CA Paris, 16e ch. A, 4 octobre 2000, n° 1999-03448
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
FBH Champigny (SCI)
Défendeur :
Atlas (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Duclaud
Conseillers :
Mmes Imbaud-Content, Cobert
Avoués :
Me Blin, SCP Varin-Petit
Avocats :
Mes Mary, Andrez.
LA COUR statue sur l'appel interjeté par la SCI FBH Champigny d'un jugement du Tribunal de grande instance de Créteil du 14 décembre 1998 qui a :
- dit que la société Atlas, concessionnaire Avis, loueur de véhicules, bénéficie du statut des baux commerciaux quant à la location des locaux sis 85/87 avenue du Général de Gaulle à Champigny-sur-Marne,
- débouté la SCI FBH-Champigny de l'intégralité de ses demandes principales tendant à la déchéance de la société Atlas du bénéfice du statut des baux commerciaux et à son expulsion,
- débouté la SCI FBH-Champigny de sa demande subsidiaire d'expertise aux fins de déplafonnement du loyer de ces locaux commerciaux,
- dit que le bail commercial des locaux du 85/87 avenue du Général de Gaulle à Champigny-sur- Marne est renouvelé à compter du 30 juin 1995 aux clauses et conditions du bail du 20 mars 1986,
- dit que le loyer est fixé au montant résultant de l'application au loyer plafonné de la variation de l'indice du coût de la construction,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la SCI FBH-Champigny à payer dix mille francs (10.000 francs) à la société Atlas au titre de l'article 700 du NCPC et à supporter les entiers dépens de la procédure.
Les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit.
La SCI FBH-Champigny faisait valoir en effet que la société Atlas, pour pouvoir prétendre au bénéfice du statut des baux commerciaux, et partant au droit de renouvellement, devait démontrer qu'elle est propriétaire d'un fonds de commerce et donc d'une clientèle qui lui soit propre. Or selon ladite SCI, la société Atlas, concessionnaire Avis, offrant à sa clientèle la location de véhicules aux tarifs et conditions définis par la Société Avis laquelle lui fournit en outre le matériel commercial et publicitaire, n'a aucune autonomie par rapport à la société Avis.
La société Atlas lui a notamment opposé le résultat d'une enquête qu'elle a faite auprès de sa clientèle qui, selon elle, "démontre que le droit au bail attire davantage la clientèle que la marque Avis".
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré qui a dit que la société Atlas remplissait les conditions pour bénéficier du statut des baux commerciaux.
La SCI FBH-Champigny, appelante, demande à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que la société Atlas ne peut prétendre au bénéfice des dispositions du décret du 30 septembre 1953 et par voie de conséquence, au droit au renouvellement du bail du 20 mars 1986,
- dire et juger que la société Atlas se trouve être sans droit ni titre sur les lieux loués,
- ordonner l'expulsion de la société Atlas et celle de tous occupants de son chef des lieux qu'elle occupe à Champigny-sur-Marne (94) - 85/87 avenue du Général de Gaulle, avec l'assistance de la force publique s'il y a lieu,
- ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux au moment de l'expulsion dans tel garde-meuble au choix du propriétaire et aux frais, risques et périls de la société Atlas,
- condamner la société Atlas à payer à la SCI FBH-Champigny une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 15.000 francs, charges en sus, à compter de la date d'effet du congé, soit le 30 juin 1995,
Subsidiairement,
- dire qu'il n'y a pas lieu à application de la règle du plafonnement,
- fixer à la somme de 168.000 francs par an le loyer en principal dû par la société Atlas pour un bail en renouvellement du 30 juin 1995,
Le cas échéant,
- désigner tel expert avec mission de donner son avis sur l'existence d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité et sur la valeur locative du local considéré,
- condamner la société Atlas à payer à la SCI FBH-Champigny une somme de 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'en tous les dépens d'instance et d'appel qui pourront être recouvrés par Maître Michel Blin, avoué à la Cour, dans les conditions de l'article 699 du
NCPC.
La société Atlas, intimée, invite la Cour à :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter la SCI FBH-Champigny de l'ensemble de ses prétentions fins et conclusions,
Ajoutant au jugement,
- condamner la SCI FBH-Champigny à payer à la société Atlas la somme de 30.000 francs au titre de l'article 700 du NCPC.
- condamner la SCI FBH-Champigny aux entiers dépens dont le montant pour ceux la concernant pourra être recouvré par la SCP Varin & Petit, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.
