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Décisions

Ministre de l’Économie, 14 août 2002, n° ECOC0200332Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Marie Brizard et Roger International

Ministre de l’Économie n° ECOC0200332Y

14 août 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maître,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 12 juillet 2002, vous avez notifié l'acquisition par la société Marie Brizard et Roger International SA (" MBRI ") de l'intégralité des actions de la société Le Chais Beaucairois SAS (" LCB ").

MBRI est contrôlée par le fonds d'investissement Duke Street Capital II France, détenu lui-même par Duke Street Capital IV. MBRI est active dans le secteur des boissons en Europe, en tant que producteur et distributeur, directement ou par l'intermédiaire de ses filiales, et plus particulièrement dans les secteurs des boissons sans alcool, des spiritueux et, dans une moindre mesure, des vins.

LCB est détenu à 100 % par le groupe Casino. Il intervient essentiellement sur le marché des vins en tant qu'embouteilleur et distributeur, et, dans une moindre mesure, sur le marché des sirops. Il a pour principal client le groupe Casino, sa maison mère.

Les seuils exprimés en chiffres d'affaires mentionnés à l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis, et l'opération n'est pas de dimension communautaire. Cette concentration relève ainsi du contrôle national des concentrations.

Les parties considèrent que dans le secteur des boissons, il convient de distinguer les boissons alcoolisées/spiritueux hors vins, les vins et les boissons non alcoolisées.

1. Les boissons alcoolisées et spiritueux hors vins : les parties reprennent la pratique décisionnelle de la Commission pour considérer que chacune des principales catégories de boissons spiritueuses constitue un marché distinct (1). Elles considèrent de même que ces marchés sont de dimension nationale (2). Ainsi que la Commission l'a affirmé dans ces décisions, il convient dès lors de considérer que chaque catégorie de boissons spiritueuses (gin, whisky, vodka...) constitue un marché distinct, qui est de dimension nationale.

MBRI commercialise sur ce secteur l'anisette et les liqueurs " Marie Brizard ", le pastis " Berger ", le gin " Old Lady's " et le cognac " Gautier ". LCB est absent du marché des boissons alcoolisées et spiritueux et, par conséquent, il n'y a pas de chevauchement d'activité entre les deux entreprises.

2. Les vins : selon les parties, il convient d'opérer une distinction entre les vins dits " effervescents " (vins à bulles hors champagne) et " non effervescents " ou " tranquilles " et, au sein de cette dernière catégorie, de distinguer les vins de pays, les vins de table, les vins AOC (appellation d'origine contrôlée), les grands crus, etc. La distinction entre les vins tranquilles et les vins effervescents se justifierait pour plusieurs raisons : les habitudes de consommation et le mode de fabrication sont différents et les vins effervescents ne sont composés que de vins blancs alors que les vins tranquilles sont pour la plupart des vins rouges. Cependant, la question de la délimitation exacte du marché peut rester ouverte car, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées.

Les parties estiment que la définition géographique des marchés peut rester ouverte car l'opération n'aura pas d'effets sur le marché. En effet, ainsi que le soutiennent les parties, quel que soit le marché géographique retenu, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées.

Le secteur des vins tranquilles est le principal secteur d'activité de LCB contrairement à MBRI, qui n'y est quasiment pas présente. A l'inverse, LCB n'est pas présent sur le secteur des vins effervescents où MBRI commercialise en France des marques telles que " Grandin ", " Paul Bur " et " Pol Rémy ".

3. Les boissons non alcoolisées : les parties reprennent la segmentation effectuée par la Commission (3) et les autorités françaises de concurrence (4) pour distinguer entre les boissons rafraîchissantes sans alcool (BRSA) et les boissons gazeuses sans alcool (BGSA) et, au sein des BGSA, entre les boissons au goût de cola et les autres. Par ailleurs, elles distinguent les canaux de distribution (consommation à domicile et consommation hors foyer).

Dans le secteur des BRSA, MBRI produit et commercialise la marque de concentrés d'agrumes " Pulco " et la marque de sirops " Sport " ainsi que des sirops commercialisés sous marque de distributeur (MDD). LCB produit des sirops vendus sous la marque Casino exclusivement dans les enseignes de ce groupe. Il ne produit pas de concentrés d'agrumes.

Les parties estiment que les concentrés d'agrumes et les sirops appartiennent au marché des BRSA hors cola. Alternativement, les parties identifient trois marchés pertinents : le marché des concentrés d'agrumes, le marché des sirops et le marché amont de l'approvisionnement de la grande distribution en sirops.

Selon les parties, le concentré d'agrumes et les sirops appartiennent à deux marchés de produits différents. En effet, les usages des concentrés d'agrumes et des sirops sont différents : tandis que les sirops, qui sont sucrés, sont consommés exclusivement en long drink, les concentrés d'agrumes peuvent être consommés aussi bien en long drink que dans les préparations culinaires, au moins pour les saveurs citron, qui représentent plus de la moitié des ventes de la gamme. En effet, les concentrés d'agrumes sont plus acides, ce qui les rend aptes aux usages culinaires. Leur fabrication est aussi différente car si les concentrés d'agrumes sont fabriqués uniquement à base de concentré d'agrumes avec ajout de pulpe, les sirops le sont à base de jus de fruits avec des quantités très importantes de sucre. Concernant le prix, les concentrés d'agrumes sont beaucoup plus chers que les sirops.

MBRI produit et commercialise des concentrés d'agrumes sous la marque " Pulco ", des sirops sous la marque " Sport " et des sirops sous marque MDD pour les enseignes Leclerc et Ed/Aldi. LCB ne produit ni commercialise de concentrés d'agrumes et ne produit que des sirops MDD sous marque " Casino " qui sont exclusivement commercialisés dans les enseignes du groupe Casino. D'après les parties, il est important de souligner que les sirops MDD produits par MBRI et ceux produits par LCB n'entrent jamais en concurrence puisque leurs circuits de distribution sont exclusifs l'un de l'autre. Dès lors, l'opération n'aurait selon elles d'incidence que dans les enseignes du groupe Casino, où sont présents les sirops " Sport " produits par MBRI et les sirops sous MDD produits par LCB.

Même si ce dernier point apparaît contestable, la question de la délimitation des marchés pertinents dans le secteur des BRSA peut en tout état de cause être laissée ouverte car, quels que soient les marchés retenus, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

Les parties considèrent la possibilité d'un marché de l'approvisionnement de la grande distribution en sirops sous MDD, constitué par les fabricants de sirops susceptibles de produire pour les enseignes des sirops MDD, marché qui serait de dimension nationale (5). Cependant, dans la présente affaire, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur la délimitation de ce marché car, quel que soit le marché retenu, l'opération ne soulève pas de problèmes de concurrence.

En conclusion, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

(1) Cf. décision de la Commission M.938 - Guinness/Grand Metropolitan du 15 octobre 1997 et M.2268 - Pernod Ricard/Diageo/Seagram/Spirits du 19 janvier 2002.

(2) Cf. décision de la Commission M.938 - Guinness/Grand Metropolitan du 15 octobre 1997.

(3) Cf. décisions de la Commission M.2504 - Cadbury Schweppes/Pernod Ricard du 29 octobre 2001 et M.2276 - TCCC/Nestlé/JV du 27 septembre 2001.

(4) Cf. arrêté du 24 novembre 1999 TCCC/Pernod Ricard (Orangina), BOCCRF du 30 décembre 2000.

(5) Cf. décision de la Commission M.1684 - Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000.