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Décisions

CA Colmar, ch. soc. A, 30 mai 1996, n° 9401543

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bruckmann

Défendeur :

Heywang Industries (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Eschrich

Conseillers :

Mmes Sanvido, Beau

Avocats :

Mes Fritsch, Schartz.

Cons. prud'h. Molsheim, sect. encadr., d…

31 janvier 1994

Attendu que selon contrat du 3 janvier 1989 Michel Bruckmann a été engagé par la SA Heywang Industries à compter du 1er avril suivant, après un stage de formation de deux mois en qualité de " cadre technico-commercial export " moyennant une rémunération comportant un fixe mensuel brut de 11 500 F, une prime d'objectif et une commission dégressive sur le chiffre d'affaires réalisé par lui,

- que le 12 décembre 1991 son employeur lui a adressé une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ainsi libellée ;

" Suite à notre entretien du 4 décembre 1991, nous avons le regret de vous informer que nous avons décidé de procéder à votre licenciement.

Ce licenciement est motivé par des causes économiques, notre société étant dans l'obligation de se restructurer pour pallier à la perte d'exploitation importante annoncée pour l'exercice 1991.

Nous vous avons proposé lors de l'entretien préalable, une convention de conversion portant le n° 67 17 I 00996. Le dossier d'information et le formulaire d'adhésion et d'allocation vous ont également été remis. Vous avez un délai de 21 jours pour adhérer ou non à cette convention.

Dans le cas de non acceptation par vous de la proposition de convention de conversion, votre licenciement prendra effet le 14 avril 1992, compte tenu de votre préavis de 4 mois que nous vous demandons d'exécuter.

Finalement, nous vous informons que vous bénéficiez d'une priorité de réembauche durant un délai de un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail.

Pour bénéficier de cette priorité de réembauche, vous devez nous faire connaître dans un délai de 4 mois votre désir d'en user. "

qu'il a adhéré à la convention de conversion dans le délai imparti de sorte que la rupture de son contrat de travail est intervenu le 4 janvier 1992 d'un commun accord conformément a l'article L. 321-6 alinéa 3 et 4 du Code du travail,

qu'il a en conséquence perçu les indemnités visées audit article, savoir :

- 9 699 F au titre de l'indemnité de licenciement,

- 34 900,50 F brut au titre de l'indemnité compensatrice du préavis correspondant a la durée supérieure à deux mois,

qu'il a par ailleurs touché une allocation journalière de conversion en application des articles L. 322-3 et D. 322-1 du Code du travail,

que, soutenant qu'il a en réalité exercé les fonctions de représentant statutaire et qu'il n'a pas perçu l'intégralité de la rémunération convenue, il a saisi le 23 novembre 1992 le Conseil de prud'Hommes de Molsheim, section encadrement, d'une demande tendant a la condamnation de la société Heywang Industrie à lui payer :

- 151 191 F, soit, selon lui, l'équivalent de deux années de commissions, déduction faite de l'indemnité de licenciement, au titre de l'indemnité de clientèle,

- 4 967,60 F à titre des commissions impayées, y compris l'indemnité compensatrice de congés payés,

lesdites sommes augmentées des intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 1992,

- 14 232 F en application de l'article 700 du NCPC,

Attendu que par jugement contradictoire du 31 janvier 1994 ledit conseil, en formation de départage, considérant pour l'essentiel que, nonobstant la qualification professionnelle figurant dans le contrat de travail ayant lié les parties, Michel Bruckmann avait la qualité de représentant statutaire puisque sa mission était " de provoquer et de rechercher des commandes auprès d'une clientèle déterminée dans un secteur géographique donné " et que la SA Heywang Industries "ne conteste pas (qu'il) ait reçu et négocié des commandes de manière habituelle" mais que la rupture d'un commun accord des relations contractuelles en raison de son adhésion à la convention de conversion le prive de l'indemnité de clientèle, l'a débouté de sa demande en allocation d'une telle indemnité,

qu'il a en outre débouté le demandeur du surplus de ses prétentions et la défenderesse de sa demande reconventionnelle en restitution d'un prétendu trop perçu de commission ainsi qu'un paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du NCPC,

Attendu que le 21 mars 1994 Michel Bruckmann a régulièrement interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 2 mars 1994,

qu'il en sollicite l'infirmation en tant qu'il a débouté de sa demande en indemnité de clientèle et conclut à la condamnation de la SA Heywang Industries à lui payer de ce chef la somme de 151 191 F avec les intérêts au taux légal à compter de la demande,

qu'il met en outre en compte un montant de 5 000 F en application de l'article 700 du NCPC,

qu'il expose que " le fait (qu'il) ait accepté, après licenciement, une convention de conversion ne saurait en aucun cas être analysé comme une cessation de contrat d'un commun accord " et que " dès lors que le licenciement est opéré le droit au paiement de l'indemnité de clientèle prend naissance à moins qu'il n'y ait faute de la part du salarié ",

Attendu que la SA Heywang Industries conclut au rejet de l'appel et à la condamnation de Michel Bruckmann, outre aux dépens, à lui verser 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC,

qu'elle fait valoir, comme en première instance, que Michel Bruckmann n'avait pas la qualité de représentant statutaire, la rédaction de bons de commande n'étant, selon elle, " qu'une mesure d'exécution purement matérielle " qui ne saurait conférer cette qualité et qu'en tout état de cause l'intéressé ne peut prétendre à une indemnité de clientèle en raison de son acceptation de la convention de conversion qui a entraîné la rupture des relations contractuelles d'un commun accord ainsi que l'ont admis les premiers juges,

Sur ce,

Vu le dossier de la procédure et les pièces jointes,

Vu les mémoires des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé des faits et moyens,

Attendu, en premier lieu, que c'est par une exacte analyse des éléments de la cause et des motifs pertinents que les premiers juges ont décidé que Michel Bruckmann avait la qualité de représentant statutaire,

que l'intimé ne fait valoir aucun moyen, de fait on de droit, de nature à infirmer lesdits motifs,

Attendu, en deuxième lieu, que le licenciement d'un salarié qui a la faculté d'adhérer à une convention de conversion a un caractère conditionnel puisque l'usage de pareille faculté dans le délai imparti emporte, non plus le licenciement, mais la rupture du contrat de travail d'un commun accord, conformément a l'article L. 321-6 alinéa 3 du Code du travail,

que tel est le cas en l'espèce,

que, dès lors, l'appelant n' a pas droit à une indemnité de clientèle qui, selon l'article L. 751-9 du Code ci-dessus, n'est due, le cas échéant, qu'en cas de résiliation du contrat par le fait de l'employeur, ainsi que le conseil de prud'hommes l'a énoncé à juste titre,

Attendu, dans ces conditions, que l'appel sera rejeté,

Attendu que l'appelant qui succombe doit être condamné aux dépens de la présente instance,

qu'il est par ailleurs équitable d'allouer à l'intimé un montant de 3 000 F par application de l'article 700 du NCPC,

Par ces motifs et ceux adoptés des premiers juges ; LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Déclare l'appel régulier et recevable en la forme ; Au fond, ledit mal fondé, le rejette ; En conséquence, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Michel Bruckmann de sa demande en indemnité de clientèle ; Condamne Michel Bruckmann aux dépens de la présente instance et à payer à la SA Heywang Industries un montant de 3 000 F (trois mille) par application de l'article 700 du NCPC.