CA Paris, 22e ch. A, 20 avril 1988, n° 30327-87
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Legros
Défendeur :
Société de Gestion Hôtelière Sigmatel - International Diamant et Cie (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Delmée
Conseillers :
MM. Boubli, Rippert
Avocats :
Mes Falco, Bettan.
Considérant que Madame Legros a relevé appel le 12 septembre 1986 du jugement du Conseil de prud'Hommes de Paris du 4 septembre 1986, qui lui a alloué soixante et onze mille neuf cent quatre vingt neuf francs (71 989 F) à titre d'indemnité de clause de non-concurrence et trois mille cinq cents francs (3 500 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile mais l'a déboutée du surplus de sa demande ; que la société " International Diamant et Cie " a relevé appel du même jugement le 7 octobre 1986 ; qu'il convient, en raison de leur connexité de joindre ces appels enregistrés sous un seul numéro de dossier à la cour ;
Considérant que Madame Legros fait valoir que chargée de contacter les clients pour investir dans le diamant, elle a réalisé de forts chiffres d'affaires de 1979 à juin 1981 mais que, par suite de la politique aboutissant à la suppression de l'anonymat, elle n'a plus réalisé de vente entre juillet et novembre 1981, ce dont l'employeur s'est emparé pour la licencier ; qu'un protocole est intervenu le 10 décembre 1981, l'employeur renonçant à la faute grave, et la salariée renonçant à invoquer le préavis dont elle demandait à être dispensée, et au bénéfice de l'indemnité de clientèle ; qu'elle a reçu quatre mille cent trente trois francs trente centimes (4 133,30 F) à titre de congés payés et a déclaré n'avoir plus rien à réclamer, mais que la transaction est nulle comme dénuée de concessions réciproques, et entachée d'un consentement ni libre ni donné en connaissance de cause ; que le licenciement lié à une baisse d'activité qui ne lui est pas imputable ne peut être fondé sur une faute grave et qu'en sa qualité de VRP elle est fondée à obtenir " l'indemnité de clientèle " ; qu'elle réclame, outre la confirmation du chef de l'indemnité de non-concurrence et de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- 520 902 F (cinq cent vingt mille neuf cent deux francs) à titre d'indemnité de clientèle, objet exclusif de son appel ;
Considérant que la société explique que l'accord transactionnel du 10 décembre 1981 est valable en sorte que les demandes sont irrecevables ; que la faute est caractérisée par une absence totale d'activité pendant plusieurs mois, que Mme Legros n'a fait aucun démarchage particulier, et n'a rien entrepris entre juillet et novembre 1981, sinon la visite de sept clients ; que dès lors la rupture était fondée, que l'indemnité de clientèle n'est pas due en l'absence de réunion des condition relatives et que l'indemnité de non-concurrence ne l'est pas davantage la salariée n'ayant pas le statut de VRP au sens de la convention collective ; qu'elle conclut au rejet des demandes, subsidiairement à voir réduire l'indemnité de clientèle à cinquante mille neuf cent trente deux francs trente centimes (50 932,30 F) dans le meilleur des cas, et à vingt cinq mille quatre cent soixante seize francs quinze centimes (25 476,15 F) si la rupture est retenue comme imputable à la salariée ;
Considérant que Madame Legros a été engagée en qualité de représentante par la société International Diamant et Cie aux droits de laquelle se trouve la société Gestion Hôtelière Sigmatelpour le secteur " département 75 " à effet du 8 octobre 1979 ; que la salariée s'obligeait à un chiffre d'affaire minimum de trois cent cinquante mille francs (350 000 F) par mois et que le contrat réservait à l'employeur une faculté de résiliation sans préavis ni indemnité si le chiffre n'était pas atteint pendant trois mois consécutifs ; que la prospection de Madame Legros a consisté essentiellement à solliciter les clients qui répondaient à une proposition d'information donnée par voie de presse aux particuliers désireux de faire des placements en diamants ; que toutefois ce mode de prospection n'était pas exclusif d'une prospection directe par recherche de