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Décisions

CA Nîmes, ch. soc., 12 août 1992, n° 90-3420

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Aleman (SA)

Défendeur :

Nal

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Goedert

Conseillers :

Mmes Bowie, Filhouse

Avocats :

Mes Peirani, Marin.

Cons. prud'h. Nîmes, sect. encadr., du 1…

19 juin 1990

Faits procédure, prétentions et moyens des parties

La SA Vincent Aleman, entreprise de fabrication de jeux et jouets a embauché René Nal en qualité de représentant exclusif et ce, sans contrat écrit. René Nal était payé uniquement à la commission.

Par lettre recommandée du 6 juin 1988, la SA Vincent Aleman a notifié à René Nal son intention de le mettre à la retraite dès qu'il aurait atteint l'âge de 65 ans. Par lettre recommandée du 21 juin 1988, elle lui a notifié sa mise à la retraite d'office.

René Nal a saisi le Conseil de prud'hommes d'Avignon lui demandant de condamner la SA Vincent Aleman à lui payer :

- 4 959,28 F au titre de congés payés sur indemnité de préavis,

- 409 500 F au titre d'indemnité de clientèle,

- 4 434 F au titre de commissions sur reliquat de commandes,

- 9 163,03 F au titre de commissions sur retour (échantillonnage commande Eurotoys),

- 178 943,90 F au titre de commissions sur retour (échantillonnage commande Montlaur),

- 8 000 F article 700.

La SA Vincent Aleman soutenant que la mise à la retraite n'est pas un licenciement a demandé au conseil de prud'hommes de débouter René Nal de ses demandes d'indemnité de clientèle, de le débouter aussi de ses demandes de commissions et de complément de congés payés.

Par décision du 19 juin 1990 le Conseil de prud'hommes d'Avignon a condamné la SA Vincent Aleman prise en la personne de son Président Directeur Général en exercice à verser à René Nal :

- 150 000 F à titre de provision sur l'indemnité de clientèle,

- pour le surplus a ordonné une expertise.

La SA Vincent Aleman a relevé appel de ce jugement et a demandé à la cour de dire et juger que la mise à la retraite à 65 ans de René Nal est intervenue dans le cadre de l'article L. 122-14-3 du Code du travail et qu'il ne s'agit pas d'un licenciement mais d'un mode spécifique de rupture établi par la loi de juillet 1987 ; débouter René Nal de sa demande d'indemnité de clientèle ; le débouter également de ses autres demandes ;

Subsidiairement maintenir l'expertise ordonnée mais modifier le mandat pour qu'il n'ait pas un sens interlocutoire ; le condamner à payer la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

René Nal a demandé à la cour de confirmer l'expertise ordonnée par le Conseil de prud'hommes d'Avignon, que soit confirmé ou déterminé le montant des rappels de cotisations sollicités ;

Dire qu'il est fondé à revendiquer le bénéfice des indemnités de clientèle égales à deux années de commissions, constater que le montant de cette indemnité de clientèle dépend de rappels de commissions par ailleurs sollicités ;

- surseoir à statuer sur le montant des taxes de cette indemnité de clientèle, mais condamner d'ores et déjà la SA Vincent Aleman à lui payer une somme de 250 000 F à titre de provision à valoir sur le montant de cette indemnité de clientèle et ce compte tenu de la somme de 58 500 F versée à l'origine par la société au titre des indemnités de départ à la retraite refusées par lui ;

- surseoir à statuer sur ses demandes afférentes au complément d'indemnité de clientèle, au complément d'indemnité de préavis, au complément de congés payés et au rappel de commissions, dans l'attente du résultat de l'expertise ;

- condamner d'ores et déjà la SA Vincent Aleman à lui payer une indemnité de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- condamner la société Vincent Aleman à faire l'avance des frais d'expertise ;

Sur ce

Sur la mise à la retraite

Attendu que la loi du 30 juillet 1987 définit en l'article L. 122-14-13 du Code du travail la mise à la retraite en ce qu'elle " s'entend par la possibilité donnée à l'entreprise de rompre le contrat de travail d'un salarié qui peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein, au sens du chapitre 1 du titre V du livre III du Code de la sécurité sociale et qui remplit les conditions d'ouverture à la pension de vieillesse ou si elles existent les conditions d'âge prévues par la Convention collective de mise à la retraite ne sont pas remplies, la rupture du contrat de travail par l'employeur constitue un licenciement " ;

Attendu que les VRP sont régis par les dispositions communes faisant de la mise à la retraite et de départ à la retraite un mode spécifique de cessation du contrat de travail;

Attendu qu'en l'espèce, René Nal a été mis à la retraite par son employeur en considération du fait qu'il avait atteint l'âge de 65 ans et qu'il pouvait donc bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein;

Qu'il ne s'agit donc nullement d'un licenciement mais d'une signification par l'employeur de la cessation du contrat de travail pour une raison spécifique prévue par la loi, la mise à la retraite;

Attendu que le jugement doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a analysé cette rupture comme imputable à l'employeur, en tirant de ce mode de raisonnement toutes conséquences de droit;

