CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 20 janvier 2000, n° 3344-96
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Casco Nobel France (SA)
Défendeur :
Collignon, Boiro Nobel (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Assie
Conseillers :
Mme Laporte, M. Fedou
Avoués :
SCP Bommart- Minault, SCP Merle & Carena-Doron
Avocats :
MesCouturier, Thomas.
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant contrat en date du 26 juin 1989, Monsieur Camille Collignon assigné avec la société Casco Nobel, un contrat d'agent commercial aux termes duquel il devait commercialiser pour le compte de cette société un procédé de bardages sous la dénomination "Rocarmur 4000" fabriqué par la société Pierisol, sur le territoire de la région lorraine, et plus particulièrement dans les départements suivants : 88, 54, 55 et 57.
Ce contrat fut conclu pour une durée déterminée d'un an renouvelable par tacite reconduction d'année en année.
Le 28 décembre 1990, la société Casco Nobel France et la société des établissements Boiraud devenue Boiro Nobel ont signé un contrat de cession de fonds de commerce portant sur l'activité " façade isolation par l'extérieur " au titre des marques cédées figuraient expressément la marque Rocarmur et plus précisément le produit Rocarmur 4000.
Par lettre recommandée du 25 avril 1991, la société Casco Nobel a signifié à Monsieur Collignon la résiliation de son contrat moyennant un préavis d'un mois.
Contestant la rupture de son contrat et estimant que celui-ci avait été repris par la société Boiro Nobel, Monsieur Camille Collignon a, par actes des 8 et 20 juillet 1992, fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Metz les sociétés Casco Nobel France et Boiro Nobel afin de les voir condamner solidairement à lui payer les sommes de:
- 250.000 F, à titre d'indemnité de rupture;
- 79.768 F, au titre d'une créance de commissions;
et afin de les voir condamner en outre à produire le marché et les factures se rapportant à divers chantiers. Par décision en date du 28 décembre 1993, le Tribunal de Grande Instance de Metz s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Commerce de Nanterre.
Par jugement en date du 05 décembre 1995, le Tribunal de Commerce de Nanterre a:
- condamné solidairement le SA Boiro Nobel et la SA Casco Nobel France à payer à Monsieur Collignon la somme de 250.000 F au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial;
- condamné solidairement la SA Boiro Nobel et la SA Casco Nobel France à payer à Monsieur Collignon la somme de 79.768 F H.T. au titre des commissions dues sur le chantier Bazeilles;
- enjoint aux défenderesses de produire le marché et les factures concernant le chantier du lycée Bazeilles, les factures de la société Andreoli, et réservé au demandeur son droit à chiffrer le montant de ses commissions:
- condamné solidairement les défenderesses à payer à Monsieur Collignon sur le chantier Les Provinces De Laxou, la somme de 69.421,49 F H.T. et celle de 135.399,37 F H.T., celle-ci portant intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation;
- dit que la SA Boiro Nobel est mal fondée en sa demande de mise hors de cause;
- condamné solidairement les défenderesses à payer à Monsieur Collignon la somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
- condamné solidairement les défenderesses aux dépens.
La SA Casco Nobel France a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt en date du 11 février 1999, la Cour de ce siège a:
- infirmé le jugement déféré, et statuant à nouveau,
- débouté Monsieur Collignon de sa demande de dommages-intérêts pour rupture d'un contrat d'agent commercial en ce qu'elle est dirigée contre la société Casco Nobel;
- constaté que Monsieur Collignon et la SA Boiro Nobel ont été, à la suite de la cession du fonds de commerce à celle-ci, liés par un contrat d'agent commercial reprenant les clauses du précédent;
- invité Monsieur Collignon et la société Boiro Nobel à conclure sur l'état de leurs relations contractuelles;
- débouté Monsieur Collignon de sa demande de commissions en cequ'elle concerne le chantier du lycée de Bazeilles;
- enjoint, sous astreinte de 5.000 F par mois, à la SA Casco Nobel, de verser aux débats le marché et les factures concernant la société Andreoli et le chantier des "Provinces" de Laxou, ainsi que tous éléments relatifs au paiement ou non paiement éventuels des factures;
En premier lieu, relativement à la demande adverse d'indemnité de rupture, tout en prenant acte de ce qu'en vertu de l'arrêt précité, Monsieur Collignon est définitivement débouté de sa demande d'indemnité de rupture en tant qu'elle est dirigée à l'encontre de la société Casco Nobel, celle-ci et la société Boiro Nobel qui est incidemment appelante du jugement déféré, relèvent qu'à défaut d'avoir fait figurer le contrat de Monsieur Collignon sur la liste des contrats repris par la société des Etablissements Boiraud les parties à l'acte de cession du 28 décembre 1990 ont entendu exclure le contrat d'agent commercial de l'intéressé du champ d'application de cette cession.
