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Décisions

CA Pau, ch. soc., 30 septembre 1988, n° 2745-88

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Laboratoires des Hautes Synergies (SARL)

Défendeur :

Darcel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dabansens

Conseillers :

MM. Le Cornec, Larque

Avocats :

Mes Cascio, Cabos Larroze.

Cons. prud'h. Tarbes, ch. soc., du 5 jui…

5 juin 1987

Vu le jugement contradictoire en date du 5 juin 1987 du Conseil de prud'hommes de Tarbes qui a condamné la société "Laboratoires des Hautes Synergies" à verser à M. Patrick Darcel :

- 5 404 F au titre des commissions dues

- 50 750 F à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans motif réel et sérieux,

- 87 000 F à titre d'indemnité de clientèle,

- 1 000 F à titre des frais irrépétibles, en vertu de l'art. 700 du nouveau Code de procédure civile,

condamné la société "Laboratoires des Hautes Synergies" aux entiers dépens.

Vu l'arrêt contradictoire rendu le 26 novembre 1987 par la chambre sociale de la cour d'appel de céans qui a :

déclaré recevables en la forme les appels principal et incident respectivement formés par les laboratoires des Hautes-Synergies et par M. Patrick Darcel, du jugement susvisé,

avant dire droit au fond sur ces appels, ordonné une expertise confiée à M. Jean-Marc Theveniaud, expert près la cour d'appel,

réservé les dépens.

Attendu que M. Theveniaud a rempli sa mission et déposé le 21 avril 1988 son rapport en date du 8 avril 1988.

Motifs de l'arrêt :

Attendu que la cour se réfère expressément au jugement déféré en ce qui concerne l'exposé des faits de la cause, de la procédure et les prétentions initiales des parties ;

Attendu qu'elle se réfère également expressément aux conclusions déposées devant elle, avant et après expertise, en ce qui concerne les prétentions et moyens des parties soutenus en cause d'appel ;

Attendu qu'il convient cependant de rappeler qu'au dernier état des conclusions des parties devant la cour :

I - M. Patrick Darcel demande :

- 87 176 F à titre de dommages-intérets pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 21 648 F à titre d'indemnité de préavis,

- 7 264,74 F pour non-respect de la procédure de licenciement,

- 28 864 F à titre de commissions sur échantillonnage (art. 10 du contrat),

- 1 536 F à titre de prime d'implantation nouveau produit kiwi

- 174 353 F à titre d'indemnité de clientèle,

- 8 000 F au titre des commissions sur le chiffre d'affaires de 1985,

- 7 302,34 F à titre de solde de congés payés pour 1985 et 1986,

- 5 000 F sur la base de l'art. 700 du nouveau Code de procédure civile

II - Les Laboratoires des Hautes Synergies sollicitent que :

leur soit alloué l'entier bénéfice de leurs précédentes écritures déposées avant expertise,

y ajoutant,

il soit constaté que la baisse de résultat alléguée à l'encontre du sieur Darcel se trouve confirmée par les constatations de l'expert Theveniaud,

il soit jugé qu'une simple stagnation des résultats du sieur Darcel aurait constitué un motif légitime et sérieux de licenciement,

il soit jugé que la baisse des résultats du sieur Darcel constituait à plus forte raison un motif légitime et sérieux de licenciement,

il soit jugé que le sieur Darcel, qui a continué à visiter la même clientèle de pharmaciens à la suite de son licenciement n'a donc subi aucun préjudice du fait dudit licenciement ; en conséquence juger infondée la demande d'indemnité de clientèle formée par le sieur Darcel,

il soit jugé encore que les produits actuellement proposés par le sieur Darcel à la même clientèle de pharmaciens, ont la même vocation que ses produits à elle,

il soit jugé qu'abstraction faite de leur conditionnement et de l'accent mis sur leur origine naturelle, ses produits ont la même vocation diététique, tonique ou dermatologique que les produits que le sieur Darcel continue de proposer, à la même clientèle,

il soit jugé en conséquence que le sieur Darcel ne subit aucun préjudice du fait de son licenciement et ne saurait en conséquence prétendre à l'allocation d'une quelconque indemnité de clientèle,

il lui soit donné acte de son acceptation de l'évaluation faite par l'expert à la page 10 de son rapport fixant à 19 387,27 F le solde des commissions pour 1985 sous réserve de son règlement en deux chèques,

soit jugée nulle et de nul effet la partie du rapport de M. Theveniaud se rapportant aux congés payés alors que l'expert n'avait aucune mission sur ce point et alors que ses constatations sont présentées sans que les parties aient pu en débattre contradictoirement,

soit jugée irrecevable comme formée pour la première fois en cause d'appel toute demande relative aux congés payés,

subsidiairement,

il soit jugé que la base de calcul d'une éventuelle indemnité de clientèle devrait tenir compte :

