CA Paris, 21e ch. A, 6 novembre 1991, n° 91-33280
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Mephisto (SA)
Défendeur :
Lebonnois
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Calon
Conseillers :
M. Couzin, Mme Bevin
Avocats :
Mes Stabusch, Messika.
Rappel des éléments du litige
Monsieur Raymond Lebonnois représentant multicartes était embauché par la société Mephisto le 15 décembre 1980 à titre d'essai et à titre définitif selon un contrat du 5 février 1982 comportant l'engagement de ne prendre aucune nouvelle représentation sans l'autorisation écrite préalable de la société qui pourrait refuser sans avoir à en justifier ;
Le 13 juin 1985, M. Lebonnois écrivait à son employeur pour lui rappeler qu'il était actuellement monocarte et qu'il devait prendre une carte complémentaire et pour lui demander l'autorisation de s'adjoindre une petite collection italienne de fantaisie femme, ne concurrençant aucunement Mephisto avec une petite clientèle existante pour laquelle il avait fait un essai paraissant satisfaisant aux deux parties ;
En réponse à cette lettre, M. Lebonnois était convoqué le 17 juin 1985 à un entretien préalable à l'issue duquel il était licencié pour faute grave le 28 juin 1985 ;
Une lettre du 7 août 1985, en réponse à sa demande d'énonciation des motifs invoquait la violation de son engagement de ne prendre en cours de contrat aucune nouvelle représentation sans l'autorisation préalable écrite de la société, une enquête ayant révélé qu'il travaillait depuis plusieurs mois au service de la société Pam. Cette lettre lui rappelait que le 26 août 1983, il avait retourné à la société un document certifiant qu'il n'avait aucune autre rémunération et occupation que la représentation des sociétés Mephisto, Michel et Gonin ;
C'est dans ces conditions que s'estimant abusivement licencié et incomplètement rempli de ses droits, M. Lebonnois a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la désignation d'un expert pour déterminer le montant des commissions lui restant dues, ainsi qu'en paiement des indemnités de préavis, de congés payés, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de clientèle ;
Le Conseil de prud'hommes de Paris, par jugement du 23 janvier 1991 rendu en formation de départage, a écarté la faute grave mais retenu la cause réelle et sérieuse et a condamné la société Mephisto à payer à M. Lebonnois 57 877,74 F à titre d'indemnité de préavis, 5 787,77 F à titre de congés payés afférents, 2 000 F au titre de l'article 700 du NCPC et avant dire droit sur le montant des commissions et sur l'indemnité de clientèle a ordonné une mesure d'expertise ;
La société Mephisto a régulièrement interjeté appel de ce jugement ;
Elle fait valoir que la violation de la clause interdisant à un représentant de représenter une autre entreprise sans avoir obtenu l'autorisation préalable de son employeur constituait une faute grave et invoque la jurisprudence ;
Elle ajoute que M. Lebonnois a reçu intégralement les sommes auxquelles il pouvait prétendre ;
Elle conclut à la réformation du jugement et prie la cour de débouter M. Lebonnois de l'intégralité de ses demandes ;
M. Lebonnois intimé au principal, forme appel incident du chef l'ayant débouté de sa demande en indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et maintient ses demandes initiales, réclamant en outre 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
Sur quoi LA COUR
Sur le licenciement
Considérant que si M. Lebonnois a enfreint la clause de son contrat de travail lui interdisant de prendre une nouvelle représentation sans l'autorisation écrite préalable de la société Mephisto, les circonstances dans lesquelles cette infraction a été commise permettent d'exclure l'existence de la faute grave invoquée par son employeur;
Considérant qu'il résulte des éléments du dossier que lorsqu'il a demandé à la société Mephisto l'autorisation de représenter la société Pam, M. Lebonnois travaillait pour cette société depuis le 6 octobre 1984 maisqu'il est vraisemblable que comme il l'indiquait lui-même dans sa demande d'autorisation, son activité au service de la société Pam ait correspondu à une période d'essai;
Que la société Mephisto qui a imposé à M. Lebonnois un essai de 14 mois serait mal fondée à prétendre le contraire ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que M. Lebonnois avait perdu ses autres représentations et était devenu monocarte ce qui justifie sa démarche auprès de la société Mephisto dont le caractère tardif s'explique par le fait qu'il pouvait craindre de ne pas être engagé à titre définitif par la société Pam;
Que la seule violation de la clause qui ne comportait aucune restriction en cas de travail à l'essai chez un autre employeur constitue néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement;
Qu'il convient de confirmer le jugement de ce chef ;
Sur les demandes en paiement des commissions et de l'indemnité de clientèle
Considérant que la cour ne possédant pas les éléments d'appréciation suffisants pour déterminer et évaluer le montant des commissions et de l'indemnité de clientèle, il échet de confirmer également le jugement ayant ordonné sur ces points une expertise confiée à M. Norbert Paumier.
Sur l'article 700 du NCPC
Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de M. Lebonnois la totalité des frais non compris dans les dépens ;
Par ces motifs : Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Y ajoutant condamne la société Mephisto à payer à M. Lebonnois la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ; Réserve les dépens.