Les sociétés Casco Nobel et Boiro Nobel France maintiennent que Monsieur Collignon n'a jamais entretenu la moindre relation contractuelle avec la société Boiro Nobel qui ne le connaît pas, pour laquelle il n'a jamais travaillé et de laquelle il n'a jamais reçu la moindre commission.
Aussi demandent-elles à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de débouter la partie adverse de sa réclamation à titre d'indemnité de rupture en tant qu'elle est dirigée à leur encontre.
A titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que cette demande est justifiée dans son principe à l'égard de la société Boiro Nobel, les sociétés appelantes font observer que le contrat de Monsieur Collignon n'a duré que deux années, et que le département "Produits de Façade" ayant fait l'objet de la cession était déficitaire, ce qui devait conduire à la cessation définitive de cette activité au 31 décembre 1992.
Elles concluent que le préjudice allégué par l'intimé ne saurait justifier l'allocation à son profit d'une indemnité égale à 250.000 F.
En second lieu, relativement aux demandes adverses ayant trait aux commissions, la société Casco Nobel maintient que Monsieur Collignon ne saurait prétendre au versement de commissions au titre du chantier de Bazeilles dès lors qu'il s'agissait d'un chantier situé en dehors de son secteur contractuel, ce pourquoi la Cour a, à juste titre, débouté l'intimé de sa prétention de ce chef.
Concernant le chantier du client Andreoli, l'appelante fait observer que Monsieur Collignon a reconnu avoir été réglé de ce qui lui était dû dès lors qu'aux termes de son contrat il ne peut obtenir paiement de commissions sur des factures non réglées par le client.
Elle conteste l'allégation de l'intéressé suivant laquelle elle a commis une faute en continuant de livrer la société Andreoli sans avoir préalablement été réglée intégralement de ses factures en attente, dès lors que c'est en contrepartie de la signature d'un échéancier et de son début d'exécution qu'elle a accepté de reprendre ses livraisons au profit de ce client.
Elle relève que la même observation peut être faite en ce qui concerne le chantier des "Provinces" à Laxou, lequel a été commencé par la société PC Lor et repris par la société Bove, puisque:
- s'agissant de la société PC Lor, Monsieur Collignon reconnaît également avoir été réglé de ce qui lui était dû, c'est-à-dire de l'intégralité des commissions relatives aux factures réglées par cette société jusqu'à la date de son dépôt de bilan;
- aucune faute ne peut davantage lui être imputée pour n'avoir pas suivi sérieusement la santé financière de la société PC Lor, alors que, si elle n'avait pas poursuivi ses livraisons en faveur de celle-ci, la partie adverse n'aurait jamais eu la moindre chance de percevoir des commissions;
- s'agissant de la société Bove, l'intéressé a été réglé de la totalité des commissions sur les factures payées par cette société, et il ne saurait prétendre à un certain nombre de commissions complémentaires en produisant des commandes de cette société qui sont postérieures à la fin de son contrat et qui n'ont donc pas été passées par son intermédiaire;
- Monsieur Collignon ne saurait non plus bénéficier de commissions sur la base de simples prévisionnels, ou encore sur des commandes passées par la société Bove directement auprès de la société Pierisol, fabricant du produit, et donc sans que les sociétés appelantes soient intervenues en tant qu'intermédiaires.
Relevant en outre que l'intimé établissait lui-même ses relevés de commissions à partir desquelles il a été réglé de ce qui lui était dû par la société Casco Nobel, au titre de l'activité d'agent commercial exercée par lui pour le compte de cette société jusqu'à la date de la cession intervenue le 28 décembre 1990, les appelantes demandent à la cour de constater que Monsieur Collignon a été intégralement rempli de ses droits et de le débouter de ses réclamations liées à de prétendues commissions sur les chantiers Andreoli, PC Lor, Bove, bâtiment bas et Tour Vosges Opac.
