; que dès lors une saurait prétendre au versement d'une indemnité de clientèle.

Elle maintient que Monsieur Langlet sous réserve de l'application de l'article 15 de la Convention Collective des VRP qui prévoit une déclaration d'inaptitude au travail par la Sécurité Sociale, non effectuée en l'espèce, peut prétendre à une indemnité de départ à la retraite.

Elle fait observer subsidiairement que Monsieur Langlet n'a pas développé la clientèle puisque absent depuis deux ans avant son départ.

Enfin elle relève que Monsieur Langlet prétendant ne plus pouvoir travailler du fait de son incapacité permanente totale ne saurait recevoir une quelconque indemnité en contrepartie de l'obligation de non-concurrence convenue dans son contrat et à titre subsidiaire demande à la cour de la réduire à la somme de 8 534,16 F.

Par lettre du 13 février 1991 le conseil de Monsieur Langlet a au demeurant, malgré les dispositions de l'article 445 du nouveau Code de procédure civile, répliqué à des propos de son confrère adverse relatifs à la coïncidence existant entre la notification de l'incapacité de travail de Monsieur Langlet et la proximité de son (antenne américaine) ; que la cour écartera purement et simplement des débats cette lettre.

Sur ce,

Considérant qu'il est constant que Monsieur Langlet a été engagé par la société Krieg et Zivy par contrat versé aux débats et daté du 21 mai 1976 ; qu'en décembre 1986 il subissait une intervention chirurgicale au niveau du coeur ; que le Docteur Attuel, commis par les premiers juge relevait dans un compte-rendu d'expertise daté du 15 mai 1989, que l'état de santé de Monsieur Langlet contre-indiquait formellement toute reprise de l'activité professionnelle et confirmait une inaptitude au travail à compter du 1er janvier 1989 avec contre indication de toute reprise et cela définitivement ; que les différents avis d'arrêt de travail et certificats médicaux versés aux débats démontrent suffisamment que Monsieur Langlet se trouve en situation d'arrêt de travail depuis la fin de l'année 1986 ;

Considérant que par lettre du 30 janvier 1989, Monsieur Langlet a informé son employeur qu'il avait la certitude qu'il ne pouvait pas reprendre son activité professionnelle, a proposé à ce dernier de considérer la cessation effective de son contrat de travail à la date du 1er février 1989 et a in fine indiqué " Pour la bonne règle, je dois vous adresser cette notification de la rupture de mon contrat de travail par lettre recommandée avec avis de réception ";

Considérant que Monsieur Langlet a donc pris l'initiative de la rupture de son contrat de travail en adressant cette lettre à son employeur; qu'il n'est aucunement fait référence dans ce courrier aux dispositions de l'article L. 751-9 du Code du travail et doncqu'il n'en est pas demandé l'application

Considérant que ce n'est qu'en mai 1989 que Monsieur Langlet a demandé au médecin du travail de Krieg et Zivy de l'examiner en se référant à ces dispositions légales ;

Considérant en conséquence que la cour ne peut que considérer que Monsieur Langlet a démissionné de ses fonctions avant de demander à bénéficier des dispositions de l'article L. 751-9 du Code du travail dont il ne peut plus être fait application;

Considérant que l'article 17 du contrat signé entre les parties prévoit qu'en cas de rupture de celui-ci pour quelque cause que ce soit, il sera fait application de la clause d'interdiction de concurrence faisant l'objet de l'article 17 de la Convention Collective du 30 octobre 1975 ; pendant la durée d'un an et qu'en contrepartie de cette interdiction, la société Krieg et Zivy versera pendant sa durée l'indemnisation mensuelle perçue ; que l'article 17 de la Convention Collective permet le versement d'une contrepartie mensuelle dont le montant est égal à un tiers de mois lorsque l'interdiction est égale ou inférieure à un an ainsi que la réduction de moitié en cas de rupture par démission ;

Considérant que la clause de non-concurrence qui liait les parties limitées dans sa durée à une année ne distingue pas quant pas aux causes de la rupture du contrat; que l'article 17 de la Convention Collective à laquelle le contrat se réfère expressément prévoit en revanche une diminution des sommes dues à la moitié lorsque la rupture est faite à l'initiative du VRP ce qui est le cas en l'espèce;

Considérant que les parties s'accordent sur une base annuelle de revenus de 51 205 F ; que la moitié du tiers de cette somme est égale à 8 534 F que la cour condamnera la société Krieg et Zivy à son paiement rejetant l'argument de l'intimée selon lequel Monsieur Langlet ne peut plus travailler et donc ne doit pas bénéficier de cette indemnité dès lors qu'il a admis que l'indemnité est due même en cas de départ à la retraite ;

Considérant enfin qu'il serait inéquitable de laisser Monsieur Langlet supporter les frais irrépétibles du procès ; que la société Krieg et Zivy sera condamnée en outre à lui payer 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, et en matière prud'homale ; Reçoit Monsieur Langlet en son appel ; Le déclare partiellement fondé ; Réforme le jugement du Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 25 janvier 1990 ; Statuant à nouveau, Condamne la société Krieg et Zivy Industries à payer à Monsieur Langlet la somme de 8 534 F (huit mille cinq cent trente quatre francs) à titre de contrepartie pécuniaire de l'obligation de non-concurrence avec intérêts légaux à compter du 2 mars 1989, date de la demande ; La somme de 5 000 F (cinq mille francs) par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute Monsieur Langlet du surplus de sa demande ; Condamne la société Krieg et Zivy aux dépens.