- de la clientèle apportée mais maintenue par le sieur Darcel,

- d'un abattement de 30 % au titre des frais professionnels,

- d'un abattement de 50 % pour tenir compte de l'impact publicitaire particulier de ce type de produits,

- d'un abattement de 80 % pour tenir compte du fait que le préjudice du sieur Darcel (à supposer qu'il y ait préjudice) se limite à la disparition d'un type de produits au sein de l'éventail de produits ayant le même but et que le sieur Darcel est toujours en mesure de proposer,

- il soit jugé que la base de calcul ainsi dégagée ne saurait être affectée d'un coefficient multiplicateur supérieur à 1,5, compte tenu de la baisse sensible et régulière de la clientèle du sieur Darcel.

Dans tous les cas,

il soit constaté que l'expert Theveniaud devait en premier lieu se prononcer sur la réalité des motifs allégués à l'appui du licenciement,

il soit jugé que la charge de cette preuve pesait de façon égale sur les deux parties,

il soit jugé que l'expert a confirmé la réalité et le sérieux de la baisse de résultats invoquée par elle,

il soit constaté par ailleurs que l'expert avait pour mission de se prononcer sur les conditions relatives au droit à indemnité de clientèle,

il soit jugé que la charge de ce second type de preuve pesait exclusivement sur M. Darcel,

il soit jugé en conséquence que l'expertise de M. Theveniau s'est avérée nécessaire du fait de la carence de M. Darcel sur ce point et en conséquence condamner celui-ci à supporter les dépens qu'il a rendus en tout ou en partie nécessaires.

Sur ce LA COUR

I - Sur la demande présentée par M. Patrick Darcel en paiement de 87 176 F de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Attendu qu'aux termes de la lettre à lui adressée le 24 juillet 1986, M. Patrick Darcel a été licencié pour insuffisance de résultats ; qu'au vu des pièces du dossier et notamment du rapport de l'expert, M. Theveniaud, il y a bien eu en 1986 diminution du chiffre d'affaires réalisé par le demandeur, encore que cette diminution soit difficilement appréciable ;

Attendu que M. Darcel prétend que les raisons de cette baisse résident dans la politique commerciale alors suivie par les Laboratoires des Hautes Synergies, politique qui rendait la réalisation des affaires plus difficile ; qu'en réalité, le motif de son licenciement n'est pas celui indiqué mais la "contraction massive" du réseau commercial opérée par l'employeur, qui a provoqué son licenciement et celui de certains de ses collègues, qui se sont trouvés "indésirables" dans le nouveau système ;

Attendu certes que l'employeur a établi un franco de port à 500 F en janvier 1986 ; que des modifications profondes du réseau commercial ont été mises en œuvre et que 14 VRP multicartes sur 23 sont partis entre janvier et octobre 1986;

Mais attendu que pendant la même période 9 VRP restaient attachés à l'entreprise ; que début 1987, 7 VRP étaient embauchés dont 3 subsistaient fin 1987 ; qu'au vu des éléments dont elle dispose, la cour considère qu'il n'est pas établi, comme l'affirme M. Darcel, alors que la baisse des résultats par lui obtenus en 1986 est réelle, que le motif indiqué pour le licencier soit un faux motif, partant que son licenciement ait été opéré sans cause réelle et sérieuse ; qu'il doit en conséquence être débouté de sa demande de dommages-intérêts.

II - Sur la demande présentée par M. Patrick Darcel en paiement de 7 264,74 F pour non-respect de la procédure de licenciement

Attendu qu'il est constant que le licenciement de M. Patrick Darcel n'a pas été précédé de l'entretien préalable prévu par l'art. L. 122-14 du Code du travail ; qu'aux termes de l'art. L. 122-l4-4 du même code, M. Darcel a droit de ce chef, au paiement de la somme de 7 216 F, montant de la moyenne sur un mois, de ses commissions des trois derniers mois (cf rapport M. Theveniaud, bas de la page 13)

III - Sur la demande présentée par M. Patrick Darcel en paiement de 21 648 F (soit 7 216 F x 3) à titre d'indemnité de préavis

