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Décisions

Ministre de l’Économie, 21 février 2002, n° ECOC0200275Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil du groupe Mann + Hummel

Ministre de l’Économie n° ECOC0200275Y

21 février 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maître,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 21 décembre 2001, vous avez notifié la prise de contrôle de l'activité relative aux " systèmes d'admission d'air et pièces techniques en plastique " pour automobiles de la société Solvay SA par le groupe Mann + Hummel.

Solvay SA est une société de droit belge, active dans les secteurs de la pharmacie, de la chimie et des matières plastiques. Le groupe Solvay a réalisé un chiffre d'affaires mondial de 8,86 milliards d'euros en 2000, dont 1,11 milliard d'euros en France ; en ce qui concerne l'activité cédée, le groupe a réalisé en 2000 un chiffre d'affaires mondial de [...] millions d'euros dont [...] millions d'euros en France.

Filterwerk Mann + Hummel Gmbh (" Mann + Hummel ") est une société de droit allemand active dans les secteurs de l'industrie automobile, des industries mécaniques et de la transformation des plastiques, notamment la fabrication et la commercialisation de systèmes de filtres. Le groupe a réalisé un chiffre d'affaires mondial de 949,3 millions d'euros en 2000, dont 49,8 millions d'euros en France.

Par accord en date du 19 novembre 2001, le groupe Mann + Hummel acquiert les actions formant le capital des filiales du groupe Solvay actives dans le secteur des " systèmes d'admission d'air et pièces techniques en plastique pour automobiles " situées en France, en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni, au Brésil ainsi que des actifs des filiales intervenant dans ce même secteur en Belgique et aux Etats-Unis. L'opération constitue donc une concentration, au sens de l'article L. 430-2 du Code de commerce, avant sa modification par la loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001. Cette acquisition a été réalisée le 31 janvier 2002.

L'opération n'étant pas contrôlable en termes de chiffre d'affaires, il convient de définir les marchés pertinents.

Les parties considèrent que l'opération concerne six marchés de produits, dans le secteur de l'équipement des véhicules de passagers et des véhicules commerciaux : trois marchés pour le circuit d'air : ceux des collecteurs d'admission d'air, des filtres à air, des conduits d'air;

un marché pour le circuit essence : celui des rampes d'alimentation des injecteurs;

un marché des couvercles moteur;

et un marché réunissant des réservoirs en plastique: réservoirs de liquide de freins, bouteilles lave-vitres, réservoirs de liquide pour direction assistée, réservoirs d'expansion.

La distinction des cinq premiers marchés effectuée par les parties est fondée sur la constatation selon laquelle il n'y a pas de substitution technique possible entre les différentes pièces, qu'elles soient un élément du circuit d'air ou du circuit essence ou qu'il s'agisse de couvercles moteur. Ces différents produits ont des fonctionnalités différentes, bien qu'ils soient complémentaires au sein du circuit et pourraient à ce titre relever du même marché.

Du point de vue de l'offre, ces différents produits n'apparaissent pas non plus substituables. La production de ces pièces suppose en effet la maîtrise de technologies avancées permettant de satisfaire les contraintes multiples de flux d'air, d'acoustique, d'étanchéité et d'obtenir une consommation de carburant et une puissance du moteur optimale. Or, à l'heure actuelle, aucun fabricant ne maîtrise l'ensemble de ces technologies (moulage par soufflage et par injection, moulage autour d'un cour de métal, intégration d'un calculateur électronique permettant de réguler les quantités d'air et d'essence entrant dans le moteur) et n'est en mesure d'offrir toutes les pièces d'un circuit.

En ce qui concerne les réservoirs en plastique, les parties font valoir qu'il existe une substituabilité du côté de l'offre. En effet, si chacun de ces réservoirs répond à un besoin spécifique, ceux-ci sont obtenus à partir des mêmes matières et reposent sur des procédés de fabrication identiques ou proches, ce qui pourrait permettre de les inclure ensemble dans un seul marché de produits. Dans la mesure où Mann + Hummel ne vend pas de réservoirs en plastique et que l'opération ne donne pas lieu à une addition de parts de marché dans ce secteur, il apparaît que l'analyse concurrentielle ne serait pas modifiée si l'on devait procéder à une segmentation plus fine des marchés. On retiendra donc, pour les besoins de l'analyse, un marché des réservoirs en plastique pour automobiles.