De plus, ils sollicitent le rejet de la demande adverse de liquidation d'astreinte et la condamnation de Monsieur Collignon à leur payer la somme de 50.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
D'abord en ce qui concerne sa demande en paiement d'une indemnité de rupture, Monsieur Claude Collignon fait valoir que, dans son précédent arrêt, la cour a déjà jugé que a SA Boiro Nobel avait repris avec lui les relations contractuelles antérieurement suivies avec la SA Casco Nobel.
Dans ces conditions, il considère que la lettre du 25 avril 1991 par laquelle la SA Casco Nobel a cru devoir lui notifier la rupture de son contrat d'agent commercial est sans effet.
Il ajoute que son contrat s'étant ultérieurement poursuivi avec la société Boiro Nobel France, celle-ci ne saurait valablement justifier la rupture du contrat liant les parties en se prévalant de la cession intervenue le 28 décembre 1990.
En conséquence, il demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté le caractère abusif de la rupture intervenue, et de condamner la société Boiro Nobel à lui payer les sommes de:
- 15.000 F au titre du rachat des cinq trimestres manquants du fait qu'au cours des années 1991 et 1992, il n'a pu bénéficier que de trois trimestres de décompte de carrière au lieu de huit, en raison de ses faibles revenus pour la période considérée;
- 36.000 F, ou titre de sa décote de retraite;
- 250.000 F à titre d'indemnité de rupture, représentant la valeur dedeux années de commissions conformément à l'article 3 du décret du 23décembre 1958, lesdites sommes étant augmentées des intérêts de droit;
Ensuite en ce qui concerne la demande de commissions, Monsieur ClaudeCollignon explique, s'agissant du chantier de Bazeilles, que sonsecteur géographique dépendait du lieu d'installation du prescripteur.
Il relève que, dès lors que le maître d'œuvre du chantier deBazeilles était domicilié à Metz (57), le marché Bazeilles appartenaità son secteur de compétence, ce qui l'autorise à solliciter lerèglement des commissions qui lui sont dues au titre de ce marché.
Aussi demande-t-il à la Cour, en confirmant également de ce chef le jugement déféré, de condamner solidairement les sociétés Casco Nobel et Boiro Nobel, à lui payer la somme de 79.768 F H.T., outre intérêts de droit, correspondant au montant des commissions afférentes au chantier de Bazeilles.
S'agissant des marchés Andreoli et PC Lor, l'intimé, s'il ne conteste pas avoir été réglé des commissions qui lui étaient dues sur les sommes encaissées, fait toutefois grief aux appelantes d'avoir livré aux sociétés Andreoli et PC Lor le reliquat de leur commande, alors que celles-ci ne s'étaient pas intégralement acquittées de leur dette.
Estimant que cette faute est à l'origine du défaut de règlement des commissions auxquelles il pouvait prétendre, il demande à la Cour de condamner les sociétés Boiro Nobel et Casco Nobel solidairement à luipayer, en réparation de son préjudice, les sommes de:
- 19.429,84 F H.T. pour le marché Andreoli;
- 44.573,79 F LT. oour le marché PC LOR;
outre les intérêts de droit.
A titre subsidiaire s'il était jugé que cette faute n'est pas établie, il demande que les appelantes soient condamnées à lui régler, concernant le client Andreoli, la somme de 7.535,68 F correspondant aux commissions sur les montants perçus par la société Casco Nobel en application du plan d'apurement que celle-ci avait accepté.
Monsieur Claude Collignon ajoute qu'en ce qui concerne le chantier Bove, les sociétés Casco Nobel et Boiro Nobel n'ont pas déféré à l'injonction qui leur avait été faite par la Cour de produire les factures afférentes au chantier Les Provinces à Laxou, bien que ce chantier ait été intégralement réglé par la société Bove.
En conséquence, il demande à la Cour de liquider l'astreinte et de condamner solidairement les appelantes à lui régler les commissions qui lui sont dues sur le fondement des pièces qu'il verse aux débats, à savoir:
- 3.097,68 F H.T., pour le bâtiment Picardie;
- 144.877,95 F H.T., pour le bâtiment Champagne;
- 155.902,26 F H.T., pour le bâtiment Alsace, outre les intérêts de droit.
