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Décisions

CA Aix-en-Provence, 17e ch. soc., 25 juin 1987, n° 84-00718

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Méditerranéenne des Cafés (Cie)

Défendeur :

Ametrano

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonvino

Conseillers :

Mmes Perrin, Garrigue

Avocats :

Mes Essner, Chollet.

Cons. prud'h. Marseille, sect. encadr., …

4 novembre 1983

I - Faits, procédure et moyens des parties

Dominique Ametrano, engagé le 21 janvier 1959 au service de la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés en qualité de représentant livreur, puis promu prospecteur le 21 avril 1966, a été licencié pour faute grave par lettre du 10 août 1982 et a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes et indemnités ;

Par jugement du 4 novembre 1983, le Conseil de prud'hommes de Marseille lui a reconnu la qualité de VRP et le droit aux indemnités de préavis et de clientèle et à la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence pour le calcul desquelles expertise a été ordonnée, mais a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Les deux parties ont relevé appel de cette décision ;

Le salarié soutient que l'employeur lui reproche à tort une prospection insuffisante le 21 juillet 1982, alors qu'il s'agit d'une période creuse pendant laquelle les détaillants ne passent pas de commandes, en raison de la fermeture annuelle ;

Il demande en conséquence à la cour de lui allouer :

- 18 808,07 F d'indemnité de préavis,

- 52 268,68 F d'indemnité de clientèle,

- 70 211,52 F de contrepartie de la clause de non-concurrence,

- 200 000 F de dommages et intérêts pour licenciement illégitime,

- 4 809,60 F de prime de réorganisation

La société conteste au salarié la qualité de VRP en se prévalant de la clause ducroire dont est assortie le contrat de travail, et en prétendant qu'il était vendeur au laissé sur place ;

Elle souligne par ailleurs que l'intéressé a négligé ses tâches, commettant ainsi une faute grave, mettant en péril l'entreprise et justifiant le licenciement ;

Elle conclut en conséquence au rejet de toutes ses prétentions ;

Le salarié réplique que la clause ducroire n'a jamais été appliquée, et que dès lors il n'a jamais effectué des opérations commerciales pour son compte ;

Motifs et décision de la cour

Sur la qualité de VRP :

Attendu qu'il résulte des articles L. 751-1 et suivants du Code du travail que bénéficie du statut de VRP toute personne physique, exerçant de façon constante et exclusive la représentation (même si elle assume d'autres activités accessoires pour le compte de son employeur), ne faisant aucune opération commerciale pour son compte personnel et étant liée à son employeur par des engagements qui déterminent l'objet de la représentation, le secteur concédé et la rémunération ;

Attendu qu'en l'espèce, il ressort du contrat souscrit le 21 janvier 1959 que le salarié était engagé à titre de représentant livreur, dans un secteur déterminé, avec mission de visiter la clientèle et de la livrer ; que ces livraisons étaient nécessairement la suite des commandes prises par le salarié, soit sur place, soit précédemment ;

Attendu que la promotion à la qualité de prospecteur n'a été suivie d'aucun avenant au contrat initial ; que le courrier échangé entre les parties démontre que l'intéressé a poursuivi la même activité en y ajoutant la formation et le contrôle des autres représentants qu'il accompagnait dans certaines tournées ;

Attendu que contrairement aux allégations de la société, l'activité de vente au laissé sur place n'exclut pas le bénéfice du statut puisqu'elle s'exerce pour le compte de l'employeur;

Attendu que par ailleurs il n'est pas établi que la clause ducroire, laquelle implique une rémunération spéciale pour le cautionnement donné par le salarié, ait en fait fonctionné;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que l'intéressé remplissait les conditions légales pour bénéficier du statut; qu'aussi bien, la société elle-même lui a reconnu ce statut en lui délivrant régulièrement l'attestation destinée à lui permettre d'obtenir la carte d'identité professionnelle de VRP ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a reconnu au salarié la qualité de représentant statutaire ;

Sur la rupture

Attendu que la société motive le licenciement par le fait que le 21 juillet 1982, le salarié en tournée avec un autre représentant, n'aurait livré que six clients et n'aurait prospecté aucun client nouveau ;

Mais attendu que le salarié fait valoir en défense avec pertinence que le mois de juillet est une période creuse, les établissements de détaillants étant soit fermés, soit sur le point de l'être, en raison des congés annuels ; que ce fait unique, énoncé à l'encontre d'un salarié totalisant 23 années d'ancienneté, n'apparaît pas suffisamment sérieux pour motiver un congédiement ; qu'il y a lieu des lors de reformer sur ce point le jugement critiqué ;

Attendu que le salarié justifie être resté au chômage depuis son licenciement ; que la cour estime posséder tous éléments suffisants d'appréciation pour évaluer son préjudice à la somme de 80 000 F ;

Attendu que la cour n'étant saisie en la présente instance que de l'appel contre le jugement du 4 novembre 1983, n'estime pas devoir évoquer en ce qui concerne les indemnités de préavis et de clientèle, et la contrepartie de la clause de non-concurrence, pour lesquelles une expertise a été ordonnée, et qui doivent être réservées à l'examen des premiers juges ;

Sur la prime de réorganisation

Attendu que cette prime n'est contestée ni en son principe ni en son montant par la société qu'il y a lieu de la condamner au règlement de cette prime ;

Sur les dépens

Attendu qu'ils incombent à la société reconnue débitrice ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort ; Confirme le jugement attaqué, en ce qu'il a reconnu à Dominique Ametrano la qualité de représentant statutaire ; Le réformant partiellement, Condamne la société Compagnie des Cafés à payer à Dominique Ametrano la somme de 80 000 F (quatre vingt mille francs) au titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, et celle de 4 809,60 F (quatre mille huit cent neuf francs et soixante centimes), à titre de prime de réorganisation ; Dit n'y avoir lieu à évocation en ce qui concerne les indemnités de préavis et de clientèle et la contrepartie de la clause de non-concurrence ; Condamne la société Compagnie Méditerranéenne des Cafés aux dépens.