CECI ETANT EXPOSE, LA COUR
Considérant que la SCI FBH-Champigny, bailleresse, a assigné sa locataire, la société Atlas aux fins de voir juger que celle-ci ne peut prétendre au bénéfice des dispositions du décret du 30 septembre 1953 et au renouvellement du bail du 20 mars 1986 et ce, au motif, selon elle, que ladite société Atlas se limite à exploiter la marque de location de voitures Avis, donc la clientèle attachée à celle-ci, sans y apporter un élément personnel déterminant ; que partant, elle n'est pas propriétaire d'un fonds de commerce exploité dans les lieux loués
Considérant que le jugement déféré a retenu au contraire que l'enquête de la société Atlas menée sur 84 clients démontrait que près de la moitié de ceux-ci ne se déterminait pas par rapport à la marque Avis mais par rapport à l'emplacement du local commercial litigieux ; que le Tribunal a vu là la preuve que la clientèle attachée au fonds en tant que tel existe ; qu'il ajoute que cela corrobore le fait que l'achalandage visé comme élément du fonds de commerce dans l'acte de vente de ce fonds de commerce à la société Atlas correspond à un potentiel de commercialité attaché à ce secteur donné et distinct de la clientèle drainée par un élément d'attrait incorporel comme la marque Avis;
Considérant que la SCI FBH-Champigny, appelante, conteste l'interprétation de l'enquête donnée par le Tribunal, et, y voit au contraire la preuve de l'existence d'une clientèle exclusivement attachée à la marque Avis, à raison du fait que selon elle trois réponses au questionnaire de l'enquête sur quatre font apparaître la société Avis comme élément déterminant du choix de ladite clientèle
Mais considérant que le fonds de commerce est un ensemble d'éléments de nature à attirer la clientèle intéressée par le produit vendu ou la prestation offerte en vue de l'enrichissement de celui qui assume le risque d'une telle entreprise, c'est-à-dire celui de la perte des investissements qu'il a faits pour l'acquérir, la maintenir et la développer
Considérant que dans le cas d'une exploitation de fonds après signature d'un accord de franchise, il faut observer que la sanction d'une éventuelle perte de clientèle voire d'un insuccès total, frappe directement le franchisé, au point, le cas échéant, de mettre en péril l'existence de son fonds;
Que dans ce cas de figure, le franchiseur n'est atteint que de manière différée, et, de manière limitée dans le temps s'il est avisé, dans le cas d'une franchise afférente à la commercialisation de produits finis, et de manière plus atténuée encore, dans le cas d'une franchise portant sur des prestations de service, sauf quel que soit l'objet du contrat de franchise, dépôt de bilan du franchisé dont celui-ci est quand même la première victime
Qu'il faut voir là la preuve que la clientèle attachée au fonds est celle de celui-ci, laquelle est donc autonome par rapport à celle du franchiseur;
Considérant que cette constatation n'est pas en contradiction avec le fait qu'il y a interdépendance entre franchiseur et franchisé laquelle se traduit ainsi schématiquement
- sans fonds du franchisé, pas de création de clientèle pour le franchiseur et, sans franchiseur, pas de clientèle pour le franchisé
Considérant que la SCI FBH-Champignysoutient que dans le cas d'espèce, la société Atlas ne jouirait d'aucune indépendance à l'égard de la société Avis, laissant entendre que ladite SCI serait quasiment un gérant salarié de cette dernière.
Considérant que la société Atlas avance des arguments en sens contraire mais sans les étayer par des preuves
Considérant que si la société bailleresse a bien la charge de la preuve, force est de constater que la société Atlas n'a pas cru devoir déférer à sa sommation du 12 mai 2000 de communiquer "le contrat de licence de la marque ou de concession" la liant à la société Avis
Que la société Atlas s'est en effet bornée à produire une page photocopiée de ce document (pièce 9), ce qui n'est pas de nature à éclaircir le débat sur son contenu
Que la Cour ordonnera donc la réouverture des débats aux fins de voir la société Atlas verser cette pièce et les parties en discuter la portée au regard du présent litige
Considérant qu'il sera statué sur l'ensemble des demandes par l'arrêt à intervenir.
Par ces motifs : Avant dire droit au fond, Ordonne la réouverture des débats à l'audience du 13 juin 2001 à 14 h 00 aux fins de voir : 1°) la société Atlas produire la copie in extenso du contrat de concession la liant à la société Avis, 2°) les parties conclure à nouveau au vu de cet élément, Dit que la clôture interviendra le lundi 14 mai 2001 à 13 heures, Dit qu'il sera statué sur l'ensemble des demandes par l'arrêt à intervenir, Réserve les dépens.