Conformément à la pratique constante de la Commission (1) et du ministre (2), il convient d'examiner si les marchés doivent être délimités en fonction des canaux de distribution, en distinguant, d'une part, des marchés de la première monte (OEM, Original Equipment Manufacturer) et des pièces de rechange distribuées par réseaux des constructeurs (OES, Original Equipment Services) et, d'autre part, des marchés regroupant les pièces de rechange distribuées par des réseaux de grande distribution ou de spécialistes de l'entretien de véhicules (IAM, Independant Aftermarket).

Concernant les collecteurs d'admission d'air, les conduits d'air, les rampes d'alimentation des injecteurs, les réservoirs en plastique et les couvercles moteurs, il n'y a pas lieu de s'interroger sur une éventuelle segmentation des marchés en fonction du canal de distribution. Il ressort, en effet, des réponses aux questionnaires adressés aux principaux clients et concurrents des parties que les produits dont il s'agit constituent quasi exclusivement des marchés de première monte, ces pièces n'étant pas des pièces d'usure. En outre, dans les cas exceptionnels de remplacement de ces pièces, on relève que cette opération est assurée par les OES, qui relèvent du même marché que les OEM.

En ce qui concerne le marché des filtres à air, la Commission, dans sa décision du 29 octobre 2001 concernant le secteur des filtres automobiles (3), a distingué un marché des filtres à air vendus sur l'IAM et un marché des filtres vendus aux OEM/OES. Cette analyse est confirmée par les clients et concurrents des parties.

Cependant, en l'espèce, et dans la mesure où l'opération aboutit à une addition minime de parts de marché dans le secteur de la vente de filtres à air, il n'y a pas lieu de procéder à une délimitation plus fine. Solvay a réalisé en 2000 [moins de 10] % des ventes de filtres à air en France, tous canaux de distribution confondus. On retiendra donc, pour les besoins de l'analyse, un marché des filtres à air automobiles sans distinguer en fonction du canal de distribution.

Au vu de ces éléments, il apparaît que la délimitation de six marchés de produits proposée par les parties peut être retenue pour les besoins de l'analyse, dans la mesure où, quelles que soient les délimitations finalement adoptées, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

Sur chacun des marchés ainsi définis, les parts cumulées détenues en France en 2000 par les sociétés Solvay et Mann + Hummel sont les suivantes : filtres à air : [10-20] % ([moins de 10] + [10-20])] ; conduits d'air : [30-40] % ([30-40] + [moins de 10])] ; collecteurs d'air : [40-50] (Solvay seul) ; rampes d'alimentation des injecteurs : [30-40] % (Solvay seul) ; réservoirs et bouteilles : [30-40] (Solvay seul).

Le seuil exprimé en parts de marché défini à l'article L. 430-1 du Code de commerce étant franchi, l'opération est contrôlable.

En ce qui concerne la dimension géographique des marchés, la Commission européenne et le ministre ont examiné à de nombreuses reprises des opérations dans le secteur de l'équipement automobile.

Ce secteur se caractérise habituellement par l'absence de barrières techniques ou douanières au commerce intracommunautaire et par le fait que les coûts de transport et la gestion des stocks en flux tendus ne font pas obstacle à une concurrence entre fournisseurs au niveau au moins européen, indépendamment de la localisation de leurs unités de production(4) . En outre, comme les constructeurs automobiles tendent de plus en plus à se fournir sur une base mondiale, la proximité de l'équipementier est un facteur moins déterminant dans le choix d'un fournisseur.

Le ministre et la Commission, lors de l'analyse de marchés de produits dans ce secteur, ont délimité des marchés de dimension " au moins communautaire " (5) en ce qui concerne l'OEM/OES.

Au cas d'espèce, le test de marché a également confirmé cette approche.

A l'issue de l'opération, les positions de la nouvelle entité seront les suivantes :

sur le marché européen des filtres à air, la société Mann + Hummel a une part de marché de [30-40] %, qui devient [30-40] % avec l'addition de la part de Solvay.

sur tous les autres marchés, les parts cumulées de Mann + Hummel et Solvay n'atteignent pas [10-20] % (conduits d'air : [10-20] % ; collecteurs d'air : [10-20] % ; couvercles moteur : [10-20] % ; rampes d'alimentation des injecteurs : [10-20] % ; réservoirs et bouteilles : [moins de 10] %).