Attendu qu'au vu des pièces du dossier et notamment de la lettre de licenciement du 24.7.86 il est certain que M. Patrick Darcel a été dispensé d'exécuter son préavis ; que son employeur prétend qu'il l'a bien effectué puisqu'il a passé des commandes pendant ce préavis, sur lesquelles il a d'ailleurs été commissionné ;

Attendu qu'en réalité fin juillet et début août l986, M. Darcel s'est contenté de faire parvenir à son employeur quelques commandes que les clients lui avaient transmises ; que la cour considère qu'on ne peut assimiler cette situation à l'exécution par M. Darcel de son préavis ; qu'il a donc droit comme il le réclame, au paiement de la somme susvisée de 21 648 F à titre d'indemnité de préavis ;

IV - Sur la demande présentée par M. Patrick Darcel en paiement de la somme de 1 536 F à titre de prime d'implantation, nouveau produit kiwi ;

Attendu que le principe du droit de M. Darcel à cette prime n'est pas discuté ; qu'il soutient que cette prime ne lui a jamais été payée ;

Attendu que l'employeur prétend que cette prime a été allouée en équivalence-cadeau ; qu'il ajoute que M. Darcel n'ayant pas formulé de réclamation immédiate, son silence pendant plusieurs mois constitue la preuve du règlement de cette prime ;

Mais attendu qu'il résulte des investigations de l'expert que M. Darcel a réclamé le paiement litigieux à plusieurs reprises et qu'aucune preuve de ce paiement n'a pu être retrouvée ; que le demandeur a donc droit au paiement de cette somme ;

V - Sur la demande présentée par M. Patrick Darcel en paiement de la somme de 7 302,34 F à titre de solde de congés payés pour 1985 et 1986 ;

Attendu que M. Patrick Darcel n'a rien demandé à ce titre, ni devant les premiers juges, ni devant la cour, antérieurement à l'arrêt avant dire droit du 26 novembre 1987 ; qu'il ne l'a fait que dans ses conclusions après enquête, M. Theveniaud ayant écrit dans son rapport que cette somme lui était due, alors d'ailleurs qu'il n'avait pas été chargé d'examiner ce point ;

Attendu qu'à ce sujet, M. Darcel se contente de reprendre l'affirmation de l'expert ;

Attendu que l'employeur affirme que "les parties sont donc convenues de maintenir les commissions sur les commandes directes (qui sont passées en dehors de M. Darcel) et de tenir compte des commandes indirectes par voie d'indemnité ; que c'est pour cette raison que M. Darcel n'avait formé aucune demande du chef des congés payés ;

Attendu que la cour considère, au vu de ce qui précède et notamment parce que M. Darcel ne conteste pas les affirmations vues ci-dessus de son employeur, qu'il ne lui est rien dû au titre des congés payés et qu'il doit en conséquence être débouté de sa demande présentée de ce chef ;

VI - Sur la demande présentée par M. Patrick Darcel en paiement de 8 000 F à titre de commissions sur le chiffre d'affaires ;

Attendu qu'il apparaît des pièces du dossier, que les parties se sont, à cet égard, rapprochées ; que compte tenu de leurs positions, il convient de :

- leur donner acte de leur accord sur la fixation à la somme de 19 387,27 F du solde des commissions restant dues à M. Darcel au moment de son licenciement pour son activité sur l'exercice 1986 ;

- donner acte aux Laboratoires des Hautes Synergies de leur accord pour régler la somme de 8 000 F à la condition que le chèque litigieux en cours de vérification, réellement encaissé par M. Darcel, apparaisse d'un montant de 3 387,27 F et non pas d'un montant de 11 387,27 F ;

- donner acte à M. Patrick Darcel de son accord sur ce point.

VII - Sur la demande présentée par M. Patrick Darcel en paiement de 28 864 F à titre de commissions sur échantillonnage ;

Attendu que cette demande est fondée sur l'art. 10 du contrat qui dispose "En cas de résiliation du présent contrat pour quelque cause que ce soit, M. Darcel aura droit, dans les conditions prévues au paragraphe "rémunérations" aux commissions sur toutes les commandes et marchés passés avant la date de résiliation, quelle que soit leur date de livraison, ainsi que dans les mêmes conditions, selon l'art. 29 N du livre 1er du Code du travail, aux commissions sur les affaires provenant de la clientèle de son secteur pendant 3 mois (ou 6 mois) après son départ des sociétés" ;

Attendu que les Laboratoires des Hautes Synergies s'opposent à cette demande, au prétexte, sans autre précision, "que le demandeur ne prouve pas, alors que la charge de cette preuve lui incombe, qu'il ait rempli les conditions de l'art. 29 du livre I du Code du travail";