De plus, l'intimé demande à la Cour:
Sur le bâtiment "bas" construit après le 15 mai1991:
- de constater que les sociétés Boiro Nobel et Casco Nobel n'ont pas déféré à l'injonction de la Cour de verser aux débats les documents permettant de déterminer le montant des commissions dues à Monsieur Collignon;
- de les condamner en conséquence à payer à Monsieur Collignon lasomme de 10.000 F à titre forfaitaire, outre les intérêts de droit;
Subsidiairement,
- d'enjoindre aux sociétés Boiro Nobel et Casco Nobel de verser aux débats toutes pièces permettant de déterminer les commissions dues à Monsieur Collignon pour ce chantier et ce, sous astreinte de 5.000 F par jour de retard;
Sur la Tour Vosges Opac
- de condamner solidairement les défendeurs à payer à Monsieur Collignon la somme de 8.369,04 F H.T. outre les intérêts de droit, au titre des commissions qui lui sont dues pour cette opération;
Subsidiairement,
- d'enjoindre aux défendeurs de communiquer les pièces nécessaires àla détermination des commissions dues à Monsieur Collignon, et ce, sous astreinte de 5.000 F par jour de retard;
Sur la pièce n° 7 communiquée par la société Casco :
- de constater que les factures n° 84945 et 84944 ont été soustraites du décompte des commissions dues à Monsieur Collignon;
- de condamner en conséquence solidairement, les sociétés Boiro Nobelet Casco Nobel à lui payer la somme de 23.230,70 F à ce titre, outre les intérêts de droit;
- de condamner solidairement les sociétés Boiro Nobel et Casco Nobel à payer à Monsieur Collignon la somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et procédure dilatoire, ainsi que la somme de 31 .775 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
I - Sur les demandes liées à la rupture du contrat d'agent commercial
Considérant qu'aux termes de son précédent arrêt, la Cour a déjà jugé qu'en résiliant avec le préavis contractuellement prévu d'un mois, le contrat qui la liait à Monsieur Collignon à l'occasion de la cession de l'activité concernée par ledit contrat, la société Casco Nobel n'a pas commis de faute qui justifierait une indemnité;
Considérant qu'elle a également relevé que le contrat d'agent commercial conclu entre la SA Casco Nobel et Monsieur Collignon avait été repris par la société Boiro Nobel à l'occasion de la cession du fonds de commerce de la SA Casco Nobel à la SA Boiro Nobel;
Considérant qu'à cet égard, il doit être rappelé que la cession intervenue entre les deux sociétés a porté sur l'activité façade-isolation pour l'extérieur et particulièrement sur la marque Rocarmur 4000, que Monsieur Collignon avait contractuellement pour mission de préconiser;
Considérant qu'au surplus, il est établi par divers documents,(attestations de clients et de maître d'œuvre, factures) que l'intimé a, postérieurement à cet acte de cession et au courrier de résiliation adressé le 25 avril 1991 par la société Casco Nobel, continué d'assurer le suivi de chantiers sur lesquels il exerçait sa fonction de représentation;
Considérant qu'il s'ensuit que d'une part la rupture du contrat d'agent commercial dont la société Casco Nobel a pris l'initiative le 25 avril 1991 est demeurée sans effet sur le contrat repris par la société Boiro Nobel;
Considérant que, d'autre part, faute par elle de démontrer qu'elle amis fin à ce contrat dans les conditions éditées à l'article 4 du contrat d'agent commercial liant les parties (c'est-à-dire à l'expiration de l'année en cours si les objectifs négociés annuellement ne sont pas atteints), la société Boiro Nobel doit se voir imputer la responsabilité de la rupture;
Considérant qu'en application de l'article 3 du décret de 23 décembre 1958, la résiliation par le mandant si elle n'est pas justifiée par une faute du mandataire, ouvre droit, au profit de ce dernier, à une indemnité compensatrice du préjudice subi;
Considérant que dans l'appréciation de ce préjudice il convient de tenir compte du fait que Monsieur Collignon a exercé son activité d'agent commercial sur une période d'environ deux années pour le compte des sociétés Casco Nobel et Boiro Nobel, celles-ci ayant donc pu bénéficier de la clientèle apportée par l'intéressé au cours de la période concernée;
Considérant que la circonstance que le secteur d'activité repris suivant acte de cession du 28 décembre 1990 se soit révélé déficitaire n'est pas de nature à influer sur le montant de l'indemnisation à laquelle l'intimé est en droit de prétendre en réparation du préjudice qui lui a été causé du fait de la rupture de son contrat d'agent commercial;