Les deux sociétés sont plus souvent complémentaires que directement concurrentes. En effet, si Mann + Hummel jouit d'une forte position sur le marché des filtres à air, sa position est sensiblement inférieure sur ceux des couvercles moteur et des réservoirs et bouteilles. Enfin, les deux sociétés ont un poids équivalent, mais modeste, sur le seul marché des collecteurs d'admission d'air (respectivement [moins de 10] % et [moins de 10] %). Sur le plan horizontal, l'opération ne donne donc lieu à aucune addition substantielle de parts de marché.

Par cette opération, Mann + Hummel acquiert la technologie du soufflage de la société Solvay, ainsi que son savoir-faire dans le domaine de la transformation des matières plastiques et sa maîtrise des composants. Par ailleurs, l'opération lui permet d'étoffer sa gamme des pièces du circuit d'air, sans qu'elle parvienne cependant à la compléter totalement. Le nouveau groupe ne fabrique pas de boîtier papillon alors que certains concurrents en maîtrisent la technologie.

Compte tenu de la présence de Mann + Hummel sur plusieurs marchés connexes, il convient de vérifier si l'opération n'emporte pas des effets de gamme significatifs de nature à restreindre la concurrence sur les marchés concernés. Le test de marché a mis en relief le fait que nombre de concurrents ne possédaient que certaines parties de la gamme de pièces du circuit d'air. On peut ainsi noter que la société Mahle est uniquement présente sur le marché des filtres, alors que les sociétés Trelleborg, Marelli et Pierburg fabriquent des répartiteurs et des conduits d'air mais ne produisent pas de filtres.

Il apparaît toutefois, au regard du fonctionnement des marchés concernés par l'opération, que ce risque peut être écarté.

Tout d'abord, les concurrents transformateurs de plastique et équipementiers restent nombreux sur les marchés, de taille significative et, pour certains, adossés à de grands groupes. On peut ainsi citer, parmi les différents concurrents de la nouvelle entité, les groupes Bosch, Siemens, Mark IV ou Magnetti Marelli.

De plus, les clients, constructeurs de véhicules automobiles, sont concentrés et bénéficient, comme l'ont relevé la Commission et le ministre de l'économie et des finances lors des dernières opérations réalisées dans le secteur, d'un très fort pouvoir de négociation.

Ainsi, les procédures d'achat sont caractérisées par un système de référencement avec constitution d'un panel de fournisseurs agréés en fonction notamment de la faculté à répondre aux normes spécifiques adoptées par chaque constructeur. Cet agrément permet aux fournisseurs de postuler aux appels d'offres organisés par les constructeurs. De plus, les groupes de construction automobile achètent principalement les pièces directement auprès des fabricants et s'adressent dans une moindre mesure à des intégrateurs qui assemblent les différents éléments. La politique développée en la matière est caractérisée par la volonté de multiplier les fournisseurs afin notamment de garder la maîtrise du prix des pièces fournies.

On peut noter enfin que les fournisseurs de produits de base tels que le polyamide ou le polypropylène sont également des groupes puissants (Dupont de Nemours, BASF) et que la nouvelle entité ne représentera pas une part significative de leur chiffre d'affaires.

Il ressort de ces éléments que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante, sur les marchés concernés.

Je vous informe donc qu'il n'est pas dans mon intention de saisir le Conseil de la concurrence.

Je vous prie d'agréer, maître, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.

NOTE (S) :

(1) Voir, par exemple, IV/M.2036 - Valeo/Labinal.

(2) Voir, par exemple, lettre du ministre en date du 24 mars 2000 relative à une concentration dans le secteur des mécanismes de direction, BOCCRF du 22 juin 2000.

(3) Affaire n° COMP/M.2535 - du 29/10/01 - SOGEFI/Filtrauto.

(4) Affaires n° IV/M.1196 du 24 juin 1998 - Johnson Control/Becker et n° IV/M 1462 du 11 mars 1999 TRW/ Lucas Varity.

(5) Lettre du ministre en date du 28 octobre 1999 au conseil de la société SOGEFI relative à une concentration dans le secteur de l'équipement automobile, BOCCRF n° 1 du 31 janvier 2000 et lettre du 24 mars 2000 (BOCCRF du 22 juin 2000) précitée.