Mais attendu que la cour constate que l'employeur ne conteste pas que M. Darcel a été, pour les mois d'août et septembre 1986, postérieurs à son licenciement intervenu le 24 juillet précédent, rempli des droits qu'il tire de l'art. 10 de son contrat susvisé ; qu'il convient d'en conclure que l'employeur a reconnu le bien fondé de la demande présentée ;

Attendu par ailleurs que l'employeur ne discute pas le montant de la somme demandée qui a été calculée sur la base de la moyenne mensuelle des droits à commissions de M. Darcel sur ses trois derniers mois d'activité, soit 7 216 F ;

Attendu qu'il convient en définitive de faire droit au chef de demande réclamé dans le présent paragraphe.

VIII - Sur la demande présentée par M. Patrick Darcel en paiement de la somme de 174 353 F à titre d'indemnité de clientèle ;

Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et notamment du rapport de l'expert M. Theveniaud que la clientèle a été en très grande partie créée par M. Darcel ;

Attendu que l'employeur reconnaît que celui-ci a créé 259 clients, même si c'est, selon lui, grâce aux efforts publicitaires; qu'il prétend que M. Darcel n'a pas subi de préjudice à la suite de son licenciement, car il a, dit-il, continué à visiter la même clientèle de pharmaciens, au titre de ses autres représentations;

Mais attendu qu'il résulte des vérifications de l'expert que les produits distribués par M. Darcel au titre de ses autres cartes n'ont rien à voir avec les produits des Laboratoires des Hautes Synergies; que le préjudice du demandeur est donc incontestable puisqu'il est privé pour l'avenir de la faculté de visiter ladite clientèle pour lui proposer des produits de son ex-employeur;

Attendu que la cour considère, au vu des pièces du dossier et notamment du chiffre d'affaires réalisé par M. Darcel en 1984-1985-1986 pour les Laboratoires des Hautes Synergies sur la clientèle par lui créée, tel qu'il résulte du rapport de l'expert M. Theveniaud (cf page 16) qu'il convient d'allouer à M. Darcel, en réparation de son préjudice, une somme de 130 000 F ;

Attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge des Laboratoires des Hautes Synergies les sommes par eux exposées, non comprises dans les dépens ; qu'ils seront donc déboutés de leur demande présentée sur le fondement de l'art. 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu par contre qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. Patrick Darcel, les sommes par lui exposées non comprises dans les dépens ; qu'il lui sera donc alloué en application dudit article 700, en sus de celle de 1 000 F à lui accordée au même titre par les premiers juges, une somme de 2 000 F ;

Attendu que M. Darcel réussissant pour l'essentiel en son action en justice, les Laboratoires des Hautes Synergies supporteront les dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort, Vidant son arrêt avant dire droit en date du 26 novembre 1987, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné les Laboratoires des Hautes Synergies : - à payer à M. Patrick Darcel la somme de 1 000 F au titre de l'art. 700 du nouveau Code de procédure civile, - aux entiers dépens. Le réformant pour le surplus et y ajoutant, Condamne les Laboratoires des Hautes Synergies à payer à M. Patrick Darcel : - 7 216 F pour non respect de la procédure de licenciement, - 21 648 F à titre d'indemnité de préavis, - 1 536 F à titre de prime d'implantation, nouveau produit kiwi, - 28 864 F à titre de commissions sur échantillonnage, - 130 000 F à titre d'indemnité de clientèle, - 2 000 F sur le fondement de l'art. 700 du nouveau Code de procédure civile, Donne acte aux parties de leur accord sur la fixation à la somme de 19 387,27 F du solde des commissions restant dues à M. Patrick Darcel au moment de son licenciement, pour son activité sur l'exercice 1986, Donne acte aux Laboratoires des Hautes Synergies de leur accord pour régler la somme de 8 000 F à la condition que le chèque litigieux en cours de vérification, réellement encaissé par M. Patrick Darcel, apparaisse d'un montant de 3 387,27 F et non pas d'un montant de 11 387,27 F ; Donne acte à M. Patrick Darcel de son accord sur ce point, Déboute M. Patrick Darcel de ses demandes ; a) en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, b) en paiement de 7 302,34 F à titre de solde de congés 1985 et 1986, Déboute les Laboratoires des Hautes Synergies de leur demande présentée sur le fondement de l'art. 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne les Laboratoires des Hautes Synergies aux dépens d'appel.