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Décisions

Cass. com., 22 octobre 2002, n° 00-19.700

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Union Ouvrière et Commerciale Rennaise (Sté), Union des Textiles Régionaux (Sté)

Défendeur :

Natalys (Sté), European Surprice (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Feuillard

Avocats :

SCP Richard, Mandelkern, Thomas-Raquin, Benabent, SCP Waquet, Farge, Hazan.

Rennes, 2e ch. com., du 21 juin 2000

21 juin 2000

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 21 juin 2000), qu'ayant fait constater la vente, au prix de 19,99 F, dans un magasin situé à Saint-Brieuc à l'enseigne Eurodif, d'un tee-shirt, porteur de sa marque et de son logo, faisant partie d'un ensemble vendu dans son catalogue au prix de 159 F, la société Natalys a fait assigner la société Union des Textiles Régionaux (UTR), exploitant l'enseigne Eurodif à Saint-Brieuc, en utilisation illicite de la marque et du logo, contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme ; que la société Union Ouvrière et Commerciale Rennaise (UOCR), centrale d'achat de la société UTR, est intervenue à l'instance volontairement ; que ces deux sociétés ont appelé en garantie les sociétés European Surprice, fabricant en sous-traitance des produits litigieux, et la société Exceltrade, pour le compte de laquelle ces produits avaient été fabriqués, cette dernière société étant le fournisseur habituel de la société Natalys ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que les sociétés UOCR et UTR font grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elles s'étaient rendues coupables d'usage illicite des marques Natalys, du logo Rhinocéros et du slogan " pour tout l'amour du monde ", constitutif de contrefaçon, d'avoir dit encore qu'elles se sont rendues coupables de concurrence déloyale et de les avoir en conséquence condamnées in solidum à payer à la société Natalys la somme de 120 000 F à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) que les sociétés UTR et UOCR soutenaient devant la cour d'appel qu'elles avaient été autorisées à commercialiser les produits litigieux par la société European Surprice, qui s'était à plusieurs reprises présentées à elles comme travaillant avec le fabriquant de la société Natalys, et qui leur avait expressément assuré que la commercialisation de ces produits en France ne faisait l'objet d'aucune restriction et qu'elle était habilitée à donner son accord à la commercialisation pour le compte du titulaire de la marque ; qu'en estimant néanmoins que les lots litigieux avaient été acquis irrégulièrement par la société UTR et UOCR sans rechercher si la société Natalys ne devait pas être réputée avoir donné son accord à leur commercialisation par son mandataire apparent, la société European Surprice, les sociétés UTR et UOCR pouvant légitimement croire que cette dernière disposait du pouvoir d'engager la société Natalys, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1382 et 1998 du Code civil, ensemble les articles L. 713-2, L. 713-4 et L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) que lorsqu'un produit fait l'objet d'une protection, la condamnation pour contrefaçon ne peut être assortie d'une condamnation pour concurrence déloyale que si, aux faits de contrefaçon spécialement condamnés par la loi, viennent s'ajouter d'autres faits dont le caractère abusif ou excessif résulte des principes généraux du droit ou des usages fondés sur des règles de probité commerciale ; qu'en se fondant néanmoins, pour condamner les sociétés UTR et UOCR, sur les seuls actes de commercialisation des produits litigieux dont l'existence avait déjà été invoquée pour caractériser les actes d'usage illicite de la marque, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que les sociétés UTR et UOCR ayant seulement invoqué devant la cour d'appel l'épuisement des droits de la société Natalys sur les produits litigieux pour en avoir autorisé la commercialisation par la société European Surprice et leur bonne foi, le grief tiré du défaut d'examen, par la cour d'appel, de la croyance légitime que ces mêmes sociétés auraient pu avoir dans le pouvoir de la société European Surprice d'autoriser au nom de la société Natalys la commercialisation des produits litigieux, est nouveau, mélangé de droit et de fait, et par suite irrecevable ; Qu'il suit de là que le moyen est irrecevable en sa première branche et non fondé en sa seconde branche ; Met la société Natalys hors de cause, sur sa demande, en ce qui concerne le second moyen ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter l'appel en garantie formé par les sociétés UOCR et UTR dirigée contre les sociétés Exceltrade et European Surprice, l'arrêt retient qu'une centrale d'achat de l'importance de la société UOCR est nécessairement informée de la législation sur les marques, se devait d'exiger d'European Surprice l'autorisation explicite de revente de la société Natalys titulaire des signes distinctifs, quetant la société UOCR que la société UTR qui connaissaient en professionnelles averties les dangers d'acquisition de lots de marchandises déclassées, à coût moindre, auprès d'un autre professionnel ont manqué de vigilance, qu'elles ne peuvent en conséquence à défaut de stipulation contractuelle être garanties par leur fournisseur ou le fabricant de leur propre négligence en relation avec l'éviction subie;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans se prononcer, comme il lui était demandé,sur les fautes imputées aux sociétés Exceltrade et European Surprice ayant pu concourir au dommage subi par la société Natalys et fixer la part contributive de ces sociétés à la réparation du préjudice pour laquelle les sociétés UOCR et UTR condamnées à la réparation de l'entier dommage exerçaient l'action récursoire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen : Casse et Annule, mais en seulement en ce qu'il a rejeté la demande formée par les sociétés Union Ouvrière et Commerciale Rennaise et Union des Textiles Régionaux, aux fins de voir les sociétés Exceltrade et European Surprice condamnées à la réparation du préjudice subi par la société Natalys, l'arrêt n° 99-03305 rendu le 21 juin 2000, entre les parties, par la Cour d'appel de Rennes ; Remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Caen.