Considérant que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité de rupture à la somme de 250.000 F représentant l'équivalent de deux années de commissions, ladite somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé dudit jugement;
Considérant que toutefois, en l'absence de preuve d'un lien de causalité entre les conditions de cette rupture et ses conséquences éventuellement dommageables sur le montant de se retraite, Monsieur Collignon doit être débouté de ses demandes en paiement des sommes de 15.000 F et de 36.000 F relatives respectivement à un rachat de cinq trimestres et à une décote de revenus;
II - Sur les demandes relatives aux commissions
Considérant qu'il résulte de l'article 3 du contrat d'agent commercial souscrit par lui que Monsieur Collignon ne pouvait prétendre à un commissionnement qu'après livraison de la marchandise commandée et paiement de la facture par le client;
Demande de commissionnement concernant le chantier de Bazeilles
Considérant qu'au vu des courriers échangés entre les parties, il apparaît que l'intéressé n'était en droit de percevoir des commissions que sur les produits commandés utilisés par des entreprises ayant leur siège social sur son secteur géographique; or considérant que tel n'était pas le cas du chantier du lycée de Bazeilles, dès lors que, ainsi que l'a déjà jugé la Cour dans son arrêt du 11 février 1999, le client à livrer pour ce chantier était l'entreprise Woimant ayant son siège à 02880 Crouy, donc hors secteur de Monsieur Collignon;
Considérant que celui-ci doit donc être débouté de sa demande de commissionnement concernant ledit chantier;
2. Demande de commissionnement concernant la société Andreoli
Considérant que, surinjonction tant du Tribunal que de la Cour, la société Casco Nobel a produit aux débats les factures adressées par elle à la société Andreoli;
Considérant qu'il n'est pas contesté que Monsieur Collignon a, suivant décompte en cote du 30 mai 1991, perçu l'intégralité des commissions auxquelles il pouvait prétendre sur les factures effectivement payées par la société Andreoli; considérant qu'il est établi par les documents produits aux débats que la société Andreoli, qui restait débitrice d'un certain nombre de factures dont elle ne s'était pas acquittée envers la société Casco Nobel a été mise en redressement judiciaire au mois de septembre 1990;
Considérant qu'il est également démontré que la société Casco Nobel a régulièrement déclaré sa créance le 07 novembre 1990 entre les mains de Maître Weber représentant des créanciers, pour un montant de 242.873,07 F;
Considérant qu'au soutien de sa demande de dommages-intérêts, Monsieur Collignon invoque le comportement fautif des sociétés Casco Nobel et Boiro Nobel lesquelles, en n'exigeant pas de leur client le règlement des factures préalablement à la poursuite des livraisons, l'ont privé du versement des commissions qui devaient lui revenir sur ces factures non encaissées;
Mais considérant que, d'une part, la preuve n'est nullement rapportée d'un engagement qu'aurait pris la société Casco Nobel, en vertu duquel celle-ci aurait subordonné la livraison du reliquat du chantier ou règlement par la société Andreoli des factures restant dues par elle;
Considérant d'autre part, qu'il ne peut être reproché à la société Casco Nobel d'avoir, compte-tenu des difficultés financières de la société Andreoli, accepté le 02 juin 1990 l'échéancier que lui proposait cette société dès lors qu'à la suite de l'accord intervenu sur les modalités de règlement la société Casco Nobel a obtenu le 20 juin 1990, versement d'une somme de 133.174,48 F sur laquelle Monsieur Collignon a pu être commissionné;
Considérant que rien ne permet d'affirmer que, sans ce protocole d'accord, la société Casco Nobel aurait obtenu le versement d'acomptes plus substantiels grâce auxquels l'intimé aurait pu percevoir un commissionnement plus avantageux pour lui; considérant qu'au surplus l'intéressé ne saurait prétendre, à titre subsidiaire, au versement de commissions calculées sur la base du plan d'apurement accepté par la société Casco Nobel dans le cadre de la procédure collective dont la société Andreoli a fait l'objet, dès lors qu'il apparaît que ce plan d'apurement est demeuré sans effet, ainsi qu'il ressort de la réponse faite en janvier 1994 par le représentant des créanciers dans les termes suivants: "aucun espoir de recouvrement en l'état";