clientèles ; que Madame Legros a réalisé des chiffres importants entre octobre 1979 et juin 1981 (environ vingt millions de francs) maisque les résultats ont été pratiquement nuls entre juillet et novembre 1981; qu'elle impute ce fait à la politique gouvernementale de taxation des pierres précieuses et relative à la disparition de l'anonymat ainsi qu'aux grands départs du mois d'août ; que toutefois la plupart des mesures de taxation inscrites dans la loi de finances pour 1982, n'étaient pas applicables à l'époque concernée ; que durant celle-ci Madame Legros n'a réalisé aucune vente, et surtout s'est abstenue de toute prospection; qu'elle ne justifie pas d'un travail effectif; qu'un certain nombre de personnes ont fourni des réponses aux bons diffusés par la société pendant la période litigieuse (environ une centaine)et que Madame Legros ne justifie que de sept rendez-vous; qu'elle n'a fait aucun effort particulier pour prospecter selon d'autre mode que celui résultant de l'utilisation de coupons, ni ne justifie avoir relancé et visité les clients qui ont déclaré n'avoir pas le téléphone; qu'en fait, pendant près de quatre mois elle s'est abstenue de tout travailet que le 1er décembre 1981, l'employeur a pris acte de la rupture en prononçant un licenciement pour faute grave ; que les parties se sont rapprochées et qu'un protocole a été signé le 10 décembre 1981 mettant fin au litige la société déclarant rompre le contrat et dispensant la salariée d'accomplir son préavis sans que celle-ci en réclame la contrepartie et la salariée renonçant à prétendre à une indemnité de clientèle ; que ce protocole faisait suite à une faute grave constatée auparavant et mettait fin au litige, la société renonçant à invoquer la faute grave et la salariée renonçant à toute demande ; que toutefois la renonciation de l'employeur à invoquer la faute grave plaçait la salariée dans la même situation que si la faute avait été retenue puisque l'intéressée n'a pas perçu d'indemnité de rupture, en sorte qu'en réalité le protocole a produit les mêmes effets qu'une rupture pour faute grave ; que dès lors si Madame Legros ne peut prétendre à l'indemnité de clientèle dont sa faute grave la prive, elle est fondée à réclamer l'indemnité de non-concurrence à laquelle elle n'a pu renoncer sans contrepartie; qu'à cet égard le contrat de travail lui conférait le statut de VRP en lui affectant un secteur et en l'astreignant à un démarchage dont l'employeur s'empare d'ailleurs pour invoquer la faute grave ; que l'article 17 de la Convention Collective des VRP institue une indemnité de non-concurrence sur la base du salaire moyen mensuel des douze derniers mois que Madame Legros fixe à dix sept mille neuf cent quatre vingt dix sept francs quarante et un centimes (17 997,41 F) ce qui n'est pas contesté ; qu'elle évalue l'indemnité sur douze mois à douze fois la contrepartie mensuelle égale à un tiers (1/3) du salaire selon la convention collective, soit soixante et onze mille neuf cent quatre vingt neuf francs (71 989 F) chiffre également non contesté ; que toutefois il convient d'opérer sur cette somme l'abattement pour frais professionnels et de réduire le montant obtenu de moitié conformément à la convention collective, puisque la rupture étant consécutive à une absence de travail, est imputable à la salariée; que celle-ci ne peut donc prétendre qu'à vingt cinq mille quatre cent soixante seize francs et quinze centimes (25 476,15 F) ;
Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement en ce qu'il a alloué à Madame Legros une somme de soixante et onze mille neuf cent quatre vingt neuf francs (71 989 F) à titre d'indemnité de clause de non-concurrence, et ramène le montant dû à la salariée à la somme de vingt cinq mille quatre cent soixante seize francs et quinze centimes (25 476,15 F) ; Condamne en tant que de besoin la société International Diamant et Cie à en verser le montant à Madame Legros avec intérêts au taux légal à compter de la demande ; Confirme le jugement pour le surplus ; Rejette toutes autres prétentions des parties ; Condamne la société Gestion Hôtelière Sigmatel aux dépens.