Sur les conséquences de la mise à la retraite

a) sur le préavis et congés payés

Attendu qu'il a été versé à René Nal qui était dispensé de l'exécution de son préavis, une indemnité basée sur 3 mois de rémunération ; que par application de l'article L. 122-8 alinéa 3 du Code du travail le préavis non effectué par suite d'une dispense de l'employeur est considéré comme temps de travail effectif ; qu'en conséquence la dispense par l'employeur de l'exécution du travail pendant le délai congé ne doit entraîner jusqu'à l'expiration de ce délai aucune diminution des salaires et avantages y compris l'indemnité de congés payés que le salarié aurait reçue s'il avait accompli son travail ;

Attendu que le compte sur les congés payés sur préavis étant contesté, il convient d'ordonner avant dire droit une expertise sur ce point ;

b) sur l'indemnité de clientèle

Attendu que René Nal demande que lui soit alloué une indemnité de clientèle ce en quoi s'oppose la SA Vincent Aleman ;

Attendu que la loi en son article L. 751-9 du Code du travail ouvre le droit à une indemnité de clientèle lorsque la rupture n'est pas imputable au VRP c'est-à-dire en cas de rupture par l'employeur d'un contrat à durée indéterminée sans qu'elle soit justifiée par la faute grave du représentant, en cas de rupture anticipée ou de cessation par la survenance du terme d'un contrat à durée déterminée sans que la faute grave du représentant puisse être invoquée, et en cas d'ITT du VRP entraînant la cessation du contrat de travail à durée indéterminée ;

Attendu que dans ces différents cas, et si l'employeur est assujetti à une convention ou accord collectif de travail, le VRP peut opter par une indemnité conventionnelle si elle lui est plus favorable ;

Attendu qu'en l'espèce, il convient de rappeler que René Nal a été mis à la retraite par application des dispositions de l'article L. 122-14-13 du Code du travail;

Que si la SA Vincent Aleman a mis fin au contrat de travail, il ne peut cependant pas être considéré que cette résiliation est véritablement le fait de l'employeur, mais simplement l'exécution par l'employeur d'un texte qui définit un mode spécifique de cessation du contrat;

Attendu que l'article L. 122-14-13 régit la mise à la retraite pour l'ensemble des salariés, y compris ceux appartenant à des catégories relevant d'un statut légal particulier en matière de licenciement ;

Attendu que ce mode de rupture n'est pas mentionné à l'article L. 751-9 du Code du travail; qu'en conséquence, il ne peut être ajouté à ce texte qui définit limitativement les conditions dans lesquelles l'indemnité de clientèle peut être allouée aux VRP;

Attendu qu'il convient donc de débouter René Nal de sa demande d'indemnité de clientèle, infirmant le jugement sur ce point;

Attendu qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 122-14-13 du Code du travail, tout salarié dont la mise à la retraite résulte d'une décision de l'employeur a droit, sous réserves des dispositions plus favorables en matière d'indemnité de départ à la retraite contenues dans une convention ou un accord collectif de travail ou un contrat de travail, au versement d'une indemnité de départ en retraite équivalente soit à l'indemnité de licenciement prévue par l'article 5 de l'accord du 10 décembre 1987 sur la mensualisation s'il remplit les conditions fixées pour en bénéficier, soit à l'indemnité minimum de licenciement prévue à l'article L. 122-9 du Code du travail ;

Attendu que René Nal ne peut donc bénéficier en application de ce texte que d'une indemnité de départ à la retraite, laquelle sera calculée devant expert et après explications des parties sur les éléments comptables.

Sur les diverses demandes de René Nal

Attendu que René Nal a formé diverses demandes notamment sur un reliquat de commandes " saisonnier ", de commandes passées sur " permanent " et diverses commissions ;

Que ces demandes sont contestées par la SA Vincent Aleman ;

Attendu que compte tenu des difficultés techniques présentées par l'étude chiffrée de ces demandes, la cour ne peut que confirmer la mesure d'expertise ordonnée par le conseil de prud'hommes ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de provision sollicitée ;

Sur l'article 700

Attendu qu'en l'état du dossier, il n'est pas équitable d'allouer à l'une ou à l'autre partie une somme quelconque au titre de l'article 700 ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, en matière prud'homale, contradictoirement et en dernier ressort ; Reçoit en la forme l'appel de la SA Vincent Aleman ; Le dit fondé ; Réforme la décision déférée en ce qu'elle a condamné la SA Vincent Aleman à payer à René Nal une somme de 150 000 F à titre de provision sur l'indemnité de clientèle ; Jugeant à nouveau, Déboute René Nal de sa demande d'indemnité de clientèle ; Avant dire droit sur les autres demandes ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a ordonné une expertise et confié ladite expertise à Monsieur Lemaire ; Jugeant cependant à nouveau sur l'étendue de la mission, dit que l'expert n'aura pas à calculer l'indemnité de clientèle mais qu'il devra entendre les parties sur le montant de l'indemnité de départ à la retraite et calculer celle-ci ; Renvoie les parties devant le conseil de prud'hommes pour qu'il soit statué après dépôt du rapport d'expertise ; Déboute René Nal de sa demande de provision ; Déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 ; Condamne René Nal aux dépens.