Considérant qu'en l'absence de preuve que l'absence de versement de commissions sur les factures non acquittées par la société Andreo qui serait la conséquence d'une faute commise par les sociétés Casco Nobelet Boiro Nobel, il convient de débouter Monsieur Collignon de sa demande de dommages-intérêts à leur encontre;
3. Demande de commissionnement concernant le chantier des "Provinces"à Laxou
Considérant que ce chantier, commencé par la société PC Lor, a ultérieurement été repris par la société Bove;
a) s'agissant de la société PC Lor:
Considérant qu'il n'est pas contesté que Monsieur Collignon a perçu l'intégralité des commissions relatives aux factures réglées par la société PC Lor jusqu'au dépôt de bilan de celle-ci;
Considérant qu'il est également démontré que, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de la société P.C. Lor suivant jugement en date du 29 janvier 1991, la société Casco Nobel a, le 08 février 1991, déclaré sa créance entre les mains de Maître Weber, représentant des créanciers, à concurrence d'une somme de 557.172,35 F; considérant qu'au soutien de sa demande de dommages intérêts à l'encontre des sociétés appelantes, Monsieur Collignon fait valoir que celles-ci ont manqué à leurs obligations en s'abstenant de suivre très régulièrement les conditions de paiement et la situation financière de la société PC Lor;
Mais considérant qu'il résulte des documents produits aux débats, que cette société a continué de s'acquitter d'un certain nombre de factures dont elle était débitrice envers la société Casco Nobel, et ce, au cours des mois ayant précédé l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire dont elle a fait l'objet;
Considérant que rien n'autorise à conclure qu'une vigilance accrue de la part de la société Casco Nobel aurait permis à celle-ci de bénéficier de versements plus conséquents avant que la société PC Lor ne se trouve en situation de cessation de paiement;
Considérant qu'en l'absence de preuve d'un comportement fautif de la société Casco Nobel et de ses éventuelles répercussions sur le droit à commissionnement de Monsieur Collignon, celui-ci doit donc être débouté de ses demandes de dommages-intérêts au titre de ce premier client
b) S'agissant de la société Bove:
Considérant qu'il n'est pas contesté que Monsieur Collignon a perçu ses commissions au titre des factures émises par les sociétés Casco Nobel et Boiro Nobel jusqu'à la facture du 09 juillet 1991 n° 94385 incluse;
Considérant que, pour la période postérieure, allant du mois de juillet 1991 au mois de décembre 1992, la société Boiro Nobel a continué d'intervenir sur le chantier des "Provinces" à Laxou a insique le démontrent notamment les commandes qui lui ont été adressées les 10 septembre 1991 et 10 janvier 1992 par la société Bove ;considérant que, pour s'opposer au versement de commissions à Monsieur Collignon au titre de la période susvisée, la société Boiro Nobel fait valoir que les commandes revendiquées par lui n'ont pas été prises par son intermédiaire;
Mais considérant qu'il s'agit là de la part de cette société d'unesimple affirmation qui n'est pas corroborée par le moindre documentprobant;
Considérant que, tout au contraire, il ressort de divers écrits émanant de techniciens ayant suivi le déroulement des opérations d'isolation extérieure et de bardage sur ce chantier que seul Monsieur Collignon est intervenu pour la représentation du produit Rocarmur -4000, et que l'intimé a parfaitement rempli sa mission de coordinationentre la société Bove et la maîtrise d'œuvre ainsi qu'entre cette société et le fabricant, en l'occurrence la société Pierisol;
Considérant que, pour autant, Monsieur Collignon ne saurait se voir allouer des commissions déterminées à partir des "prévisionnels" qui lui étaient directement adressés par la société Bove, dès lors que ces prévisionnels ne correspondent pas nécessairement aux montants ultérieurement facturés à cette société;
Considérant que, pour cette raison, l'intimé doit être débouté de sa demande en paiement des sommes de:
- 3.097,68 F H.T. pour le bâtiment Picardie,
- 144.827,95 F H.T. pour le bâtiment Champagne,
- 1 55.902,26 F HT. pour le bâtiment Alsace, calculées sur une base non conforme à 'article 3 de son contrat d'agent commercial;considérant qu'au surplus, alors qu'il apparaît que, pour la période concernée, seule la société Boiro Nobel était en mesure de communiquer les documents qui eussent été nécessaires à l'établissement des comptes, force est de constater qu'en vertu du précédent arrêt de la Cour, seule la société Casco Nobel s'est vu enjoindre, sous astreinte de 5.000 F par mois, de verser aux débats les factures et tous autres éléments relatifs au paiement desdites factures se rapportant au chantier des "Provinces" à Laxou;
Considérant qu'il n'y a donc pas lieu à liquidation de l'astreinte à l'encontre des sociétés appelantes;
4. Demande de commissionnement pour e "bâtiment bas"
Considérant que Monsieur Collignon présente une demande spécifique de commissionnement concernant un "bâtiment bas" auquel il fait référence dans un courrier qu'il a adressé le 15 mai 1991 à la société Casco Nobel;
Considérant qu'à cet égard, les appelantes expliquent que ce bâtimént bas était en réalité l'un des bâtiments du chantier des "Provinces" à Laxou ;
Considérant que, dès lors que cette explication n'est pas sérieusement contredite par l'intimé, et dès lors, en outre qu'aucune facture distincte n'est produite aux débats au soutien de sa demande de commissionnement, Monsieur Collignon doit être également débouté de sa réclamation à ce titre;
5. Demande de commissionnement concernant la Tour Vosges Opac
Considérant que Monsieur Collignon fonde sa prétention sur une demande écrite de proposition de prix que la société Bove lui avait fait parvenir en date du 28 octobre 1991; considérant que toutefois, là encore, la présente réclamation n'est pas confortée par la moindre facture adressée par la société Boiro Nobel à la société Bove, ce qui, en application de l'article 3 du contrat liant les parties, ne permet pas à l'intéressé de bénéficier du versement de commissions pour ce chantier;
Considérant que l'intimé doit donc être débouté de sa demande de ce chef;
6. Demande de commissionnement sur la base de la pièce n° 7 communiquée par la société Casco Nobel ;
Considérant que Monsieur Collignon fait valoir qu'il résulte de cette pièce que les factures n° 84945 du 31 janvier 1991 et n° 84944 du 31 janvier 1991 ont été soustraites à tort du décompte des commissions lui restant dues;
Mais considérant que les documents produits aux débats ne permettent pas de déterminer si c'est ou non par suite d'une erreur de sa part que l'intéressé a, sur le décompte établi par lui le 04 mai 1991, procédé à l'annulation de ces deux factures;
Considérant que sa réclamation relative au paiement d'un complément de commissions de 23.230,70 F doit donc être également écartée;
III - Sur les demandes annexes
Considérant que, dès lors que les prétentions de Monsieur Collignon tendant au règlement de commissions ont été intégralement rejetées, la demande de dommages- intérêts pour résistance abusive formulée par lui à l'encontre des sociétés appelantes ne saurait prospérer; considérant que, dans la mesure où la procédure dont l'intimé a pris l'initiativen e revêt pas un caractère abusif, la demande de dommages-intérêts présentée à son encontre par les sociétés Casco Nobel et Boiro Nobel doit être écartée;
Considérant que l'équité commande d'allouer à Monsieur Collignon une indemnité de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en remboursement des frais, non compris dans les dépens exposés par lui tant en première instance qu'en appel;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable que les sociétés appelantes conservent la charge des frais non compris dans les dépens qu'ellesont dû exposer pour assurer leur défense;
Considérant que la société Boiro Nobel doit supporter la charge des entiers dépens de première instance et d'appel;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Vu l'arrêt rendu le 11 février 1999,- réforme partiellement le jugement déféré, Statuant à nouveau, - dit que postérieurement à la cession du fonds de commerce par le société Casco Nobel à le société Boiro Nobel, Monsieur Collignon et la SA Boiro Nobel ont été liés entre eux par un contrat d'agent commercial reprenant les clauses et conditions de celui souscrit le 26 juin 1 989- dit que la responsabilité de la rupture de ce contrat incombe à la SA Boiro Nobel; - condamne la SA Boiro Nobel à payer à Monsieur Claude Collignon la somme de 250.000 F à titre d'indemnité de rupture, Ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 05 décembre 1995, date du prononcé du jugement;- condamne en outre la société Boiro Nobel à payer à Monsieur Claude Collignon la somme de 20.000 F sur Le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés par l'intimé tant en première instance qu'en appel; -déboute les parties de leurs autres et plus amples demandes; -condamne la SA. Boiro Nobel aux entiers dépens de première instance et d'appel, et autorise le SCP Merle & Carena-Doron, Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau code de procédure civile.